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dimanche, 18 octobre 2015

La pratique de la prière intérieure pour conduire l’âme à l’union avec Dieu

Méthode de l’oraison et de la contemplation mystique

selon

Louis-Claude de Saint-Martin 

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« La prière est une échelle

avec laquelle on peut s'élever jusque dans le ciel des cieux. »

(Louis-Claude de Saint-Martin, Pensées).

 

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Conservons ainsi en permanence en mémoire que la voie de la « prière intérieure », comme l’enseigne le Philosophe Inconnu, est une voie secrète où règnent le silence et la lumière, elle est la « voie » par excellence de la rencontre avec le divin ; celle, surtout, qui nous rend « le frère, la sœur et lamère » (Marc III, 35) du Réparateur, elle est, en raison de son caractère éminent dans l’œuvre divine, le « vrai culte d’adoration agréable à Dieu ». [1]

La prière est donc bien, en réalité, comme l’affirma à de nombreuses reprises et à juste titre Saint-Martin, qui voyait d’ailleurs en cela son grand secret, la sublime et effective opération qui permet l’éclosion, en notre interne, de la pure essence indéfinissable, de la subtile «Présence» qui est le trésor de l’esprit, celle qui donne, dans les abyssales profondeurs de notre cœur, pour notre plus grande joie et inexprimable transformation, naissance au Verbe, à « Celui » sans lequel toute vie est vaine - « la Lumière vraie qui éclaire tout homme venant dans le monde. » (Jean, I, 9).

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La prière est la sublime et effective opération

qui permet l’éclosion, en notre interne,

de la pure essence de la subtile «Présence».

 

I.Nécessité de l’oraison intérieure

L'oraison – ou la prière intérieure, dite encore « prière du cœur » selon la terminologie de la tradition mystique -, pour Saint-Martin, consiste beaucoup moins à prier Dieu, qu'à laisser Dieu prier en nous. La véritable originalité de la prière saint-martiniste se situe dans cette profonde et radicale modification du point de vue, ce « décentrement », qui ne dirige plus son attention sur ce que l'homme fait, ou ne fait pas dans sa prière, sachant que l'oraison de recueillement des mystiques participe plus de la passivité que de l'agir, mais de ce que, précisément, Dieu fait dans le cœur de l'homme. À ce titre, on pourrait dire, en langage théologique, que l'oraison saint-martiniste est une « oraison infuse »  [2], dans laquelle et par laquelle, c'est Dieu lui-même qui est l'agent direct de la prière, le véritable agent de l'activité priante. Cela nous est confirmé à de nombreuses occasions par Saint-Martin dans ses écrits, et il en fait, sans aucun doute possible, la clé fondamentale de ce qu'il entend par le mot de « prière » : « La seule prière que nous aurions à faire ce serait de travailler continuellement à ne pas empêcher de prier en nous celui qui ne peut cesser de prier pour nous, soit en nous, soit hors de nous. Car c'est en nous qu'il aime le mieux prier, puisque nous sommes son oratoire, mais quand nous ne lui laissons pas l'accès libre, il va prier hors de nous et il emporte sa paix avec lui. » (Portrait, 635).

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« La seule prière que nous aurions à faire

ce serait de travailler continuellement

à ne pas empêcher de prier en nous Celui

qui ne peut cesser de prier pour nous,

 soit en nous, soit hors de nous…. » 

(L.-C. de Saint-Martin, Portrait, 635).

 

Saint-Martin précise, pour que nous y soyons attentifs : « Si la nature est comme l'initiation de toutes les vérités, la prière en est comme la consommation, parce qu'elle les renferme en elle. Et pourquoi  renferme-t-elle en elle toutes les religions ? C'est qu'elle imbibe notre âme de ce charme sacré, de ce magisme divin qui est la vie secrète de tous les êtres ... » [3] Plus loin, il rajoute : « La prière est une végétation, car elle n'est que le développement laborieux, progressif et continuel de toutes les puissances et de toutes les propriétés divines-spirituelles et naturelles, temporelles, corporelles, glorieuses de l'homme, qui ont toutes été réservées et ensevelies par le péché.» [4]

Le Philosophe Inconnu nous donne d’entrevoir qu'il est de la plus haute importance d’unir, en nous, « cœur et esprit », afin qu'ils puissent collaborer, l'un et l'autre, à nous disposer à la réception de la grâce divine. Il va même jusqu'à employer une très belle image évangélique, image qui fait référence à une promesse du Christ, lorsque le Réparateur indiqua qu'il serait éternellement présent au milieu de ceux qui seront assemblés en son « Nom » (Matthieu XVIII, 20), pour donner plus de force évocatrice à son instructif discours : « La prière est la principale religion de l'homme, parce que c'est elle qui relie notre cœur à notre esprit ; et ce n'est que parce que notre cœur et notre esprit ne sont pas liés que nous commettons tant d'imprudences, et que nous vivons au milieu de tant de ténèbres et de tant d'illusions.» [5] 

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« La prière est la principale religion de l'homme,

parce que c'est elle qui relie notre cœur à notre esprit ;

et ce n'est que parce que notre cœur et notre esprit ne sont pas liés

que nous commettons tant d'imprudences,

et que nous vivons au milieu de tant de ténèbres et de tant d'illusions… » 

(L.-C. de Saint-Martin, La Prière).

 

II. L’âme est le vrai Ciel

Dieu vit en nous, caché dans l’invisibilité du cœur ; Le Verbe s’est fait chair pour, avec le Père et l’Esprit, être vivant en nous, en notre âme et nous permettre de vivre avec lui de la vie divine : « Vous n’êtes pas dans la chair mais dans l’esprit, puisque l’esprit de Dieu habite en vous » (Romains, VIII, 9), dit justement saint Paul.

Notre âme est donc une authentique demeure céleste selon l’expression d’Origène (v.185-v.253.) : « Tu es ciel, fait pour le ciel » [6] ; de même que pour saint Augustin (+ 430) : « Portant le Dieu du ciel nous sommes ciel. » [7]  Le ciel est donc, et ceci est une haute et sublime vérité, au centre de notre âme, qui est elle-même le « Temple de Dieu ».

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« Tu es ciel, fait pour le ciel

(Origène, In Jer., hom., VIII).

 

Voilà quelle est la vivifiante « ordination » dont nous parle le Philosophe Inconnu dans le Nouvel homme, celle qui est réalisée par cette descente dans le cœur qui, formellement et surnaturellement, institue l'être de désir « en esprit et en vérité, prêtre du Seigneur », ordination qui explique le rôle essentiel et fondamental de la créature dans l'œuvre divine. Il ne fait aucun doute que l'homme, tabernacle sacré de la Sainte Présence, « est né pour être le principal ministre de la Divinité », comme il  nous est signalé dans le Ministère de l'homme-esprit, c'est pourquoi il nous faut nous agenouiller, en notre centre, pour y entendre prier celui qui doit, après y avoir pris naissance, irradier sur nous son incommensurable lumière.

III. La prière intérieure  est supérieure aux « prières de formules » 

Saint-Martin rappelle qu'il a souvent montré, dans ses ouvrages, « combien la prière de l'homme intérieur était au-dessus des prières de formules » [8], qu'il était inutile de s'encombrer de pratiques verbales mécaniques non pensées, non exprimées avec le cœur. Qu'il était bien supérieur, dans notre oraison, de s'enfoncer en silence dans la communion à la présence de l'Eternel, qu’il était bien plus important d'être à l'écoute de celui qui habite en nous, d'unir nos puissances pour nous élever jusqu'à la contemplation de la rayonnante sainteté de l'Amour.*, plutôt que de s"égarer dans des invocations inutiles, et parfois même dangereuses.

Ce n'est pas la répétition des phrases qui compte, le nombre des mots, c'est la profondeur avec laquelle ils sont prononcés ; ce qui importe c'est la pureté d'intention, c'est la clarté de l'âme, telle est la véritable nature de la prière du cœur, la marche de la parole interne agissante porteuse de nombreux fruits, dont le principal, et le plus extraordinaire d'entre eux, est de pouvoir donner la vie à celui qui est Vie, d'accorder la lumière à celui qui est Lumière, de transmettre la vérité à celui qui est, par essence, « Vérité ».

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« Ce n'est pas devant les yeux mais dans le cœur

que nous devrions chercher à avoir le crucifix,

que  nous devrions chercher à y avoir le crucifié,

afin de pouvoir en chasser le crucifiant 

(L.-C. de Saint-Martin, Pensées sur l'Écriture sainte).  

 

La prière intérieure véritable s’effectue dans le silence et l’invisibilité stricte, aucune sorte d’ornements ou objets visibles de nature liturgique n’est nécessaire pour son déroulement, aucune image n’accompagne cette action purement cachée, dégagée de toute référence visuelle externe, c’est une prière secrète : « Il y a un nombre infini de gens qui ne peuvent prier sans image et sans crucifix. Ils ne savent pas que la seule image qu'il nous soit permis et utile de contempler c'est nous, comme étant les seuls qui soyons à l'image de Dieu. Ils ne savent pas non plus que ce n'est pas devant les yeux mais dans le cœur que nous devrions chercher à avoir le crucifix, que même nous devrions chercher à y avoir le crucifié, afin de pouvoir en chasser le crucifiant.» [9]

IV. Le renoncement aux facultés dans l’oraison de « passivité »

Saint-Martin, a des expressions assez saisissantes de ce en quoi consiste la « passivité » par laquelle doit avancer l’âme d’oraison : « Je préfère infiniment la voie douce, simple et intérieure par laquelle la racine intime même peut se réveiller; car si cette racine intime et divinement centrale peut se réveiller elle doit apporter tout avec elle, et sa reproduction universelle ne doit plus pouvoir s'interrompre; voilà pourquoi il est si avantageux de marcher par cette voie, parce qu'alors nous n'avons pour ainsi dire plus rien à faire. Aussi dans mes moments de bien-aise me suis-je dit souvent que le commerce de la vérité finirait par être un vrai commerce de paresseux attendu qu'elle faisait tout pour nous. » (Portrait, 701).

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« Les facultés humaines sont imprégnées

d’une corruption ontologique,

faisant que dans l’exercice de la prière

il convient que ce soit Dieu qui agisse et non la créature. »

(Martin de Barcos, « Sentiments sur l'oraison mentale », 1696). 

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Enseignant le renoncement à l'activité propre, en s'appliquant à montrer que cette activité est un «néant», les conceptions intellectuelles distinctes et discursives sont incapables d’établir un contact avec Dieu et d’obtenir sa grâce et la « connaissance surnaturelle ».

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dimanche, 04 octobre 2015

Comment être membre de l'Église intérieure ?

Livret-DVD

ENTRETIEN :

« JEAN-MARC VIVENZA et JEAN SOLIS » 

Enregistrement réalisé par Baglis TV

vendredi 18 avril 2014 (Vendredi-Saint)

 

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Au cours de l’entretien qui se déroula le vendredi 18 avril 2014, jour du Vendredi Saint [1], de nombreuses questions essentielles ont été abordées afin d’éclairer des points qui, bien qu’évidemment traités et exposés dans « L’Église et le sacerdoce selon Louis-Claude de Saint-Martin », pouvaient rester encore obscurs, voire difficilement compréhensibles, tant le sujet du livre relève d’un domaine assez rarement soulevé, pour ne pas dire quasi jamais abordé dans le cadre des réflexions, légitimes et nécessaires, touchant à la voie initiatique, notamment le Martiniste que l’on devrait bien plutôt, de par la large acception polysémique de ce terme depuis la fondation en 1891 d’un « Ordre » du même nom par Gérard Anaclet Vincent Encausse (1865-1916), plus connu sous le nom de « Papus » [2] dénommer « saint-martinisme », ceci afin de signifier un réel lien de fidélité et d’adhésion vis-à-vis de la pensée de Louis-Claude de Saint-Martin (1753-1803).

Ainsi, tour à tour, dans l’exercice des questions et réponses permettant une approche directe des sujets, les éléments les plus profonds du « mystère de L’Église intérieure » ont été l’objet d’un éclairage précis, circonstancié et développé, qui offrira à chacun de pouvoir bénéficier de précieuses lumières complémentaires qui seront, sans doute, fort utiles lors du cheminement spirituel.

Ces points pourraient se résumer à un seul : la nature de l’Église intérieure et du sacerdoce céleste selon Saint-Martin. Mais une foule d’autres interrogations ne manquent pas de surgir, dès que l’on touche à ces éléments, sachant que l’Église et le sacerdoce, pour le Philosophe Inconnu, relèvent d’une essence et d’une dimension bien différentes de ce que nous croyons connaître habituellement, participant ainsi d’une réalité - et pour tout dire d’un authentique « mystère » -, qui n’a son séjour et sa source uniquement dans l’Invisible.

 

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A présent il s’agit de se préparer

à la réception d’une « grâce d’élection »

capable d’édifier en chacun d’entre nous

les fondements de la véritable Église

 

C’est pourquoi, un texte complémentaire en forme de développement thématique à « L’Église et le sacerdoce selon Louis-Claude de Saint-Martin » [3], accompagné d’un ouvrage indépendant et d’un entretien portant sur les points principaux de ce livre, s’imposait pour plusieurs raisons.

Premièrement parce que les questions soulevées par le sujet de « l’Église intérieure » se sont révélées d’une telle importance spirituelle et initiatique, pour la majorité des lecteurs, qu’il était devenu nécessaire d’aborder ces sujets de façon directe, de sorte de leur conférer un éclairage plus immédiat ou « concret ».

Ensuite, s’est imposée l’idée qu’une éclairage explicatif - par delà l’aspect plus directement « liturgique », quoique immatériel et non-ostensible, du culte en « esprit et en vérité » qui a été longuement développé dans un précédent ouvrage [4] -, vienne, non pas s’ajouter au livre touchant à la question du sacerdoce, mais lui conférer quelques lumières complémentaires et notamment doctrinales puisque Saint-Martin en fidèle disciple de Martinès de Pasqually (+ 1774) ne cesse d’approfondir les multiples aspects de l’enseignement de son premier maître qu’il compléta ensuite par les enseignements rencontrés chez Jacob Boehme (1575-1624), pouvant s’avérer très utiles pour tous ceux qui souhaitaient entrer, plus avant, dans le « mystère de l’Église intérieure », mystère dont on sait qu’il représente le point central, l’idée fondatrice de la perspective théosophique et mystique de la pensée de Louis-Claude de Saint-Martin.

Ainsi donc, par les éléments développés, chacun pourra bénéficier de certaines « lumières » particulières et secrètes, qui lui permettront d’accéder, plus encore, à la plénitude des connaissances qui entourent le « l’Église intérieure », selon ce que soutenait Saint-Martin – à savoir qu’à présent il s’agit, dans ce qui est en jeu pour chaque âme de désir, de se préparer à la réception d’une « grâce d’élection » capable d’édifier en chacun d’entre nous les fondements de la véritable Église - désignée à bon droit comme étant « l’Église intérieure » -, afin qu’elle devienne le Temple et le Sanctuaire de la Divinité, et que dans ce devenir, l’âme donne naissance en elle, du plus profond de son néant, de l’abime dans lequel elle est plongée au sein de sa nuit ontologique, du cœur de son non-être entourée du voile opaque des apparences de la matérialité illusoire, à l’Être infini qui ne subsiste que dans son absence, ne vit et ne perdure, éternellement, que dans son retrait, et n’existe que dans sa non-existence suressentielle.

 

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« Quand l'homme prie avec constance, avec foi,
et qu'il cherche à se purifier dans la soif active de la pénitence,
il peut lui arriver de s’entendre dire intérieurement
ce que le réparateur dit à Céphas :
‘‘tu es Pierre, et sur cette pierre, je bâtirai mon église,
et les portes de l'enfer ne prévaudront jamais contre elle.’’ »
(Saint-Martin, Le Nouvel homme, § 8).

 

THÈMES DE L’ENTRETIEN :

« JEAN-MARC VIVENZA et JEAN SOLIS » 

 

Enregistrement réalisé par Baglis TV

vendredi 18 avril 2014 (Vendredi-Saint)

DVD – 1 heure

 

I. Situation du sacerdoce chrétien

II. La prière intérieure et la liturgie de l’Église céleste

III. L’occultation de l’enseignement secret du christianisme

IV. La gnose des premiers siècles

V. L’Église céleste et les confessions chrétiennes

VI. La pratique du sacerdoce intérieur

VII. La « Société des Intimes » et l’Ordre Martiniste

VIII.  L’Église intérieure et les sacrements

IX. La Sainte Cène mystique

X. Saint-Martin et la « révélation » de l’Église divine

XI. La doctrine de la réintégration

XII. La descente de l’Esprit-Saint et le don de la Pentecôte

XIII. La grâce du « Vendredi –Saint »

XIV.  « Réconciliation » et « Réintégration »

XV. L’apocatastase est l’anéantissement du créé

en tant que « bénédiction »

XVI. La création du monde matériel a été imposée à l’Éternel

XVII. Le monde fut créé par des esprits intermédiaires

XVIII. Émanation et Création

XIX. L’homme et sa relation aux anges

XX. Saint-Martin et la théurgie

XXI. Le projet divin

XXII. Le Divin Réparateur est l’unique Grand Sacrificateur

XXIII. La voie selon l’interne

XXIV. Saint-Martin

et l’enseignement du Régime écossais rectifié

XXV.L’initiation véritable

XXVI. Le « cœur » est le lieu essentiel où advient le « mystère »

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L’Entretien est suivi de deux textes

inclus dans le livret accompagnant le DVD :

Comment être membre de l'Église intérieure ?

Et la 

« Règle de vie abrégée de l’âme intérieure »

 

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DVD Entretien / Livret :

L’Église et le sacerdoce selon Louis-Claude de Saint-Martin

 

Notes.

1. Enregistrement du 18 avril 2014 à Paris, filmé par les caméras de Baglis TV, d’un échange approfondi entre Jean Solis et Jean-Marc Vivenza, que l’on trouve à l’intérieur du présent DVD.

2. Papus est le hiéronyme, ou « nomen ésotérique », qu’Encausee emprunta au Nuctéméron d'Apollonius de Tyane, traduit par Eliphas Lévi (1810-1875) en 1861.

3. L’Église et le sacerdoce selon Louis-Claude de Saint-Martin, La Pierre Philosophale, 2013.

4. Le culte en « esprit » de l’Église intérieure, La Pierre Philosophale, 2014.

 

 

dimanche, 12 octobre 2014

Le culte ‘‘en esprit’’ de l’Église intérieure

La célébration de la liturgie céleste dans le Sanctuaire du cœur

selon

Louis-Claude de Saint-Martin

*

Jean-Marc Vivenza 

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« Dieu est esprit, et ceux qui l’adorent, doivent l’adorer en esprit et en vérité

(Jean IV, 24).

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« L'institution de la cène avait donc pour objet

de retracer en nous cette mort et cette résurrection

avant même la dissolution de nos essences corporelles,

c'est-à-dire, de nous apprendre à la fois à mourir avec le Réparateur

et à ressusciter avec lui.

Cette cérémonie religieuse, considérée dans sa sublimité,

peut devenir « dans nous », en réalité,

une production,

une émanation, une création, une régénération,

ou une résurrection universelle et perpétuelle ;

et elle peut, dis-je, nous transformer en royaume de Dieu,

et faire que nous ne soyons plus qu'un avec Dieu. » 

(Le ministère de l’homme esprit,Seconde partie, « De l'Homme »).

 

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Louis-Claude de Saint-Martin (1743-1803)

 

Qu’il y ait un « culte » de l’Église intérieure, une célébration qui, comme le soutient Louis-Claude de Saint-Martin (1743-1803), faute d’être connue, conserve et place malheureusement dans l’ombre toute la dimension transcendante propre à la société céleste dont le seul Maître a son séjour dans l’Invisible, voilà qui est une évidence.

Mais il ne suffit pas de l’admettre, encore faut-il se soucier de savoir – si du moins nous considérons ce que représente l’Église intérieure, à la suite du Philosophe Inconnu, du point de vue religieux, mystique et initiatique, comme participant d’une question fondamentale, et pour tout dire la seule et unique dotée d’une dimension dépassant en solennité toutes celles qu’il est donné à chacun d’aborder au cours de sa quête spirituelle -, en quoi consiste et à quoi réfère ce « culte », quelle est sa nature véritable, sachant qu’il est vital d’être en mesure de connaître son origine et ses fondements, crucial de se trouver capable de contempler son objet propre, et, enfin et surtout, indispensable d’entrer en communion avec son essence intime afin de le pratiquer, faute quoi tous les discours sur le sujet resteront lettre morte, se réduisant à des écrits stériles, incapables de féconder en nous le précieux tabernacle où doit se dérouler la divine liturgie selon l’interne.

I. Le culte intérieur est éloigné des « vains fantômes de la nuit », que sont les pratiques externes

La difficulté principale, par delà les éléments relevant de l’établissement de l’habitation de « l’Esprit » dans le cœur de l’homme, dont on sait qu’elle advient par l’effet d’une pure grâce échappant à toute maîtrise et volonté humaine d’appropriation captatrice, mais dont nous pouvons cependant favoriser, par la prière, le silence et l’oraison, la communication dans l’âme [1], porte sur la façon dont doivent s’opérer en nous le culte céleste et les cérémonies participant de la liturgie mystérique qui se célèbre dans le cœur de l’homme.

 

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« Toutes les religions ont un culte et des cérémonies,

toutes les doctrines religieuses ont des pratiques sensibles.

Toutes ont des formules actives,

auxquelles sont attachées des idées de puissance,

qui impriment le respect, et semblent menacer

tout ce qui s'en rend l'ennemi. (…) 

Qu'êtes-vous, vains fantômes de la nuit,

quand le soleil s'avance majestueusement sur l'horizon,

 et qu'il verse, à grands flots, sa lumière ? » 

(L’Homme de désir, § 85).

 

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C’est pourquoi, si nous voulons nous approcher véritablement de Dieu, et non en rester à des pratiques externes qui ne sont, vis-à-vis de l’Absolu, que « vains fantômes de la nuit », alors il importe de le faire selon l’injonction même du Divin Réparateur : « en esprit et en vérité » (Jean IV, 24) [3].

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Les pratiques externes ne sont vis-à-vis de l’Absolu,

selon le Philosophe Inconnu,

que de « vains fantômes de la nuit ».

 

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II. Nécessaire libération des cadres de la religion ostensible


Pourtant, comprendre ce que signifie « célébrer en esprit », demande certaines explications tant lathéosophie,église,philosophie,illuminisme,métaphysique,sacerdoce,prêtre,sanctuaire,willermoz,saint-martin,prière,oraison,réintégration,pasqually,élus coëns,ésotérisme,théologie,cène,mystique,spiritualité,martinisme,franc-maçonnerie,religion,liturgie,culte,célébration,messe,évangile conscience de l’homme est conditionnée, formée et « programmée »,  par des siècles pendants lesquels les divers systèmes religieux  se sont livrés à un cérémonialisme externe ostensible, marquant durablement notre rapport au divin en nous interdisant d’accéder à la grande nouveauté que représente le christianisme, puisque le Divin Réparateur, de façon explicite, est venu annoncer, et prêcher, un Évangile (εαγγέλιον) – c’est-à-dire, littéralement, une « Bonne nouvelle » -, par laquelle Dieu nous est révélé selon son « être » propre et se doit d’être adoré selon son essence ontologique lors d’une opération de pure abstraction intellectuelle mettant à distance les vestiges de ce monde d’apparence en n’utilisant rien des éléments issus de la réalité matérielle, cette dernière étant par définition, en raison des conséquences de la prévarication, précisément étrangère à l’essence divine.

C’est pourquoi, si Dieu est « Esprit », alors son « adoration », ce qui signifie la manière de lui rendre notre culte, doit également, et de façon impérative si nous désirons nous conformer à l’essence divine, se faire « en esprit », de sorte d’être en harmonie réelle avec la nature transcendante de l’Être éternel et infini. 

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« Qu'est-ce que c'est que cette chambre haute

 où la Pâque doit se célébrer ?

C'est la pensée de l'homme

qui est revêtue du privilège de se montrer parmi les nations

comme la région la plus sublime du temple immortel

que l'Esprit Saint s'est proposé d'habiter. » 

(Le Nouvel homme, § 60).

 


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III. Plus aucun voile n’interdit l’accès au Saint des Saints

Depuis la venue du Divin Réparateur et son sacrifice sur le bois de la Croix, plus aucune barrière limitative, plus aucun voile n’interdit l’accès au Sanctuaire. Désormais, chaque âme de désir, accueillant dans son cœur les vérités de l’Évangile, est en mesure - et même en droit – d’entrer librement dans le Saint des Saints, pour participer au culte divin.

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En effet, le Divin Réparateur a entièrement bouleversé les ordonnances antiques de la religion judaïque devenues absolument caduques, à une période où une caste sacerdotale formait comme un écran, une séparation, un obstacle infranchissable entre l’homme et le divin.

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L'homme, n'a donc plus besoin d'intermédiaires,

n’est plus dépendant, exclusivement,

d’un clergé pour s'approcher du trône de la Divinité. 

 

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Aujourd’hui,  chacun peut accéder au Sanctuaire, franchir et passer au-delà le voile qui a été déchiré de haut en bas lors du Vendredi Saint [4] : « Christ est mort pour nous. A bien plus forte raison, maintenant que nous sommes justifiés par son sang, serons–nous sauvés par lui de la colère. Car si, lorsque nous étions ennemis, nous avons été réconciliés avec Dieu par la mort de son Fils, à bien plus forte raison, étant réconciliés, serons–nous sauvés par sa vie. Plus encore, nous nous glorifions en Dieu par notre Seigneur Jésus–Christ par qui maintenant nous avons obtenu la réconciliation. » (Romains V, 8-11).

L'homme, n'a donc plus besoin d'intermédiaires, n’est plus dépendant, exclusivement, d’un clergé pour s'approcher du trône de la Divinité, Jésus-Christ s'est chargé d'abattre les bornes, limitations et écrans matériels qui nous séparaient du Sanctuaire : « La grâce de Dieu qui apporte le salut est apparue à tous les hommes » (Tite II, 11).

 

 

IV. Entrée dans le « Royaume » céleste

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« Unité dans tout ce que nous sentons

être propre à nous purifier,

à nous alléger de ce bas monde,

et à nous avancer dans notre royaume

qui est le royaume de l'esprit, et le royaume de Dieu ;

voilà la loi que nous devons nous imposer. »

(Le Nouvel homme § 21).

 

Ce Sanctuaire du ciel - car il est céleste en sa nature et sa dimension, ne se trouvant que dans le cœur de l’homme -, c’est le « Royaume », là où se célèbrent les cérémonies éternelles consacrées à chanter la Gloire de Dieu, Temple invisible aux yeux de chair, éloigné des sphères corrompues de ce monde, « Royaume » dont les portes ont été ouvertes par le Divin Réparateur [5].

Et nous savons ce qu’il convient de faire pour pouvoir y entrer dans ce « Royaume céleste »,théosophie,église,philosophie,illuminisme,métaphysique,sacerdoce,prêtre,sanctuaire,willermoz,saint-martin,prière,oraison,réintégration,pasqually,élus coëns,ésotérisme,théologie,cène,mystique,spiritualité,martinisme,franc-maçonnerie,religion,liturgie,culte,célébration,messe,évangile Royaume de Dieu qui n’est autre que celui de l’esprit : « Ainsi, unité dans l'amour, unité dans l’œuvre de la pénitence, unité dans l'humilité, unité dans le courage, unité dans la charité, unité dans le dépouillement de l'esprit de la terre, unité dans la résignation, unité dans la patience, unité dans la soumission à la volonté suprême, unité dans le soin de nous revêtir de l'esprit de vérité, unité dans l'espérance de recouvrer les biens que nous avons perdus, unité dans la foi que notre volonté purifiée et unie à celle de Dieu doit avoir son accomplissement dès ce monde, unité dans la détermination à dissiper les ténèbres de l'ignorance dont notre séjour nous enveloppe, unité dans la vigilance, unité dans la constance à la prière, unité dans la continuelle culture des écritures saintes, enfin unité dans tout ce que nous sentons être propre à nous purifier, à nous alléger de ce bas monde, et à nous avancer dans notre royaume qui est le royaume de l'esprit, et le royaume de Dieu ; voilà la loi que nous devons nous imposer. » (Le Nouvel homme § 21). 

V. Le « Royaume » divin n’est pas de ce monde

Dans son Portait historique et philosophique, Saint-Martin nous livre une remarque saisissante à propos de la signification du passage de l’Évangile dans lequel le Divin Réparateur affirme : « Mon Royaume n’est pas de ce monde » (Jean XVIII, 36).

Voici ce qu’écrit le Philosophe Inconnu : « ‘‘Mon royaume n'est pas de ce monde’’. Cette vérité évangélique n'a pas tombé à mon égard sur les seules cupidités mondaines dont je me suis en effet peu soucié, mais aussi sur les diverses cupidités spirituelles inférieures où j'ai vu les hommes se précipiter comme par torrent et qui étaient bien au-dessous du poste qui m'attrayait. J'ose croire même que ce poste était le vrai sens du passage évangélique ci-dessus, puisque je vois sans cesse St. Paul, et tous les prophètes, ne pas lui donner une autre explication. Comment donc aurais-je pu m'arrêter à toutes les révolutions spirituelles que j'ai vu se passer de mon temps, elles me parlaient bien, comme tout spiritualiste, de celui dont le royaume n'est pas de ce monde, mais elles ne me menaient pas à ce royaume, et aussi en effectivité elles se contentaient presque toujours de la figure, et tout en disant que ce royaume n'était pas de ce monde, elles s'établissaient cependant dans ce monde par toutes leurs spéculations rétrécies, par leurs phénomènes inférieurs, et en courbant sans cesse l'esprit des Écritures sur des évènements temporels, lui, qui comme les cèdres du Liban, ne tend qu'à porter sa tête majestueuse jusque dans le ciel des cieux. » (Portrait, § 29, « Mon Royaume n’est pas de ce monde »).

De quoi nous entretient Saint-Martin, lorsqu’il évoque les « diverses cupidités spirituelles inférieures où j'ai vu les hommes se précipiter comme par torrent », dont il soutient qu’elles sont, ces diverses cupidités, « bien au-dessous du poste » qui l’attraie ?

Eh bien, l’auteur  Des erreurs et de la vérité,  n’évoque rien moins dans ce passage, sous le nom de « poste qui l’attraie », que les réalités divines du Royaume céleste, c’est-à-dire celles relatives à la région située « hors de ce monde » matériel, dont nous savons qu’elles consistent principalement à célébrer - Adam étant prêtre depuis l’origine, et ce dès le moment où il fut émané -, le culte primitif et originel rendu parfait par le Divin Réparateur après sa venue parmi nous. L’exercice du service sacerdotal est, en effet, le « poste », ou, pour l’exprimer différemment, le « ministère » dévolu à tous les fils d’Adam, qu’ils ont a effectué s’ils veulent participer de la vie du Royaume.

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«Le Seigneur n’habite pas dans des temples faits par la main des hommes…»

(Actes des Apôtres XVII, 24).

 

Ce « ministère », que se doit d’exercer « l’homme esprit », formant la vocation par excellence des membres de l’Église intérieure, est entièrement consacré à l’adoration de l’Éternel, complétée par la fraction du « Pain » opérée de manière mystique, Église intérieure qui fut consacrée et voulue par Dieu dès le repentir d’Adam, puis parfaite et sanctifiée en vue de la restauration universelle par Jésus-Christ, de sorte quelle puisse perdurer à travers les âges afin de conserver et préserver les éléments spirituels les plus élevés, destinés aux âmes de désir animées d’un cœur pur, en étant dépositaire de par son élection, des mystères de la Révélation.

De ce fait, le seul vrai Temple est, non pas semblable aux établissements composés de matériaux tirés du règne minéral ou végétal, construits laborieusement à l’aide de pierres taillées ou de bois sculptés, mais consiste en un tabernacle unique, à savoir le « cœur de l’homme », car, comme y insiste l’Écriture explicitement : « Lui qui est le Seigneur du ciel et de la terre, n’habite pas dans des temples faits par la main des hommes ;il n’est pas servi par des mains humaines, comme s’il avait besoin de quoi que ce soit, lui qui donne à tous la vie, le souffle et toutes choses. » (Actes des Apôtres XVII, 24-25).

VI. Le culte d’adoration « en esprit »

Ceci explique pourquoi, si le culte « en esprit », l’authentique « culte divin » intérieur, n’est plus lié aux formes matérielles de la vie selon l’externe, il participe dès lors d’un tout autre type de « sensibilité », celle-ci étant entièrement nouvelle puisqu’elle n’est tournée, uniquement et de façon plénière, que vers la vie intime de notre âme : « Oui, le culte intérieur est sensible, il l'est surement plus que le culte extérieur ;  mais il l'est d'une autre manière.  Le culte matériel est pour les sens de la forme, le culte spirituel pour les sens de l'âme ;  le culte divin et intérieur est pour la vie intime de notre être. »  (L’Homme de désir, § 123)

De quelle façon se déroulera le culte d’adoration « en esprit et en vérité » ? 

Voici la réponse que nous donne Saint-Martin : « Ô mon ami, allons ensemble dresser les autels au Sei­gneur ; va d'avance préparer tout ce qui nous sera nécessaire pour célébrer dignement les louanges de sa gloire et de sa majesté ; sers d'organe à mon œuvre pour l'annoncer au peuple, comme j'en dois servir à la Divinité pour annoncer à toutes les familles spirituelles les mouvements de la grâce, et les vibra­tions de la lumière. Et toi, Dieu de ma vie, s'il te plaît jamais de me choisir pour ton prêtre, que ta volonté soit faite ! Toutes mes facultés sont à toi. Je me prosternerai dans mon indignité en recevant le nom de ton prêtre et de ton prophète : aide-moi seulement à ne pas rendre tes grâces impuissantes, et à briser en moi tous les écueils que mes iniquités et mes faiblesses ont semés devant mon élection. Je n'oserai jamais de moi-même te demander que ta main reposât sur moi ; mais si par ta pure mu­nificence tu veux bien faire reposer ta main sur moi, je n'aurai aucun doute que tu n'opères dans mon être tout ce qui lui manque pour être utile à tes desseins, et je n'ai dans ce moment d'autre soin à prendre que de t'offrir le dévouement de ma fidélité à ton service, et une universelle soumission à toutes les conditions que tu voudras mettre à notre alliance. » (Le Nouvel homme, § 3).

VII. La célébration liturgique du culte « en esprit »

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« Cette cérémonie religieuse, considérée dans sa sublimité,

peut devenir dans nous, en réalité,

une production, une émanation, une création,

une régénération, ou une résurrection universelle et perpétuelle ;

et elle peut, dis-je, nous transformer en royaume de Dieu,

et faire que nous ne soyons plus qu'un avec Dieu. » 

(Le ministère de l’homme esprit,Seconde partie, « De l'Homme »).

 

Le culte divin dans le cœur de l’homme, n’est pas une « messe » au sens habituel du terme – même sous sa forme intérieure - mais bien un culte d’adoration « en esprit et en vérité », ce qui est tout différent.

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Il importe donc, selon Saint-Martin, de constamment fonder notre édifice spirituel sur la base de notre cœur en perpétuelle purification et immolation : « Malheur à celui qui ne fonde pas son édifice spirituel sur la base solide de son cœur en perpétuelle purification et immolation par le feu sacré. » (Portrait, 427).

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« Le culte matériel est pour les sens de la forme,

le culte spirituel pour les sens de l'âme ;

le culte divin et intérieur est pour la vie intime de notre être.»

(L’Homme de désir, § 123).

 

Par ailleurs, il convient d’être conscient que, pour être intérieur, il s’agit pourtant bien d’un culte authentique, non de littérature, de digressions analytiques ou théoriques, car le propre de la pensée de Saint-Martin est de nous permettre d’accéder au Sanctuaire, non de nous le faire seulement contempler de loin, en nous en laissant à distance, dans l’éloignement de sa vérité concrète.

Cependant, et il importe d’y insister absolument, le culte de l’Église intérieure diffère considérablement des cérémonies selon l’externe. En effet, par delà le fait qu’il ne se célèbre pas en assemblée et est réservé au Temple du cœur, ce culte comporte également plusieurs éléments principaux constituant une dissemblance notable d’avec la liturgie ecclésiale des églises d’Orient ou d’Occident :

-          S’Il se célèbre selon l’interne, cela signifie que le culte de l’Église intérieure s’opère dans le silence et l’invisibilité stricte ;

-          Le culte intérieur est de dimension purement immatérielle et strictement spirituelle, ainsi, l’âme de désir prendra soin d’être vigilante au moment où le célébrant, en lui-même, présentera en son cœur  les saintes espèces en les élevant en esprit vers l’invisible, sur l’aspect strictement et essentiellement céleste des substances de la consécration [8].

-          Pour être uniquement célébré « en esprit », le culte intérieur est néanmoins « sensible », c’est-à-dire qu’il intervient directement, et même de façon plus vive encore, sur l’âme, exerçant une impression d’une force supérieure au culte externe. On se gardera donc de ne pas y être attentif, comme nous le rappelle Saint-Martin : « Oui, le culte intérieur est sensible, il l'est sûrement plus que le culte extérieur ; mais il l'est d'une autre manière. Le culte matériel est pour les sens de la forme, le culte spirituel pour les sens de l'âme ; le culte divin et intérieur est pour la vie intime de notre être.» (L’Homme de désir, § 123).

-          D’autre part, souvenons-nous, que le culte intérieur permet d’accéder à la substance la plus intime du Divin Réparateur, celle que désignera sous le nom de « nourriture de la Foi » Nicolas-Antoine Kirchberger (1739-1799) : « Vous me demanderez peut-être ce que c’est que cette boisson divine ? Promettez-moi qu’aucun regard profane ne verra jamais ces lignes, et alors je vous dirai, cette eau qui seule peut désaltérer la soif de votre âme, est l’humanité sainte, le corps glorieux de Notre Seigneur, ce n’est pas seulement un esprit mais une substance essentielle sous l’enveloppe angélique de l’Elément pur, qui peut être vu, touché, et senti (Luc, XXIV, 39). Cette substance si subtile qu’elle peut traverser les corps les plus opaques, comme les rayons du soleil traversent une glace transparente […], peut tantôt se montrer, tantôt se dérober à votre vue (Luc, XXIV, 31). C’est cette substance qui fait la véritable nourriture de la Foi. Notre Seigneur lui-même nous révèle ce grand mystère (Jean, VI, 51).» [9]

-          Ainsi, nulle formule mécanique, nul texte rédigé ou écrit par avance n’est nécessaire, il suffit simplement de laisser le Divin Réparateur prier en nous : « La seule prière que nous aurions à faire ce serait de travailler continuellement à ne pas empêcher de prier en nous celui qui ne peut cesser de prier pour nous, soit en nous, soit hors de nous. Car c'est en nous qu'il aime le mieux prier, puisque nous sommes son oratoire, mais quand nous ne lui laissons pas l'accès libre, il va prier hors de nous et il emporte sa paix avec lui. » (Portrait, 635) ; « Combien la prière de l'homme intérieur est au-dessus des prières de formules.» (Pensées sur l'Ecriture sainte, [310]).

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Après-quoi, entrons religieusement dans le « mystère liturgique de l’Église intérieure », avec une attitude de piété, de ferveur spirituelle, et dans un sentiment de sainte et bienheureuse foi en l’efficacité de l’œuvre réparatrice du Divin Maître, en sortant « hors du camp », pour offrir à Dieu notre sacrifice de louange : « Sortons donc hors du camp pour aller à lui, en portant son opprobre. Car nous n’avons pas ici de cité permanente, mais nous cherchons celle qui est à venir. Par lui, offrons sans cesse à Dieu un sacrifice de louange, c’est–à–dire le fruit de lèvres qui confessent son nom. » (Hébreux XIII, 13-15).

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Le culte ‘‘en esprit’’

dans

le Sanctuaire du cœur 

La « descente de l’Esprit » dans l’âme

 

Ce qui advient ensuite relève du mystère le plus pur, et conduit jusqu’à la « Communion sacramentaire ». Le dévoilement de ce mystère forme la partie proprement dite du « culte en esprit », selon l’ordre suivant provenant de la liturgie de la primitive Église :

 

Célébration du culte ‘‘en esprit’’ dans le Sanctuaire du cœur

a) Mise en présence de Dieu

b)  L’éloignement des choses sensibles et l’anéantissement de la matière

c)  Abandon de l’esprit en Dieu

d)  Ordination de l’âme en tant que « prêtre du Seigneur »

e)  Consécration, « en esprit », des saintes espèces

f) La fraction mystique du pain et l’offrande du calice afin de remonter vers « l’élément pur »

 

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« + Consummatum est + »

 

g) Communion sacramentaire

h) Méditation et action de grâce

 

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Il s’agit dès lors, non d’un exposé théorique, mais d’une pratique - exposée en détail dans  « Le culte ‘‘en esprit’’ de l’Église intérieure » -que chacun pourra mettre en œuvre en son cœur, c'est-à-dire un culte – « cœur du mystère » de l’Église intérieure » - qui s’inscrit dans la continuité du culte primitif qui ne cessa, parmi les élus du Seigneur, d’être célébré à toutes les périodes à travers les siècles, se poursuivant, depuis la venue du Divin Réparateur, en ayant été perfectionné par l’effet de la loi de grâce [10].

 

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Le culte  de  l’Église intérieure a pour fonction,

d’hâter le temps de la réconciliation universelle,

et de porter les âmes des justes à goûter les joies célestes.

 

Ce culte a pour fonction, d’hâter le temps de la réconciliation universelle, et de porter les âmes des justes à goûter les joies célestes, et profiter du repos qui attend l’homme après la consommation de la durée impartie à ce monde d’expiation : « Le culte pur aura conduit les hommes justes aux joies célestes et au repos de leur âme. Le culte impur aura conduit les impies à la rage, à la fureur et au désespoir. Les fruits seront cueillis ; on n'en sèmera plus, parce qu'il n'y aura plus de terre : tout est consommé. Oui, au nom du Réparateur, tout fléchira le genou dans les cieux, dans la terre et dans les enfers. On fléchira le genou à ce nom dans les cieux, pour célébrer sa gloire et les merveilles de sa puissance. On fléchira le genou à ce nom sur la terre, parce qu'il nous aura préservés et délivrés des mains de notre ennemi. On fléchira le genou à ce nom dans les abîmes, parce qu'on y frémira de terreur en éprouvant les effets de son pouvoir. » (L’Homme de désir, § 136).                          

Conclusion

C’est sans doute la première fois que des indications de cette nature sont offertes aux âmes de désir, chacun saura donc évaluer, et percevoir comme il se doit, le caractère tout à fait exceptionnel des indications délivrées et révélées, qui participent véritablement du dévoilement du « mystère » le plus central et le plus secret de l’Église intérieure, puisque touchant directement à la célébration de son culte secret, invisible aux yeux charnels, mais dont les fruits sont si importants pour la vie de l’Esprit cheminant dans la voie selon l’interne.

Ainsi, l’homme nouveau suivra les traces du Divin Réparateur : « Il n'aura, dis-je, le vif espoir que cette réunion obtiendra plus facilement la mani­festation des puissances divines, et que par là s'accroîtra le nombre des adorateurs du vrai Dieu. L'homme nouveau ne fera en cela que marcher sur les traces du Réparateur dans toute la conduite qu'il a tenue envers ceux qui l'ont fréquenté, et sollicité pendant son séjour sur la terre » (Le Nouvel homme, § 42), il invitera les « amis de l’œuvre de la Vérité » à se joindre à lui pour dresser des autels au Seigneur afin d’y célébrer le culte divin où le « pain » et le « vin », spirituellement, seront consacrés et présentés en offrandes perpétuelles afin que l’homme soit réuni, par grâce et éternellement, à son « Principe ».

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Pour commander le livre :

Le culte ‘‘en esprit’’

de l’Église intérieure

Éditions La Pierre Philosophale, 262 pages.

 

 

Notes.

1. Voir : L’Église et le sacerdoce selon Louis-Claude de Saint-Martin, - 4. L’Église intérieure selon le Philosophe Inconnu, édification mystique de l’Église céleste dans le cœur de l’homme - II. Enfantement de l’Église intérieure ; a) « S’attendre à la grâce », ou la voie du pur abandonb) Le divin engendrement obtenu par l’effet de la grâce seule - également : « Appendice II. La question de la grâce divine », La Pierre Philosophale, 2013, pp. 193-212 ; 339-361.

2. théosophie,église,philosophie,illuminisme,métaphysique,sacerdoce,prêtre,sanctuaire,willermoz,saint-martin,prière,oraison,réintégration,pasqually,élus coëns,ésotérisme,théologie,cène,mystique,spiritualité,martinisme,franc-maçonnerie,religion,liturgie,culte,célébration,messe,évangileNous savons le lien de Saint-Martin avec Jacob Boehme (1575-1624), mais il ne faut pas oublier l’immense intérêt du Philosophe Inconnu pour les écrits de ses disciples, qui développèrent sa pensée en lui donnant une traduction concrète, si l’on peut dire pour des domaines à ce point élevés et si distants des régions matérielles, en proposant une authentique démarche religieuse à la suite des visions du penseur de Görlitz, disciples parmi lesquels il convient de citer Johan Georg Gichtel (1638-1710), Jane Lead (1623-1669), John Pordage (1608-1681), Gottfried Arnold (1664-1714) et William Law (1686-1761), ou encore Johannes Kelpius (1673-1708), esprit extraordinaire qui termina son existence en ermite dans une grotte sur les bords du Wissahickon en Pennsylvanie, à l’origine d’une petite communauté mystique désignée sous le nom de Society of the Woman in the Wilderness.

3. On notera, à cet égard, chez Jean-Baptiste Willermoz (1730-1824), une sensibilité assez voisine : « Principe Suprême de tout ce qui existe, ton saint Temple n’est point dans cette région inférieure et matérielle et souillée ; ton trône est supérieur même aux régions célestes, et tu en as imprimé le sentiment intime dans le cœur de l’homme. » (J.-B. Willermoz, Mes pensées et celles des autres, 15 avril 1788).

4. Le fait est rapporté de la façon suivante par les trois évangiles synoptiques : «Jésus poussa de nouveau un cri d’une voix forte et rendit l’esprit. Et voici, le voile du temple se déchira en deux, depuis le haut jusqu’en bas ; et la terre trembla, et les rochers se fendirent » (Matthieu XXVII, 51) ; « Et le voile du temple se déchira en deux, depuis le haut jusqu’en bas » (Marc XV, 38) ;  « Et le soleil fut obscurci, et le voile du temple se déchira par le milieu » (Luc XXIII, 45).

5. À propos de cette expression fréquemment employée de « Royaume », il convient d’être attentifthéosophie,jean-marc vivenza,vivenza,saint-martinisme,louis-claude de saint-martin,jean-baptiste willermoz,église,oraison,eucharistie,philosophie,illuminisme,métaphysique,sacerdoce,prêtre,sanctuaire,willermoz,saint-martin,prière,réintégration,pasqually,élus coëns,ésotérisme,théologie,cène,mystique,spiritualité,martinisme,franc-maçonnerie,religion,liturgie,culte,célébration,messe,évangile aufait,  que Dieu, en sa vérité intrinsèque, n’est pas, formellement parlant, un « Roi céleste », cela c’est du mythe pur, de l’imagerie enfantine simpliste. Dieu est présent, par présence infinie, en tout point de l’espace et du temps, tout en étant, et en cela réside le paradoxe incompréhensible, totalement autre, il est le « Tout Autre », puisque, par son immatérialité, il ne réside en aucun point de ce temps et de cet espace matériels.

Dieu ne siège donc pas sur un « trône de gloire » dans les nuages, il est, en son intime substance, un mystère indicible comme le rappelle avec justesse saint Thomas d’Aquin (+1274) : « L’essence  divine, par son immensité, surpasse toutes les formes que notre intelligence peut atteindre ; et on ne peut donc pas l’appréhender en sachant ce qu’elle est.» (Summa contra Gentiles, I, XIV). Et c’est pourquoi, le plus haut savoir auquel on puisse accéder en mode religieux, est un savoir « négatif », car si Dieu est illimité, s’il est sans forme et sans corps, en tant qu’il est un pur « Esprit », alors la connaissance que nous pouvons avoir de Lui en notre état de créature, ne peut passer, pour nos intelligences limitées, que par une véritable « nuit de l’esprit ».

6. Antoine Esmonin, marquis de Dampierre (1744-1824), écrivait, à propos de la nécessité de la célébration du culte divin dans le cœur de l’âme de désir : « C'est une vérité certaine que Jésus-Christ est venu rapporter sur la terre le culte Saint et véritable que nous devons à Dieu. II est donc nécessaire de nous attacher à ce culte seul digne de l'être infiniment adorable.Le verbe indivisible de Dieu, est renfermé dans l'essence infinie de la divinité, et il y sacrifie sans cesse par amour, tout ce qu'il reçoit de son père, qui, par un amour réciproque, lui donne tout. C'est par ce sacrifice, que se prouve un amour éternel, qui est le lien ineffable de cette unité. Unité incompréhensible, qui se suffit à elle-même, et qui est indépendante de toute autre chose. Or il est indubitable que le sacrifice éternel qui se fait en Dieu, est le modèle et la mesure de tous les sacrifices possibles pour tous les êtres appelés par amour à recevoir l'existence. C'est pour ce sacrifice, que cette existence devait être entretenue, cultivée, jusqu'à-ce qu'elle fut éternisée . (…) C'est dans ce but qu'il lui fut donné un roi et un prêtre à l'image divine, qui étant lui-même toujours en adoration, put recevoir pour cet être l'hommage qu'il rendrait à son Créateur. Le prier, l'adorer, contempler ses merveilles fut dès-lors pour cet être le moyen de communiquer avec la source ineffable de toutes choses. Ainsi la prière, l'état d'adoration, de contemplation. et de sacrifice est la base fondamentale sans laquelle il ne peut y avoir d'union entre l'infini et le fini. Comment, par exemple, sans la prière du cœur, pourrons-nous être éclairés, connaître la volonté de Dieu, et recevoir les forces pour l'exécuter.» (Antoine Esmonin, marquis de Dampierre, Vérités divines pour le coeur et l'esprit, «Discours XVII», Daniel Pétillet, Lausanne, 1823).

7. Dans les premiers temps de l’Église, la liturgie était largement improvisée, la plupart des prières n’ayant pas encore été fixées par une quelconque autorité magistérielle. Lorsque saint Justin Martyr (+ v.168), dans sa première Apologie, décrit par exemple l'eucharistie telle qu’on la célébrait à Rome vers l'an 150, on est frappé de constater l’extrême simplicité du culte, dont la liturgie du Vendredi Saint, selon l’ancien Ordo Missae de l’Église romaine d’avant 1962, conserve d’ailleurs la mémoire. Il faudra attendre seulement le IIIe siècle, pour que saint Hippolyte (+235), dans sa Tradition apostolique, recommande des formules de prières pour la liturgie sacramentelle (messe, ordination, etc.), quoique sans qu’aucune obligation ne s’impose pour autant au fidèles. Et ce n’est que lors des deux synodes de Carthage - (397) et (407) -, que fut interdit l’usage de formules n’ayant pas fait l’objet d’approbations officielles. Saint Justin Martyr, d’après le dit « schéma Justinien », expose la façon dont se déroulait primitivement le culte : « Le jour qu'on appelle jour du soleil, tous, qu'ils habitent les villes ou les campagnes, se rassemblent en un même lieu. On lit alors les Mémoires des Apôtres ou les Écrits des Prophètes aussi longtemps que le temps le permet. Quand le lecteur a terminé, celui qui préside prend la parole et exhorte à imiter ces beaux enseignements. Nous nous levons ensuite tous ensemble et nous prions. Puis, comme nous l'avons dit plus haut, lorsque la prière est terminée, on apporte du pain, du vin et de l'eau. Le président fait alors des prières et des actions de grâces autant qu'il peut. Et tout le peuple répond par l'acclamation : Amen ! » (Cf. Justin Martyr, Apologie, 67, Édition Charles Munier, in Saint Justin, Apologie pour les chrétiens, Fribourg, Éditions universitaires, coll. Paradosis 39).

8. théosophie,église,philosophie,illuminisme,métaphysique,sacerdoce,prêtre,sanctuaire,willermoz,saint-martin,prière,oraison,réintégration,pasqually,élus coëns,ésotérisme,théologie,cène,mystique,spiritualité,martinisme,franc-maçonnerie,religion,liturgie,culte,célébration,messe,évangileIl est à noter, par delà la question doctrinale touchant à la thèse dualiste - d’ailleurs beaucoup plus subtile et complexe qu’il n’y parait -, qu’une pratique très spiritualisée de la Cène, désignée sous le nom de « pain super-substantiel » ou Pain de l’Oraison - rappelant d’ailleurs fortement les pratiques de l’Église primitive en se situant à une très grande distance de la théologie de la transsubstantiation eucharistique et en rejetant tout attachement aux espèces naturelles, niant, par refus de sacraliser une matière visible, que du pain et du vin composés d’éléments terrestres puissent se transformer en corps et sang du Christ lors de la consécration par un prêtre pendant la messe, théologie sacramentaire de la transsubstantiation que le concile du Latran (1215) allait définir et imposer en Occident -, se développa au moyen âge au sein d’un courant religieux connu sous le nom générique inventé par l'abbé Eckbert von Schönau († 1184) de «catharisme », nom tiré de son Liber contra hereses katarorum (1164) rédigé à l’aide de citations empruntées au De haeresibus de saint Augustin († 453). Le Rituel de Florence déclare, ne s’intéressant qu’au pain immatériel, la « vraie nourriture de l’âme » contrairement au pain constitué de froment provenant de la terre : « Le pain super-substantiel que le chrétien demande aujourd’hui, c’est la loi du Christ, qui a été donnée à tous les peuples… Nous participons tous à ce même pain et à ce même calice (1 Cor. X, 16-17), et cela signifie que nous participons au même sens spirituel de la loi, des prophètes et du Nouveau Testament. Il dit : ‘‘Prenez et mangez, ceci est mon corps qui va être donné pour vous’’. Cela veut dire : ces préceptes spirituels des anciennes Écritures sont mon corps, c’est pour vous qu’ils seront transmis au peuple… » (Cf. Rituel cathare, Sources chrétiennes, Cerf, 1977 & R. Nelli, Écritures cathares, Le Rocher, 1995). 

9. Lettre d’Antoine-Nicolas Kirchberger à Gertrude Sarasin, le 17 janvier 1795. 

10. Jean-Baptiste Willermoz, dans l’Instruction secrète des Profès, précise également que le « vrai culte », jamais ne cessa d’être célébré et que toujours, les élus offrirent un pur encens au Seigneur : «Depuis le commencement, le vrai culte n’a pas cessé un instant d’être offert parmi les hommes, sur des autels agréables à à la Divinité. Il y a toujours eu dans les diverses régions de la terre des élus, qui ont présenté à l’Eternel en toute sainteté un encens pur et digne de lui, comme vrais représentants de la famille humaine, au nom et en faveur de laquelle ils imploraient la Bonté et la Clémence divine. (…) D’ailleurs, vous n’ignorez point que pour conserver le vrai culte dans l’Univers et sur la terre, une puissance ineffable y a été envoyée par décret de la miséricorde infinie, et qu’après avoir régénéré l’alliance entre Dieu et l’homme, elle ne cesse de vivifier dans la postérité humaine un culte qui n’a de valeur que parce que cette puissance toute divine est elle-même le grand prêtre qui présente à l’Eternel les offrandes pures des hommes de désir.» (Instruction secrète,  MS 5475 pièce 2, Bibliothèque Municipale de Lyon).

 

mardi, 15 octobre 2013

L'Église et le sacerdoce selon Louis-Claude de Saint-Martin

L’accès au « Sanctuaire intérieur » et la pratique du culte divin 

dans la pensée saint-martiniste

 

Jean-Marc Vivenza

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« Je prie pour ne jamais oublier l'Évangile

 tel que l'Esprit veut le faire concevoir à nos cœurs,

et quelque part où je sois,

 je serai heureux,  puisque j'y suis avec l'esprit de vérité… »

 (Saint-Martin, lettre à Kirchberger, 25 fructidor (septembre) 1794).

 

 

Il était temps, grand temps même, que soit enfin abordée, de façon la plus complète possible et avec une précision approfondie, allant assez loin dans les éclairages et les multiples détails s’imposant en ces sujets, la question du rapport de Louis-Claude de Saint-Martin (1743-1803), dit le Philosophe Inconnu, avec la religion, ou, plus exactement, la forme institutionnelle par laquelle la religion s’est fait connaître au cours de l’Histoire, à savoir l’Église, et ce qui lui est conjoint de façon quasi inséparable afin de pourvoir à son administration, la manière dont ceux qui furent chargés de sa diffusion, du rayonnement de son enseignement et son entretien, c’est-à-dire les ministres du culte chrétien, se situèrent dans leur relation aux choses saintes et sacrées touchant, bien évidemment et en premier lieu, aux sacrements.

anges,christianisme,doctrine,élus coëns,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,littérature,martinésisme,martinisme,métaphysique,mIl pourrait paraître normal que Saint-Martin, participant du courant illuministe qui observa toujours, et plus encore dans ses différentes expressions au XVIIIe siècle, une relative distance d’avec l’institution ecclésiale, ait soutenu certaines propositions audacieuses en affichant quelques nettes réserves et critiques appuyées, vis-à-vis des formes religieuses dominantes.

S’il s’en était tenu à cette attitude, finalement il pourrait être rangé sans difficulté au milieu des principaux noms des auteurs spirituels ayant émis des avis sévères, ou au pire, des remarques dépréciatives, à l’encontre de la religion, de sa discipline, et de ses lois. Rien n’aurait été plus classique à une époque, passionnée par la remise en question des certitudes et la quête du sens, où les esprits cherchaient la clé des mystères cachés de l’existence en s’émancipant des affirmations dogmatiques, écartant le voile des symboles, fouillant les légendes, interrogeant les mythes et se nourrissant, parfois avec passion, des allégories de la sagesse universelle. 

Reste que rien de tel pourtant n’est pas le cas, bien au contraire, car loin de s’en tenir à cette critique mesurée, Saint-Martin soutint des thèses d’une audace que l’on peut aisément qualifier de puissamment critique, n’hésitant pas à adopter, et faire siennes, les positions des mouvements réformateurs radicaux qui se signalèrent par une remise en question catégorique des formes religieuses officielles, rejetant avec une intransigeante vigueur ce qui, à leurs yeux, était ni plus ni moins qu’une trahison pure et simple de l’idéal évangélique et une corruption de l’authentique foi chrétienne.

 

1ère Partie. Le caractère éternel de l’Église intérieure

 

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« Saint-Martin mourut en effet le 13 octobre 1803,

sans avoir voulu recevoir un prêtre

J. de Maistre, Soirées de Saint-Pétersbourg, XIe Entretien, (1821).

 

I. La perte de substance du sacerdoce chrétien

Le premier, parmi les auteurs du XVIIIe siècle, à avoir signalé la distance de Louis-Claude de Saint-anges,christianisme,doctrine,élus coëns,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,littérature,martinésisme,martinisme,métaphysique,mMartin (1743-1803) à l’égard des prêtres et du sacerdoce de l’Église, fut Joseph de Maistre (1753-1821) qui, dans ses célèbres Soirées de Saint-Pétersbourg, informait son lecteur du refus que le Philosophe Inconnu formula, d’être assisté par un ministre du culte au moment de son retour à Dieu. Maistre écrivait à ce propos : « Saint-Martin mourut en effet le 13 octobre 1804, sans avoir voulu recevoir un prêtre[1].

Il est fort probable que l’information soit réelle, sachant ce que Saint-Martin en était arrivé à penser des prêtres et de la valeur de leur sacerdoce, et du point de vue de l’enseignement du Philosophe Inconnu, la perte effective de substance du sacerdoce chrétien fut consécutive selon-lui à un éloignement d’avec la doctrine secrète - pourtant connue lors des premiers siècles du christianisme [2] -, et qui, au fil des siècles, a été au mieux oubliée lorsqu’elle ne fut pas tout simplement combattue et désignée comme une « hérésie » par les hommes d’Église, entraînant une méconnaissance de la raison première qui présida au ministère sacerdotal confié aux clercs lors de leur ordination [3].

 

 

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« Dans les premiers siècles de notre ère,

les saints pères qui n'avaient déjà plus qu'un reflet

et qu'un historique du vrai christianisme…

puisèrent chez les célèbres philosophes de l'antiquité plusieurs points d'une doctrine occulte,

qu'ils ne pouvaient expliquer que par la lettre de l'Évangile,

n'ayant plus la clef du véritable christianisme. »

(Le Ministère de l’homme-esprit, 1802).

 

 

II. Dégradation de l’Église visible

De la sorte, le sentiment d’un intime rattachement avec cette « doctrine secrète » réservée aux initiés qui travaillent au sein de voies cachées ou ésotériques, explique et nous permet de comprendre, en quoi Saint-Martin lorsqu’il s’exprime (et il n’est pas le seul puisque on peut ranger à ses côtés tous les principaux penseurs formant le riche courant illuministe au XVIIIe siècle [4]), participe de cette sensibilité, faisant que ses audaces en des domaines délicats touchant au sacerdoce et à l’Église, doivent impérativement être mises en références avec le caractère « théosophique » de sa pensée, théosophie qui n’obéit pas aux mêmes critères, ni n’est soumise aux mêmes règles, que les discours religieux prononcés par des théologiens, puisque la théosophie relève de la mystique spéculative, comme le soulignait d’ailleurs fort justement Robert Amadou (1924-2006) : « La théosophie, qui n'est pas la philosophie, n'est pas davantage la théologie et elle constitue une forme particulière de la mystique qu'on nomme spéculative, mais elle réconcilie la philosophie et la théologie. Voyez ce qu'on peut tirer de là quant à la signification de la théosophie au siècle des Lumières. La théosophie est un illuminisme, car la lumière, même parfois physique, est le symbole privilégié de la Sagesse et la quête sophianique est celle de l'illumination. Et c'est une quête en profondeur; de l'intérieur, par l'intérieur (I'interne, dit Saint-Martin), donc un ésotérisme[5]

Mais la question de la nature de l’Église et du sacerdoce, si elle porte bien sur la connaissance, ou non, de la doctrine cachée, néanmoins, ni ne se résume, ni ne se limite à cet aspect des choses, elle touche à des mystères profonds, à l’essence d’un culte, à une relation avec l’Invisible, à la manière dont l’homme, dès ici-bas, peut pénétrer dans le Sanctuaire afin d’y recevoir l’onction sainte et sacrée : « Mais, c’est dans ce fils chéri et conçu de l'esprit, c'est sur cette pierre fondamentale que tu dresseras ton autel au seul vrai Dieu, parce que c'est là seulement où il puisse être honoré, puisque ce n’est que là où il peut trouver un être qui soit réellement son image et sa ressemblance, et qui ait les facultés nécessaires pour entendre sa langue divine, et comprendre les oracles de sa sagesse éternelle : aussi ce n'est que là où tu pourras entendre sa voix sacrée, recevoir des réponses qui remplissent ton intelligence, et satisfassent à tous les désirs de ton cœur et à tous les besoins de ton esprit. » (Le Nouvel Homme, § 17).

 

 

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« C'est sur cette pierre fondamentale que tu dresseras ton autel

au seul vrai Dieu, parce que c'est là seulement

où il puisse être honoré, puisque ce n’est que là où il peut trouver un être

qui soit réellement son image et sa ressemblance,

et qui ait les facultés nécessaires pour entendre sa langue divine,

et comprendre les oracles de sa sagesse éternelle. »

(Le Nouvel Homme, § 17).

 

 

a) Critique du  sacerdoce institutionnel

anges,christianisme,doctrine,élus coëns,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,littérature,martinésisme,martinisme,métaphysique,mC’est pourquoi, la méfiance, pour ne pas dire plus, que manifesta Saint-Martin à diverses occasions vis-à-vis de la prêtrise transmise par l'Église visible, et la sévérité de ses virulentes critiques à l'égard d'un sacerdoce bien loin de répondre aux exigences spirituelles que l'on est en droit d'attendre de la part des ministres de l'Éternel, dont la manifestation la plus symbolique fut le refus d'accepter la présence d'un prêtre à son chevet au moment de quitter cette terre, provient précisément de l’ignorance des clercs vis-à-vis du culte intérieur, supérieur en grâce et en dignité à tous les cultes externes célébrés par les hommes. 

 

- L'Abbé Migne (1800-1875), critiqua Saint-Martin au prétexte, selon lui,  de s'être donné pour objet  de «dénaturer le catholicisme ».

 

Ainsi, de toute évidence, Saint-Martin témoigna lors de son existence, d'une conviction depuis longtemps établie et qui dut même, selon toute probabilité, prendre naissance très tôt, dès l'époque (entre les années 1768 et 1774) où il étudiait et découvrait de nouvelles lumières, à Bordeaux, aux côtés de son premier maître : Martinès de Pasqually (+ 1774).  

 

 Ce dernier, ne l'oublions pas, bien qu'exigeant de ses disciples une pleine et entière appartenance et communion avec l'Église catholique romaine pour pouvoir être admis dans l'Ordre desChevaliers Maçons Élus Coëns de l'Univers [6], étant également fort critique dans ses jugements en matière religieuse, et ne ménageait pas la virulence de ses attaques à l'égard des prêtres, qu’il jugeait ignorants des mystères de leur propre sacerdoce. 

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Les disciples du Philosophe Inconnu,

n’ont pas à « apprendre ce qu’est l’Eglise et ce que sont les sacrements » -  

car Saint-Martin rejette tous les sacerdoces et les sacrements

conférés par l'intermédiaire d'institutions humaines,

sa critique s’étend ainsi à l’ensemble des églises,

occidentales comme orientales.

 

b) Prévarication des prêtres

 

Les prêtres, selon Saint-Martin, ont abusé de leur autorité par des pratiques inexcusables, laissant croupir
 dans les ténèbres les âmes chrétiennes pour mieux exercer sur elle un empire dominateur. Ils firent payer ce qui devait se donner gratuitement, ils vendirent ce qui relevait du pur don spirituel octroyé par le Ciel : « Il lui avait été dit de donner gratuitement les trésors qu’il avait reçus gratuitement ; mais, qui ne sait comment il s’est acquitté de cette recommandation ! »

anges,christianisme,doctrine,élus coëns,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,littérature,martinésisme,martinisme,métaphysique,mEt, plus grave encore s’il se peut, ils agirent comme de vulgaires collecteursanges,christianisme,doctrine,élus coëns,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,littérature,martinésisme,martinisme,métaphysique,m d’impôt pour affamer ceux qui attendaient d’être rassasiés par Dieu, en retenant et détournant la libre circulation de la grâce divine à leur profit, en créant une barrière artificielle entre les lumières célestes qui cherchaient à se communiquer, et les âmes des hommes : « (…) les prêtres ont transformé tous les droits salutaires et bienfaisants qui primitivement auraient dû leur appartenir, en une despotique dévastation et en un règne impérieux sur les consciences ; ils n’ont fait partout de leurs livres sacrés qu’un tarif d’exaction sur la foi des âmes ; avec ce rôle à la main et escortés par la terreur, ils venaient chez le simple, le timide ou l’ignorant, à qui ils ne laissaient pas même la faculté de lire sur le rôle sa cote de contribution de croyance en leur personne, de peur qu’il n’y vit la fraude ; ressemblant en cela aux collecteurs des impositions pécuniaires, qui abusent quelquefois de l’ignorance et de la bonhomie du villageois ; ils ont rendu nul le seul remède et le seul régime qui pouvaient nous rendre la santé et la vie (…). Accapareurs des subsistances de l’âme (…) ils interrompent la circulations de ces subsistances pour les taxer à leur volonté et laisser l’homme dans la disette ; prévarication qui, selon les prophètes, tient aux yeux de Dieu le premier rang parmi les prévarications ; parce que Dieu veut alimenter lui-même les âmes des hommes avec l’abondance qui lui est propre, et qu’elles soient, pour ainsi dire, comme rassasiées par sa plénitude. » (Lettre à un ami sur la Révolution française).

Mais le pire des crimes à ses yeux, et cela peut se comprendre lorsqu’on sait le pouvoir infini que le Philosophe Inconnu attribuait à sa pratique, est, comme on peut s’en douter, que les prêtres aient infligé la prière comme une sanction, qu’ils aient fait de ce qui est, aurait dû toujours rester et doit éternellement demeurer, un doux entretien entre l’âme et Dieu, une pénitence.

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« (…) les prêtres ont transformé tous les droits

salutaires et bienfaisants

 qui primitivement auraient dû leur appartenir,

 en une despotique dévastation

et en un règne impérieux sur les consciences ;

ils n’ont fait partout de leurs livres sacrés

qu’un tarif d’exaction sur la foi des âmes.

 Accapareurs des subsistances de l’âme

ils interrompent la circulations de ces subsistances

pour les taxer à leur volonté

et laisser l’homme dans la disette ;

prévarication qui, selon les prophètes,

tient aux yeux de Dieu le premier rang parmi les prévarications ;

 parce que Dieu veut alimenter lui-même les âmes des hommes

avec l’abondance qui lui est propre,

et qu’elles soient comme rassasiées par sa plénitude. »

(Saint-Martin, Lettre à un ami sur la Révolution française).

 

Ainsi, dans l’exposé critique que Saint-Martin écrivit contre l’Église que l’on prétend identifier au véritable christianisme, il prévient prudemment son lecteur, afin de bien préciser la nature de ses propos : c’est en tant «qu’amateur de la philosophie divine qu’il s’exprime, et non en tant qu’athée ou incroyant :  « ce n'est sûrement, ni comme athée ni comme incroyant, que j'ose me les permettre (…)  Mais c'est comme amateur de la philosophie divine que je me présenterai dans la lice… ».

Saint-Martin est un croyant, fervent et pieux même, qui attaque la corruption religieuse au nom même du christianisme ; qui lutte pour que surgisse une authentique expression des lumières de l’Évangile, position qui le situe beaucoup plus dans une attitude prophétique que destructrice de la religion. Son but n’est pas de ruiner dans les âmes leur légitime attachement à l’égard des lumières du Ciel, bien au contraire. C’est de leur permettre de s’en approcher de façon intime, de rompre et de dissiper les immenses barrières que l’institution religieuse a dressées entre les âmes et Dieu

De ce fait, nous ne croyons absolument pas que la question soulevée par Saint-Martin, touchant à son rejet critique du sacerdoce chrétien tel que professé par les prêtres, ne concerne que l'unique Église catholique, mais touche, en réalité, tous les sacerdoces et les sacrements conférés par l'intermédiaire d'institutions humaines, et donc s’étend à l’ensemble des églises, l’occidentale comme l’orientale, antiochienne et non chalcédoniennes y compris, et que les disciples du Philosophe Inconnu, n’ont pas à « apprendre ce qu’est l’Eglise et ce que sont les sacrements » -  ce que Saint-Martin n’ignorait certainement pas, possédant en ces domaines une connaissance étendue – mais dont il avait une idée toute intérieure et spirituelle qui elle, en revanche, faute de n’avoir jamais été examinée véritablement, mérite d’être étudiée et d’être prise très au sérieux, afin de comprendre, enfin, la pensée réelle du Philosophe inconnu au sujet de ce en quoi consiste, selon-lui, le christianisme authentique.

 

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« Ce n'est sûrement, ni comme athée ni comme incroyant,

que j'ose me permettre [ces critiques](…)

Mais c'est comme amateur de la philosophie divine … ».

 

L'exigence du théosophe d’Amboise est donc, sur cette question du christianisme, d'une redoutable conséquence, et il faut bien reconnaître que sa position, qui étonne, est loin d’être facile et aisée à comprendre, étant même d’une nature assez dérangeante ce qui explique sans doute qu’elle ait été si peu examinée avec l’attention qu’exigeait et imposait un tel sujet, sa critique s’appliquant à toutes les cérémonies religieuses « externes », ce jugement valant pour l’ensemble des confessions chrétiennes : « Quand on voit les célébrants dans les églises consumer leur temps et toute leur virtualité à des cérémonies externes et impuissantes et retarder ainsi l'esprit de l'homme qui se dessèche en attendant une nourriture substantielle, on est affligé jusqu'au fond du coeur, et on est tenté d'appliquer là le passage de l'Évangile où un aveugle conduit l'autre, et où ils tombent tous les deux dans le fossé. » (Portrait, 731).

 

III. Le christianisme « transcendant »

Une idée s’est imposée peu à peu pour Saint-Martin, la religion n’est devenue « sensible » que par erreur,anges,christianisme,doctrine,élus coëns,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,littérature,martinésisme,martinisme,métaphysique,m
si la nécessité d’une religion, ou plus précisément d’un culte - celui-ci correspondant au fond à celle-là, c’est-à-dire que ce en quoi consiste la religion vraie n’est autre que la célébration du culte véritable -, ne fait aucun doute, car si l’homme pour sa réhabilitation ne peut s’exonérer des lois religieuses qui lui furent imposées par Dieu, même si la diversité des traditions en a corrompu l’unité, cependant ces lois religieuses imposent, et notamment depuis la venue du Christ, un changement profond des modalités de leur exécution : « La première Religion de l’homme étant invariable, il est, malgré sa chute, assujetti aux mêmes devoirs ; mais comme il a changé de climat, il a fallu aussi qu’il changeât de Loi pour se diriger dans l’exercice de sa Religion. (…) Premièrement, il ne peut faire un pas sans rencontrer son Autel ; et cet Autel est toujours garni de Lampes qui ne s’éteignent point, et qui subsisteront aussi longtemps que l’Autel même. En second lieu, il porte toujours l’encens avec lui, en sorte qu’à tous les instants il peut se livrer aux actes de sa Religion. Mais avec tous ces avantages, il est effrayant de songer combien l’homme est encore éloigné de son terme, combien il a de tentatives à faire avant de parvenir au point de pouvoir remplir entièrement ses premiers devoirs ; et même encore quand il y serait parvenu, resterait-il toujours dans une sujétion irrévocable et qui lui ferait sentir jusqu’à la fin la rigueur de sa condamnation. Cette sujétion est de ne pouvoir absolument rien de lui-même, et d’être toujours dans la dépendance de cette Cause active et intelligente qui peut seule le remettre sur la voie quand il s’égare ; qui peut seule l’y soutenir, et qui doit diriger aujourd’hui tous ses pas, en sorte que sans elle non seulement il ne peut rien connaître, mais qu’il ne peut pas même tirer le moindre fruit de ses connaissances et de ses propres facultés. » (Des erreurs et de la vérité).

 

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« La  sujétion irrévocable [de l’homme]

qui lui fera sentir jusqu’à la fin la rigueur de sa condamnation (…)

est de ne pouvoir absolument rien de lui-même,

 et d’être toujours dans la dépendance de cette Cause active et intelligente

qui peut seule le remettre sur la voie. »

(L.-C. de Saint-Martin, Des erreurs et de la vérité).

 

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On ne mésestimera pas les lignes ici reproduites relatives au culte intérieur, dont la sévérité n’a d’égale que la dureté de la sujétion irrévocable en laquelle est placé l’homme depuis son égarement ontologique, car rien ne nous indique plus la rigueur de notre condamnation, que l’impuissance mise en exergue dans ce passage, insistant sur  l’entière dépendance dont nous sommes tous astreints à l’égard de la Cause active et intelligente, c’est-à-dire le Divin Réparateur, dans l’obtention des moyens nécessaires à notre émancipation de la région élémentaire afin d’espérer notre retour en grâce auprès du Créateur : « Cette sujétion est de ne pouvoir absolument rien de lui-même, et d’être toujours dans la dépendance de cette Cause active et intelligente », cette sujétion faisant que l’homme, et cette vérité a vocation à s’inscrire profondément dans l’esprit, sans cette aide divine :  « non seulement ne peut rien connaître, mais il ne peut pas même tirer le moindre fruit de ses connaissances et de ses propres facultés. » (Des erreurs et de la vérité).

 

 

 La doctrine de la grâce chez Saint-Martin

anges,christianisme,doctrine,élus coëns,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,littérature,martinésisme,martinisme,métaphysique,mSaint-Martin en est donc venu à poser, ni plus ni moins, les fondements d’une théologie de la grâce, en insistant sur la faiblesse native de la créature, et son impératif besoin de l’œuvre accomplie par le Divin Réparateur :  « Dieu de paix, Dieu de vérité, si l'aveu de mes fautes ne suffit pas pour que tu me les remettes, souviens-toi de celui qui a bien voulu s'en charger et les laver dans le sang de son corps, de son esprit et de son amour ; il les dissipe et les efface, dès qu'il daigne en faire approcher sa parole. Comme le feu consume toutes les substances matérielles et impures, et comme ce feu qui est son image, il retourne vers toi avec son inaltérable pureté, sans conserver aucune empreinte des souillures de la terre. C'est en lui seul et par lui seul que peut se faire l'œuvre de ma purification et de ma renaissance ; c'est par lui que tu veux opérer notre guérison et notre salut, puisqu'en employant les yeux de son amour qui purifie tout, tu ne vois plus dans l'homme rien de difforme (…) Il n'y a pas d'autre alternative pour l'homme : s'il n'est perpétuellement plongé dans l'abîme de ta miséricorde, c'est l'abîme du péché et de la misère qui l'inonde ; mais aussi, il n'a pas plutôt détourné son cœur et ses regards de cet abîme d'iniquité, qu'il retrouve cet océan de miséricorde dans lequel tu fais nager toutes tes créatures. C'est pourquoi je me prosternerai devant toi dans ma honte et dans le sentiment de mon opprobre ; le feu de ma douleur desséchera en moi l'abîme de mon iniquité, et alors il n'existera plus pour moi que le royaume éternel de ta miséricorde. » (Prière, 4). [7]

 

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«Je me prosternerai devant toi dans ma honte

et dans le sentiment de mon opprobre ;

le feu de ma douleur desséchera en moi l'abîme de mon iniquité,

et alors il n'existera plus pour moi

que le royaume éternel de ta miséricorde. »

(Prière, 4).

 

Ce que souligne Saint-Martin, pour la compréhension de ce qui doit s’opérer en l’homme comme travailanges,christianisme,doctrine,élus coëns,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,littérature,martinésisme,martinisme,métaphysique,m
 réparateur, est fondamental, nous plaçant devant une alternative impressionnante qui a de quoi faire trembler, d’autant que l’une ou l’autre des perspectives peut modifier du tout au tout la destination de l’âme de l’homme.

Nous avons devant nous deux abîmes : d’un côté l'abîme de la miséricorde, de l’autre l'abîme du néant, et pour éviter ce second abîme, il ne nous reste qu’une seule solution : tout attendre de la miséricorde divine en se prosternant devant le Ciel avec le sentiment de notre honte et de notre opprobre, alors que nous savons que nos abus sont constants : « j'ai abusé de toutes mes lois, j'ai abusé de mon âme, j'ai abusé de mon esprit », et que le plus grand, le plus terrible des abus, est celui de la grâce accordée, malgré ses immenses fautes et iniquités sans nombre, à l’être coupable : « j'ai abusé et j'abuse journellement de toutes les grâces que ton amour ne cesse journellement de répandre sur ton ingrate et infidèle créature ». 

De ce point de vue, le christianisme, est une religion de la grâce, il l’est même éminemment car toute son économie spirituelle relève, non seulement de la doctrine de la foi salvifique et salvatrice que le Divin Réparateur vint révéler aux hommes, mais aussi et surtout, du don de la grâce, don accordé de façon gratuite et imméritée aux âmes élues et choisies, et ce avant même la fondation du monde : « Ainsi, Dieu a élu l’homme avant la création du monde (ante mundi constitutionem), afin qu’il fût saint et sans tache, l’ayant prédestiné (qui prædestinauit) pour être son enfant adoptif selon le bon plaisir de sa volonté. » (Ephésiens I, 4-5).

 

IV. Caractère éternel de l’Église intérieure

 

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« Oui, elle est établie cette Église,

 malgré les dommages qu'elle a pu souffrir,

sans quoi, il n'y aurait de médiation

entre l'amour suprême et les crimes de la terre ;

 elle est établie cette Église et les portes de l'homme

ni les portes de l'enfer ne prévaudront jamais contre elle….»

(Ecce Homo, § 8).

 

Le paradoxe, en forme de miracle positif, c’est qu’en dépit des fautes accumulées et successives considérables des ministres qui s’en prétendaient les représentants, l’Église elle, subsiste, inaltérable, sainte et lumineuse, elle ne saurait être atteinte par les travers des êtres pécheurs, les faiblesses et outrages d’indignes pasteurs qui ont travaillé à défigurer l’épouse mystique du Christ, et cette subsistance est l’un des plus beaux mystères de la Révélation évangélique. Cette assemblée a été fondée par le Divin Réparateur, elle possède un caractère inaltérable, surnaturel, mais, et ce point est essentiel pour Saint-Martin, en sa nature spirituelle non compromise d’avec le monde, en son être intérieur tel qu’il lui a été donné, et qu’elle aurait dû conserver dans sa pureté, au moment de sa fondation : « Oui, elle est établie cette Église, malgré les dommages qu'elle a pu souffrir, sans quoi, il n'y aurait de médiation entre l'amour suprême et les crimes de la terre ; elle est établie cette Église et les portes de l'homme ni les portes de l'enfer ne prévaudront jamais contre elle ; elle est établie cette Église » (Ecce Homo, § 8).

Ce jugement est si vrai que Saint-Martin n’hésite pas à soutenir, démontrant que son amour de l’authentique Église est absolument et intégralement inaltéré, en une phrase admirable : « Lorsque l'on considère l'Eglise dans ses fonctions elle est belle et utile. Elle ne devrait jamais sortir de ces limites-là. Par ce moyen elle deviendrait naturellement une des voies de l'esprit. » (Portrait, § 1114).

Il n’y a donc aucun rejet de ce que représente l’Église en son être fondamental dans la pensée de Saint-Martin, mais accès, ouverture et dévotion, envers une Église de dimension secrète et de nature céleste, la sainte épouse du Christ, celle qui est unie, en tant que corps mystique, à la Personne même du Divin Réparateur mais de façon intime.

 

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« Cette opération de l'esprit dans l'homme

nous apprend qu'elle est la dignité de l'âme humaine,

puisque Dieu ne craint point de la prendre

pour la pierre fondamentale de son temple … »

(Le Nouvel homme, § 8).

 

Ce que soutiendra Saint-Martin - qui avait compris que les outrages subis par l’Église visible étaient irréversibles et ne permettaient plus que l’homme puisse retrouver en elle les fondements originels de la sainte institution divine constituée par le Divin Réparateur, ni percevoir dans les formes externes actuelles les bénédictions initiales reçues à Jérusalem à la Pentecôte -, c’est qu’à présent la Parole fondatrice, comme il était au commencement sachant que le « Royaume » est au-« dedans de nous » (Luc XVII, 20-21), ne peut se faire entendre et trouver un écho que dans le cœur de l’homme, en prononçant de nouveau la célèbre phrase dite à Pierre par le Seigneur : « tu es Pierre et sur cette pierre… », grâce d’élection capable d’édifier la véritable Église désignée à bon droit comme « Église intérieure », qui nous est confiée afin d’en faire le Temple effectif de la Divinité : « Quand l'homme prie avec constance, avec foi, et qu'il cher­che à se purifier dans la soif active de la pénitence, il peut lui arriver de s’entendre dire intérieurement ce que le réparateur dit à Céphas : ‘‘tu es Pierre, et sur cette pierre, je bâtirai mon église, et les portes de l'enfer ne prévaudront jamais contre elle.’’ » (Le Nouvel homme, § 8).

 

 

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« Quand l'homme prie avec constance, avec foi,

et qu'il cher­che à se purifier dans la soif active de la pénitence,

il peut lui arriver de s’entendre dire intérieurement

ce que le réparateur dit à Céphas : 

‘tu es Pierre, et sur cette pierre, je bâtirai mon église,

et les portes de l'enfer ne prévaudront jamais contre elle.’’ »

(Le Nouvel homme, § 8).

 

Cette fondation de l’Église, devenue nécessaire de par la dégradation manifeste de l’institution visible, devient une opération de l’Esprit sur un fondement uniquement intérieur, car l’externe, qui est à présent souillé, ne peut plus être le lieu d’accueil de la révélation du mystère de la véritable Église : « Cette opération de l'esprit dans l'homme nous apprend qu'elle est la dignité de l'âme humaine, puisque Dieu ne craint point de la prendre pour la pierre fondamentale de son temple ; elle nous apprend combien nous devons nous nourrir de douces es­pérances, puisque cette élection nous met à couvert des puissan­ces du temps, et plus encore des puissances des ténèbres et des abîmes ; elle nous apprend enfin ce que c'est que la véritable Eglise, et que, par conséquent, nulle part, il n'y a d'Eglise où cette opération invisible de l'esprit ne se trouve pas. »  (Le Nouvel homme, § 8).

 

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« Cette communauté de la lumière

fut appelée de tous temps l'Eglise invisible et intérieure,

ou la communauté la plus ancienne… »

Karl von Eckhartshausen, La Nuée sur le Sanctuaire, 1802.

 

 

Ainsi, l’Église intérieure forme la communauté des âmes régénérées en Christ, la « communauté de la lumière » selon l’expression que Karl von Eckhartshausen (1752-1803) emploie dans  La Nuée sur le Sanctuaire  : « Cette communauté de la lumière fut appelée de tous temps l'Eglise invisible et intérieure, ou la communauté la plus ancienne… »  [8]; c’est cette Église qui avait été annoncée par le Christ, c’est cette assemblée qui était cachée et préservée en son cœur évidemment, dans laquelle se trouvent conservés la vraie religion, la pratique du culte et les connaissances mystérieuses réservées aux élus de l’Éternel.

 

V. Enfantement de l’Église intérieure

 

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L’Église invisible nous est annoncée par l’ange du Seigneur,

elle doit être enfantée en nous,

et il nous suffira simplement de répondre

comme Marie, lorsque nous en recevrons l’annonce :

« que la volonté de Dieu soit faite » (Luc I, 38).

 


anges,christianisme,doctrine,élus coëns,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,littérature,martinésisme,martinisme,métaphysique,mLe travail que nous avons à entreprendre n’est point inaccessible, il suffit simplement à l’âme, délaissant les voies externes et ses exercices infructueux, de cesser de perdre un temps considérable, et surtout précieux car il nous est compté, en des entreprises vidées de sens, de se tourner vers l’interne, de prendre très au sérieux la mission qui nous est conférée en faisant taire l’agitation périphérique dont le tumulte est une source continuelle de désorientations multiples, et, du sein de notre désert où nous ressentons les amertumes de « 
l'esprit de douleur ou plutôt de la douleur de l'esprit », confiants dans les récits de ceux qui ont déjà  parcouru la route nuptiale vers l’invisible, nous aurons à chaque heure cette ferme conviction devant les yeux de l’âme : le Divin Réparateur, car telle est la vérité de ce à quoi il travaille en notre interne, veut fonder en, et plus exactement « sur » notre âme son Église, et nous envoie pour cela son ange annonciateur et son Esprit concepteur, afin de nous enfanter par sa Sainte Présence : « Nous pouvons donc déjà apercevoir les biens qui nous sont promis si nous persévérons à nourrir en nous l'esprit de douleur ou plutôt la douleur de l'esprit (…) le Dieu universel veut passer tout entier par notre être afin de parvenir jusqu'à l'ami qui nous accompagne ; il veut y passer souffrant, avant d'y passer dans sa gloire, il veut rompre les liens qui nous enchaînent dans la caverne des lions et des bêtes féroces et venimeuses, il veut régénérer notre parole par l'impression de sa propre parole, il veut fonder sur notre âme son Église, afin que les portes de l'enfer ne prévalent jamais contre elle, il veut s'unir à nous pour opérer avec nous une génération spirituelle dont les fruits soient aussi nombreux que les étoiles du firmament, et puissent comme elles faire briller universellement sa lumière ; et tous ces biens qu'il veut nous procurer, il veut les réaliser en nous par l'annonciation de son ange, et par la sainte conception de son esprit, puisque c'est là le terme final de tous ses desseins et de toutes ses manifestations... » (Le Nouvel homme, § 8).

 

Que l’on ne s’y trompe pas, l’œuvre qui est à accomplir ne consiste pas à imaginer que nous allons, paranges,christianisme,doctrine,élus coëns,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,littérature,martinésisme,martinisme,métaphysique,m nos propres forces, par notre volonté et par une décision subjective, édifier seul l’Église invisible ; si elle nous est annoncée par l’ange du Seigneur, si elle doit être enfantée en nous, cela signifie qu’il nous suffira simplement de répondre comme Marie lorsque nous en recevrons l’annonce : « que la volonté de Dieu soit faite » (Luc I, 38). 

 

L’action agissante est ainsi une action de grâce, une action issue de la pensée de Dieu qui possède l’être, le mouvement, la puissance et la gloire.

C’est-à-dire que nous ne devons pas « penser » par nous-mêmes [9], il nous faut, bien au contraire, nous « laisser penser », instruire et féconder par Dieu : « De cette sublime vérité, il résulte une vérité qui n'est pas moins sublime, savoir, que nous ne sommes pas dans notre loi, si nous pensons par nous-mêmes, puisque pour remplir l'esprit de notre vraie nature, nous ne devons penser que par Dieu, sans quoi nous ne pouvons plus dire que nous soyons la pensée du Dieu des êtres, mais nous nous déclarons être le fruit de notre pensée ; nous nous annonçons comme si nous n'avions pas d'autre source que nous-mêmes, et comme si nous avions été notre propre principe, de façon qu'en défigurant notre nature, nous anéantissions celui seul de qui nous la tenons : aveugle impiété qui peut éclairer sur la marche qu'ont suivie toutes les prévarications. » (Le Nouvel homme, § 3).

 

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« Nous ne sommes pas dans notre loi,

 si nous pensons par nous-mêmes,

puisque pour remplir l'esprit de notre vraie nature,

nous ne devons penser que par Dieu,

sans quoi nous ne pouvons plus dire que nous soyons

la pensée du Dieu des êtres,

mais nous nous déclarons être le fruit de notre pensée (….)

aveugle impiété qui peut éclairer

sur la marche qu'ont suivie toutes les prévarications. »

(Le Nouvel homme, § 3).

 

« Nous ne sommes pas dans notre loi si nous pensons par nous-mêmes », ce point sur lequel insiste Saint-Martin, est d’une extrême importance, car sentir la nécessité de la naissance en nous de l’engendrement surnaturel du Saint Temple, ne signifie pas que cet engendrement puisse survenir « naturellement » en y pensant, par l’effet de cogitations mentales ou l’effort personnel ; vouloir n’est pas pouvoir, notamment dans les régions spirituelles, et rien ne serait plus erroné que d’espérer en un résultat de la volonté discursive et bavarde, de considérer comme efficaces, édificatrices et créatrices les considérations rationnelles de l’intellect, de par l’immense fleuve d’eau boueuse et infectée qui nous constitue. 

Nous sommes ici, s’agissant de la fondation et de l’engendrement de l’Église intérieure, dans le domaine de la pure grâce, et dans ce domaine il convient surtout de se laisser agir, d’être en attente de l’initiative de la Divinité, « s’attendre à la grâce », ou « s’attendre à Dieu » [10] selon l’expression de certains spirituels, cette attente étant précisément ce en quoi consiste notre œuvre, la part du labeur qui nous est réservée. Il nous faut de la sorte apprendre à pratiquer le « saint abandon » par lequel nous nous laissons travailler intérieurement par l’ouvrier divin, jusqu’à ce que du cœur même de cet abîme d’inconnaissance, du plus profond de ce néant, du centre de ce véritable rien, surgisse, lorsque le temps sera venu, et seulement à cet instant, choisi non par nous mais par le Ciel, l’édifice de lumière transformante.

Saint-Martin affirme d’ailleurs, que cet abandon, ce en quoi consiste l’entière mise à disposition de notre cœur entre les mains de Dieu en attente de son agir divin pour qu'il puisse venir y édifier son Temple, est la marque effective, le signe probant de la vraie foi, mais d’une foi avançant dans la nuit [11], d’une marche obscure.

 

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Il nous faut apprendre à pratiquer le « saint abandon »

par lequel nous nous laissons travailler

 intérieurement par l’ouvrier divin,

jusqu’à ce que du cœur même de cet abîme d’inconnaissance,

du plus profond de ce néant, du centre de ce véritable rien,

surgisse, lorsque le temps sera venu,

et seulement à cet instant, choisi non par nous mais par le Ciel,

 l’édifice de lumière transformante.

 

 

Nicolas-Antoine Kirchberger (1739-1798), au cours de la correspondance qui s’étendit sur plusieurs années avec Saint-Martin (1792-1797), et dans laquelle furent abordées entre les deux amis les questions les plus centrales touchant à la voie spirituelle qu’il incombe à chacun de résoudre, puis d’accomplir en ce monde, résuma magnifiquement la situation de l’âme placée sous les effets de l’action réparatrice : « [Il] ne dépend pas du vouloir et du cœur de la créature de connaître les profondeurs de la Divinité, l’âme ignore le centre de Dieu et comment la substance divine s’engendre.  La  manière  dont  Dieu  veut  se  révéler  à l’homme dépend de la volonté divine ; et si Dieu se manifeste, en quoi l’âme y a-t-elle contribué ? Elle n’a que le désir  d’être  régénéré ;  elle  tourne  son  attention  vers Dieu,dans lequel elle vit et avec lequel  la lumière divine  devient  resplendissante, lumière qui change le premier principe  sévère, l'origine du mouvement de la joie triomphante. » (Lettre à L.-C. de Saint-Martin, n° 114, 1797).

 

Conclusion

 

Que retenir donc, d’une part de l’énumération des multiples fautes, non exhaustive bien évidemment, mais qui a le mérite de présenter les principaux griefs que nourrissait Saint-Martin à l'égard de l'Église - Église qu’il « n’ignorait pas » (sic), comme il a pu être soutenu de façon profondément erronée, représentant la seconde faute majeure commise à l’égard des positions du Philosophe Inconnu, puisque ce dernier connaissant parfaitement l’Église en sa richesse et ses trésors, mais crut pourtant nécessaire de ne point en taire les limites -, et d’autre part, que comprendre de son aspiration à un christianisme libéré de l’empire des prêtres ?

Tout simplement que le Philosophe Inconnu fut pénétré, apparemment avec une réelle constance, d'une vision singulièrement originale, vision certes nourrie par ses propres analyses qu'il eut largement le temps de méditer depuis sa première initiation à Bordeaux, et d'exposer en différentes occasions, mais, également, significativement inspirée par une volonté de retour à un christianisme purifié et authentique. Et, à cet égard, Saint-Martin, à la suite de Martinès de Pasqually ( + 1774), Nicolas-Antoine Kirchberger, Karl von Eckhartshausen (1752-1803), Jean-Baptiste Willermoz (1730-1824) et bien d’autres encore, est le pur héritier, à divers titres, de ce courant invisible présent depuis des siècles au sein du christianisme, et ce dans l’acception de sa vocation johannique, silencieuse, discrète et réservée, qui, de par sa secrète et intérieure présence, est en sympathie avec les multiples tendances prônant une relation directe avec les régions célestes, un cœur à cœur immédiat et intraduisible entre l’homme et Dieu, cœur à cœur que l’on peut définir, sans forcer les règles de la rigueur terminologique, comme étant de nature « ésotérique », c’est-à-dire voilé et inconnu du plus grand nombre.

C’est pourquoi, l'image de ce christianisme selon ses vœux, Saint-Martin va d'abord en trouver l'écho, non pas auprès de ses amis, fervents catholiques, ou russes pieux orthodoxes, mais dans les membres des cercles « philadelphiens » qu'il rencontra lors de son séjour en Angleterre comme William Law (1686-1761), disciples de Jacob Boehme (1575-1624) et de Johan Georg Gichtel (1638-1710), ou encore chez les admirateurs français du cordonnier de Görlitz, dont il fit la connaissance à Strasbourg (Charlotte de Boecklin, Rodolphe Saltzmann (1749-1821), etc.), qui ne cessaient de vanter les louanges d'une foi intériorisée illuminée par la main invisible du Seigneur, ainsi que l'obligation pour chacun d'une nécessaire relation directe à Dieu. 

 

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Les amis de Saint-Martin ne cessaient

de vanter les louanges d'une foi intériorisée

illuminée par la main invisible du Seigneur,

ainsi que l'obligation pour chacun

d'une nécessaire relation directe à Dieu,

afin qu'un jour chacun reçoive la couronne de gloire

qui lui revient au Ciel.

 

On ne le redira donc jamais assez, Saint-Martin est un théosophe, il entretient un rapport unique et privilégié avec la chose divine, et sa pensée ne peut, en aucun cas, rentrer dans le cadre d’une dogmatique  religieuse étroite et rigide, ni évidemment, puisqu’il semble nécessaire d’y insister, n’a vocation ni à s’y soumettre ni non plus à s’y conformer.

anges,christianisme,doctrine,élus coëns,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,littérature,martinésisme,martinisme,métaphysique,mElle relève, et doit être respectée sur ce point, du mysticisme spéculatif, ce que fit remarquer dès 1850 un auteur, signalant d’ailleurs, très pertinemment, même si c’était - au motif de rémanences de thèses « gnostiques » - pour en critiquer les liens, la similarité des idées du Philosophe Inconnu avec celle d’Origène, dont il partageait l’interprétation spirituelle de l’Écriture : « Les théosophes, suivant la déclaration expresse de l'un d'eux, admettent la Trinité, la chute des anges rebelles, la création après le chaos causé par leur chute, la création de l'homme dans les trois principes, pour gouverner, combattre ou ramener à résipiscence les anges déchus. Les théosophes sont d'accord sur la première tentation de l'homme, le sommeil qui la suivit, la création de la femme lorsque Dieu eut reconnu que l'homme ne pouvait plus engendrer spirituellement ; la tentation de la femme, la suite de sa désobéissance qui occasionna celle de son mari ; la promesse de Dieu que de la femme naîtrait le briseur de la tête du serpent, la Rédemption, la fin du monde. C'est, on le voit, l'enchaînement des grands faits de la tradition altéré par le mélange des idées gnostiques associées aux deux principales erreurs d'Origène sur la préexistence des âmes et sur la résipiscence des anges déchus. Les articles de ce symbole théosophique sont pour la plupart professés par Saint-Martin ; mais ce qu'il expose surtout avec des développements inépuisables, c'est la chute de l'homme, sa misère, sa privation, ses ténèbres, sa séparation des vertus intellectuelles, son asservissement aux vertus sensibles, tous les désordres de cet univers "écroulé sur l'être puissant qui devait l'administrer et le soutenir."» [12]

anges,christianisme,doctrine,élus coëns,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,littérature,martinésisme,martinisme,métaphysique,mCe christianisme original professé par Saint-Martin qu’évoque Louis Moreau, fondé sur la doctrine secrète de la réintégration des êtres, condamnée officiellement depuis le VIe siècle lors du IIe Concile de Constantinople (556) - et dont Origène (185-253) puis Évagre le Pontique (345-399), ou encore Isaac de Ninive (VIIe s.) et Joseph Hazzaya (VIIIe s.), exposèrent les principes, principes qui se retrouvèrent au sein du riche courant de l’illuminisme chrétien jusqu’à devenir le cœur même de certains systèmes initiatiques auxquels fut lié Louis-Claude de Saint-Martin -, redisons-le encore une fois, n’a pas à se plier aux vues disciplinaires de l’Église visible, elle n’a pas, cette doctrine, à être corrigée ou amendée, voire profondément déformée et scandaleusement dénaturée, afin de la faire correspondre aux schémas dogmatiques arrêtés par les Pères conciliaires, de sorte,  finalement, de la dissoudre et la faire disparaître sous de fallacieux prétextes, et surtout en vertu de l'autorité arbitraire et subjective d'un tribunal surgi d'on ne sait où et dénué de toute qualification légitime pour agir en ce sens, dans l’eau des proclamations ecclésiales. Elle possède cette doctrine, ses critères propres, et doit être protégée, conservée dans sa pureté et gardée en conformité d’avec son essence intrinsèque, ce qui, ceci rappelé aux esprits oublieux qui d'ailleurs sont étrangers à ces domaines - ceci expliquant sans-doute cela -, est le devoir d’une classe « non ostensible » du Régime rectifié, à laquelle Jean-Baptiste Willermoz confia, précisément, cette mission.

 

*

 

L’âme de désir, nourrie des lumières de la doctrine, dispose de bien plus que ne l’imaginait le premier maître de Saint-Martin, elle dispose, en son centre, du Temple, de l’autel et du sacrifice, et c’est de cette conviction que découle toute la perspective saint-martiniste et son rapport aux choses saintes et sacrées.

La pensée fondamentale de Saint-Martin, à propos de l’Église, se résume de ce fait à une unique certitude, sachant que les temps sont proches, et qu’il convient de vivre, dès à présent, comme si l’heure de la Révélation était déjà advenue - ce qui est bien le cas au regard de la situation du monde et de l’état dans lequel se trouvent les créatures humaines -, la manifestation de « l’Esprit » a déjà commencé à se produire, auprès de ceux qui ont compris - et qui furent sans doute choisis avant même la fondation du monde (Éphésiens I, 3-6).

 

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La manifestation de « l’Esprit »

a déjà commencé à se produire, auprès de ceux qui ont compris –

et qui furent sans doute choisis,

avant même la fondation du monde (Éphésiens I, 3-6).

 

 

La perspective de Saint-Martin fut d’une nature participant d’une aspiration ardente à la rencontre avec les lumières célestes, mais dans la paix de l’esprit et le silence du cœur. Le but, l’objet recherché était la relation intérieure avec le Verbe, et pas le moins du monde une entreprise de transformation des formes externes - qui pouvaient d’ailleurs, selon-lui, rester ce qu’elles étaient pour les âmes qui le souhaitent et en ont besoin, position qui place Saint-Martin dans une perspective que l’on pourrait, et l’on doit même, qualifier de « mystique », dans le sens où son discours s’inscrivit bien plus, sans doute, dans le prolongement des aspirations de certains spirituels, voyants ou visionnaires, cherchant à s’immerger entièrement dans la plénitude de la vie divine, plutôt que dans la perspective des prêches, cherchant à troubler l’humble cheminement des créatures attachées aux formes religieuses qu’elles connaissent, chérissent et aiment ; ceci faisant que parfois même, certes rarement mais néanmoins positivement, il alla jusqu’à vanter les mérites de la religion extérieure.

 

Ce que proposa Saint-Martin, c’était une voie de dépouillement et de sincérité, une voie de vérité absolue, de sorte de libérer l’accès, pour certaines âmes choisies, de la route invisible et secrète conduisant au Sanctuaire éternel. Et pour ce faire, il savait qu’il lui fallait dire les choses sans détour, écrivant et affirmant ce qu’il pensait être la vérité, dont il se voulait le serviteur zélé, quitte à liguer contre lui énormément de monde, ce qui, par ailleurs, lui fut parfaitement indifférent et comme - ceci souligné en passant - il doit toujours en être le cas lorsqu’on se risque à projeter quelques fortes lumières sur les opinions et les vues controuvées des hommes du torrent : « Comme balayeur du temple de la vérité, je ne dois pas être étonné d'avoir eu tant de monde contre moi. Les ordures se défendent du balai tant qu'elles peuvent. » (Portait, § 1032).

 

A paraître :

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Éditions la Pierre Philosophale, 552 pages.

Pour consulter le Sommaire :

« L'Église et le sacerdoce selon Louis-Claude de Saint-Martin »

 

Fin de la Première partie.

Suite :

Le culte de l’Eglise intérieure

selon Louis-Claude de Saint-Martin

 

 

Notes.

 

1. J. de Maistre, Soirées de Saint-Pétersbourg, XIe Entretien, (1821).

2. Saint-Martin soutient, au sujet des sources de la doctrine initiatique : « Dans les premiers siècles de notre ère, les saints pères qui n'avaient déjà plus qu'un reflet et qu'un historique du vrai christianisme…puisèrent chez les célèbres philosophes de l'antiquité plusieurs points d'une doctrine occulte, qu'ils ne pouvaient expliquer que par la lettre de l'Évangile, n'ayant plus la clef du véritable christianisme. » (Le Ministère de l’homme-esprit, 1802).

3. Cette idée, d’un oubli des connaissances secrètes de la doctrine initiatique par l’Église, qui aujourd’hui désigne ces thèses comme des hérésies, est partagée par Jean-Baptiste Willermoz (1730-1824), ainsi qu’il put le déclarer à plusieurs endroits : « L'initiation (…) éprouve l'homme de désir, de l'origine et formation de l'univers physique, de sa destination et de la cause occasionnelle de sa création, dans tel moment et non un autre; de l'émanation et l'émancipation de l'homme dans une forme glorieuse et de sa destination sublime au centre des choses créées; de sa prévarication, de sa chute, du bienfait et de la nécessité absolue de l'incarnation du Verbe même pour la rédemption, etc. etc. etc.  Toutes ces choses desquelles dérive un sentiment profond d'amour et de confiance, de crainte et de respect et de vive reconnaissance de la créature pour son Créateur, ont été parfaitement connues des Chefs de l'Eglise pendant les quatre ou six premiers siècles du christianisme. Mais, depuis lors, elles se sont successivement perdues et effacées à un tel point qu'aujourd'hui (…) les ministres de la religion traitent de novateurs tous ceux qui en soutiennent la vérité. Puisque cette initiation a pour objet de rétablir, conserver et propager une doctrine si lumineuse et si utile, pourquoi ne s'occupe-t-on pas sans amalgame de ce soin dans la classe qui y est spécialement consacrée ? » (Lettre de Willermoz à Saltzmann, du 3 au 12 mai 1812, in Renaissance Traditionnellen° 147-148, 2006, pp. 202-203).

4. Voir au sujet de l’illuminisme : J.-M. Vivenza, La Clé d’or, Editions de l’Astronome, 2013, - principalement : Appendice II : L'esprit de l’illuminisme et la Franc-maçonnerie, & Appendice III : L’essence du « christianisme transcendant ».

5. R. Amadou, La Théosophie de Saint-Martin, in Martinisme, Documents martinistes2e éd. Les Auberts, Institut Eléazar, 1993

6. Nous l’avons déjà dit dans un ouvrage antérieur, les invocations présentes dans les rituels des élusanges,christianisme,doctrine,élus coëns,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,littérature,martinésisme,martinisme,métaphysique,m coëns, à l’accent liturgique témoignant d’une religiosité pieuse et d’une fervente dévotion, du moins en apparence, se référant aux anges, aux saints, au Père, Fils et Saint Esprit, et à la Vierge Marie, qui se retrouvent en de nombreux endroits des textes coëns, notamment dans les diverses invocations hebdomadaires, les prières de l’Ordre, en particulier celle dite « des six heures » (cf. fonds Willermoz Bibliothèque de Lyon, Ms 5526-1), ne sont absolument pas le témoignage d’une manifestation particulière d’adhésion aux éléments de la dogmatique catholique et de l’ensemble des églises chrétiennes, ou encore moins une quelconque révérence envers le sacerdoce de l’Église et les sacrements conférés par ses ministres, car les récitations des rituels coëns ne sont en fait que la simple réutilisation de formules employées par les grimoires magiques auxquels Martinès fit de larges emprunts, comme on peut en trouver trace dans le célèbre Enchiridion du pape Léon III, ou encore le Grimoire d’Honorius : « Viens rendre l’honneur que tu dois à Dieu vivant véritable et ton créateur, au nom du Père + et du Fils + et du Saint Esprit +. Viens donc et sois obéissant devant le cercle, sans aucun péril pour moi, soit du corps ou de l’âme… » ;  « Je t’exorcise +. En t’invoquant, je te fais commandement par la puissance d’un Dieu vivant +, d’un Dieu vrai + et par la force d’un Dieu Saint +, ainsi que par la vertu de Celui qui a dit et toutes choses ont été créées: le ciel, la terre, la mer, les abîmes et tout ce qui est en eux; je t’adjure par le Père + par le Fils + par le Saint Esprit + et par la Sainte Trinité et par le Dieu auquel tu ne peux résister, sur l’empire duquel je te ferai ployer. Je te conjure par Dieu le Père + par Dieu le Fils +, par Dieu le Saint Esprit +, par la Mère de Jésus-Christ et Vierge perpétuelle, par sa sainteté, par sa pureté, par sa virginité…. » (Grimoire du pape Honorius III le Grand, avec un recueil des plus rares secrets, 1670). (Cf. Saint-Martin et les anges, De la théurgie des élus coëns à la doctrine angélique saint-martiniste,  Editions Arma Artis, 2012, p. 96).

7. Les questions relatives à la grâce, avaient été, et restaient encore très vivaces du temps de Saint-Martinanges,christianisme,doctrine,élus coëns,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,littérature,martinésisme,martinisme,métaphysique,m au sein de l’Église, et si le Philosophe Inconnu, ne désigne jamais directement les sources avec lesquelles il est en résonance, sa pensée relève incontestablement d’une sensibilité en ces domaines, qui le rend évidemment proche des positions de saint Augustin (354-430). Rappelons, qu’historiquement, les grandes divisions sur le thème de la grâce, viennent du fait qu’au Ve siècle, un moine anglais, Pélage (v.350-v. 420), en était arrivé à soutenir que l’acte bon produit par la créature, avait comme origine l’homme lui-même, qui, par ses propres moyens personnels et ses efforts, était en mesure d’obtenir son salut. Or, cette proposition n’aboutissait à rien d’autre qu’à oublier, et même jusqu’à « nier » purement et simplement, les conséquences objectives de la chute originelle, puisque accordant une liberté aux fils d’Adam, comme si le péché n’avait point brisé et définitivement détruit, liberté et volonté dans l’âme humaine.

Cornélius Jansénius (1585-1638), évêque d’Ypres, dans l'Augustinus -(1641), rappela la corruption radicale de la liberté et de la volonté en Adam de par le péché originel, faisant que l'homme, sans la grâce, dans l'état de nature déchue,  est incapable d'obéir à Dieu et d'obtenir son salut.

 

C’est contre l’erreur terrible de Pélage que saint Augustin s’éleva avec force, en faisant condamner au concile de Carthage (418) les thèses pélagiennes. Saint Augustin sut rappeler, à juste titre, que le péché originel a ruiné la volonté, profondément corrompu toutes les facultés de l’homme, qui ne peut donc de ce fait, sans l’aide de la grâce, que tomber dans les fautes et les plus épaisses ténèbres. Ainsi, sans la grâce, il est impossible à l’homme de faire le bien, il en est incapable, sa nature, entachée du péché et souillée ontologiquement, l’empêche absolument de pratiquer le bien, car l’homme est totalement sous l’empire de la corruption. Un jésuite portugais, Molina (1536-1600), voulant maintenir, par complaisance indue et inexacte, une certaine liberté à l’homme, avait soutenu dans son ouvrage Concordantia liberi arbitrii cum gratiæ donis (1588), une thèse qui prenait le contre-pied des positions augustiniennes, écrivant : « Dieu et l’homme agissent comme feraient deux chevaux tirant un bateau le long d’un canal. Ces deux actions s’ajoutent donc, mais l’action de Dieu et celle de l’homme sont placées sur le même plan : Dieu tend la main à l’homme, et l’homme la prend. » (Cf. De jansenistica opinione, p. 4). Clément VIII, lors de son pontificat (1592-1605), fit examiner le livre Molina, et en isola 42 propositions hérétiques, rédigeant une Bulle de condamnation, qui ne sera achevée qu’en 1607, par Paul V (1605-1621). Mais cette Bulle Gregis dominici, de par les manœuvres des Jésuites, ne fut- pas publiée, mais uniquement  imprimée en 1707. C’est donc en réaction contre les graves erreurs de Molina sur la liberté de l’homme, que Cornélius Jansénius (1585-1638), évêque d’Ypres, soutint ce que Clément VIII et Paul V avaient eux-mêmes soutenu, à savoir la corruption de la liberté et de la volonté en Adam de par le péché originel, et rédigea un immense ouvrage intitulé Augustinus, (« Augustinus seu doctrina Sancti Augustini de humanæ naturæ sanitate, ægritudine, medicina adversus Pelagianos et Massilienses »), (1641), dans lequel il réaffirma les points essentiels de  la doctrine de saint Augustin sur la grâce, ouvrage qui ne sera publié qu’après la mort de Jansénius, en 1641. Jansénius rappelait avec justesse, que les Jésuites étant revenus aux fatales erreurs de Pélage, avaient oublié que l’homme est dépendant, pour exercer le bien comme pour faire son salut, de la grâce divine, et c’est pourquoi la vie de l’homme, qu’il soit laïc ou clerc, doit être entièrement de nature religieuse et se penser comme un authentique « anéantissement », de sorte que la créature corrompue soit admise en grâce auprès de Dieu, sachant que pour ce qui est d’elle-même, de son infection et ses souillures, elle ne mérite que le châtiment et la mort. A signaler que de ce point de vue, et selon les positions augustiniennes que partage évidemment Saint-Martin, les sacrements ne sont qu’un « signe de l’amour de Dieu », et n’ont pas une efficacité « mécanique » ou « automatique » qui s’imposerait à la créature parce qu’assistant à des offices ou des cérémonies, ce qui rendrait inutile l’effet de la grâce divine donnée directement par Dieu. C’est ce que rappela Antoine Arnauld (1612-1694) dans son maître livre : De la fréquente communion (1643).

8. K. von Eckartshausen, La Nuée sur le Sanctuaire ou Quelque chose dont la philosophie orgueilleuse de notre siècle ne se doute pas1802.

9. L’engendrement de Dieu en l’âme, survenant dans le recueillement passif relève de la « non-pensée », il ne s'obtient pas « par le travail de l’entendement, en s’efforçant de penser à Dieu au dedans de soi-même, ni par celui de l'imagination en se le représentant en soi » (Ste Thérèse d’Avila, Château de l’âme, 4e Dem., ch. 3) ; mais par l'action directe de la grâce divine. C'est pour cela que Ste Thérèse l'appelle « oraison surnaturelle » : « L'oraison dont je parle est un recueillement intérieur qui se fait sentir à l'âme, et durant lequel on dirait qu'elle a en elle-même d'autres sens, analogues aux extérieurs. Elle semble vouloir se séparer de l'agitation des sens extérieurs ; parfois même elles les entraîne après elle. Elle sent le besoin de fermer les yeux du corps, de ne rien entendre, de ne rien voir, de vaquer uniquement à ce qui l'occupe alors tout entière : je veux dire, à cet entretien seul à seul avec Dieu. Dans cet état, les sens et les puissances ne sont pas suspendus ; ils restent libres, mais pour s'appliquer à  Dieu » (Œuvres, t. II).

10. Madame Guyon (1648-1717), qui tenait cette sentence de sainte Thérèse d’Avila, avait l’expression suivante en grande faveur : « Ne rien faire et laisser faire ». Saint-Martin, de son côté – qui eut cette réflexion : « Il faut que ce soit sa volonté qui se fasse, et non pas la mienne. » (Le Livre rouge, « Carnet d’un jeune élu cohen », § 8) - nous engage à nager « continuellement dans la prière comme dans un vaste océan », dont on ne peut connaître « ni le fond, ni les bords, et où l'immensité des eaux….procure à chaque instant une marche libre et sans inquiétudes », et c’est alors que, sans agitation stérile, sans efforts aussi inutiles que vains, sans même que nous nous en soucions «le Seigneur s'emparera de l'âme humaine » : « Je m'unirai à Dieu par la prière comme la racine des arbres s'unit à la terre. J'anastomoserai mes veines aux veines de cette terre vivante, et je vivrai désormais de la même vie qu'elle. Nage continuellement dans la prière comme dans un vaste océan, dont tu ne trouves ni le fond, ni les bords, et où l'immensité des eaux te procure à chaque instant une marche libre et sans inquiétudes. Bientôt le Seigneur s'emparera de l'âme humaine. Il y entrera comme un maître puissant dans ses possessions. Bientôt elle sortira de ce pays d' esclavage et de cette maison de servitude, où elle n' est pas une heure sans violer les lois du seigneur ; de cette terre de servitude, où elle n' entend parler que des langues étrangères, et où elle oublie sa langue maternelle ; de cette terre, où les venins même lui deviennent quelquefois nécessaires pour l' arracher à ses douleurs ; de cette terre, où elle vit tellement avec le désordre, qu' il n' y a plus que le désordre où elle puisse trouver son rapport et son analogue. » (L’Homme de désir, § 251).

11. Saint Jean de la Croix (1542-1592), le docteur de la « nuit mystique », explique avec précision le chemin que doitanges,christianisme,doctrine,élus coëns,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,littérature,martinésisme,martinisme,métaphysique,m emprunter l’âme dans la nuit de l’esprit, afin d’être transformée en Dieu : « L'âme, pour être élevée à ce sublime état, doit demeurer dans l'obscurité, non seulement selon sa partie inférieure, qui regarde les choses créées et matérielles, mais encore selon la partie supérieure qui regarde Dieu et les choses spirituelles. Car il est certain que, pour arriver à la transformation surnaturelle d'elle-même en Dieu, elle doit être obscurcie, c'est-à-dire privée de la lumière qu'elle peut recevoir de tout le sensible et de tout le raisonnable, qui ne sort point des bornes de la nature, puisque tout ce qui est surnaturel surpasse les choses qui ne sont que naturelles, et qui demeurent dans un rang inférieur.» (S. Jean de la Croix, Montée du Carmel, Liv. II, ch. IV).

12. L. Moreau, Réflexions sur les idées de Louis-Claude de Saint-MartinCh. VII, Vues de la nature, esprit des Choses, chez Jacques Lecoffre et Cie, 1850. Signalons que ce livre, devenu introuvable, a fait en 2007, l’objet d’une édition numérique grâce à l’heureuse initiative de Dominique Clairembault, responsable du site : « www.le philosophe inconnu.com ».

 

 

Le culte de l’Église intérieure selon Louis-Claude de Saint-Martin

Sacerdoce mystique et pratique du culte divin 

Essence et forme du ministère de l’Église intérieure

Jean-Marc Vivenza 

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La liturgie spirituelle véritable de l’Église intérieure,

se déroule sur l’autel situé dans le Sanctuaire du cœur,

afin que s’accomplisse le culte divin en « esprit et en vérité »,

sachant que : « l’heure vient, et elle est déjà là,

où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité ;

car le Père recherche des hommes qui l’adorent ainsi. » (Jean IV, 23). 

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« C'est à ce sacerdoce

qu'aurait dû appartenir la manifestation de toutes les merveilles

et de toutes les lumières

dont le cœur et l'esprit de l'homme

auraient un si pressant besoin.»

(Saint-Martin, 1802).

 

 

L’Église et le sacerdoce selon Louis-Claude de Saint-Martin

2e Partie. La pratique du culte divin au sein du Sanctuaire du cœur

 

 

I. La nature céleste de l’Église

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« L'unité ne se trouve guère dans les associations

 elle ne se trouve que dans notre jonction individuelle avec Dieu.

Ce n'est qu'après qu'elle est faite

que nous nous trouvons naturellement

les frères les uns des autres. »

(Portrait, § 1137).

 

 

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Telle est d’ailleurs le sens de cette remarque de Louis-Claude de Saint-Martin, parfois si incomprise et dont peu perçoivent qu’elle se réfère à la vie de la famille divine, et touche même directement à la question de l’Assemblée céleste formée de toute éternité et avant même la fondation du monde (Ephésiens I, 3-6), par les élus de l’Éternel : « L'unité ne se trouve guère dans les associations elle ne se trouve que dans notre jonction individuelle avec Dieu. Ce n'est qu'après qu'elle est faite que nous nous trouvons naturellement les frères les uns des autres. » (Portrait, § 1137).

 

L’histoire de l’Église visible n’est donc rien d’autre, selon Saint-Martin, que l’histoire, non de l’Institutionanges,christianisme,culture,doctrine,élus coëns,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,littérature,livres,martinésisme,martinisme,métaphysique,mystique,occultisme,pensée,philosophie,religion,spiritualité,théologie,théosophie,t divine, mais de la corruption de l’homme, sachant que l’Église, dès les premiers siècles, devint un système abandonnant ce que Dieu avait établi de par le fait que plus les hommes édifiaient des cadres structurels contraignants pour l’Esprit, plus on tentait d’enserrer les vérités évangéliques dans des définitions dogmatiques, plus  l’idée de ce qu’est la véritable Église se corrompait et finalement peu à peu et inexorablement se perdait.

C’est donc dans le cœur de l’homme, selon le Philosophe Inconnu, que doit exister et vivre désormais l’Assemblée de Dieu, une Assemblée qui ne se rapporte à aucune organisation humaine, ni à aucun des systèmes religieux issus des institutions formées et façonnées par les hommes depuis l’avènement du christianisme. C’est une Église édifiée par l’Esprit, ayant pour unique Souverain le Divin Réparateur, une Église constituée pour adorer l’Éternel et être en communion avec Lui ; et cette secrète Assemblée de Dieu, cette Église intérieure demeurant dans le cœur de l’homme de désir : «Le monde ne la connaît pas» (Jean XIV, 17).

 

 

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C’est dans le cœur de l’homme

que doit exister et vivre désormais « l’Assemblée de Dieu »,

une Assemblée qui ne se rapporte

à aucune organisation humaine,

ni à aucun des systèmes religieux issus

des institutions formées et façonnées par les hommes

depuis l’avènement du christianisme.

 

 

a) Faire place à l’Esprit pour illuminer le cœur de l’homme

Ainsi s’impose comme règle unique et  centrale pour cette Église située dans le cœur de l’homme, cette expression si étroitement liée à la voie proposée par le Philosophe Inconnu : « Faites place à l'Esprit » !

Faire place à l’Esprit pour lui donner d’illuminer les profondeurs de l’homme, d’éclairer son édifice, de répandre les saintes bénédictions dans le Temple intérieur pour, qu’en s’appuyant sur les sept colonnes reliées avec le Ciel, il soit en mesure de faire circuler en nous toute la sève spirituelle transcendante, et nourrir l’ensemble de nos autels particuliers sur lesquels brillent les lois de la Divinité : « ‘‘Faites place à l'Esprit’’. (…) Comment cette Église serait-elle renversée ? Ses sept co­lonnes reposent sur la sainteté, et elles s'élèvent jusque dans la demeure du Très-Haut ; là elles puisent continuellement la sève divine, et la rapportent jusqu'aux saints fondements du temple. Comment cette Église serait-elle renversée ? Ses sept colonnes sont intimement liées à sa base et à son sommet tout à la fois. La base, les colonnes, le sommet de l'édifice tout n'est qu'un ; il est impossible qu'il ne se meuve pas tout ensemble, et qu'au­cune force ne puisse jamais séparer la moindre partie. » (Le Nouvel homme, § 14).

 

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« ‘‘Faites place à l'Esprit’’. (…)

Comment cette Église serait-elle renversée ?

Ses sept co­lonnes reposent sur la sainteté,

et elles s'élèvent jusque dans la demeure du Très-Haut ;

là elles puisent continuellement la sève divine,

et la rapportent jusqu'aux saints fondements du temple. »

(Le Nouvel homme, § 14).

 

 

b) La consécration du Temple

anges,christianisme,culture,doctrine,élus coëns,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,littérature,livres,martinésisme,martinisme,métaphysique,mystique,occultisme,pensée,philosophie,religion,spiritualité,théologie,théosophie,tAinsi, lorsque le plan a été tracé et les proportions arrêtées, il faut passer de l’architecture à la consécration du Temple en méditant ces paroles saintes : ‘‘je suis le fils du Seigneur’’, paroles restauratrices des trois dons primitifs : « la conservation du corporel, la distribution de l'incorporel et l'exclamation », mais qui feront également accéder au quatrième don : la supériorité, une supériorité touchant à l’éminente valeur du Temple intérieur par rapport à tous les édifices visibles construits par les institutions religieuses, tout ceci se déroulant dans le silence et la retraite : « Dites en vous-même : ‘‘je suis le fils du Seigneur’’. Dites-le, jusqu' à ce que cette parole sorte du fond de votre être : et vous sentirez les ténèbres s'enfuir d'autour de vous. (…) Ce n'est point en vain qu'il m'est donné de dire aujourd'hui encore mieux que dans l'origine : je suis le fils du Seigneur. Et je ne suis point en mesure, si chaque instant de mon existence ne me trouve occupé à méditer et à prononcer cette sublime parole. » (L’Homme de désir, § 233).

 

c) La réception du rang sacerdotal

 

La parole sacrée proférée, la parole sublime révélatrice de notre vraie nature, de notre état divin, étant prononcée dans le Temple par Celui qui vint « d’en haut » dire à notre place la parole déterminante, alors le Réparateur va nous donner « rang parmi ses prêtres »,  il va solennellement nous déclarer « de la race sacerdotale ». Mais que nous restera t-il à faire ensuite, après avoir bénéficié, dans la nuit de l’esprit mais alors que le Temple ait été édifié et consacré, et ceci malgré notre immense misère et terrible indignité, de ces réceptions nous instituant « prêtre » et de la « race sacerdotale » ?

 

 

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L’homme est prêtre, prêtre authentique

par une ordination surnaturelle, reçue du Ciel

sans aucune médiation humaine,

et que d’ailleurs nulle institution terrestre

n’est en mesure de transmettre.

 

 

Eh bien Saint-Martin nous l’explique clairement, et nous l’indique sous la forme d’un commandement : « Revêts l'éphod et la tiare. Parois devant l'Assemblée, comme étant rempli de la majesté du Seigneur. » (L’Homme de désir, § 245).

*

Reste à savoir que faire de cette prêtrise, à en connaître les principes, être instruit de la pratique du culte divin dont elle est détentrice, être en mesure d’en comprendre les mystères, s’instruire de la façon dont peut s’exercer ce ministère pourvu de la majesté du Seigneur, de sorte que soient accomplis les rites de ce sacerdoce selon l’interne, à l’évidence d’une nature si différente, si éloignée et radicalement autre, de celle de l’ensemble des institutions religieuses professant le christianisme - toutes dénominations ecclésiales, églises, chapelles ou systèmes constitués et organisés possédant une classe sacerdotale ostensibles confondus. Et cette connaissance représente précisément la science spirituelle véritable de l’Église intérieure, afin que se déroule, sur l’autel situé dans le Sanctuaire du cœur, la divine liturgie en « esprit et en vérité », sachant, selon l’indication évangélique, que : « l’heure vient, et elle est déjà là, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité ; car le Père recherche des hommes qui l’adorent ainsi. » (Jean IV, 23). 

 

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Doivent s’accomplir les rites du sacerdoce selon l’interne,

d’une nature différente,

éloignée et radicalement autre,

de celle de l’ensemble des institutions religieuses

professant le christianisme –

toutes dénominations ecclésiales, églises, chapelles

ou systèmes constitués et organisés,

possédant une classe sacerdotale ostensibles, confondus.

 

 

II. L’adoration en « Esprit et en Vérité »

 

anges,christianisme,culture,doctrine,élus coëns,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,littérature,livres,martinésisme,martinisme,métaphysique,mystique,occultisme,pensée,philosophie,religion,spiritualité,théologie,théosophie,tSi l’homme est prêtre, prêtre authentique par une ordination surnaturelle, reçue du Ciel sans aucune médiation humaine, et que d’ailleurs nulle institution terrestre n’est en mesure de transmettre, il lui incombe d’exercer son sacerdoce. Et sur cette question de l’exercice du sacerdoce, Saint-Martin, prend très au sérieux, et comment ne pas lui reconnaître une authentique légitimité en cela de par la portée des paroles exprimées dans l’Évangile de Jean si on veut bien y être un minimum attentif, l’injonction du Christ à la Samaritaine devant le puits de Jacob, lui indiquant qu’à présent c’est « en Esprit et en Vérité » que Dieu souhaite être adoré, et qu’il attend et recherche de tels adorateurs : « Seigneur, lui dit la femme, je vois que tu es prophète. Nos pères ont adoré sur cette montagne ; et vous dites, vous, que l’endroit où il faut adorer est à Jérusalem. Femme, lui dit Jésus, crois–moi, l’heure vient où ce ne sera ni sur cette montagne, ni à Jérusalem que vous adorerez le Père. Vous adorez ce que vous ne connaissez pas ; nous, nous adorons ce que nous connaissons, car le salut vient des Juifs. Mais l’heure vient –– et c’est maintenant –– où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité ; car ce sont de tels adorateurs que le Père recherche. Dieu est esprit, et il faut que ceux qui l’adorent, l’adorent en esprit et en vérité. » (Jean IV, 19-24).

a) Dieu, pour être adoré, s'est formé un temple dans le cœur de l’homme

De la sorte, pour Saint-Martin, l’adoration demandée par le Père que le Christ révèle à la Samaritaine, anges,christianisme,culture,doctrine,élus coëns,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,littérature,livres,martinésisme,martinisme,métaphysique,mystique,occultisme,pensée,philosophie,religion,spiritualité,théologie,théosophie,treprésente le culte authentique du christianisme, culte que se doivent d’accomplir les âmes consacrées par le Ciel, celui qui aurait dû être toujours célébré et transmis par les chrétiens depuis l’origine de l’Église, qui se sont malheureusement égarés en créant des cérémonies inspirées des rites pratiqués par les religions antérieures à la venue du Fils de Dieu dont les fruits externes sont stériles et impuissants [1],  car le culte qui concerne l’homme aujourd’hui, ce en quoi consiste toute sa religion relevant de « l’Esprit et de la vérité », doit s’effectuer sur un Autel qui n’est autre que son « cœur », un cœur renouvelé par la grâce, garni de lampes et sur lequel monte, silencieusement, et en permanence, un pur encens vers le Ciel

Tel est le vrai temple, qui n’a rien de commun avec les « temples figuratifs » édifiés par la main de l’homme, où Dieu doit être adoré : « Oui, nouvel homme, voilà ce vrai temple où seulement tu pourras adorer le vrai Dieu de la manière dont il veut l'être, puisque tous les temples représentatifs et figuratifs qu'il a permis à sa sagesse de t'accorder pendant ton passage dans les régions visibles ne sont que les avenues de ce temple invisible, auquel il désirerait voir arriver en foule toutes les nations de l’univers. Le cœur de l'homme est le seul port où le vaisseau lancé par le grand souverain sur la mer de ce monde, pour transporter les voyageurs dans leur patrie, peut trouver un asile sûr contre l'agitation des flots, et un ancrage solide contre l’impétuosité des vents. Ne lui en interdisons pas l'entrée, si nous ne voulons pas de sa part les reproches de l'ingratitude et de l'inhuma­nité ; au contraire, ayons un soin continuel de tenir ce port en état, et d'ôter sans cesse les sables qui peuvent s'accumuler devant lui, et que la mer y apporte à tous les moments ; ayons grand soin d'en ôter les vases et les sédiments qui s'y déposent journellement, et qui couvrant le fond solide empêcheraient que l’ancre du vaisseau ne pût y mordre et s'y attacher ; ayons surtout grand soin de préparer tous les secours qui seront en notre pouvoir pour soulager les malheureux navigateurs que la mer aura fatigués, et faisons en sorte qu'ils y trouvent toutes les consolations qu'ils pourront désirer, afin que ce port soit chaque jour plus fréquenté, et devienne ainsi utile et cher à toutes les nations de l'univers ; par là nous rétablirons entre nous, et nos frères de tous les pays, une liaison salutaire qui nous fera jouir d'avance des bienfaits de cette communion universelle pour laquelle nous avons reçu l'existence, et qui est le premier objet de l'ambition du nouvel homme. »   (Le Nouvel homme, § 27).

 

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Le culte en quoi consiste toute la religion

relevant de « l’Esprit et de la vérité »,

doit s’effectuer sur un Autel qui n’est autre

que le « cœur » de l’homme,

mais un cœur renouvelé par la grâce,

garni de lampes et sur lequel monte,

silencieusement, et en permanence,

un pur encens vers le Ciel.

 

anges,christianisme,culture,doctrine,élus coëns,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,littérature,livres,martinésisme,martinisme,métaphysique,mystique,occultisme,pensée,philosophie,religion,spiritualité,théologie,théosophie,tDieu, depuis l’avènement du Divin Réparateur, s’est choisi un sanctuaire unique pour être adoré et il n’en veut point d’autre, il s’agit du cœur de l’homme ; Saint-Martin dit : « le Dieu unique a choisi son sanctuaire unique dans le cœur de l'homme, et dans ce fils chéri de l'esprit que nous devons tous faire naître en nous », nous donnant, par ailleurs, des conseils importants, des prescriptions sacrées afin de nous aider à célébrer intérieurement comme il convient, notre culte en esprit et en vérité : « Lorsque tu seras entré dans la terre promise, souviens-toi de n'y sacrifier à ton Dieu que dans le lieu qu'il aura choisi pour que tu lui rendes le culte qui lui est dû. Non seulement tu n'imiteras point ces nations impies qui ont dressé les autels sur tous les hauts lieux, sous des arbres touffus, et qui là offrent leurs sacrifices au Soleil, à la Lune, et à toute la milice du ciel, mais tu renverseras tous ces hauts lieux, tous ces autels et toutes ces idoles qui y sont honorées ; tu ne laisseras pas subsister la moindre trace de ce culte impie, selon que le Seigneur ton Dieu te l'a ordonné, et tu viendras dans le lieu que le Seigneur t'aura indiqué pour lui immoler tes victimes. Ce lieu, tu l'as déjà connu, tu l'as déjà vu, dès que tu as reçu la naissance ; car ce lieu est ce même fils chéri, conçu de l’esprit en similitude de celui qui est le fils unique du Seigneur son éternelle génération. Tu éviteras donc, avec grand soin, d'aller sacrifier au Seigneur dans d'autres lieux de ton être, que dans ce Saint des Saints qui est le seul asile sacré qu'il ait pu se réserver dans les du temple de l'homme. »  (Le Nouvel homme, § 27).

 

b) Nature du culte de l’homme

anges,christianisme,culture,doctrine,élus coëns,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,littérature,livres,martinésisme,martinisme,métaphysique,mystique,occultisme,pensée,philosophie,religion,spiritualité,théologie,théosophie,tA cet égard, la dimension purement spirituelle conférée à l’adoration selon le christianisme évangélique que Saint-Martin expose, est très importante, car indéniablement, il n'y a pas de chemin plus solennel, d'autre voie, d'autre initiation supérieure à celle que de célébrer sur notre « Autel », dans l'invisibilité et le silence du cœur, les louanges de l'Éternel, nous éclairant seulement avec cette lampe sacrée comportant sept splendides lumières, et de tourner lentement vers Dieu, une prière de reconnaissance, pour sa plus grande gloire, puisque : « le Père de Notre Seigneur Jésus-Christ, nous a béni de toutes bénédictions spirituelles dans les lieux célestes en Christ.» (Ephésiens, 1, 3).

Cette « révélation » en quoi consiste cet enseignement enfin dévoilé, correspond à ce que Saint-Martin nomme la « troisième époque », c'est-à-dire le temps où la Vérité, par les bienfaits qu'elle prodigue à l'homme, « l'anime de la même unité, et l'assure de la même immortalité ». Le Philosophe Inconnu, comme il le fit souvent dans ses ouvrages, et qui plus est encouragé par les paroles merveilleuses du Réparateur, s'exprime ouvertement avec son disciple et lui donne, ou, plus exactement, lui confie le secret qui résume toute l'initiation selon l’interne, lui délivrant par delà les siècles - qui de toute manière ne comptent pas du point de vue de l'éternité -, ces précieuses vérités : « Apprend [que ton] Être intellectuel [est] le véritable temple ; que les flambeaux qui le doivent éclairer sont les lumières de la pensée qui l'environnent et le suivent partout ; que le sacrificateur c'est ta confiance dans l'existence nécessaire du Principe de l'ordre de la vie ; c'est cette persuasion brûlante et féconde devant qui la mort et les ténèbres disparaissent ; que les parfums et les offrandes, c'est [ta] prière, c'est [ton] désir et [ton] autel pour le règne de l'exclusive unité. » (Le Tableau naturel, XVII).

 

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« Apprend [que ton] Être intellectuel

[est] le véritable temple ;

que les flambeaux qui le doivent éclairer

sont les lumières de la pensée ….

que le sacrificateur c'est ta confiance

dans l'existence nécessaire du Principe de l'ordre de la vie ;

c'est cette persuasion brûlante et féconde

devant qui la mort et les ténèbres disparaissent ;

que les parfums et les offrandes, c'est [ta] prière,

c'est [ton] désir et [ton] autel

pour le règne de l'exclusive unité. »

 (Le Tableau naturel, XVII).

 

 

Saint-Martin explique ainsi, avec une grande clarté, pourquoi notre Autel est invisible aux yeux matériels, car il est un « Centre profond », l’ultime chambre secrète de l’âme, où nul principe grossier ne pénètre car se tient en ce lieu mystérieux, la sainte « Lumière intérieure », et c’est en cet endroit seulement que Dieu est adoré selon le véritable christianisme : « Ce centre profond ne produit lui-même aucune forme physique ; ce qui m’a fait dire, dans L’Homme de désir ,que l’amour intime  n’avait  point  de  forme,  et  qu’ainsi  nul homme n’avait jamais vu Dieu.» (Saint-Martin, Lettre à Kirchberger, 24 avril 1793).

 

C’est pourquoi insiste Saint-Martin, celui qui tend vers le saint temple, ne veut pas célébrer son culte dans des lieux édifiés par la main de l’homme, mais dans des sanctuaires sacrés que Dieu est venu placer à l’intérieur du cœur de ses créatures. Il recherche des domaines vierges des pensées désorientées de l’humaine nature, afin de faire monter vers le Ciel un encens purifié des constructions arbitraires dont sont remplis, malheureusement, les consciences. L’homme en attente de la régénération, laissera donc agir en son centre l’œuvre de l’Esprit, et acceptera que seule la main du Seigneur puisse se faire l’édificatrice du Sanctuaire : « Le nouvel homme ne veut pas d'un Dieu qui soit ainsi l'ouvrage de ses mains ; voilà pourquoi il n'a d'autre soin, d'autre désir que de laisser agir sur lui la main du Seigneur. Il la sent pénétrer jusque dans l'intérieur de son être. Elle com­mence par réveiller en lui la sensibilité spirituelle par son approche ; elle lui communique une nourriture douce et vivi­fiante, qui flatte son goût et qui répand des parfums délicieux pour son odorat ; ce sont là les premiers sens spirituels qui prennent naissance dans l'homme, par la main de l'Esprit. » (Le Nouvel homme, § 30).

 

Après quoi, lorsque le cœur est édifié en un Sanctuaire invisible, goûtant la douceur de la « sainte Présence », lorsqu’il baigne dans la paisible atmosphère céleste, lorsqu’il est pacifié [2], l’œuvre sainte peut s’opérer de sorte que nous soyons admis comme « sacrificateur de l’Éternel », ce qui correspondra au dévoilement de l’Arche Sainte, après que nous ayons traversé plusieurs déserts et écarté les mains qui, en nous, outrageaint la sainteté de l’ouvrage divin :  « Il faut que cette oeuvre sainte s'opère en nous, pour que nous puissions dire que nous sommes admis au rang des sacrificateurs de l'Eternel. L'arche sainte est en captivité en nous. Des impies qui ne savent pas distinguer la lumière d'avec les ténèbres, retiennent cette arche sainte dans leurs demeures d'iniquité ; ils lui font mille outrages ; ils ne se contentent pas de la mettre en parallèle avec leurs fausses divinités, ils veulent qu'elle soit pour ces fausses divinités un objet de dérision ; ils veulent qu'elle soit leur esclave ; ils veulent qu'elle soit comme rien devant des divinités qui ne sont elles-mêmes que le néant.Il faut que nous arrachions cette arche sainte de ces mains criminelles qui l'outragent ; il faut que nous lui fassions traver­ser les déserts au milieu des peuples armés pour nous attaquer, et la maintenir en leur possession. Il faut que nous la sentions sortir péniblement de dessous les décombres qui l'engloutissent, et traverser le vieil homme, en le faisant crier de douleur, jusqu'à ce qu'elle l'ait dépassé, et qu'elle se soit remise à flot au-dessus de lui. »  (Le Nouvel homme, § 16).

 

 

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« Il faut que cette oeuvre sainte s'opère en nous,

pour que nous puissions dire

que nous sommes admis au rang

des sacrificateurs de l'Éternel. »  

(Le Nouvel homme, § 16).

 

 

III. L’oraison du coeur est le vrai culte « Saint et véritable »

 

Mais, pourront se demander certains, faudra-t-il se livrer à des cérémonies supplémentaires à celles qui se déroulent dans l’interne, est-il nécessaire d’accomplir quelques pratiques sacramentelles externes pour accompagner le dévoilement de l’Arche Sainte en nous ?

Point du tout.

Le culte intérieur est non seulement parfait mais autosuffisant, il possède en lui toutes les vertus, renferme tous les principes nécessaires à l’âme afin d’effectuer le « culte Saint et véritable ».

 

 

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« La seule religion est celle du cœur ».

 

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Il poursuivait ainsi son exposé : « En effet les intelligences n'ont reçu l'être, n'ont été honorées de la révélation des beautés et merveilles divines que pour propager au-dehors ce même culte d'amour. Pour entretenir et cultiver ce don heureux de l'existence dont elles ont été douées, elles devaient donc par amour reverser dans le Verbe tout ce qu'elles ont reçu de lui, comme le Verbe reverse en Dieu son Père tout ce qu'il est en lui-même. Arrêter dans la créature intelligente cet écoulement des beautés divines, lui empêcher d'en rendre un hommage continuel à la cause, Principe de son être, n'était-ce pas suspendre la culture, l'entretien de cette plante divine ? n'était-ce pas la corrompre, la gâter, pervertir sa destination ? Or l'homme, cette plante n'étant plus alors susceptible. de culture, se trouvait nécessairement séparée du principe de sa vie ; elle devait subir un jugement, diminuer de vie ou la perdre. Mais comme elle était indestructible, elle était dans une position complètement opposée à l'état qui devait faire son souverain bonheur, et devenait par conséquent très-malheureuse. Il fallait donc rapprendre à cet être dégradé la culture qui pouvait le faire rentrer dans l'ordre divin. C'est dans ce but qu'il lui fut donné un roi et un prêtre à l'image divine, qui étant lui-même toujours en adoration, put recevoir pour cet être l'hommage qu'il rendrait à son Créateur. Le prier, l'adorer, contempler ses merveilles fut dès lors pour cet être le moyen de communiquer avec la source ineffable de toutes choses

 

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« Ainsi la prière, l'état d'adoration,

de contemplation et de sacrifice

est la base fondamentale sans laquelle

il ne peut y avoir d'union entre l'infini et le fini. »

 

 

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Ainsi, Saint-Martin était tout à fait fondé à pouvoir dire et affirmer, sachant la capacité de la prière intérieure à pouvoir agir comme un authentique culte divin effectué en « esprit et en vérité - bien que notre vigilance se doit d’être constante pour en préserver la pureté contre l’action des agents impurs  -, que dans ces profondeurs mystérieuses, sont cimentés les fondements de l’Église intérieure, et ce par l’unique moyen de notre intime substance, renouvelée et purifiée par Dieu : « C'est dans les plus creuses profondeurs de l’âme humaine, que l'architecte doit venir poser le fondement de l’Église ; et il faut qu'il les cimente avec la ‘‘chair, le sang et la vie’’ de notre verbe, et de tout notre être. Voilà le travail le plus pénible de la régénération ; c'est celui qui porte sur cette intime substance de nous-mêmes. » (Le Nouvel homme, § 12).

 

IV. La célébration de l’institution divine selon l’Église intérieure

Cimenter le fondement de l’Église intérieure, avec la ‘‘chair, le sang et la vie’’ de notre verbe, et de tout notre être, voilà des paroles qui évoquent évidemment le grand mystère de la Cène, le centre du culte chrétien, dont beaucoup pourraient penser qu’il fait cruellement défaut dans la voie selon l’interne.

 

 

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Beaucoup pourraient penser que le mystère de la Cène,

le centre du culte chrétien,

fait cruellement défaut dans la voie selon l’interne.

Or Saint-Martin porte son lecteur

vers une vision entièrement renouvelée du rituel eucharistique,

insistant sur son aspect non matériel.

 


En décrivant la Pâque, et en nous en montrant le sens exact, Saint-Martin porte son lecteur vers une vision entièrement renouvelée du sens du rituel eucharistique, insistant sur son aspect non matériel, montrant qu’il n’est point fondé en son essence véritable sur des substances périssables sujettes à la fermentation et à la corruption, mais sur une nourriture purement céleste, représentant précisément le passage des choses terrestres aux réalités invisibles : « La fête des pains sans levain approche ; cette fête annonce au nouvel homme une nourriture qui n'est point sujette à la fermentation et à la corruption de la matière. Or, comme cette fête se nomme le passage ; et comme c'est au passage de la re­naissance spirituelle que se trouvent les plus grands dangers pour l'âme humaine, c'est aussi le moment de ce passage que choisissent les princes des prêtres et les docteurs de la loi, pour se saisir de la personne du nouvel homme, et où son ennemi s'offre à eux pour le leur livrer moyennant le prix dont ils conviennent ensemble, et qui remplit de joie ces princes des prêtres et les capitaines, parce qu'ils craignent le peuple, et ne peuvent employer que des ruses et des trahisons... (Le Nouvel homme, § 60).

 

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La trahison qui guette le nouvel homme,

n’est autre que le risque d’une méprise radicale du mystère,

en le ramenant tragiquement

vers les reliquats de ce monde de matière.

 

La trahison qui guette le nouvel homme, n’est autre que le risque d’une méprise radicale du mystère, en le ramenant tragiquement vers les reliquats de ce monde de matière, et si le Fils de l’homme indique que l’entrée dans la ville sainte est accompagnée de la rencontre d’un porteur d’eau ayant une cruche, c’est que ce porteur d’eau est le précurseur de la Sainte Alliance dont on ne devient membre que par une purification parfaite, de même que la chambre haute où doit se célébrer la Cène, n’est autre que l’esprit de l’homme, la pensée de l’homme qui n’est point faite d’éléments matériels, mais d’une lumière qui est la vie de l’âme  : « Le nouvel homme n'ignore pas cette trahison qui se trame contre lui, puisqu'il a dit d'avance aux siens : ‘’Vous savez que la Pâque se fait dans deux jours, et que le fils de l'homme sera livré pour être crucifié’’. Mais comme il sait aussi que le com­plément de sa régénération est attaché à ce sacrifice, comme il sait en outre que ce sacrifice doit rendre la vie aux habitants de son propre royaume, il dit à quelques-uns des siens : ‘‘Allez­-nous apprêter ce qu'il faut pour la Pâque. Lorsque vous entre­rez dans la ville, vous rencontrerez un homme portant une cruche d'eau, suivez-le dans la maison où il entrera, et dites au maître de cette maison que le maître vous envoie dire : Où est le lieu où je mangerai la Pâque avec mes disciples ? Et il vous montrera une grande chambre haute toute meublée. Préparez-­nous-y ce qu'il faut.’’Qu'est-ce que c'est que cet homme portant une cruche d'eau ? C'est le précurseur de la sainte alliance qui ne peut se contracter qu'après la purification parfaite. Qu'est-ce que c'est que cette chambre haute où la Pâque doit se célébrer ? C'est la pensée de l'homme qui est revêtue du privilège de se montrer parmi les nations comme la région la plus sublime du temple immortel que l'Esprit Saint s'est proposé d'habiter. Qu'est-ce que c'est que ce maître qui envoie demander où est le lieu où il mangera la Pâque avec ses disciples ? C'est l'esprit du nouvel l’homme lui-même, qui vient visiter l'âme humaine pour lui rendre la vie et la lumière, mais qui sachant que cette âme humaine est un être libre, ne veut habiter chez elle que de son propre consentement, malgré tous les biens et toutes les riches­ses dont il vient la favoriser. » (Le Nouvel homme, § 60).

 

Ainsi, il est nécessaire d’attendre que l’âme de l’homme soit prête pour que se déroule le rituel de la Sainte Alliance, il importe que l’heure advienne où les fruits du sacrifice soient prêts à être partagés et consommés en nous : « Il attend l'heure favorable pour venir opérer dans l'âme ce salutaire sacrifice, parce que son amour pour nous l'a engagé même à s'assujettir à la loi des heures ; mais quand cette heure est arrivée, il se met à table avec nous, et il nous dit : ‘‘J'ai souhaité avec ardeur manger cette Pâque avec vous avant de souffrir ; car je vous déclare que je n'en mangerai plus désor­mais jusqu'à ce qu'elle soit accomplie dans le royaume de Dieu.’’ Parce qu'après la consommation du grand sacrifice du Réparateur, il fallait encore un temps pour la ratification, et pour que les fruits de ce sacrifice parvinssent à leur terme. » (Le Nouvel homme, § 60).

 

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« Alors l'esprit qui est à table avec nous prend le pain,

et ayant rendu grâce, il le rompt en disant :

 ‘‘Ceci est mon corps qui est donné pour vous,

 faites ceci en mémoire de moi.’’ »

(Le Nouvel homme, § 60).

 

Lorsque cette heure est advenue, selon une loi et une marche qui ne nous appartiennent pas, dont nous ne sommes pas les maîtres, mais dont Dieu seul dispose et commande : « Alors l'esprit qui est à table avec nous prend le pain, et ayant rendu grâce, il le rompt en disant : ‘‘Ceci est mon corps qui est donné pour vous, faites ceci en mémoire de moi.’’ Parce que de même que la rupture du pain annonce la rupture de son corps, de même la rupture de son corps annoncera la rupture et les douleurs de son esprit qui daigne abandonner le lieu de sa gloire pour venir habiter dans le séjour de notre misère.Il prend le calice, et ayant rendu grâce, il nous dit : ‘‘Ce calice est la Nouvelle Alliance en mon sang, lequel sera répandu pour vous. Je ne boirai plus désormais de ce fruit de la vigne jusqu'à ce jour où je le boirai de nouveau avec vous dans le royaume de mon Père ; toutes les fois que vous mangerez de ce pain et que vous boirez de cette coupe, vous annoncerez la mort du Seigneur jusqu'à ce qu'il vienne.’’ Parce que le sang de cette coupe, annonce l'effusion du sang matériel du Réparateur, que l'effusion de son sang matériel annonce l'effusion de son sang spirituel, et qu'en même temps cette coupe annonce l'effusion du sang corporel de l'homme pour l'abolition du péché, et l'effusion de son sang spirituel pour sa régénération particulière.C'est pourquoi le nouvel homme n'aurait pas été régénéré si le Réparateur ne s'était pas fait homme, parce que sans cela les voies de notre sang n'auraient jamais été ouvertes, et ce sang n'aurait jamais pu couler, malgré la mort corporelle que nous subissons tous les jours, et malgré tous les massacres de la terre. C'est aussi par ce moyen qu'il a fait de l'âme des hommes un agneau pascal semblable à lui ; et que cet agneau doit être immolé dans chacun d'eux, pour en faire autant de nouveaux hommes, comme il a dû être immolé lui-même pour le renou­vellement, et la régénération de toute l'espèce humaine. » (Le Nouvel homme, § 60).

 

« Consummatum est »

 

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« Il a fallu qu'il se fit chair dans le sein d'une vierge terrestre,

en s'enveloppant de la chair

provenue de la prévarication du premier homme,

puisque c'était de la chair, des éléments, e

t de l'esprit du grand monde qu'il venait nous délivrer.

(...) il ne nous reste plus de ressource,

parce que nous n'avons plus d'autre Dieu à attendre,

ni d'autre libérateur à espérer. »

 

La rupture du pain préfigure, la rupture de l’esprit divin qui vint en ce monde pour nous sauver, et la coupe représente le sang matériel du Réparateur, qui préfigure l’effusion de son sang spirituel qui a transformé, pat l’effet d’une transsubstantiation spirituelle, l’âme de l’homme en une victime sacrificielle, car s’il s’est fait chair, c’est non pas pour la sanctifier ou la spiritualiser, mais pour nous en délivrer, s’il prit le pain et la coupe, c’est pour nous extraire des essences corrompues de ce monde, pour nous porter vers les régions célestes, et non pour nous river en cette vallée passagère pour s’attacher à des formes qui n’avaient pour objet que de nous permettre de dépasser toutes les formes élémentaires, même celles qui ont l’aspect du pain et du vin, et nous en libérer par la puissance d’une immolation qui a tout consommé en nous donnant la certitude que tout est désormais accompli : « Après être devenu principe de vie corporelle, il a fallu qu'il devînt élément terrestre, en s'unissant à la région élémentaire ; et de là il a fallu qu'il se fit chair dans le sein d'une vierge terrestre, en s'enveloppant de la chair provenue de la prévarication du premier homme, puisque c'était de la chair, des éléments, et de l'esprit du grand monde qu'il venait nous délivrer. On voit maintenant pourquoi le sacrifice que le Réparateur a fait ainsi dans tous les degrés, depuis la hauteur d'où nous étions tombés, a dû se trouver approprié à tous nos besoins et à toutes nos douleurs. Aussi c'est le seul sacrifice qui ait été terminé par ces paroles à la fois consolantes et terribles, ‘‘consummatum est’’ ; consolantes par la certitude qu'elles nous donnent que l'œuvre est accomplie, et que nos ennemis seront sous nos pieds, toutes les fois que nous voudrons marcher sur les traces de celui qui les a vaincus ; terribles, en ce que si nous les rendons vaines et nulles pour nous par notre ingratitude et notre tiédeur, il ne nous reste plus de ressource, parce que nous n'avons plus d'autre Dieu à attendre, ni d'autre libérateur à espérer. » (Le Ministère de l’homme-esprit, IIe Partie, « De l’homme »).

 

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S’il s’est fait chair,

c’est non pas pour la sanctifier ou la spiritualiser,

 mais pour nous en délivrer ;

 s’il prit le pain et la coupe,

c’est pour nous extraire des essences corrompues de ce monde,

pour nous porter vers les régions célestes,

et non pour s’attacher à des formes

qui n’avaient pour objet que de nous permettre

 de dépasser toutes les formes élémentaires,

même celles qui ont l’aspect du « pain » et du « vin ».

 

 

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« Le Verbe s'est fait chair, pour nous

délivrer de la chair et du sang. »

(L’Homme de désir, § 171).

 

 

Il est fini, révolu, dépassé, le temps où il fallait utiliser des victimes animales pour nous laver de nos souillures, de même qu’il est achevé, pour toujours, celui où la médiation par des formes matérielles était imposée à l’homme pour célébrer son culte. Aujourd’hui nous vivons sous l’unique règle qui s’exprime par ces mots : « Consummatum est » : « Ce n'est plus le temps où nous puissions expier nos fautes, et nous laver de nos souillures par l'immolation des victimes animales, puisqu'il a chassé lui-même du temple les moutons, les bœufs et les colombes. Ce n'est plus le temps où des prophètes doivent venir nous ouvrir les sentiers de l'esprit, puisqu'ils ont laissé ces sentiers ouverts pour nous, et que cet esprit veille sans cesse sur nous (…) Consummatum est. Nous n'avons plus désormais d'autre œuvre ni d'autre tâche, que de nous efforcer d'entrer dans cette consommation, et d'éloigner de nous tout ce qui peut nous empêcher d'en retirer tous les avantages. » (Le Ministère de l’homme-esprit, IIe Partie, « De l’homme »).

 

V.  L'idée et le mot de « chair et de sang » doivent être abolis

 

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Saint-Martin considère qu’il importe de libérer

 le rite eucharistique des régions élémentaires

qui en ont corrompu le sens,

et lui redonner sa dimension authentique

qui fut et doit demeurer purement céleste,

car cette commémoration du divin Sacrifice

doit s’opérer comme le Réparateur en a fait la demande :

« en esprit et en vérité ». [4]

 

L’immense sublimité du sacrifice du Divin Réparateur, bien évidemment montre que le mal a été vaincu, ce en en quoi il apparaît de façon claire qu’il n’est pas un « Principe », et situe cet acte magnifique bien au-dessus de tout ce qui, précédemment, dans l’ordre des sacrifices, avait été institué au cours des âges pour la purification des hommes, et qui ne pouvait que fatalement aller en dégénérant de plus en plus, faute d’être en mesure de libérer les créatures des affres de la mort spirituelle qui était le triste lot commun de toutes les générations depuis Adam, jusqu’à être inévitablement aboli car devenu inutile : « Enfin, il est aisé de sentir combien le sacrifice du Réparateur a dû l'emporter sur tous ceux qui l'avaient précédé, puisqu'il fallait transposer jusque dans l'abîme le prince même de l'iniquité qui régnait sur l'homme, et qu'il n'y avait qu'au chef suprême et divin de la lumière, de la force et de la puissance qu'une pareille victoire pût être réservée. Il n'est pas inutile d'observer ici en passant que les sacrifices sanglants des Juifs ont continué cependant depuis ce grand sacrifice jusqu'à la ruine de leur ville ; mais depuis longtemps ils n'en possédaient plus que la forme ; l'esprit s'en était perdu pour eux ; il s'éloigna encore davantage depuis l'immolation de la victime divine. Voilà pourquoi ils ne pouvaient plus aller qu'en dégénérant, et cette période, à la fin de laquelle la grande vengeance éclata sur ce peuple criminel, montre à la fois la cessation de l'action protectrice de l'esprit qui les abandonnait, et les terribles effets de la justice que l'esprit vengeur exerçait sur eux ; rigoureux arrêt, qui n'aurait pas pu s'exécuter dans le moment de l'action réparatrice du Régénérateur, puisqu'il n'était venu opérer que l'œuvre de l'amour et de la clémence. » (Le Ministère de l’homme-esprit, IIe Partie, « De l’homme »).

C’est pourquoi, insiste Saint-Martin, il importe de libérer ce rite eucharistique des régions élémentaires qui en ont corrompu le sens, et lui redonner sa dimension réelle et authentique qui fut et doit demeurer purement céleste, sachant que cette commémoration du divin Sacrifice doit s’opérer, comme le Réparateur en avait fait la demande, « en esprit et en vérité » afin que les signes sacrés nous permettent d’accéder à « l’élément pur » qui est uni à l’Esprit, lui-même l’étant à la Parole, et cette dernière à la « Source primitive et éternelle ».

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« Le sang est le sépulcre de l'homme,

et il lui faut nécessairement en être délivré

pour faire le premier pas dans la grande ligne de la vie »

 

Et si jamais la confusion nous conduit à confondre l’institution humaine de ce rite, avec l’œuvre qui est à opérer en nous, alors le risque est fort grand malheureusement, de se mettre à grande distance de l’esprit véritable qui préside à la célébration de la Pâque, et finalement nous empêcher que s’accomplisse la régénération de notre être afin qu’il parvienne à l’élément pur, au corps primitif immatériel que nous avions avant notre dégradation, qui nous fit dégénérer en une substance corrompue et impure dans laquelle nous sommes emprisonnés de par la faute d’Adam,  notre père selon la chair : « Si l'on ne s'élève pas à cette sublime unité qui veut tout embrasser par notre pensée ; si l'on confond l'institution avec l'œuvre que nous devons opérer sur nous-mêmes ; et enfin, si l'on confond le terme avec le moyen, le subsidiaire avec ce qui est de rigueur, on est bien loin de remplir l'esprit de l'institution elle-même. Car il veut, cet esprit, que nous annoncions la mort du Christ à nos iniquités, pour les chasser loin de nous ; aux hommes de Dieu de tous les âges, pour qu'ils soient présents activement dans notre œuvre ; à la Divinité, pour lui rappeler que nous sommes rachetés à la vie, puisqu'elle a mis elle-même son sceau et son caractère dans le libérateur qu'elle a choisi ; enfin, il veut que nous annoncions universellement cette mort à l'ennemi, pour le faire fuir de notre être, puisque tel a été l'objet de la mort corporelle du réparateur. Or, l'institution de la Cène ne nous est donnée que pour nous aider à travailler efficacement à cette œuvre vive que nous devons opérer tous en notre particulier. Car, c'est dans cette œuvre vive que toutes les transpositions disparaissent par rapport à nous, que chaque chose rentre dans le rang qui lui est propre, et que nous recouvrons cet élément pur ou ce corps primitif qui ne peut nous être rendu qu'autant que nous redevenons images de Dieu, parce que la vraie image de Dieu ne peut habiter que dans un pareil corps. » (Ibid.).

 

L’avertissement solennel de Saint-Martin, qu’il délivre en une courte phrase, mais ô combien essentielle, devrait nous servir de viatique dans notre rapport à l’institution de la Cène et la forme que doit prendre sa célébration : « Le sang est le sépulcre de l'homme, et il lui faut nécessairement en être délivré pour faire le premier pas dans la grande ligne de la vie », ceci signifiant, que dans le cadre du culte divin, le sacrifice essentiel qui doit être offert, c’est celui de la volonté propre, de sorte que s’ouvre le cœur aux rayons de la lumière intérieure et qu’il puisse, en s’éloignant des vestiges matériels qui sont notre « sépulcre », célébrer le vrai culte divin qui réunit en une seule unité transcendante, la vie de l’homme à la vie de Dieu [5].

 

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 « Ma tâche dans ce monde

a été de conduire l’esprit de l’homme

par une voie naturelle aux choses surnaturelles

qui lui appartiennent de droit,

mais dont il a perdu totalement l’idée,

soit par sa dégradation,

soit par l’instruction fausse de ses instituteurs….

Cette tâche est neuve, mais elle est remplie de nombreux obstacles ;

et elle est si lente que ce ne sera qu’après ma mort

qu’elle produira les plus beaux fruits. »

(Portrait, § 1135).

 

VI. Le culte de la véritable Église de l’Éternel

 

Saint-Martin situait son action et son rôle dans un ordre qu’il convient de bien conserver en mémoire chaque fois que l’on aborde sa pensée et ses écrits. Il en fit allusion explicitement, à plusieurs occasions, et résuma ainsi ce qu’il considérait avoir été sa « tâche en ce monde » : « Ma tâche dans ce monde a été de conduire l’esprit de l’homme par une voie naturelle aux choses surnaturelles qui lui appartiennent de droit, mais dont il a perdu totalement l’idée, soit par sa dégradation, soit par l’instruction fausse de ses instituteurs. Cette tâche est neuve, mais elle est remplie de nombreux obstacles ; et elle est si lente que ce ne sera qu’après ma mort qu’elle produira les plus beaux fruits. » (Portrait, § 1135).

Il est donc pour cela nécessaire, pacifiquement et intérieurement, de contourner la soumission au ministère ecclésial, de se libérer de l’autorité de ceux qui ne perçoivent pas ce que recèle comme lumière, en son essence la plus profonde, la religion dont ils font profession d’appartenir, et surtout ne pas confondre, car le piège existe bel et bien dans lequel nombreux sont tombés, les trésors magnifiques et sublimes mystères de cette religion, avec les hommes qui prétendent en être les administrateurs : «Ces hommes qui professent une religion de paix et de charité, croient servir Dieu par l’ingratitude et par des jugements si cruels et si précipités ! Encore fallait-il juger les faits, et d’examiner cette voie particulière dont vous me parlez, et que vous me donnez, je vous l’avoue, grande envie de connaître. Je ne leur en veux point reprit Eléazar, j’ai appris par mes propres faiblesses à excuser celles de mes semblables. J’en veux encore moins à la religion qu’ils professent. Si on la croit au-dessus des lumières et des faibles pouvoirs des hommes, je la crois encore plus au-dessus de leur ignorance et de leur dépravation, en la considérant dans la pureté et la lucidité de son éternelle source, à part de tout ce que le fanatisme et la mauvaise foi y ont introduit, et de toutes les abominations que des montres  ont opérées sous son nom. » [6]

Il ne s’agissait pas pour Saint-Martin de travailler à abattre l’Église visible et abolir son culte, bien évidemment, il reconnaissait même à l’institution une certaine valeur et une place nécessaire pour les « faibles », dont les sens peuvent être « fixés » par les pompes liturgiques, comme pour les âmes fortes qui y trouvent, si elles arrivent à faire l’impasse sur les bassesses et la misère des hommes, l’expression des plus hautes révélations.

 

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« Si vous êtes averti sur les péchés de l’homme, sur ses suites

et sur l’incommensurable renfort que le cœur de Dieu vous a apporté,

vous avez réellement tout ce qu’il faut pour faire votre chemin.

Notre vie temporelle, en effet, est courte et incertaine ;

mais notre vie spirituelle est éternelle

et nous pouvons la commencer dès ce monde-ci

en nous remplissant des lumières divines et des vertus de notre principe... »

(Saint-Martin, lettre à Kirchberger, le 10 mai 1797).

 

 

Il rappelait à Kirchberger,  dans leurs ultimes courriers, que si l’existence en ce monde est courte, la vie spirituelle en revanche nous attend au Ciel pour l’éternité, faisant que rien ne nous manque afin que, dès ici-bas, nous puissions entrer sans tarder dans la participation à la vie divine à laquelle nous sommes appelés, et destinés pour toujours, et, ne l’oublions jamais, depuis toujours : « Si vous êtes averti sur les péchés de l’homme, sur ses suites et sur l’incommensurable renfort que le cœur de Dieu vous a apporté, vous avez réellement tout ce qu’il faut pour faire votre chemin. Notre vie temporelle, en effet, est courte et incertaine ; mais notre vie spirituelle est éternelle et nous pouvons la commencer dès ce monde-ci en nous remplissant des lumières divines et des vertus de notre principe, en les puisant journellement les uns et les autres  dans  l’intarissable  source  qui  s’est  ouverte  dès l’instant du crime, et qui, depuis lors, n’a cessé de couler avec toute son abondance dans nos âmes et dans nos esprits. » (Saint-Martin, lettre à Kirchberger, le 10 mai 1797).

 

Conclusion

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Nous savons donc à présent, ce qu’est la véritable Église de l’Éternel qui a son séjour dans le cœur de l’homme, quel est le sacerdoce que l’on y reçoit, comment on doit y célébrer le culte divin, de quelle manière Dieu nous y confère les onctions et les ordinations, et y déverse, en silence et dans le plus profond secret, sa sainte Grâce.

Reste, pour nous, à nous mettre sur le chemin qui mène précisément à Dieu en nous extrayant des régions de la matière, en nous libérant, définitivement, du sang et de la chair et de leurs vestiges figuratifs dégradés ; et pour cela une simple action suffit, mais encore faut-il la prendre très au sérieux :

 

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« [J’ai] le  sentiment profond qu’il faut nous déterrestréisecomplètement,

si nous voulons parvenir à dire à Dieu :

Habitavit in nobis, Amen. » [7]

 

 

Extraits de :

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Éditions la Pierre Philosophale, 552 pages.

 

 

  

Notes.

 

1. On se rappelle évidemment le jugement sévère de Saint-Martin : « Quand on voit les célébrants dans les églises consumer leur temps et toute leur virtualité à des cérémonies externes et impuissantes et retarder ainsi l'esprit de l'homme qui se dessèche en attendant une nourriture substantielle, on est affligé jusqu'au fond du coeur, et on est tenté d'appliquer là le passage de l'Evangile où un aveugle conduit l'autre, et où ils tombent tous les deux dans le fossé. » (Portait, § 731).

2. La pacification du cœur, est un  point sur lequel insistent constamment les auteurs spirituels, car cetteanges,christianisme,culture,doctrine,élus coëns,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,littérature,livres,martinésisme,martinisme,métaphysique,mystique,occultisme,pensée,philosophie,religion,spiritualité,théologie,théosophie,t « pacification » conditionne notre possible avancement vers le trône divin, et surtout permet à Dieu de venir faire son habitation en nous : « Pacifier ce sanctuaire de votre cœur devrait donc être votre exercice principal, et perpétuel, afin que le souverain Roi puisse en faire Sa demeure. La paix profonde consiste à entrer en vous-mêmes par le recueillement intérieur. Toute votre protection se trouve dans la prière  et le recueillement d'amour en la Présence divine. Ainsi donc, quand vous vous retrouvez brusquement assailli, retirez-vous dans cet asile de paix là où vous trouverez la forteresse. Quand votre coeur est plus craintif, dirigez-vous dans ce refuge de prière, la seule armure qui puisse vaincre l'ennemi, et atténuer les tribulations ; dans la tempête vous ne devrez pas vous en éloigner, pour qu'à la fin, tel un autre Noé, vous puissiez expérimenter la tranquillité, la sécurité et la sérénité; et qu'à la fin  votre volonté puisse être résignée, dévouée, paisible et courageuse. Finalement, ne soyez pas découragés ni affligés de voir votre coeur troublé. Il revient pour vous apaiser, pour vous raviver à nouveaux, car ce Seigneur Divin sera seulement avec vous, pour se reposer dans votre âme, et y former un riche trône de paix ; pour qu'à l'intérieur de votre coeur, par le recueillement intérieur, et qu'avec Sa Divine Grâce, vous puissiez voir le silence dans le tumulte, la solitude dans la compagnie, la lumière dans les ténèbres, l'oubli dans les pressions, la vigueur dans le découragement, le courage dans la peur, la résistance dans la tentation, la paix dans la guerre, et le silence dans la tribulation. » (M. Molinos, Le Guide spirituel, « Pour dégager l'Ame des Objets Sensibles et pour la conduire par le Chemin intérieur à la Contemplation parfaite et à la Paix intérieure », Liv. I., ch. I., 1688). Nous ne citons pas, bien évidemment, Miguel Molinos (1628-1696) pour une raison indifférente, sachant la place et le rôle que joua le spirituel espagnol dans le cadre de la querelle sur le quiétisme au XVIIe siècle, au point d’avoir créé, suite aux condamnations romaines imposées par le pouvoir politique de par la place prise par ces sujets en France à l’époque de Bossuet et Fénelon, un  climat de profonde et malheureuse suspicion à l’égard de la pratique de l’oraison passive, et plus généralement de toutes les thématiques propres au mysticisme (abandon, délaissement, indifférence, annihilation, anéantissement, pur amour, etc.). Le directeur spirituel de Madame Guyon,  Jacques Bertot (1620-1681), qui fut disciple de Benoît de Canfeld (1562-1610), nous révèle au sujet de la paix du cœur, qu’elle précède le dernier état d’anéantissement dans la vie intérieure de l’âme :«  Le dernier état d’anéantissement de la vie intérieure est pour l’ordinaire précédé d’une paix et d’un repos de l’âme dans son fond, qui peu à peu se perd et s’anéantit, allant toujours en diminuant, jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien de sensible et de perceptible de Dieu en elle. Au contraire elle reste et demeure dans une grande nudité et pauvreté intérieure, n’ayant que la seule foi toute nue, ne sentant plus rien de sensible et de perceptible de Dieu, c’est-à-dire des témoignages sensibles de Sa présence et de Ses divines opérations, et ne jouissant plus de la paix sensible dont elle jouissait auparavant dans son fond ; mais elle porte une disposition qui est très simple, et jouit d’une très grande tranquillité et sérénité d’esprit, qui est si grande que l’esprit est devenu comme un ciel serein. … Dans cet état ces âmes vivent toujours à l’abandon et étant abandonnées d’état et de volonté à la conduite de Dieu sur elles, pour faire d’elles et en elles tout ce qu’Il voudra pour le temps et pour l’éternité … Enfin dans cet état ces âmes jouissent d’une grande liberté d’esprit, non seulement pour lire et pour écrire, mais aussi pour parler dans l’ordre de la volonté de Dieu. » (J. Bertot, De l’état d’anéantissement parfait en nudité entière, où l’âme est et vit en Dieu, au-dessus de tout le sensible et perceptible, in Le Directeur Mystique, 1726).

3.Gaston de Renty (1611-1649), haute figure de la spiritualité mystique au XVIIe siècle, explique de façon simple et claire, comment pratiquer l’oraison du cœur : « Cette Oraison d'affection est un entretien familier et affectueux de l'âme avec Notre-Seigneur, sans discours, ou en fort peu de paroles ; c'est une communication sincère avec Dieu présent et résidant dans l'intérieur, où l'âme quittant les considérations et les recherches, à la seule pensée et à la simple souvenance de Dieu, s'emporte vers lui, et s'allume dans des affections de louange, de bénédiction , d'adoration, de glorification, d'action de grâces, d'offre, de demande, et par-dessus tout de charité, comme de la reine de toutes les vertus, qui est la plus agréable et la plus glorieuse à Dieu et la plus méritoire à l'homme, et qui lui donne le plus de force pour surmonter les difficultés et pour pratiquer les bonnes oeuvres, et qui l'unit plus intimement et plus parfaitement à Dieu. (…) Cette oraison n’est point par raisonnement ni par recherche, mais par un loyal amour qui tend toujours à donner plutôt qu’à recevoir. L’obscurité de la foi est à l’âme plus certaine que toutes les lumières qu’elle peut avoir, et dont elle doit user avec respect et action de grâce et non par complaisance ni par attache; il n’y a point là de bandement d’esprit. Cette oraison ne fait point mal à la tête, c’est un état de présence modeste dans laquelle on se tient devant Dieu, attendant de son esprit ce qu’il lui plaira de mettre en nous, que nous recevons en simplicité et confiance, comme s’il nous parlait. » (J.-B. Saint-Jure, La Vie de M. de Renty, : ou, modèle du parfait chrétien, Librairie Catholique de Périsse Frères, 1852,pp. 300-302).

 

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 Marguerite du Saint-Sacrement (1619-1648),

fondatrice de l’Association de la dévotion à la Sainte Enfance de Jésus

 

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4. Ceci nous amène à formuler une réelle réserve, quoique amicalement et sans animosité aucune, mêmeanges,christianisme,culture,doctrine,élus coëns,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,littérature,livres,martinésisme,martinisme,métaphysique,mystique,occultisme,pensée,philosophie,religion,spiritualité,théologie,théosophie,t s’il nous semble nécessaire que cela soit souligné, à propos de ceux qui furent à l’initiative – et la perpétuent – de faire dire « une messe » (sic) à la mémoire ou à « l’intention » du Philosophe Inconnu chaque année au mois d’octobre à la date anniversaire de sa naissance au Ciel, sachant les positions plus que critiques de Saint-Martin à l’égard du culte divin « ostensible » utilisant des espèces matérielles et des objets liturgiques fabriqués par la main de l’homme, initiative curieuse donc, qui, si elle participe sans doute d’une pieuse intention, relève cependant, au minimum, d’un évident oubli ou, plus certainement, d’une patente méconnaissance de la véritable perspective saint-martiniste et, objectivement, d’un éloignement manifeste d’avec les analyses, pourtant clairement exprimées par le théosophe d’Amboise, portant sur le caractère profondément discutable de la religion institutionnelle, et le peu de valeur des cérémonies célébrées par l’Église, notamment le rituel eucharistique. Cette remarque nous permet également, et on en comprendra aisément le sens, de signaler notre identique jugement réservé, même si nous en savons l’usage souvent ancien qui fit même l'objet d'un Traité en 1911, renouvelé en 1968 (cf. L'Initiation, août 1911 ; 1967, n° 3-4), devant les différentes « églises » (sic), liées à l'Ordre martiniste, en particulier les multiples rameaux contemporains issus de l'Église Gnostique Universelle de Jules Doinel (1842-1902) - ceci précisé sans nous prononcer bien évidemment sur l’éventuelle validité des transmissions et ordinations dont ces structures néo-ecclésiales relèvent, ce qui est un autre sujet -, prospérant à l’immédiate périphérie du réveil papusien.

5. On pourra trouver extrêmement osé, et il y a de quoi d’un certain point de vue, pour le catholique qu’était et demeura Saint-Martin qui, ne l’oublions pas, ne jugea jamais utile de s’éloigner sa confession, du moins officiellement, de trouver sous sa plume des thèses sur l’eucharistie que ne renieraient pas les réformés, en particulier les calvinistes les plus radicaux. C’est pourtant ne pas se souvenir que des courants très voisins des idées que put soutenir le Philosophe Inconnu, oeuvrèrent également aux XVIIe et XVIIIe siècles au sein même de l’Église de Rome, à la mise en place de réformes liturgiques, afin de rendre le culte divin plus conforme avec son esprit originel, tel qu’il s’était conservé dans l’Église primitive lors des premiers siècles, en insistant sur l’aspect intérieur du rituel eucharistique.

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Mgr Dominique-Marie Varlet (1678-1742),

à l’origine de l’Église « vieille-catholique » d’Utrecht.

 

C’est à ce but, que travailla par exemple Mgr Dominique-Marie Varlet (1678-1742), à l'origine du schisme d’avec l'Église catholique romaine qui aboutira à la création aux Pays-Bas de l’Eglise vieille catholique d’Utrecht. En effet Varlet, qui avait grandi à Paris, près du mont Valérien, là où se trouvait une communauté janséniste du nom de « Prêtres du Calvaire », après son doctorat en théologie à la Sorbonne et son ordination presbytérale en 1706, exerça son ministère dans les paroisses aux alentours de Paris, là où, précisément, il développa une vision novatrice de la liturgie eucharistique, notamment en s’unissant dans ses célébrations, chose extrêmement audacieuse pour l’époque, avec le pasteur réformé de la paroisse d’Asnières, proposant un « culte » dans lequel l’homélie et la prière intérieure prirent une place tout à fait significative. C’est ce qui lui vaudra les foudres de sa hiérarchie, le contraignant à se rapprocher du séminaire des Missions étrangères à Paris, décidant finalement, afin de poursuivre son œuvre toute consacrée au salut des âmes, de partir évangéliser les indiens d’Amérique. Ainsi, s’embarquant à la Rochelle, et après un passage aux Antilles, il arriva en Louisiane le 6 juin 1713, avec pour mandat ecclésial de « restaurer la mission des indiens Tamarôas ». Ce que fit alors Varlet, marqué par ses expériences liturgiques parisiennes, est proprement prodigieux, comme le rapporte sa correspondance, puisque de 1713 à 1718, il évangélisa la Nouvelle-France, des rives du Mississipi en remontant vers l’Illinois, longeant les grands lacs Huron et Erié, doublant les chutes du Niagara et suivant le Saint Laurent jusqu’au Québec, vivant avec les Tamarôas, apprenant la langue des tribus iroquoises et algonquines dont il partagea l’existence, allant jusqu’à s’adapter à leur mode de vie semi-nomade, habitant sous un tipi en forêt, et surtout, car c’est là le point qui importe pour notre sujet, célébrant des offices « en esprit et en vérité », sans aucun décorum d’aucune sorte, expliquant aux populations indigènes comment prier et s’adresser directement au Christ sans intermédiaire par l’exercice de la prière, leur disant, en insistant tout particulièrement sur ce point, que c’est ce en quoi consistent le véritable culte chrétien et l’authentique mystère sacré du christianisme, qui doivent rayonner à travers le cœur de l’homme. Il faut d’ailleurs savoir, à ce sujet, car on l’ignore le plus souvent, que la forme de cet apostolat fut possible, grâce à Monseigneur Jean-Baptiste La Croix de Chevrières de Saint-Vallier (1653-1727), évêque de l’Église de Québec, puisque La Croix de Saint-Vallier, né à Grenoble, ancien élève de la Faculté de Paris, avait baigné dans l’atmosphère des principes augustiniens dispensés par l’évêque de Grenoble, Mgr Le Camus (1632-1707), qui fut l’un des opposants les plus résolus à la bulle Unigenitus. C’est pourquoi, toutes les leçons acquises de l’expérience pastorale de Varlet à Paris, purent être mises en pratique au Canada, et c’est cette sensibilité, tournée vers le plus grand dépouillement et l’extrême simplicité allant jusqu’à la nudité même de l’esprit - objet constant de l’œuvre de Varlet en tant que sensibilité ayant pris naissance dès les premiers temps de son ministère -, qui obtint de si beaux fruits sur le plan spirituel, comme le rappelle son biographe : « Avec Jacques Jubé, le pasteur de la paroisse d’Asnières, Varlet a travaillé à un aggiornamento de la liturgie (…) Cette liturgie mérite qu’on s’y attarde tant elle innove pour l’époque. D’abord, on pourrait croire à l’influence de la Réforme : le prêtre entrait dans l’église par une procession qui mettait en lumière le livre de la Parole de Dieu et il ne montait à l’autel que pour l’offertoire. Toute la première partie de la messe se célébrait dans le choeur et attachait une grande importance à l’homélie qui devait consister en un approfondissement des Écritures. Ensuite, pour ce qui est de l’offertoire, on en donnait une interprétation qui se rapprochait de celle de la grande prière juive du « pater familias », la berakoth. » (Serge A. Thériault, Dominique-Marie Varlet, lettres du Canada et de la Louisiane (1713-1724), Contribution à l’étude de l’œuvre d’un ancien vicaire général du diocèse de Québec qui est à l’origine de l’Église vieille-catholique d’Utrecht, Presses de l’Université du Québec, 1985, pp. 20-21). Rajoutons, pour essayer d’être complet sur cette question, qu’on sait aussi que La Croix de Saint-Vallier avait été en rapports avec l’évêque d’Alet, Nicolas Pavillon, dont le nom fut également associé à la querelle janséniste. D’ailleurs, le premier rituel de Québec sera fortement inspiré de celui d’Alet qui contenait textuellement, de nombreuses propositions qui furent condamnées par l’Église, rituel, que l’opinion commune attribue à Arnauld et à Barcos, soutenant, selon le bref de Rome : « des doctrines et des propositions fausses, singulières, dangereuses et erronées dans la pratique, contraires à la coutume communément reçue dans l’Église.» (Bref Credita Nobis, 9 avril 1668).

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La suite de l’histoire de Dominique-Marie Varlet est un peu plus connue. Rappelé en France par sa hiérarchie en 1718, dès son arrivée à Paris, ses supérieurs lui apprennent qu’il est nommé évêque coadjuteur de l’évêque de Babylone. Avant de se rendre en Perse, il est cependant consacré évêque le 19 février 1719 dans la chapelle des Missions étrangères, puis se met en route le 18 mars suivant. Sur son chemin, celui qui est désormais Mgr Varlet, s’arrête à Amsterdam où il rencontre une population dépourvue des sacrements, notamment celui de la confirmation, de par la vacance du siège épiscopal d’Utrecht en raison d’un conflit de l’Église locale avec Rome. Sensible au désarroi spirituel dont il est témoin, Varlet, comme toujours et selon son ardent amour des âmes, dans un souci de charité, procède à la célébration des confirmations dans la cathédrale. Il repart, et arrive, après un très long voyage, en Perse s’établissant à Shamaké. Pourtant, le 26 mars 1720, il est informé qu’à Rome, la Congrégation de la propagande  l’a suspendu de sa charge depuis le 7 mai 1719, en sanction de son geste charitable envers les fidèles de l’Église d’Utrecht, et également, de ce qu’il ait fait en sorte, de ne pas souscrire à la bulle Unigenitus avant son départ de Paris. Varlet revient à Amsterdam, tente de faire annuler sa suspense, se rend de nouveau à Paris, confirme cette fois-ci ouvertement aux autorités, qu’il refuse de signer la bulle Unigenitus,  et retourne à Amstermdam où le 15 octobre 1724, allant au bout de sa démarche, il  consacre en sa chapelle privée, Corneille Steenoven, l’archevêque qui avait été élu par le chapitre d’Utrecht, mais que Rome refusait. Le 22 février 1725, par le bref Qua sollicitudine, le pape Benoît XIII prononçait l’excommunication de Mgr Varlet et de tous ceux qui étaient impliqués dans l’élection et le sacre de l’archevêque d’Utrecht. Ce dernier décédant, le 3 avril, Mgr Varlet, à présent excommunié, et dont on voit en cela la détermination à conférer sa transmission épiscopale de sorte que se constitue une transmission d’Église selon ses vœux théologiques et pastoraux, consacrait un nouvel archevêque, Corneille Jean Barchman Wuytiers, le 30 septembre, en l’église Saint-Jacques et Saint-Augustin de La Haye. En 1733, Mgr Corneille Jean Barchman Wuytiers mourrait à son tour, amenant Mgr Varlet à consacrer en 1734, le 28 octobre, Thodore van der Croon, comme nouvel archevêque d’Utrecht, qui lui-même décédait cinq ans plus tard en 1739, faisant que Varlet, une fois encore, le 18 octobre de cette même année, consacrait Pierre Jean Meindaerts, qui finalement sera à l’origine de la succession apostolique de Varlet dite de l’Église « vieille-catholique » d’Utrecht. Dominique-Marie Varlet, quant à lui, rejoindra le Ciel le 14 mai 1742 à Rijnwijk, et fut  Inhumé dans le cloître de l’église Sainte-Marie d’Utrecht. Le « Testament spirituel de Mgr Dominique-Marie Varlet, évêque de Babylone », qui résumait les raisons de son action, fut publié dans le bulletin janséniste, les Nouvelles ecclésiastiques, à Paris, le 25 novembre 1742.

*

Nous ne saurions laisser le très attachant Dominique-Marie Varlet, sans citer un extrait d’une lettreanges,christianisme,culture,doctrine,élus coëns,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,littérature,livres,martinésisme,martinisme,métaphysique,mystique,occultisme,pensée,philosophie,religion,spiritualité,théologie,théosophie,t inédite, que lui avait fait parvenir son évêque, du temps de son œuvre pastorale en Nouvelle-France. Voici ce que lui disait son pasteur : « Comptez beaucoup plus sur la force des prières que vous offrez à Dieu pour la conversion de ce peuple aveugle. Ainsi, vous ne sauriez trop travailler à les rendre purs et fervents par une grande union avec Dieu. (…) Ce n’est point par la force que vous vaincrez la jonglerie...[le paganisme], mais par la patience, par l’oraison et par de persévérantes exhortations. Vous gagnez leur coeur en sorte qu’ils vous aiment et estiment la prière. Le reste dépend de Dieu et viendra avec le temps. (…) Je bénis Dieu de s’être voulu servir de vous pour la conversion et la sanctification de tant d’âmes abandonnées. N’oubliez point, dans vos prières et saints sacrifices, un évêque qui vous honorera, non pas seulement jusqu’à la mort, et qui vous assure de tout le respect que vous méritez et avec lequel je suis, autant qu’on le peut être, votre très humble et très obéissant serviteur. »  (Jean, [La Croix de Saint-Vallier], évêque de Québec,le 20 juillet 1719).

 

6. Le Crocodile, ch. 23, « Entrevue d’Eléazar et de Sédir, Doctrine d’Eléazar », an VII de la République, 1799.

7. anges,christianisme,culture,doctrine,élus coëns,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,littérature,livres,martinésisme,martinisme,métaphysique,mystique,occultisme,pensée,philosophie,religion,spiritualité,théologie,théosophie,tLe néologisme « déterrestréiser », ici employé par Saint-Martin, n’est sans doute pas étranger à sa fréquentation de la langue de Jacob Boehme, ce dernier étant coutumier de ces formulations originales, mais surtout, dont la thématique de l’éloignement de la vie temporelle terrestre, était également une des caractéristiques fondamentales de sa pensée, nous contentant de ce fait, de citer un passage témoignant d’une identique analyse, traduit justement par le Philosophe Inconnu : « Nous sommes comme dans une hôtellerie étrangère, dans laquelle nous ne sommes point chez nous, mais seulement comme des pèlerins. Là, nous devons toujours nous attendre, dans une grande souffrance, à ce que notre hôte étranger nous chasse, et nous dérobe nos propriétés, nos œuvres et les fruits de notre industries (...) nous devons sans cesse présumer que le destructeur va venir et porter le ravage dans notre cœur, dans notre esprit, et dans nos vertus, ainsi que nous dépouiller de notre chair, de notre sang, et de nos biens. Alors, il nous est vraiment utile d'apprendre à connaître et à savoir le chemin de notre vraie patrie, afin que nous puissions éviter ces grandes et douloureuses misères, et entrer dans l'éternelle hôtellerie qui est notre propriété, et dont personne ne peut nous chasser. » (De Tribus Principiis,[Des trois principes de l’essence divine, ou de l’éternel engendrement sans origine], XX, 2.).

 

 

dimanche, 10 juin 2012

Louis-Claude de Saint-Martin et les Anges

De la théurgie des élus coëns à l'angélologie saint-martiniste 

 

 

Jean-Marc Vivenza 

 

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L’ange bon compagnon,

notre fidèle gardien,

dépend entièrement de nous

pour éprouver les effets du Soleil éternel,

pour accéder à la vie divine dont il est éloigné

en raison de son ministère auprès de l’humanité.

 

 

  

 

mystique,spiritualité,ésotérisme,franc-maçonnerie,illuminisme,théosophie,théologie,martinisme,angesAborder la question de la relation de Louis-Claude de Saint-Martin (1743-1803) aux anges, est l’une des plus intéressantes et passionnantes qui soient. En effet, la place des esprits angéliques au sein de la voie spirituelle et initiatique est fondamentale, de même que leur ministère, leur fonction et leur rôle. Cependant cette place et cet authentique « ministère » restent, en réalité, mal définis, imprécis. On imagine avoir quelques idées claires sur le sujet alors que les éléments effectifs touchant aux anges nous sont profondément méconnus, notamment pour tout ce que pensait le Philosophe Inconnu relativement aux êtres célestes, le plus généralement absolument et profondément ignoré.

 

Saint-Martin qui fut dès le début de son chemin initiatique mis en contact avec les anges, se distingua par une analyse originale qui l’amena, non seulement à s’écarter rapidement des pratiques externes découvertes dans sa première initiation à Bordeaux qu’il qualifiait « de voie incomplète et dangereuse », mais de plus, et surtout, à proposer une réflexion absolument originale lui donnant d’exposer des vérités nouvelles qui enrichissent notablement tout ce qui s’était dit et affirmé jusqu’à lui au sujet des créatures célestes dans leur rapport à l’homme.

 

I. Du rejet des élus coëns à la nouvelle relation avec les esprits célestes

 

Ainsi, non content de rompre avec les rites externes d’une théurgie issue de sources magiques impures, théurgie qu’il dénoncera avec une extraordinaire vigueur jugeant ses méthodes « imprudentes », « inutiles et pleines de dangers », la considérant non seulement comme totalement inefficace pour « opérer » la réconciliation de l’homme mais de plus pouvant même conduire directement l’âme qui s’y laisse entraîner dans les régions ténébreuses en l’asservissant aux puissances inférieures, Saint-Martin abandonnant les pratiques théurgiques, proposera une nouvelle angélologie et, par conséquence immédiate, un nouveau mode spirituel dans la relation de l’homme avec les esprits célestes [1].

 

 

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Saint-Martin jugeait que son « ancienne école »,

c’est-à-dire celle de Martinès de Pasqually,

était certes impuissante à guérir les maux de l’homme,

mais, pire encore, servait même à les augmenter !

 

 

 

mystique,spiritualité,ésotérisme,franc-maçonnerie,illuminisme,théosophie,théologie,martinisme,angesEn effet, dans son analyse critique envers les pratiques des élus coëns, Saint-Martin ne ménagera pas ses reproches les plus sévères à l’égard d’une initiation qu’il désignait comme « prisonnière des formes », tristement dépendante des cérémonies extérieures, allant jusqu'à juger que son « ancienne école », c’est-à-dire celle enseignée par Martinès de Pasqually (+1774), certes était impuissante à guérir les maux dont souffre l’homme, mais pire encore, servait même à les augmenter : « Ces établissements (mon ancienne école ou à une autre) servent quelquefois à mitiger les maux de l'homme, plus souvent à les augmenter, et jamais à les guérir…. ceux qui y enseignent ne le font qu'en montrant des faits merveilleux ou en exigeant la soumission. » [2]

 

 

 

 

 

 

II. L’esprit « bon compagnon »

 

 

C’est pourquoi, par delà sa critique des moyens grossiers employés par les élus coëns pour s’approcher du Ciel en voulant soumettre et contraindre les anges, Saint-Martin, qui avait perçu l’importance de ce sujet, se pencha avec attention sur la question des esprits angéliques dans plusieurs de ses ouvrages, et d’ailleurs, l’une de ses pensées les plus consolantes fut en rapport direct avec la présence à nos côtés de notre « ami fidèle », dit « esprit bon compagnon » avec lequel il est possible d’oeuvrer, puisqu’en effet, l’ange gardien sera assimilé à l’ami fidèle chez Saint-Martin, soit « l’ange bon compagnon », l’ange conseiller, le confident, le protecteur et le soutien, celui qui, par la douce présence qu’il maintient à nos côtés, est un gage de la purification de notre cœur. [3]

   

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Saint-Martin, s’écartant de la théurgie des élus coëns,

 propose une nouvelle angélologie,

un nouveau mode spirituel

dans la relation de l’homme avec les esprits célestes.

 

 

mystique,spiritualité,ésotérisme,franc-maçonnerie,illuminisme,théosophie,théologie,martinisme,angesMais si cette présence près de nous de l’esprit bon compagnon est un précieux viatique, une aide secourable, un guide important, une vérité néanmoins est souvent ignorée des lecteurs de Saint-Martin, vérité qui pourtant seule nous donne de comprendre ce qui constitue, tout à la fois l’originalité de la pensée du Philosophe Inconnu, ainsi que sa très grande différence d’avec l’enseignement de Martinès de Pasqually.

 

C’est également l’un des points les moins compris de la conception de Saint-Martin, car elle renverse presque totalement, dans une certaine mesure, l’idée habituelle et courante que l’on se fait du rapport de l’homme aux anges puisque, et c’est là un élément essentiel, Saint-Martin nous révèle que l’ange bon compagnon, notre fidèle gardien, dépend entièrement de nous pour pouvoir éprouver les effets du soleil éternel, dépend de l’âme pour accéder à la vie divine dont il est éloigné en raison de son ministère auprès de l’humanité.

 

 

III. Ce n’est pas à l’homme de prier les anges

 

De ce fait, ce qui poussait réellement Saint-Martin, qui en convaincra d’ailleurs peu après ses intimes, à s’éloigner des cérémonies théurgiques, c’est qu’en réalité les anges, qui sont de puissants secours en bien des affaires, ont besoin de nous dans l’unique objet de la quête initiatique, à savoir la connaissance de Dieu par la prière.

 

Ce sur quoi insistait Saint-Martin, c’est que ce n’est pas à nous au fond de « prier » les anges de nous faire connaître Dieu, mais à eux de nous le demander car nous avons à les instruire puisque l’homme, par le Fils, peut aujourd’hui approcher le Père dans sa nature ; ceci expliquant pourquoi, ainsi que le rappellera magnifiquement saint Jean de la Croix (+1591), c’est dans l’âme de l’homme que Dieu a son séjour : « Dieu réside substantiellement en l’âme, dans ce sanctuaire où ni l’ange ni le démon ne peuvent pénétrer .» [4]

 

 

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« Les anges ne connaissent le Père que dans le Fils.

Ils ne le connaissent ni dans lui-même, ni dans la nature… »

 

 

mystique,spiritualité,ésotérisme,franc-maçonnerie,illuminisme,théosophie,théologie,martinisme,angesC’est exactement ce que dit admirablement Saint-Martin dans un passage du Ministère de l’homme-esprit : « Les anges ne connaissent le Père que dans le Fils. Ils ne le connaissent ni dans lui-même, ni dans la nature, qui, surtout depuis la première altération, est bien plus rapprochée du Père que du Fils, par la concentration qu'elle a éprouvée ; et ils ne peuvent le comprendre que dans la divine splendeur du Fils, lequel à son tour n'a son image que dans le cœur de l'homme, et ne l'a point dans la nature. Voilà pourquoi l'homme qui, lors de son origine dans l'univers, était lié principalement au Fils, ou à la source du développement universel, connaissait le Père à la fois et dans le Fils et dans la nature. Et voilà pourquoi les anges recherchent tant la compagnie de l'homme, puisque c'est lui qu'ils croient encore en état de leur faire connaître le Père dans la nature. »  Il poursuit :  « Ils [les anges] sont fondés à le croire, puisque c'est à nous que le Père s'est rendu visible, et que ses éternelles merveilles se sont montrées sous ce phénomène temporel qui constitue la nature périssable. Oh ; combien de choses profondes nous pourrions enseigner, même aux anges, si nous rentrions dans nos droits ! et il ne faudrait pas s'étonner de cette idée, puisque selon saint Paul (1.ere cor. ch. 6 : 3), nous devons juger les anges. Or, le pouvoir de les juger suppose le pouvoir de les instruire.» (L.-C. de Saint-Martin, Le Ministère de l’homme-esprit, 1802).

IV. C’est à l’homme de faire connaître Dieu aux anges

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Depuis la Révélation les anges souhaitent plonger leur regard

dans l’œuvre réparatrice et être instruits,

par  l’homme, des merveilles de l’Evangile.

 

 

 

Si l’homme doit instruire les anges, il le doit en rendant accessible son cœur à la lumière divine, en l’ouvrant, pleinement, à l’œuvre purificatrice et transformatrice qui permettra que les esprits angéliques puissent connaître le Père, et ceci sera rendu possible en raison de la supériorité de notre esprit animique sur celui des anges.

 

Cette idée n’a rien de choquante, car depuis la Révélation les anges souhaitent plonger leur regard dans l’œuvre réparatrice et être instruits, par  l’homme, des merveilles de l’Evangile et de la nature de la « grâce qui était destinée » à ceux qui ouvriraient leur cœur à la vérité.

 

 

V. Les anges doivent passer par l’âme de l’homme, pour assister au « divin engendrement »

 

 

La place de l’âme humaine est donc fondamentale à l’intérieur du plan divin, puisque par elle, et seulement par ce canal précis, les anges ont à passer pour pouvoir approcher des merveilles éternelles du Père manifestées dans la nature visible. Mais l’éminence de l’âme va plus loin encore, sa fonction dépasse en vertigineuse fonction bien plus qu’il ne se peut imaginer, car elle participe directement, et l’on touche ici aux plus grands des mystères ineffables qu’il soit possible d’envisager en ce monde, de l’engendrement divin, de la naissance suressentielle de Dieu.

 

 

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L’âme participe directement,

de l’engendrement divin,

de la naissance suressentielle de Dieu.

 

 

 

mystique,spiritualité,ésotérisme,franc-maçonnerie,illuminisme,théosophie,théologie,martinisme,angesL’âme, le fond de l’âme (abditus mentis) est le saint Tabernacle d’où la divinité s’engendre elle-même, dans le mystère secret du silence intérieur par lequel, dans une « opération » invisible, Dieu procède à la naissance de son Fils premier né : « Dieu opère dans l’âme sans aucun intermédiaire – image ou ressemblance – mais bien dans le fond, là où jamais ne pénétra aucune image que Lui-même, en son Être propre. Cela, aucune créature ne peut le faire. ‘‘Comment Dieu engendre-t-il son Fils dans le fond de l’âme ? est-ce de la même façon que font les créatures, en image et ressemblance ?’’ Croyez bien que non ! Tout au contraire : Il l’engendre exactement de la même manière qu’Il l’engendre dans l’éternité, ni plus ni moins. (….) C’est ainsi que Dieu le Père engendre son Fils : dans l’unité véritable de la nature divine.» [5]

 

L’âme est donc dépositaire d’une essence unique et réellement sublime, essence comparable à absolument rien de ce qui est créé, au point de lui donner la possibilité de parvenir jusqu’à l’origine même d’où provient le premier commencement. Voilà pourquoi l’âme de l’homme est d’une immense dignité, elle relève d’un bien infiniment précieux d’une valeur incomparable, car elle est la pierre fondamentale d’où surgit en son « aurore naissante » la Divinité. 

 

VI. L’esprit du ministère, ou la véritable « religion » de l’homme

Nous percevons donc, par ces vives lumières projetées sur la mission extraordinaire qu’il incombe à l’homme seul d’exercer par la prière, et à cause de ce qui s’opère comme naissance dans son âme, la raison de sa supériorité sur les anges : «C'est ta prière qui devait elle-même appeler l'aube de la lumière et la faire briller sur ton oeuvre, afin qu'ensuite tu puisses du haut de cet orient céleste la verser sur les nations endormies dans leur inaction, et les arracher à leurs ténèbres. Ce n'est que par cette vigilance que ton édifice prendra son accroissement, et que ton âme pourra devenir semblable à l'une de ces douze perles qui doivent un jour servir de portes à la ville sainte. » (L.-C. de Saint-Martin, Le Nouvel Homme, § 8).

 

 

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Il revient à l’homme de servir de support,

de reflet lumineux à son Principe,

 de devenir, par grâce,

 le « principal ministre de la divinité ».

 

 

C’est pourquoi, si l’homme est appelé à devenir le « principal ministre de la divinité », c’est que sa mission est d’une nature infiniment sublime, vertigineuse ; il lui revient, à cet homme malgré sa chute et ses nombreuses erreurs, mais lorsqu’il percevra et sentira que les conséquences de son crime furent réparées au Golgotha, de servir de support, de reflet lumineux à son Principe, puisque nous étions et restons destinés à devenir participant d’une œuvre extraordinaire en quoi consiste toute notre religion, nous avons été appelés à avoir une autorité sur les habitants de toutes les régions terrestres et célestes.

 

mystique,spiritualité,ésotérisme,franc-maçonnerie,illuminisme,théosophie,théologie,martinisme,angesOn comprend de ce fait en quoi les mises en garde afin d’avertir que l’œuvre véritable se déroule loin des formes, loin des régions externes étrangères, fut pour Saint-Martin - et reste encore - un devoir pieux et nécessaire, de sorte que nous puissions laisser Dieu « opérer » seul en nous, agir et réaliser le culte et le sacrifice, exprimer la prière et faire entendre son Nom : « Car ce ne serait point abuser nos semblables, que de leur dire combien l'œuvre véritable de l'homme se passe loin de tous ces mouvements extérieurs. D'après les principes posés ci-dessus, nous sommes placés sous l'aspect de la divinité même, c'est-à-dire que nous reposons sur une racine vive qui doit opérer en nous toutes nos régulières végétations ; ainsi, qu'il y ait autour de nous, et même par nous, des faits extérieurs et hors du cours ordinaire de la nature, bien plus, qu'il y ait une nature et un monde, ou qu'il n'y en ait pas, notre œuvre doit toujours avoir son cours, puisque notre œuvre est que Dieu dans nous soit tout, et nous rien, et puisque, dans les faits mêmes impurs et légitimes qui peuvent s'opérer, ce ne sont pas les faits qui doivent s'apercevoir et mériter nos hommages, mais le Dieu seul qui les opère.» (L.-C. de Saint-Martin, Ecce Homo, § 4).

 

Conclusion : « les anges attendent le règne de l'homme »

En conclusion, et on le comprend aisément après tout ce qui vient d’être exposé, dans cette « opération » supérieure d’engendrement divin en l’âme, point n'est besoin d’utiliser des méthodes périphériques, des techniques complexes, des cérémonies inutiles, de s’adonner à des cultes stériles et dangereux [6] ; celui qui désire que le Verbe Divin naisse en lui, en son cœur, ne doit pas oublier qu’il est porté, entraîné, conduit et poussé par un puissant mouvement d’élection qui agit pour lui en sachant, avec une science céleste, « opérer » comme il convient : « Puisque c'est l'action même, pour ne pas dire la génération vive de l'ordre divin qui veut bien passer par [lui]. Montez dans l'assemblée des saints, adressez-vous à ces millions d'anges qui ont leur demeure dans la sphère des cieux. Ils répondront tous : oui, nous sommes sujets et serviteurs du Seigneur. Béni soit l'homme qui demande à l'univers un aveu aussi doux que légitime ! Qu'il ne se repose point sans avoir engagé tous les êtres à professer la gloire du Seigneur, et à célébrer la puissance de son nom ; et sans que tout ce qui existe se dise le sujet et le serviteur du Seigneur.» (L.-C. de Saint-Martin, L’Homme de désir, Chant 291).

 

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L’âmede l'homme lui octroie,

et bien plus encore depuis que cette âme

a été purifiée et lavée en justice par le Verbe,

une souveraineté vis-à-vis de tous les esprits célestes.

 

 

Une conviction, propre à Saint-Martin certes mais certitude foncièrement liée à la nouvelle loi d’amour, doit donc nous servir dans l’engendrement qu’il nous revient de laisser opérer en nous depuis que sur le Golgotha « tout a été consommé », à savoir nous souvenir - et en ceci consiste sans doute la sainte profession spirituelle -, que l’âmede l'homme lui octroie, depuis l’origine, mais bien plus encore depuis que cette âme a été purifiée et lavée en justice par le Verbe à l’issue de son sacrifice salvateur, une souveraine supériorité vis-à-vis de tous les esprits, une autorité sur les créatures séjournant au sein du monde invisible puisqu’elle possède la puissance inégalée de procéder à la régénération universelle en étant accompagnée par la Lumière, portée par l’énergie incréée s’étendant à tous les horizons de l’Esprit pour renouveler, re-sacraliser et régénérer l’immensité.

 

 

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Le Nouvel Homme

n’est pas simplement destiné à retrouver,

par l’effet d’un processus de « réintégration »

les pouvoirs du premier Adam,

mais est « élu » pour recevoir une ordination

le conduisant à devenir 

« participant de la nature de Dieu »

 

 

 

mystique,spiritualité,ésotérisme,franc-maçonnerie,illuminisme,théosophie,théologie,martinisme,angesA ce titre l’homme - le Nouvel Homme - n’est pas simplement destiné à retrouver, par l’effet d’un processus de « réintégration » les pouvoirs du premier Adam, mais à être non seulement doté de l’onction souveraine qui fera de lui un esprit glorieux « supérieur à tout autre esprit spirituel, soit émané ou émancipé » du sein du Créateur,  puisque par delà cette première étape l’homme est ordonné, destiné à recevoir un ré-engendrement mystérieux le conduisant, par pure grâce, à devenir  « participant de la nature de Dieu », lui conférant, eu égard à cette extraordinaire participation qui lui a été accordée, une authentique puissance substantielle l’ordonnant, le consacrant et le constituant, vrai « Fils de Dieu », l’introduisant ainsi dans le Sanctuaire du Ciel auprès du Réparateur Lui-même, afin qu’il exerce, au Nom de la Divinité incréée et infinie, son saint ministère pour l’éternité. 

 

 

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« Il nous a donné les très grandes et précieuses promesses,

afin que par elles vous participiez de la nature divine,

ayant échappé à la corruption qui est dans le monde…. »

(II Pierre I, 4).

 

*

  

 

Extraits de :

 

Louis-Claude de Saint Martin et les Anges

  

De la théurgie des élus coëns

à la doctrine angélique saint-martiniste

 

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A paraître  

aux Editions Arma Artis, 120 pages.

 

 

 

  

Notes.

 

1. L'œuvre véritable pour Saint-Martin, se passe effectivement loin de l'extérieur car c'est dans l'interne, derrière le second voile du Temple que se déroulent aujourd’hui, depuis la venue du Divin Réparateur, les rites sacrés, et que se célèbre le culte spirituel et la liturgie divine par la prière et l'adoration : « Par ses imprudences, l'homme est plongé perpétuellement dans des abîmes de confusion, qui deviennent d'autant plus funestes et plus obscurs, qu'ils engendrent sans cesse de nouvelles régions opposées les unes aux autres et qui  font que l'homme se trouvant placé comme au milieu d'une effroyable multitude de puissances qui le tirent et l'entraînent dans tous les sens, ce serait vraiment un prodige qu'il lui restât dans son cœur un souffle de vie et dans son esprit une étincelle de lumière. (...) l'œuvre véritable de l'homme se passe loin de tous ces mouvements extérieurs. » (Ecce Homo, § 4). La nécessité de l'intériorité, de la voie purement secrète, silencieuse et invisible, se justifie donc pour Saint-Martin, en raison de la présente faiblesse constitutive de la créature, de sa désorganisation et de son inversion radicale, plongeant les êtres dans un milieu infecté, une atmosphère viciée et corrompue, qui guettent chacun de nos pas lorsque nous nous éloignons de notre source et délaissons notre « centre », mettant en péril notre esprit lorsque, par imprudence et présomption, nous osons outrepasser les limites des domaines sereins protégés par l'ombre apaisante de la profonde paix du cœur.

 

2. Extrait du recueil de correspondance de Saint-Martin, avec MM. Maglasson, De Gérando, Maubach, etc., appartenant à M. Munier, lettre du 5 août 1798.

 

3. « Quant aux anges, nous savons qu'ils sont "tous des esprits dont la fonction est d'être envoyés en service, au profit de ceux qui doivent obtenir l'héritage du salut" (Heb., 1.14). C'est vrai surtout des anges gardiens spécialement attachés à chacun de nous. Leur charité à notre égard n'est qu'une manifestation de leur dévouement à la cause divine et de leur zèle pour l'honneur de Dieu. Nous pouvons compter sur leur aide puissante dans la lutte contre le mal et recourir à eux pour obtenir par leur intermédiaire, avec la protection de notre vie temporelle, les grâces qui sous forme de bonnes pensées, d'élans vers le bien, d'horreur du mal, nous permettront de déjouer les ruses et les pièges du "malin", de répondre aux appels de Dieu et de nous préparer ainsi à prendre, avec joie, place auprès de ceux qui se seront montrés si fraternels pendant notre pèlerinage d'ici-bas. » (Joseph de Guibert s.j., Leçons de théologie spirituelle, tome I, Apostolat de la Prière, 1943).

 

4. S. Jean de la Croix, Nuit Obscure 2, 23,11.

 

5. Maître Eckhart, Sur la naissance de Dieu dans l’âme, trad. Gérard Pfister, Préface de Marie-Anne Vannier, Arfuyen, 2004, pp. 45-46.

 

6. Saint-Martin, dans son Portrait historique et philosophique, eut une remarque plus que pertinente au sujet des dangers des voies externes, et utilisa une image imagée extrêmement parlante s’appuyant sur une anecdote rapportée de son voyage en Italie où vivaient à Naples, à l’époque, des milliers de « lazzaroni », terme désignant ceux qui résidaient dans les rues dépourvu de logis dans un état de grande pauvreté, nous faisant voir que si nous n’y prenons garde, en ouvrant grandes les portes sans prudence par des pratiques externes, nous risquons de voir s’installer des locataires peu recommandables en nous, esprits ténébreux capables même, en prenant des dehors engageants singulièrement trompeurs, de se rendre maîtres et possesseurs de notre maison et de nous en chasser : « La chose qui m'a paru la plus rare en fréquentant les hommes c'est d'en rencontrer un qui logeât chez lui; ils logent presque tous en chambre garnie, et encor ce ne sont pas là les plus dénués et les plus à plaindre; il en est qui ne logent que sous les portes comme les lazzaroni de Naples, ou même dans les ruas et à la belle étoile, tant ils ont peu de soin de conserver leur maison patrimoniale, et de ne se pas laisser évincer de leur propre domaine. » (Portrait, 479).

 

 

 

vendredi, 09 décembre 2011

Le sacerdoce selon Louis-Claude de Saint-Martin

entrer des mots clefs

« La première Religion de l’homme étant invariable,

il est, malgré sa chute, assujetti aux mêmes devoirs ;

 mais comme il a changé de climat,

il a fallu aussi qu’il changeât de Loi

pour se diriger dans l’exercice de sa Religion.»

Louis-Claude de Saint-Martin

 

 

entrer des mots clefsLa question du sacerdoce est l’une des plus importantes, des plus solennelles qui soient, elle touche au culte que l’homme a à rendre à Dieu, car l’homme, en effet, est à la suite du Divin Réparateur, prêtre, prophète et roi, il a donc une fonction sacerdotale à accomplir [1].

 

 

I. Nature du culte de l’homme

 

                     Le culte qu'il incombait à l'homme de célébrer primitivement n'a pas changé du point de vue de sa perspective, même si sa forme, de par la force des choses, a été nécessairement modifiée, en effet : « La première Religion de l’homme étant invariable, il est, malgré sa chute, assujetti aux mêmes devoirs ; mais comme il a changé de climat, il a fallu aussi qu’il changeât de Loi pour se diriger dans l’exercice de sa Religion. Or, ce changement n’est autre chose que de s’être soumis à la nécessité d’employer des moyens sensibles pour un culte qui ne devait jamais les connaître. Néanmoins comme ces moyens se présentent naturellement à lui, il n’a que très peu de soins à donner pour les chercher, mais beaucoup plus, il est vrai, pour les faire valoir et s’en servir avec succès. Premièrement, il ne peut faire un pas sans rencontrer son Autel ; et cet Autel est toujours garni de Lampes qui ne s’éteignent point, et qui subsisteront aussi longtemps que l’Autel même. En second lieu, il porte toujours l’encens avec lui, en sorte qu’à tous les instants il peut se livrer aux actes de sa Religion. » (Des erreurs et de la vérité.)

 

 

 

entrer des mots clefs

 

 « L’homme ne peut faire un pas sans rencontrer son Autel ;

et cet Autel est toujours garni de Lampes qui ne s’éteignent point,

et qui subsisteront aussi longtemps que l’Autel même.

En second lieu, il porte toujours l’encens avec lui,

en sorte qu’à tous les instants il peut se livrer aux actes de sa Religion. »

 

 

                 Indéniablement, il n'y a pas de chemin plus important, d'autre voie, d'autre initiation supérieure à celle que de célébrer sur notre « Autel », dans l'invisibilité et le silence du cœur, les louanges de l'Eternel, nous éclairant seulement avec cette lampe sacrée comportant sept splendides lumières, et d'élever lentement vers le Ciel notre pur encens de reconnaissance, pour la plus grande gloire de Dieu : « le Père de Notre Seigneur Jésus-Christ, qui nous a béni de toutes bénédictions spirituelles dans les lieux célestes en Christ…» (Ephésiens, 1, 3). Cette « révélation », cet enseignement enfin dévoilé, correspondent à ce que Saint-Martin nomme la « troisième époque », c'est-à-dire le temps où la Vérité, par les bienfaits qu'elle prodigue à l'homme, « l'anime de la même unité, et l'assure de la même immortalité ». 

 

                Le Philosophe Inconnu, comme il le fit souvent dans ses ouvrages, et qui plus est encouragé par les paroles merveilleuses du Seigneur, s'exprime ouvertement avec son disciple et lui donne, ou, plus exactement, lui confie le secret qui résume toute l'initiation saint-martiniste, lui disant par delà les siècles, qui de toute manière ne comptent pas du point de vue de l'éternité, ces précieuses vérités : « Apprend [que ton] Être intellectuel [est] le véritable temple ; que les flambeaux qui le doivent éclairer sont les lumières de la pensée qui l'environnent et le suivent partout ; que le sacrificateur c'est ta confiance dans l'existence nécessaire du Principe de l'ordre de la vie ; c'est cette persuasion brûlante et féconde devant qui la mort et les ténèbres disparaissent ; que les parfums et les offrandes, c'est [ta] prière, c'est [ton] désir et [ton] autel pour le règne de l'exclusive unité. » (Le Tableau naturel, XVII).

 

 

II. Le Sacerdoce de l’Eglise et Saint-Martin

 

 

              On sait la méfiance, pour ne pas dire plus, que manifesta Saint-Martin à diverses occasions vis-à-vis de la prêtrise transmise par l'Eglise visible du Christ, et la sévérité de ses virulentes critiques à l'égard d'un sacerdoce bien loin de répondre aux exigences spirituelles que l'on est en droit d'attendre de la part des ministres de l'Eternel, dont la manifestation la plus symbolique semble avoir été, selon certains son refus d'accepter la présence d'un prêtre à son chevet au moment de quitter cette terre [2].

 

entrer des mots clefsToutefois les pages les plus dures, et sans doute les plus célèbres de Saint-Martin, furent publiées en 1802 dans le Ministère de l'homme-esprit, témoignant d'une conviction depuis longtemps établie et qui dut même, selon toute probabilité, prendre naissance très tôt, dès l'époque (entre les années 1768 et 1774) où il étudiait et découvrait de nouvelles  lumières, à Bordeaux, aux côtés de son premier maître : Martinès de Pasqually.

 

                     Ce dernier, ne l'oublions pas, bien qu'exigeant de ses disciples une pleine et entière appartenance et communion avec l'Eglise catholique romaine pour pouvoir être admis dans l'Ordre des Chevaliers Maçons Elus Coëns de l'Univers, était également fort critique dans ses jugements en matière religieuse, et ne ménageait pas la virulence de ses attaques à l'égard des prêtres qu’il jugeait ignorants des mystères de leur propre sacerdoce.

 

III. La critique de Saint-Martin concerne toutes les Eglises

 

                   On a pu dire, pour expliquer l'attitude de Saint-Martin, qu'il méconnaissait la véritable Eglise n'ayant eu, selon cette thèse, devant ses yeux qu'un pâle reflet, voire une caricature de la fonction dévolue aux ministres effectifs de Jésus-Christ [3].

 

                     Il est évident que le XVIIIe siècle ne fut sans doute pas, pour le moins que l'on puisse dire, la plus grande période que connut l'Eglise catholique au cours de son histoire, mais l'argument ne nous apparaît pas pouvoir être accepté dans les termes, car si l’on peut lui accorder un éventuel crédit pour Martinès, il apparaît en revanche infondé de le postuler pour le théosophe d’Amboise.

 

 

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                   En effet, Saint-Martin, fort instruit en ces domaines, pouvait aisément faire la distinction entre les défauts ponctuels, aussi criants fussent-ils, qu'il constatait autour de lui, et l'esprit qui présida à l'édification de la vénérable institution dont il était membre baptisé, connaissant parfaitement les richesses de son église, l'immense apport de son trésor spirituel qui se traduisit par un développement fécond et exceptionnel d'Ordres religieux producteurs de bienfaits et de sainteté, la large et impressionnante diffusion d'écrits mystiques d'une valeur extrêmement élevée, la contribution incomparable à l'intelligence et approfondissement de la foi de textes magnifiques rédigés par des docteurs et théologiens parmi les plus savants et éclairés, et, par dessus tout, l'extraordinaire beauté du culte latin possédant encore, en ces années marquées par les décrets du Concile de Trente, toutes les qualités, les vertus et la sublime pureté de l'ancienne liturgie grégorienne.

 

                 C'est pourquoi, nous ne croyons pas que la question soulevée par Saint-Martin, touchant à son rejet critique du sacerdoce chrétien tel que professé par les prêtres de son temps, ne concerne que l'unique Eglise catholique, mais touche, en réalité, tous les sacerdoces et les sacrements conférés par l'intermédiaire d'institutions humaines, et donc s’étend à toutes les églises, l’occidentale comme l’orientale, antiochienne y compris.

 

IV. Forme du nouveau sacerdoce

 

                Depuis la venue du Christ, les ordonnances des antiques religions (païennes et judaïque) sont devenues caduques, elles ont été renversées par la lumière de la Révélation, l'ordre ancien est dépassé, l'homme n'a plus besoin d'un intermédiaire pour s'approcher du trône de la Divinité, Jésus Christ s'est chargé d'abattre les voiles (Matthieu 27, 51) qui nous séparaient du Sanctuaire : « La grâce de Dieu qui apporte le salut est apparue à tous les hommes » (Tite 2, 11). Jésus, par sa mort, a purifié les hommes pécheurs : « Par une seule offrande il a rendu parfaits pour toujours ceux qu'il a sanctifiés » (Hébreux 10, 14). En conséquence, la grande vérité, bouleversante et magnifique, que Saint-Martin voulut exprimer et proclamer à ses intimes, concernant l'entière consécration ministérielle de chaque chrétien par le Christ, n'est autre que la vérité de l'Ecriture elle-même ainsi que l'enseigne Paul : « Par le moyen du sang de Jésus, nous avons une pleine liberté pour entrer dans les lieux saints, par le chemin nouveau et vivant qu'il nous a consacré à travers le voile, c'est-à-dire sa chair, et puisque nous avons un sacrificateur établi sur la maison de Dieu, approchons-nous avec un cœur sincère, dans la plénitude de la foi, les cœurs purifiés d'une mauvaise conscience, et le corps lavé d'une eau pure. » (Hébreux 10, 19-22).


 

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 « Par le moyen du sang de Jésus,

nous avons une pleine liberté

pour entrer dans les lieux saints,

par le chemin nouveau et vivant

qu'il nous a consacré à travers le voile... »

(Hébreux 10, 19-22).

 

              L'idée que puisse perdurer un sacerdoce calqué sur le modèle des cultes encore plongés dans les ténèbres de la servitude d'avant le Christ, est absolument inacceptable pour Saint-Martin, car « le christianisme est la région de l'affranchissement et de la liberté ; (...) le christianisme porte notre foi jusque dans la région lumineuse de l'éternelle parole divine ; (...) le christianisme est l'installation complète de l'âme de l'homme au rang de ministre et d'ouvrier du Seigneur ; (...) le christianisme unit sans cesse l'homme à Dieu, comme étant, par leur nature, deux êtres inséparables ; (...) le christianisme est une active et perpétuelle immolation spirituelle et divine, soit de l'âme de Jésus-Christ, soit de la nôtre. » (Le Ministère de l'homme-esprit).

 

 

 

Conclusion : Le renouveau du christianisme

 

                Saint-Martin aspire à un renouveau du christianisme qui lui conférera une pureté non encore entrevue jusqu’alors, il souhaite un passage capable de nous faire accéder à une ère où soit enfin vécu « en esprit et en vérité » la foi en Jésus-Christ : « Je crois, dira-t-il, que ce sont les prêtres qui ont retardé ou perdu le christianisme, que la Providence qui veut faire avancer le christianisme a du préalablement écarter les prêtres, et qu’ainsi on pourrait en quelque façon assurer que l’ère du christianisme en esprit et en vérité ne commence que depuis l’abolition de l’empire sacerdotal ; car lorsque le Christ est venu, son temps n’était encore qu’au millénaire de l’enfance, et il devait croître lentement au travers de toutes les humeurs corrosives dont son ennemi devait chercher à l’infecter. Aujourd’hui il a acquis un âge de plus, et cet âge étant une génération naturelle doit donner au christianisme une vigueur, une pureté, une vie, dont il ne pouvait pas jouir encore à sa naissance. » (Portrait, 707).

 

 

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                Tenant donc de toutes les fibres de son être à « l'esprit du véritable christianisme », à l'essence du pur message de Jésus-Christ, Saint-Martin aspirait à ce que s'épanouisse entièrement et puisse éclore l'union intime de l'âme et de l'Eternel dans le silence absolu du cœur ; il ne pouvait, de ce fait, admettre que le disciple de Jésus délègue son action, et que ce soit un autre que lui, que ce fils chéri racheté aux prix du précieux sang, qui présente son offrande et son sacrifice au Rédempteur, car chaque baptisé, depuis l'avènement du Messie, est prêtre et prophète pour offrir à Dieu des sacrifices spirituels, à savoir le fruit des lèvres qui bénissent son Nom et chantent sa Gloire infinie, puisque, redisons-le à la suite du théosophe d'Amboise : « le christianisme n'est composé que de la race sainte, de la vraie race sacerdotale ».

 

               C'est là l'essence de l'enseignement intérieur du Divin Réparateur, le sens caché de l'ordination sacramentelle conférée directement par les mains de Dieu aux purs disciples du Christ, aux « ministres des choses saintes », car « le christianisme est le complément du sacerdoce de Melchisédec ; il est l'âme de l'Evangile ; c'est lui qui fait circuler dans cet évangile toutes les eaux vives dont les nations ont besoin pour se désaltérer. (...) le christianisme nous montre Dieu à découvert au sein de notre être, sans le secours des formes et des formules. (...) le christianisme ne peut être composé que de la race sainte et sacerdotale qui est l'homme primitif, ou de la vraie race sacerdotale. » (Le Ministère de l'homme-esprit, 3e partie, « De la Parole ».) 

 

Jean-Marc Vivenza

 

(Extraits, texte à paraître en 2012)

 

 

 

 

Notes.

 

 

1. Sacerdoce vient du latin sacerdotum (sacer : sacré – dotum : dote, fonction de ceux qui ont le privilège du sacré mais aussi qui expriment cette relation avec le sacré qui se décline par l’intercession, c’est-à-dire l’offrande des prières qui fait suite à celle des sacrifices de l’ancienne alliance ou de la célébration eucharistique aujourd’hui, et la médiation consistant à transmettre les enseignements, la paroles et les bénédiction de Dieu (deux termes en grec : ιεροσ : sacré, comme en latin «  presbuteros » : ordre ou sacerdoce des prêtres qui donne en latin presbyterium).

 

2. cf. Joseph de Maistre, Soirées de Saint-Pétersbourg, XIe Entretien, 1821  ; E. Caro, Essai sur la vie et la doctrine de Saint-Martin, Hachette, 1852, p. 71. c’est en réalité, et tout d’abord, le Mercure de France qui, annonçant la disparition du théosophe d’Amboise survenue le 13 octobre 1803, signalera que Saint-Martin ne voulut point d’un prêtre, in Mercure de France, 18 mars 1809, n° 408, p. 499 ss.). Joseph de Maistre, toujours dans ses Soirées de Saint-Pétersbourg, choqué, signalait que Saint-Martin ne croyait pas à la légitimité du sacerdoce chrétien : « (…) il faut lire surtout la préface qu'il [Saint-Martin] a placée à la tête de sa traduction du livre des Trois Principes, écrit en allemand par Jacob Böhme : c'est là qu'après avoir justifié jusqu'à un certain point les injures vomies par ce fanatique contre les prêtres catholiques, il accuse notre sacerdoce en corps d'avoir trompé sa destination [dans la préface de la traduction citée, Saint-Martin s'exprime de la manière suivante : « C'est à ce sacerdoce qu'aurait dû appartenir la manifestation de toutes les merveilles et de toutes les lumières dont le cœur et l'esprit de l'homme auraient un si pressant besoin. » (Paris, 1802, in-8o, préface, p. 3)], c'est-à-dire, en d'autres termes, que Dieu n'a pas su établir dans sa religion un sacerdoce tel qu'il aurait dû être pour remplir ses vues divines. » (J. de Maistre, Soirées de Saint-Pétersbourg, XIe Entretien.)

 

3. « La pensée religieuse de Saint-Martin repousse même les formes religieuses, notamment les sacrements de l’Eglise, sauf à les priver de toute forme, voire de l’Eglise. Mais nul disciple du théosophe d’Amboise ne se croit contraint à refuser l’Eglise et ses sacrements. Il apprendra, au contraire, ce que Martines et Saint-Martin ignoraient, ce qu’est l’Eglise et ce que sont les sacrements. » Cf. R. Amadou, in Introduction, Traité sur la réintégration des êtres, Collection martiniste, 1995, p. 37.

 

 

mardi, 01 septembre 2009

La Sophia et ses divins mystères

Vient de paraître aux éditions Arma Artis 

 

 

 

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Jean-Marc Vivenza, La Sophia et ses divins mystères, Arma Artis,

septembre 2009, 71 pages. 

 

 

 

 

Extraits

 

 

                      La Sagesse, Sophia ou « éternelle SOPHIE », dont Louis-Claude de Saint-Martin a très souvent, dans son œuvre [1], évoqué l’importance spirituelle, occupe une place centrale dans l’économie de la Révélation judéo-chrétienne et, depuis l’origine la plus lointaine, après avoir traversé les traditions de l’Egypte et de la Mésopotamie [2], est intimement associée à l’activité divine dans les livres sapientiaux de la Bible, des Proverbes à l’Ecclésiastique.

 

                       Dès les premiers commencements nous la voyons présente aux côtés de l’Eternel, s’imposant dans son rôle essentiel et invisible, ainsi que nous l’expose le Livre des Proverbes de Salomon, fils de David, roi d’Israël.

 

                       [...]

 

                        Pénétrant toute réalité, elle habite les cœurs en tant que pur reflet de la Lumière divine, c’est la sainte auxiliaire du Plan divin, la pieuse servante du Seigneur collaborant depuis l’origine des choses, visibles et invisibles, à l’œuvre créatrice, la féconde dispensatrice des grâces vivifiantes répondant, avec une docilité parfaite et une doux acquiescement, aux volontés célestes.

 

                         Poursuivant son œuvre d’assistance auprès de Dieu, elle est, effectivement, « l’ouvrière de toutes choses », dominant la création et surplombant  l’univers de sa bienveillante et amoureuse protection ; Dieu agit par elle, n’oublions pas, comme il agit par la puissance mystérieuse de son Esprit : « Et ta volonté, qui l’aurait connue, si toi-même n’avais donné la Sagesse et n’avais envoyé d’en-haut ton Esprit-Saint ? » (Sagesse, IX, 17). Il semble donc, si l’on veut bien y songer un instant avec un minimum d’attention, que du point de vue de notre relation à Dieu, cela soit parfaitement identique que d’obéir à la Sagesse, de se soumettre à ses vues, d’avoir confiance en son action bienfaisante, de s’ouvrir sincèrement à son influence secrète, que d’accueillir, avec humilité, l’Esprit du Très Haut [3].

                       

                                        [...]

 

                         Saint Augustin dira que la Sagesse, pour la créature, est la contemplation de la vérité, lui permettant de recevoir la ressemblance de Dieu [4] ; saint Grégoire de Naziance affirmera qu’elle seule est capable de rendre notre âme pure devant Dieu, et par cette pureté, nous unir à celui qui est pur, nous conformant ainsi à la sainteté du Saint des Saints. Théophile d’Antioche, saint Clément d’Alexandrie, puis Irénée de Lyon, identifieront tout à la fois le Fils et l’Esprit Saint à la Sophia. Irénée écrit, pour ce qui le concerne, en évoquant le Père : « Il a fait toutes choses par lui-même, c’est-à-dire par son Verbe et par sa Sagesse. » [5] ;  et encore : « Celui qui nous a faits et modelés, qui a insufflé en nous un souffle de vie et qui nous nourrit par la création, ayant tout affermi par son Verbe et tout coordonné par sa Sagesse, Celui-là est le seul vrai Dieu.» [6]

 

                             Il est à noter que le courant gnostique fit de la Sagesse, dans ses très nombreux écrits, un « éon », l’idée de Sagesse s’imposant avec une rare force insistante dans les textes de ce courant : « L’idée de la sagesse, de la Sophia, devient, dans la gnose, une entité spirituelle femelle, susceptible d’être vue, et, inversement, la personne du Fils de Dieu céleste pourra devenir la pure Idée absolument impersonnelle du Logos. » [7]

 

                           La Sophia, pour les gnostiques, est ainsi une entité présente en mode d’immanence qui pénètre l’ensemble de la réalité du monde visible, l’agent actif qui s’établit dans une correspondance secrète et intime avec le Logos.

 

                          [...]

 

 

« Vous adorez ce que vous ne connaissez pas,

Nous nous adorons ce que nous connaissons… »

 

(Jean 14, 22)

 

 

Notes.

 

[1] « Quand je me suis approché de la Sagesse, j'ai senti que l'homme qui aurait le bonheur de s'en remplir n'aurait d'indifférence pour rien, qu'il donnerait à chaque chose le degré d'intérêt qui leur appartient, à César ce qui est à César, à Dieu ce qui est à Dieu, car il comprendrait trop de quelle importance seraient les mécomptes dans cette sorte de calcul. » (Mon portrait historique et philosophique, [329], op.cit, pp. 172-173.)

 

[2] Connue en Assyrie sous le nom de «  », la Sagesse sera désignée en Egypte en tant que « Maât », soit, sous les traits de la célèbre déesse symbolisant l’ordre et la justice, une sagesse d’essence effectivement incréée, ceci dit sans minorer le fait que de nombreux écrits, comme les instructions D’Amen-Em-Opet, ou le « Livre des Morts », recèlent des éléments qui ne sont pas sans préfigurer la figure de la Sagesse qui se laissera découvrir dans les textes sapientiaux plus tardifs.

 

[3] Le Livre de Baruch, de l’hébreu « Baroukh » qui signifie le « Béni », attribué à Baruch ben Neria, c’est-à-dire l'ami et le secrétaire de Jérémie selon la tradition du Tanakh [Tanakh, est un acronyme : תנ״ך qui désigne la Bible hébraïque contenant la Torah (la Loi ou Pentateuque), les Nevi’im (les Prophètes), les Ketouvim (les Ecrits)]. Ce Livre, qui comporte essentiellement des prophéties qui proviennent de la période de l’exil à Babylone, dont le style et l’éloquence enthousiasmèrent Jean de La Fontaine (1621-1695), est un apocryphe que l’ont dit être du début du VIe siècle avant J.-C., mais qui ne fut sans doute rédigé que vers le IIe siècle, évoque, en quelques passages intéressants, la figure de la Sagesse, et nous montre sa place significative dans la pensée du judaïsme ancien :  « … Tu as délaissé la source de la Sagesse. Si tu avais suivi le chemin de Dieu, tu habiterais dans la paix pour toujours. Apprends où est le discernement, où est la force, où est le savoir pour connaître en même temps où sont la longévité et la vie, où sont la lumière des yeux et la paix. Qui a trouvé la résidence de la Sagesse et qui est entré dans ses trésors? […] La Sagesse c'est le livre des commandements de Dieu c'est la Loi qui existe pour toujours; tous ceux qui s'attachent à elle iront à la vie, mais ceux qui l'abandonnent mourront. Retourne-toi, Jacob, et saisis-la; fais route vers la clarté, à la rencontre de sa lumière. »  (Baruch 3, 12-15 ; 4, 1-2).

 

[4] « Sapientia est contemplatio veritatis, pacificans totum hominem, et suscipiens similitudinem. » (Lib. I de Serm. Domini in monte).

 

[5] Irénée de Lyon, Contre les hérésies, II, 30, 9, Cerf, 1985, p. 254.

 

[6] Ibid., III, 24, 2, p. 396.

 

[7] H. Leisegang, La Gnose, Payot, 1971, p. 15.