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2003 : " Qui suis-je ? " MAISTRE

2003 : " Qui suis-je ? " MAISTRE

Auteur : Jean-Marc Vivenza

Éditeur : Pardès

Année : 2003

Joseph de Maistre (1753-1821) est marqué par le caractère profondément déchu de la créature. "L'homme entier , affirme-t-il, n'est qu'une maladie." Cependant, cette noire vision est équilibrée par une quête ardente de l' "Unité " perdue; c'est là tout le sens de la perspective doctrinale maistrienne.

" Lorsque ce qui est en dehors, (...) lorsque la vie ou la génération extérieure sera devenue semblable à la vie intérieure ou angélique. Alors, il n'y aura qu'une naissance Il n'y aura plus de sexe. Le mâle et la femelle ne feront qu'un et le royaume de Dieu arrivera, sur la terre comme au ciel. "

Cette quête ne peut toutefois se concevoir, du moins avec la spécifique vigueur que lui conféra Maistre, si elle n’est pas préalablement fondée sur une conscience aiguë de la rupture originelle, de la fracture primitive ayant plongé l’homme dans cette « vallée » de larmes et de déréliction où, depuis lors, il ère en pleurs dans les ténèbres et l’obscurité, espérant contre toute espérance trouver un chemin de retour, une voie assurée vers la « Réintégration », qui le délivrera enfin et pour toujours de son sac de chair, de son pesant fardeau le rivant tragiquement à la matière. Toute l’œuvre de Maistre est située au centre de cette dramatique tension, sa doctrine n’étant que l’expression achevée, certes brillante mais néanmoins extrêmement lucide et rigoureuse, de cet état de corruption résultant d'une dégradation qui, plus que tout autre, est la condition véritable de l’humanité actuelle.
On sait que lorsqu'on aborde la pensée de Joseph de Maistre, deux points de vue s'expriment le plus souvent. Pour les uns nous sommes en présence d'un fin politique habité par une seule idée, celle d'œuvrer à la restauration des structures traditionnelles de l'édifice politique européen. Pour les autres, Maistre est un « mystique », ou plus exactement un « illuminé », influencé par ses attaches maçonniques et théosophiques, en attente d’un « avènement » ou d’une imprévisible parousie. En réalité la question ne se pose absolument pas de cette manière, et ceci pour la simple raison qu’ordre temporel et spirituel, sont chez Maistre intrinsèquement liés. Le Ciel pour lui se manifeste en intervenant directement dans le cours des choses et, réciproquement, rien de ce qui existe ici-bas ne subsiste sans posséder de puissantes attaches dans l’invisible. Ordre temporel et ordre spirituel ne s’opposent donc pas, ils sont profondément imbriqués l’un et l’autre. De la sorte, la pensée de Maistre ne peut et, surtout ne doit pas, être fragmentée ; elle s’appuie incontestablement sur les bases doctrinales de l’illuminisme maçonnique, source aisément décelable dans ses divers écrits, mais s’exprime toujours par un souci constant de l’exemple concret. Vérité immédiate et Vérité éternelle forment donc une totalité qu’il importe de déceler sous le voile qui, depuis la « Chute », nous plonge dans une tragique cécité. Ce fut là le ce qui servit de fil conducteur à Maistre tout au long de son existence, ce fut là également le principal souci qui l'anima dans l’écriture de ses ouvrages qui possèdent, encore de nos jours, la rare vertu de plonger le lecteur dans de profondes interrogations métaphysiques.

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