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mercredi, 01 mars 2017

René Guénon et la Tradition primordiale

Distinction entre la Tradition abélienne « non-apocryphe », 

  et les voies caïnistes « apocryphes », fausses et réprouvées par l’Éternel

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La Tradition primitive que l’on peut nommer « primordiale »,

ou « Tradition Mère »  selon Louis-Claude de Saint-Martin,

se divisa lors de la séparation qui adviendra entre le « culte faux » de Caïn

et celui, « béni de l’Éternel », célébré par Abel le juste.

 

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Cette Tradition nommée « primordiale », car prétendant être la plus ancienne de l’humanité, serait la « Tradition première » commune à l’ensemble des traditions dites authentiques et « orthodoxes », dont les traces et signes apparaîtraient très lisiblement dans les symboles, rites et mythes du patrimoine commun de l’humanité. On peut donc dire que cette Tradition primordiale, toujours selon Guénon, aurait véritablement fécondé et nourri substantiellement l’ensemble des traditions actuelles, ces dernières en dérivant de façon plus ou moins importante selon leur degré de proximité et d’intimité avec cette source initiale, les formes traditionnelles de notre présente période temporelle, ou « Manvantara », conservant un lien avec la « Tradition primordiale ».

 I. Conception « hindoue » et occultiste du temps chez René Guénon

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Guénon fit siennes les conceptions

et expressions terminologiques de la tradition hindoue

La conception traditionnelle du temps propre à la pensée de l’Antiquité païenne, dans son expression indienne, grecque ou latine, considérait qu'il y avait quatre âges principaux, respectivement l’âge d’or, l’âge d’argent, l’âge de bronze et l’âge de fer. L’Inde, dont Guénon fit siennes les expressions terminologiques, donna le nom de Yugas à ces quatre périodes, formant un cycle complet (Manvantara), respectivement : Krita-Yuga ou Satya-Yuga, Trêtâ-Yuga, Dwâpara-Yuga et Kali-Yuga (l’Âge de fer). Ces quatre âges, qui correspondent aux différentes phases que traverse l’humanité, marquent un éloignement progressif à l’égard du Principe (c’est-à-dire de l’Unité), et de la « Tradition Primordiale » qui en serait l’expression la plus pure, éloignement allant en s’accélérant à mesure que les temps avancent.

 

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Fabre d’Olivet (1768-1825) développa la théorie cyclique des âges

dans l’Histoire philosophique du genre humain, ouvrage (1816). 

Notons, que si Guénon cite beaucoup la tradition indienne pour donner du poids à ses réflexions, on ne doit pas sous-estimer chez lui l’influence de Court de Gébelin (1728-1784), et Fabre d’Olivet (1768-1825), dont il nous est facile de déceler la présence dans les grands thèmes de sa pensée, en particulier dans cette théorie des âges que l’on retrouve ainsi exposée dans l’Histoire philosophique du genre humain, ouvrage publié en 1816 par Fabre d’Olivet, dans lequel on peut lire : Le Kali-youg, qui a commencé, doit terminer cette quatrième période par l’apparition même de Vishnou, dont les mains armées d’un glaive étincelant frapperont les pécheurs incorrigibles, et feront disparaître à jamais de dessus la terre les vices et les maux qui souillent et affligent l’univers. » [1]

Selon René Guénon, l'essence de la Tradition primordiale – dont les restes perdurent dans le royaume souterrain dedoctrine,Ésotérisme,franc-maçonnerie,illuminisme,joseph de maistre,liturgie,louis-claude de saint-martin,martinès de pasqually,martinisme,métaphysique,mystique,philosophie,religion,spiritualité,théologie,théosophie,tradition,doctrine de la réintégration,réintégration,émanation,jean-marc vivenza,initiation,ésotérisme,pasqually,vivenza,histoire,spiritualité,roi du monde,apocryphe,non-apocryphe,rené guénon,guénon,tradition primordiale,agarttha,centre suprême,yugas,cycle,krita-yuga,satya-yuga,trêtâ-yuga,dwâpara-yuga,kali-yuga l’Agarttha, placé sous l’autorité du « Roi du Monde » -, ne se trouve de façon privilégiée que dans la tradition hindoue qui serait légataire d'une source directe d'une incomparable pureté à l'égard des fondements premiers de la « Science Sacrée » d'origine non-humaine plaçant dès lors les autres traditions dans une sorte de situation de dépendance à son égard, comme il le déclare de manière catégorique dans son Introduction générale à l’étude des doctrines hindoues (1921), affirmant  : « La situation vraie de l’Occident par rapport à l’Orient n’est, au fond, que celle d’un rameau détaché du tronc ». [2]

 II. Difficultés relatives aux thèses de René Guénon

Les difficultés, et elles ne sont pas minces ou anodines du point de vue théorique, portent sur des éléments qui, à l’analyse, font apparaître de nombreuses interrogations problématiques que l’on ne peut passer sous silence car représentant des interrogations non seulement légitimes mais surtout fondamentales pour savoir de quoi l’on parle lorsqu’on se réfère à la « Tradition », consistant en deux points principaux qu’il importe de bien comprendre et d’intégrer, si l’on souhaite réellement posséder une juste perception des notions « guénoniennes », qui ne peuvent être acceptées sans quelques préventions nécessaires, qui représentent, objectivement, de sérieuses apories doctrinales, précisément, et c’est ce qui nous importe dans le cadre de notre perspective, au regard de la position « traditionnelle » de l’Illuminisme chrétien.

Ces deux points problématiques qui font difficulté, sont les suivants :

  • 1°) – Qu’en est-il réellement de la question de l’existence du royaume souterrain d’Agarttha et du « Roi du Monde » qui y règne ?
  • 2°) – La « Tradition » qui a perduré depuis les temps primitifs, est-elle un rameau unique, ou s’est-elle divisée en plusieurs branches ?

III. La question de l’Agarttha et du « Roi du Monde »

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Qu’en est-il réellement de l’Agarttha

et du « Roi du Monde » qui y règne ?

Le nom « Asgarttha », signifiant « la ville du soleil », a été totalement ignoré pendant des siècles, et fait son apparition très tardivement en Occident, c’est-à-dire dans la littérature ésotérique du XIXe siècle qui s’inspire de thématiques hindoues, et peut être repéré pour la première fois chez Louis Jacolliot (1837-1890), dans son ouvrage « Les Fils de Dieu » (1873), puis sous la forme « Agarttha », désignant une cité « insaisissable à la violence »,  également employé par Alexandre Saint-Yves d'Alveydre (1842-1909), dans « Mission de l’Inde en Europe. Mission de l'Europe en Asie : ‘‘La question du Mahatma et sa solution’’ » (1910).

 

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C'est chez Alexandre Saint-Yves d'Alveydre (1842-1909), principalement,

que René Guénon va trouver la théorie de l'Agarttha.

Cette apparition, fort récente, de la dénomination « Agarttha », est un élément qui aurait dû éveiller quelques soupçons chez les lecteurs de Guénon, car ce dernier va opérer, habillement, une identification entre la notion traditionnelle de « Tradition primitive » dont on a vu qu’elle est reconnue par de nombreux auteurs, y compris ecclésiastiques, et les conceptions issues de la mythologie hindoue diffusées par les occultistes, comme il est aisé de le constater.

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Ferdinand Osendowski (1876-1945),

auteur « Bêtes, Hommes et Dieux » (1923).

On remarque, que Ferdinand Osendowski (1876-1945), qui a publié en 1923 un récit de voyage sous le titre « Bêtes, Hommes et Dieux » [4], est cité comme référence, ce qui donne l’occasion à Guénon de mettre en place sa thèse, postulant en la réalité d’un « Centre » souterrain gouverné par un Monarque (Brahmâtmâ), « Centre » ignoré et dissimulé, dont les ramifications s’étendraient à tous les continents.

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Guénon affirme la réalité d’un « Centre » souterrain, l"Agarttha,

gouverné par un Monarque, le Brahmâtmâ.

Ce qui est tout à fait étonnant, après avoir comparé les éléments respectifs exposés par Saint-Yves d’Alveydre dans la « Mission de l'Inde » et Ferdinand Ossendowski dans « Bêtes, Hommes et Dieux », c’est le crédit que va apporter Guénon aux propos d’Ossendowski, ce dernier ayant tout de même déclaré que son récit était à prendre avec quelques réserves dans la mesure où ce qu’il rapportait des mythes véhiculés dans les régions concernées, en particulier la Mongolie, avait surtout un rôle  « politique.

Guénon va donc souscrire sans aucune réserve aux assertions rapportées Ossendowski, et devint le vigoureux propagandiste de cette thèse qui lui permettait de trouver quelques arguments supplémentaires allant dans le sens de ses vues au sujet de la présence d'un « Centre » situé dans une zone géographique inconnue, « Centre » détenteur des éléments cachés de la « Tradition primordiale », conservés entre les mains d'un monarque régnant mystérieusement, par l'effet d'une autorité supérieure d'origine « non-humaine » en tant que « Roi du Monde »

 IV. La « Tradition primitive », selon les penseurs illuministes

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 les Pères de l'Église, les théologiens, les penseurs traditionnels,

ainsi que les grandes figures de l'Illuminisme du XVIIIe siècle,

reconnaissent l'existence d'une Révélation primitive.

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C'est donc en nous mettant à l'école de ces maîtres de l'esprit, de ces guides secourables, que nous allons être en mesure d'établir, concernant le sujet qui nous occupe, les distinctions nécessaires et les discernements indispensables à une juste résolution de la question portant sur la nature de notre éventuel rattachement à cette Tradition première ou originelle, rattachement d'ailleurs fort éloigné, comme nous allons le découvrir, de ce que Guénon voulait qu'il fût.

 V. Séparation de la « Tradition » en deux branches antagonistes

La première « Révélation », non écrite, qui fut l’objet de la communication par Dieu aux Patriarches, les pères de l’humanité, de ses enseignements et de ses lois après l’expulsion de l’Éden d’Adam et d’Ève, deviendra le fondement d’une Tradition primitive que l’on peut à bon droit nommer « primordiale », ou « Tradition Mère » selon Louis-Claude de Saint-Martin, se divisa quasi immédiatement, et ce dès l’épisode rapporté par le livre de la Genèse, lors de la séparation qui adviendra entre le « culte faux » de Caïn et celui, « béni de l’Éternel », célébré par Abel le juste. Le culte de Caïn, en effet, uniquement basé sur la religion naturelle, était une simple offrande de louange dépourvue de tout aspect sacrificiel, alors que le culte d’Abel, qui savait que depuis le péché originel il n’était plus possible, ni surtout permis, de reproduire la forme antérieure qu’avaient les célébrations édéniques, donna à son offrande un caractère expiatoire qui fut accepté et agréé par Dieu, constituant le fondement de la « Vraie Religion », la religion surnaturelle et sainte.

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Deux cultes, ceux de Caïn et Abel, vont donner naissance à deux traditions

également anciennes ou « primordiales »,

mais absolument antagonistes du point de vue spirituel.

De la sorte les deux cultes de Caïn et Abel vont donner naissance, dès l’aurore de l’Histoire des hommes, à deux traditions également anciennes ou « primordiales » si l’on tient à ce terme, mais absolument non équivalentes du point de vue spirituel. Si l’on en reste au simple critère temporel, comme le fait Guénon dans sa conception de la Tradition, sans distinguer et mettre en lumière le critère surnaturel, alors il est effectivement possible d’assembler, sous une fausse unité, ces deux sources pour en faire les éléments communs d’une univoque et monolithique  « Tradition primordiale » indifférenciée, se trouvant à l’origine de toutes les religions du monde, égales en ancienneté et « dignité », puisque issues d’une semblable souche méritant le même respect et recevant le même caractère de sacralité.

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Abel était un type de la manifestation de gloire divine

qui s’opérerait un jour par le vrai Adam, ou Réaux, ou le Christ,

pour la réconciliation parfaite de la postérité passée,

présente et future du premier homme...

Or, il est évident, et extrêmement clair, qu’il y a une grave erreur à confondre en une seule « Tradition » deux courants que tout oppose, deux cultes radicalement différents et contraires, antithétiques, l’un, celui de Caïn, travaillant à la glorification des puissances de la terre et de la nature (et donc des démons qui, pour être des esprits, n’en sont pas moins des « forces naturelles »), visant au triomphe et à la domination de l’homme autocréateur, religion prométhéenne s'exprimant par la volonté d'accéder par soi-même à Dieu, (les fruits de la terre, à cet égard, symbolisant les antique mythes païens), l’autre, à l’inverse, celui d’Abel, fidèle à l’Éternel et à ses saints commandements, conscient de l’irréparable faute qui entachait désormais toute la descendance d’Adam, et qui exigeait que soit célébrée par les élus de Dieu une souveraine « opération » de réparation, afin d’obtenir, malgré les ineffaçables traces du péché originel dont l’homme est porteur, d’être réconcilié et purifié par le Ciel. Comme nous l’explique Martinès de Pasqually dans le Traité de la réintégration : « Abel se comporta comme Adam aurait dû se comporter dans son premier état de gloire envers l’Eternel : le culte qu’Abel rendait au Créateur était le type réel que le Créateur devait attendre de son premier mineur. Abel était encore un type bien frappant de la manifestation de gloire divine qui s’opérerait un jour par le vrai Adam, ou Réaux, ou le Christ, pour la réconciliation parfaite de la postérité passée, présente et future de ce premier homme, moyennant que cette postérité userait en bien du plan d’opération qui lui serait tracé par la pure miséricorde divine, ainsi que le type d’Abel l’avait prédit par toutes ses opérations à Adam et à ses trois premiers nés. » (Traité, 57).

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mardi, 15 octobre 2013

L'Église et le sacerdoce selon Louis-Claude de Saint-Martin

L’accès au « Sanctuaire intérieur » et la pratique du culte divin 

dans la pensée saint-martiniste

 

Jean-Marc Vivenza

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« Je prie pour ne jamais oublier l'Évangile

 tel que l'Esprit veut le faire concevoir à nos cœurs,

et quelque part où je sois,

 je serai heureux,  puisque j'y suis avec l'esprit de vérité… »

 (Saint-Martin, lettre à Kirchberger, 25 fructidor (septembre) 1794).

 

 

Il était temps, grand temps même, que soit enfin abordée, de façon la plus complète possible et avec une précision approfondie, allant assez loin dans les éclairages et les multiples détails s’imposant en ces sujets, la question du rapport de Louis-Claude de Saint-Martin (1743-1803), dit le Philosophe Inconnu, avec la religion, ou, plus exactement, la forme institutionnelle par laquelle la religion s’est fait connaître au cours de l’Histoire, à savoir l’Église, et ce qui lui est conjoint de façon quasi inséparable afin de pourvoir à son administration, la manière dont ceux qui furent chargés de sa diffusion, du rayonnement de son enseignement et son entretien, c’est-à-dire les ministres du culte chrétien, se situèrent dans leur relation aux choses saintes et sacrées touchant, bien évidemment et en premier lieu, aux sacrements.

anges,christianisme,doctrine,élus coëns,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,littérature,martinésisme,martinisme,métaphysique,mIl pourrait paraître normal que Saint-Martin, participant du courant illuministe qui observa toujours, et plus encore dans ses différentes expressions au XVIIIe siècle, une relative distance d’avec l’institution ecclésiale, ait soutenu certaines propositions audacieuses en affichant quelques nettes réserves et critiques appuyées, vis-à-vis des formes religieuses dominantes.

S’il s’en était tenu à cette attitude, finalement il pourrait être rangé sans difficulté au milieu des principaux noms des auteurs spirituels ayant émis des avis sévères, ou au pire, des remarques dépréciatives, à l’encontre de la religion, de sa discipline, et de ses lois. Rien n’aurait été plus classique à une époque, passionnée par la remise en question des certitudes et la quête du sens, où les esprits cherchaient la clé des mystères cachés de l’existence en s’émancipant des affirmations dogmatiques, écartant le voile des symboles, fouillant les légendes, interrogeant les mythes et se nourrissant, parfois avec passion, des allégories de la sagesse universelle. 

Reste que rien de tel pourtant n’est pas le cas, bien au contraire, car loin de s’en tenir à cette critique mesurée, Saint-Martin soutint des thèses d’une audace que l’on peut aisément qualifier de puissamment critique, n’hésitant pas à adopter, et faire siennes, les positions des mouvements réformateurs radicaux qui se signalèrent par une remise en question catégorique des formes religieuses officielles, rejetant avec une intransigeante vigueur ce qui, à leurs yeux, était ni plus ni moins qu’une trahison pure et simple de l’idéal évangélique et une corruption de l’authentique foi chrétienne.

 

1ère Partie. Le caractère éternel de l’Église intérieure

 

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« Saint-Martin mourut en effet le 13 octobre 1803,

sans avoir voulu recevoir un prêtre

J. de Maistre, Soirées de Saint-Pétersbourg, XIe Entretien, (1821).

 

I. La perte de substance du sacerdoce chrétien

Le premier, parmi les auteurs du XVIIIe siècle, à avoir signalé la distance de Louis-Claude de Saint-anges,christianisme,doctrine,élus coëns,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,littérature,martinésisme,martinisme,métaphysique,mMartin (1743-1803) à l’égard des prêtres et du sacerdoce de l’Église, fut Joseph de Maistre (1753-1821) qui, dans ses célèbres Soirées de Saint-Pétersbourg, informait son lecteur du refus que le Philosophe Inconnu formula, d’être assisté par un ministre du culte au moment de son retour à Dieu. Maistre écrivait à ce propos : « Saint-Martin mourut en effet le 13 octobre 1804, sans avoir voulu recevoir un prêtre[1].

Il est fort probable que l’information soit réelle, sachant ce que Saint-Martin en était arrivé à penser des prêtres et de la valeur de leur sacerdoce, et du point de vue de l’enseignement du Philosophe Inconnu, la perte effective de substance du sacerdoce chrétien fut consécutive selon-lui à un éloignement d’avec la doctrine secrète - pourtant connue lors des premiers siècles du christianisme [2] -, et qui, au fil des siècles, a été au mieux oubliée lorsqu’elle ne fut pas tout simplement combattue et désignée comme une « hérésie » par les hommes d’Église, entraînant une méconnaissance de la raison première qui présida au ministère sacerdotal confié aux clercs lors de leur ordination [3].

 

 

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« Dans les premiers siècles de notre ère,

les saints pères qui n'avaient déjà plus qu'un reflet

et qu'un historique du vrai christianisme…

puisèrent chez les célèbres philosophes de l'antiquité plusieurs points d'une doctrine occulte,

qu'ils ne pouvaient expliquer que par la lettre de l'Évangile,

n'ayant plus la clef du véritable christianisme. »

(Le Ministère de l’homme-esprit, 1802).

 

 

II. Dégradation de l’Église visible

De la sorte, le sentiment d’un intime rattachement avec cette « doctrine secrète » réservée aux initiés qui travaillent au sein de voies cachées ou ésotériques, explique et nous permet de comprendre, en quoi Saint-Martin lorsqu’il s’exprime (et il n’est pas le seul puisque on peut ranger à ses côtés tous les principaux penseurs formant le riche courant illuministe au XVIIIe siècle [4]), participe de cette sensibilité, faisant que ses audaces en des domaines délicats touchant au sacerdoce et à l’Église, doivent impérativement être mises en références avec le caractère « théosophique » de sa pensée, théosophie qui n’obéit pas aux mêmes critères, ni n’est soumise aux mêmes règles, que les discours religieux prononcés par des théologiens, puisque la théosophie relève de la mystique spéculative, comme le soulignait d’ailleurs fort justement Robert Amadou (1924-2006) : « La théosophie, qui n'est pas la philosophie, n'est pas davantage la théologie et elle constitue une forme particulière de la mystique qu'on nomme spéculative, mais elle réconcilie la philosophie et la théologie. Voyez ce qu'on peut tirer de là quant à la signification de la théosophie au siècle des Lumières. La théosophie est un illuminisme, car la lumière, même parfois physique, est le symbole privilégié de la Sagesse et la quête sophianique est celle de l'illumination. Et c'est une quête en profondeur; de l'intérieur, par l'intérieur (I'interne, dit Saint-Martin), donc un ésotérisme[5]

Mais la question de la nature de l’Église et du sacerdoce, si elle porte bien sur la connaissance, ou non, de la doctrine cachée, néanmoins, ni ne se résume, ni ne se limite à cet aspect des choses, elle touche à des mystères profonds, à l’essence d’un culte, à une relation avec l’Invisible, à la manière dont l’homme, dès ici-bas, peut pénétrer dans le Sanctuaire afin d’y recevoir l’onction sainte et sacrée : « Mais, c’est dans ce fils chéri et conçu de l'esprit, c'est sur cette pierre fondamentale que tu dresseras ton autel au seul vrai Dieu, parce que c'est là seulement où il puisse être honoré, puisque ce n’est que là où il peut trouver un être qui soit réellement son image et sa ressemblance, et qui ait les facultés nécessaires pour entendre sa langue divine, et comprendre les oracles de sa sagesse éternelle : aussi ce n'est que là où tu pourras entendre sa voix sacrée, recevoir des réponses qui remplissent ton intelligence, et satisfassent à tous les désirs de ton cœur et à tous les besoins de ton esprit. » (Le Nouvel Homme, § 17).

 

 

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« C'est sur cette pierre fondamentale que tu dresseras ton autel

au seul vrai Dieu, parce que c'est là seulement

où il puisse être honoré, puisque ce n’est que là où il peut trouver un être

qui soit réellement son image et sa ressemblance,

et qui ait les facultés nécessaires pour entendre sa langue divine,

et comprendre les oracles de sa sagesse éternelle. »

(Le Nouvel Homme, § 17).

 

 

a) Critique du  sacerdoce institutionnel

anges,christianisme,doctrine,élus coëns,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,littérature,martinésisme,martinisme,métaphysique,mC’est pourquoi, la méfiance, pour ne pas dire plus, que manifesta Saint-Martin à diverses occasions vis-à-vis de la prêtrise transmise par l'Église visible, et la sévérité de ses virulentes critiques à l'égard d'un sacerdoce bien loin de répondre aux exigences spirituelles que l'on est en droit d'attendre de la part des ministres de l'Éternel, dont la manifestation la plus symbolique fut le refus d'accepter la présence d'un prêtre à son chevet au moment de quitter cette terre, provient précisément de l’ignorance des clercs vis-à-vis du culte intérieur, supérieur en grâce et en dignité à tous les cultes externes célébrés par les hommes. 

 

- L'Abbé Migne (1800-1875), critiqua Saint-Martin au prétexte, selon lui,  de s'être donné pour objet  de «dénaturer le catholicisme ».

 

Ainsi, de toute évidence, Saint-Martin témoigna lors de son existence, d'une conviction depuis longtemps établie et qui dut même, selon toute probabilité, prendre naissance très tôt, dès l'époque (entre les années 1768 et 1774) où il étudiait et découvrait de nouvelles lumières, à Bordeaux, aux côtés de son premier maître : Martinès de Pasqually (+ 1774).  

 

 Ce dernier, ne l'oublions pas, bien qu'exigeant de ses disciples une pleine et entière appartenance et communion avec l'Église catholique romaine pour pouvoir être admis dans l'Ordre desChevaliers Maçons Élus Coëns de l'Univers [6], étant également fort critique dans ses jugements en matière religieuse, et ne ménageait pas la virulence de ses attaques à l'égard des prêtres, qu’il jugeait ignorants des mystères de leur propre sacerdoce. 

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Les disciples du Philosophe Inconnu,

n’ont pas à « apprendre ce qu’est l’Eglise et ce que sont les sacrements » -  

car Saint-Martin rejette tous les sacerdoces et les sacrements

conférés par l'intermédiaire d'institutions humaines,

sa critique s’étend ainsi à l’ensemble des églises,

occidentales comme orientales.

 

b) Prévarication des prêtres

 

Les prêtres, selon Saint-Martin, ont abusé de leur autorité par des pratiques inexcusables, laissant croupir
 dans les ténèbres les âmes chrétiennes pour mieux exercer sur elle un empire dominateur. Ils firent payer ce qui devait se donner gratuitement, ils vendirent ce qui relevait du pur don spirituel octroyé par le Ciel : « Il lui avait été dit de donner gratuitement les trésors qu’il avait reçus gratuitement ; mais, qui ne sait comment il s’est acquitté de cette recommandation ! »

anges,christianisme,doctrine,élus coëns,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,littérature,martinésisme,martinisme,métaphysique,mEt, plus grave encore s’il se peut, ils agirent comme de vulgaires collecteursanges,christianisme,doctrine,élus coëns,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,littérature,martinésisme,martinisme,métaphysique,m d’impôt pour affamer ceux qui attendaient d’être rassasiés par Dieu, en retenant et détournant la libre circulation de la grâce divine à leur profit, en créant une barrière artificielle entre les lumières célestes qui cherchaient à se communiquer, et les âmes des hommes : « (…) les prêtres ont transformé tous les droits salutaires et bienfaisants qui primitivement auraient dû leur appartenir, en une despotique dévastation et en un règne impérieux sur les consciences ; ils n’ont fait partout de leurs livres sacrés qu’un tarif d’exaction sur la foi des âmes ; avec ce rôle à la main et escortés par la terreur, ils venaient chez le simple, le timide ou l’ignorant, à qui ils ne laissaient pas même la faculté de lire sur le rôle sa cote de contribution de croyance en leur personne, de peur qu’il n’y vit la fraude ; ressemblant en cela aux collecteurs des impositions pécuniaires, qui abusent quelquefois de l’ignorance et de la bonhomie du villageois ; ils ont rendu nul le seul remède et le seul régime qui pouvaient nous rendre la santé et la vie (…). Accapareurs des subsistances de l’âme (…) ils interrompent la circulations de ces subsistances pour les taxer à leur volonté et laisser l’homme dans la disette ; prévarication qui, selon les prophètes, tient aux yeux de Dieu le premier rang parmi les prévarications ; parce que Dieu veut alimenter lui-même les âmes des hommes avec l’abondance qui lui est propre, et qu’elles soient, pour ainsi dire, comme rassasiées par sa plénitude. » (Lettre à un ami sur la Révolution française).

Mais le pire des crimes à ses yeux, et cela peut se comprendre lorsqu’on sait le pouvoir infini que le Philosophe Inconnu attribuait à sa pratique, est, comme on peut s’en douter, que les prêtres aient infligé la prière comme une sanction, qu’ils aient fait de ce qui est, aurait dû toujours rester et doit éternellement demeurer, un doux entretien entre l’âme et Dieu, une pénitence.

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« (…) les prêtres ont transformé tous les droits

salutaires et bienfaisants

 qui primitivement auraient dû leur appartenir,

 en une despotique dévastation

et en un règne impérieux sur les consciences ;

ils n’ont fait partout de leurs livres sacrés

qu’un tarif d’exaction sur la foi des âmes.

 Accapareurs des subsistances de l’âme

ils interrompent la circulations de ces subsistances

pour les taxer à leur volonté

et laisser l’homme dans la disette ;

prévarication qui, selon les prophètes,

tient aux yeux de Dieu le premier rang parmi les prévarications ;

 parce que Dieu veut alimenter lui-même les âmes des hommes

avec l’abondance qui lui est propre,

et qu’elles soient comme rassasiées par sa plénitude. »

(Saint-Martin, Lettre à un ami sur la Révolution française).

 

Ainsi, dans l’exposé critique que Saint-Martin écrivit contre l’Église que l’on prétend identifier au véritable christianisme, il prévient prudemment son lecteur, afin de bien préciser la nature de ses propos : c’est en tant «qu’amateur de la philosophie divine qu’il s’exprime, et non en tant qu’athée ou incroyant :  « ce n'est sûrement, ni comme athée ni comme incroyant, que j'ose me les permettre (…)  Mais c'est comme amateur de la philosophie divine que je me présenterai dans la lice… ».

Saint-Martin est un croyant, fervent et pieux même, qui attaque la corruption religieuse au nom même du christianisme ; qui lutte pour que surgisse une authentique expression des lumières de l’Évangile, position qui le situe beaucoup plus dans une attitude prophétique que destructrice de la religion. Son but n’est pas de ruiner dans les âmes leur légitime attachement à l’égard des lumières du Ciel, bien au contraire. C’est de leur permettre de s’en approcher de façon intime, de rompre et de dissiper les immenses barrières que l’institution religieuse a dressées entre les âmes et Dieu

De ce fait, nous ne croyons absolument pas que la question soulevée par Saint-Martin, touchant à son rejet critique du sacerdoce chrétien tel que professé par les prêtres, ne concerne que l'unique Église catholique, mais touche, en réalité, tous les sacerdoces et les sacrements conférés par l'intermédiaire d'institutions humaines, et donc s’étend à l’ensemble des églises, l’occidentale comme l’orientale, antiochienne et non chalcédoniennes y compris, et que les disciples du Philosophe Inconnu, n’ont pas à « apprendre ce qu’est l’Eglise et ce que sont les sacrements » -  ce que Saint-Martin n’ignorait certainement pas, possédant en ces domaines une connaissance étendue – mais dont il avait une idée toute intérieure et spirituelle qui elle, en revanche, faute de n’avoir jamais été examinée véritablement, mérite d’être étudiée et d’être prise très au sérieux, afin de comprendre, enfin, la pensée réelle du Philosophe inconnu au sujet de ce en quoi consiste, selon-lui, le christianisme authentique.

 

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« Ce n'est sûrement, ni comme athée ni comme incroyant,

que j'ose me permettre [ces critiques](…)

Mais c'est comme amateur de la philosophie divine … ».

 

L'exigence du théosophe d’Amboise est donc, sur cette question du christianisme, d'une redoutable conséquence, et il faut bien reconnaître que sa position, qui étonne, est loin d’être facile et aisée à comprendre, étant même d’une nature assez dérangeante ce qui explique sans doute qu’elle ait été si peu examinée avec l’attention qu’exigeait et imposait un tel sujet, sa critique s’appliquant à toutes les cérémonies religieuses « externes », ce jugement valant pour l’ensemble des confessions chrétiennes : « Quand on voit les célébrants dans les églises consumer leur temps et toute leur virtualité à des cérémonies externes et impuissantes et retarder ainsi l'esprit de l'homme qui se dessèche en attendant une nourriture substantielle, on est affligé jusqu'au fond du coeur, et on est tenté d'appliquer là le passage de l'Évangile où un aveugle conduit l'autre, et où ils tombent tous les deux dans le fossé. » (Portrait, 731).

 

III. Le christianisme « transcendant »

Une idée s’est imposée peu à peu pour Saint-Martin, la religion n’est devenue « sensible » que par erreur,anges,christianisme,doctrine,élus coëns,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,littérature,martinésisme,martinisme,métaphysique,m
si la nécessité d’une religion, ou plus précisément d’un culte - celui-ci correspondant au fond à celle-là, c’est-à-dire que ce en quoi consiste la religion vraie n’est autre que la célébration du culte véritable -, ne fait aucun doute, car si l’homme pour sa réhabilitation ne peut s’exonérer des lois religieuses qui lui furent imposées par Dieu, même si la diversité des traditions en a corrompu l’unité, cependant ces lois religieuses imposent, et notamment depuis la venue du Christ, un changement profond des modalités de leur exécution : « La première Religion de l’homme étant invariable, il est, malgré sa chute, assujetti aux mêmes devoirs ; mais comme il a changé de climat, il a fallu aussi qu’il changeât de Loi pour se diriger dans l’exercice de sa Religion. (…) Premièrement, il ne peut faire un pas sans rencontrer son Autel ; et cet Autel est toujours garni de Lampes qui ne s’éteignent point, et qui subsisteront aussi longtemps que l’Autel même. En second lieu, il porte toujours l’encens avec lui, en sorte qu’à tous les instants il peut se livrer aux actes de sa Religion. Mais avec tous ces avantages, il est effrayant de songer combien l’homme est encore éloigné de son terme, combien il a de tentatives à faire avant de parvenir au point de pouvoir remplir entièrement ses premiers devoirs ; et même encore quand il y serait parvenu, resterait-il toujours dans une sujétion irrévocable et qui lui ferait sentir jusqu’à la fin la rigueur de sa condamnation. Cette sujétion est de ne pouvoir absolument rien de lui-même, et d’être toujours dans la dépendance de cette Cause active et intelligente qui peut seule le remettre sur la voie quand il s’égare ; qui peut seule l’y soutenir, et qui doit diriger aujourd’hui tous ses pas, en sorte que sans elle non seulement il ne peut rien connaître, mais qu’il ne peut pas même tirer le moindre fruit de ses connaissances et de ses propres facultés. » (Des erreurs et de la vérité).

 

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« La  sujétion irrévocable [de l’homme]

qui lui fera sentir jusqu’à la fin la rigueur de sa condamnation (…)

est de ne pouvoir absolument rien de lui-même,

 et d’être toujours dans la dépendance de cette Cause active et intelligente

qui peut seule le remettre sur la voie. »

(L.-C. de Saint-Martin, Des erreurs et de la vérité).

 

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On ne mésestimera pas les lignes ici reproduites relatives au culte intérieur, dont la sévérité n’a d’égale que la dureté de la sujétion irrévocable en laquelle est placé l’homme depuis son égarement ontologique, car rien ne nous indique plus la rigueur de notre condamnation, que l’impuissance mise en exergue dans ce passage, insistant sur  l’entière dépendance dont nous sommes tous astreints à l’égard de la Cause active et intelligente, c’est-à-dire le Divin Réparateur, dans l’obtention des moyens nécessaires à notre émancipation de la région élémentaire afin d’espérer notre retour en grâce auprès du Créateur : « Cette sujétion est de ne pouvoir absolument rien de lui-même, et d’être toujours dans la dépendance de cette Cause active et intelligente », cette sujétion faisant que l’homme, et cette vérité a vocation à s’inscrire profondément dans l’esprit, sans cette aide divine :  « non seulement ne peut rien connaître, mais il ne peut pas même tirer le moindre fruit de ses connaissances et de ses propres facultés. » (Des erreurs et de la vérité).

 

 

 La doctrine de la grâce chez Saint-Martin

anges,christianisme,doctrine,élus coëns,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,littérature,martinésisme,martinisme,métaphysique,mSaint-Martin en est donc venu à poser, ni plus ni moins, les fondements d’une théologie de la grâce, en insistant sur la faiblesse native de la créature, et son impératif besoin de l’œuvre accomplie par le Divin Réparateur :  « Dieu de paix, Dieu de vérité, si l'aveu de mes fautes ne suffit pas pour que tu me les remettes, souviens-toi de celui qui a bien voulu s'en charger et les laver dans le sang de son corps, de son esprit et de son amour ; il les dissipe et les efface, dès qu'il daigne en faire approcher sa parole. Comme le feu consume toutes les substances matérielles et impures, et comme ce feu qui est son image, il retourne vers toi avec son inaltérable pureté, sans conserver aucune empreinte des souillures de la terre. C'est en lui seul et par lui seul que peut se faire l'œuvre de ma purification et de ma renaissance ; c'est par lui que tu veux opérer notre guérison et notre salut, puisqu'en employant les yeux de son amour qui purifie tout, tu ne vois plus dans l'homme rien de difforme (…) Il n'y a pas d'autre alternative pour l'homme : s'il n'est perpétuellement plongé dans l'abîme de ta miséricorde, c'est l'abîme du péché et de la misère qui l'inonde ; mais aussi, il n'a pas plutôt détourné son cœur et ses regards de cet abîme d'iniquité, qu'il retrouve cet océan de miséricorde dans lequel tu fais nager toutes tes créatures. C'est pourquoi je me prosternerai devant toi dans ma honte et dans le sentiment de mon opprobre ; le feu de ma douleur desséchera en moi l'abîme de mon iniquité, et alors il n'existera plus pour moi que le royaume éternel de ta miséricorde. » (Prière, 4). [7]

 

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«Je me prosternerai devant toi dans ma honte

et dans le sentiment de mon opprobre ;

le feu de ma douleur desséchera en moi l'abîme de mon iniquité,

et alors il n'existera plus pour moi

que le royaume éternel de ta miséricorde. »

(Prière, 4).

 

Ce que souligne Saint-Martin, pour la compréhension de ce qui doit s’opérer en l’homme comme travailanges,christianisme,doctrine,élus coëns,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,littérature,martinésisme,martinisme,métaphysique,m
 réparateur, est fondamental, nous plaçant devant une alternative impressionnante qui a de quoi faire trembler, d’autant que l’une ou l’autre des perspectives peut modifier du tout au tout la destination de l’âme de l’homme.

Nous avons devant nous deux abîmes : d’un côté l'abîme de la miséricorde, de l’autre l'abîme du néant, et pour éviter ce second abîme, il ne nous reste qu’une seule solution : tout attendre de la miséricorde divine en se prosternant devant le Ciel avec le sentiment de notre honte et de notre opprobre, alors que nous savons que nos abus sont constants : « j'ai abusé de toutes mes lois, j'ai abusé de mon âme, j'ai abusé de mon esprit », et que le plus grand, le plus terrible des abus, est celui de la grâce accordée, malgré ses immenses fautes et iniquités sans nombre, à l’être coupable : « j'ai abusé et j'abuse journellement de toutes les grâces que ton amour ne cesse journellement de répandre sur ton ingrate et infidèle créature ». 

De ce point de vue, le christianisme, est une religion de la grâce, il l’est même éminemment car toute son économie spirituelle relève, non seulement de la doctrine de la foi salvifique et salvatrice que le Divin Réparateur vint révéler aux hommes, mais aussi et surtout, du don de la grâce, don accordé de façon gratuite et imméritée aux âmes élues et choisies, et ce avant même la fondation du monde : « Ainsi, Dieu a élu l’homme avant la création du monde (ante mundi constitutionem), afin qu’il fût saint et sans tache, l’ayant prédestiné (qui prædestinauit) pour être son enfant adoptif selon le bon plaisir de sa volonté. » (Ephésiens I, 4-5).

 

IV. Caractère éternel de l’Église intérieure

 

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« Oui, elle est établie cette Église,

 malgré les dommages qu'elle a pu souffrir,

sans quoi, il n'y aurait de médiation

entre l'amour suprême et les crimes de la terre ;

 elle est établie cette Église et les portes de l'homme

ni les portes de l'enfer ne prévaudront jamais contre elle….»

(Ecce Homo, § 8).

 

Le paradoxe, en forme de miracle positif, c’est qu’en dépit des fautes accumulées et successives considérables des ministres qui s’en prétendaient les représentants, l’Église elle, subsiste, inaltérable, sainte et lumineuse, elle ne saurait être atteinte par les travers des êtres pécheurs, les faiblesses et outrages d’indignes pasteurs qui ont travaillé à défigurer l’épouse mystique du Christ, et cette subsistance est l’un des plus beaux mystères de la Révélation évangélique. Cette assemblée a été fondée par le Divin Réparateur, elle possède un caractère inaltérable, surnaturel, mais, et ce point est essentiel pour Saint-Martin, en sa nature spirituelle non compromise d’avec le monde, en son être intérieur tel qu’il lui a été donné, et qu’elle aurait dû conserver dans sa pureté, au moment de sa fondation : « Oui, elle est établie cette Église, malgré les dommages qu'elle a pu souffrir, sans quoi, il n'y aurait de médiation entre l'amour suprême et les crimes de la terre ; elle est établie cette Église et les portes de l'homme ni les portes de l'enfer ne prévaudront jamais contre elle ; elle est établie cette Église » (Ecce Homo, § 8).

Ce jugement est si vrai que Saint-Martin n’hésite pas à soutenir, démontrant que son amour de l’authentique Église est absolument et intégralement inaltéré, en une phrase admirable : « Lorsque l'on considère l'Eglise dans ses fonctions elle est belle et utile. Elle ne devrait jamais sortir de ces limites-là. Par ce moyen elle deviendrait naturellement une des voies de l'esprit. » (Portrait, § 1114).

Il n’y a donc aucun rejet de ce que représente l’Église en son être fondamental dans la pensée de Saint-Martin, mais accès, ouverture et dévotion, envers une Église de dimension secrète et de nature céleste, la sainte épouse du Christ, celle qui est unie, en tant que corps mystique, à la Personne même du Divin Réparateur mais de façon intime.

 

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« Cette opération de l'esprit dans l'homme

nous apprend qu'elle est la dignité de l'âme humaine,

puisque Dieu ne craint point de la prendre

pour la pierre fondamentale de son temple … »

(Le Nouvel homme, § 8).

 

Ce que soutiendra Saint-Martin - qui avait compris que les outrages subis par l’Église visible étaient irréversibles et ne permettaient plus que l’homme puisse retrouver en elle les fondements originels de la sainte institution divine constituée par le Divin Réparateur, ni percevoir dans les formes externes actuelles les bénédictions initiales reçues à Jérusalem à la Pentecôte -, c’est qu’à présent la Parole fondatrice, comme il était au commencement sachant que le « Royaume » est au-« dedans de nous » (Luc XVII, 20-21), ne peut se faire entendre et trouver un écho que dans le cœur de l’homme, en prononçant de nouveau la célèbre phrase dite à Pierre par le Seigneur : « tu es Pierre et sur cette pierre… », grâce d’élection capable d’édifier la véritable Église désignée à bon droit comme « Église intérieure », qui nous est confiée afin d’en faire le Temple effectif de la Divinité : « Quand l'homme prie avec constance, avec foi, et qu'il cher­che à se purifier dans la soif active de la pénitence, il peut lui arriver de s’entendre dire intérieurement ce que le réparateur dit à Céphas : ‘‘tu es Pierre, et sur cette pierre, je bâtirai mon église, et les portes de l'enfer ne prévaudront jamais contre elle.’’ » (Le Nouvel homme, § 8).

 

 

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« Quand l'homme prie avec constance, avec foi,

et qu'il cher­che à se purifier dans la soif active de la pénitence,

il peut lui arriver de s’entendre dire intérieurement

ce que le réparateur dit à Céphas : 

‘tu es Pierre, et sur cette pierre, je bâtirai mon église,

et les portes de l'enfer ne prévaudront jamais contre elle.’’ »

(Le Nouvel homme, § 8).

 

Cette fondation de l’Église, devenue nécessaire de par la dégradation manifeste de l’institution visible, devient une opération de l’Esprit sur un fondement uniquement intérieur, car l’externe, qui est à présent souillé, ne peut plus être le lieu d’accueil de la révélation du mystère de la véritable Église : « Cette opération de l'esprit dans l'homme nous apprend qu'elle est la dignité de l'âme humaine, puisque Dieu ne craint point de la prendre pour la pierre fondamentale de son temple ; elle nous apprend combien nous devons nous nourrir de douces es­pérances, puisque cette élection nous met à couvert des puissan­ces du temps, et plus encore des puissances des ténèbres et des abîmes ; elle nous apprend enfin ce que c'est que la véritable Eglise, et que, par conséquent, nulle part, il n'y a d'Eglise où cette opération invisible de l'esprit ne se trouve pas. »  (Le Nouvel homme, § 8).

 

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« Cette communauté de la lumière

fut appelée de tous temps l'Eglise invisible et intérieure,

ou la communauté la plus ancienne… »

Karl von Eckhartshausen, La Nuée sur le Sanctuaire, 1802.

 

 

Ainsi, l’Église intérieure forme la communauté des âmes régénérées en Christ, la « communauté de la lumière » selon l’expression que Karl von Eckhartshausen (1752-1803) emploie dans  La Nuée sur le Sanctuaire  : « Cette communauté de la lumière fut appelée de tous temps l'Eglise invisible et intérieure, ou la communauté la plus ancienne… »  [8]; c’est cette Église qui avait été annoncée par le Christ, c’est cette assemblée qui était cachée et préservée en son cœur évidemment, dans laquelle se trouvent conservés la vraie religion, la pratique du culte et les connaissances mystérieuses réservées aux élus de l’Éternel.

 

V. Enfantement de l’Église intérieure

 

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L’Église invisible nous est annoncée par l’ange du Seigneur,

elle doit être enfantée en nous,

et il nous suffira simplement de répondre

comme Marie, lorsque nous en recevrons l’annonce :

« que la volonté de Dieu soit faite » (Luc I, 38).

 


anges,christianisme,doctrine,élus coëns,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,littérature,martinésisme,martinisme,métaphysique,mLe travail que nous avons à entreprendre n’est point inaccessible, il suffit simplement à l’âme, délaissant les voies externes et ses exercices infructueux, de cesser de perdre un temps considérable, et surtout précieux car il nous est compté, en des entreprises vidées de sens, de se tourner vers l’interne, de prendre très au sérieux la mission qui nous est conférée en faisant taire l’agitation périphérique dont le tumulte est une source continuelle de désorientations multiples, et, du sein de notre désert où nous ressentons les amertumes de « 
l'esprit de douleur ou plutôt de la douleur de l'esprit », confiants dans les récits de ceux qui ont déjà  parcouru la route nuptiale vers l’invisible, nous aurons à chaque heure cette ferme conviction devant les yeux de l’âme : le Divin Réparateur, car telle est la vérité de ce à quoi il travaille en notre interne, veut fonder en, et plus exactement « sur » notre âme son Église, et nous envoie pour cela son ange annonciateur et son Esprit concepteur, afin de nous enfanter par sa Sainte Présence : « Nous pouvons donc déjà apercevoir les biens qui nous sont promis si nous persévérons à nourrir en nous l'esprit de douleur ou plutôt la douleur de l'esprit (…) le Dieu universel veut passer tout entier par notre être afin de parvenir jusqu'à l'ami qui nous accompagne ; il veut y passer souffrant, avant d'y passer dans sa gloire, il veut rompre les liens qui nous enchaînent dans la caverne des lions et des bêtes féroces et venimeuses, il veut régénérer notre parole par l'impression de sa propre parole, il veut fonder sur notre âme son Église, afin que les portes de l'enfer ne prévalent jamais contre elle, il veut s'unir à nous pour opérer avec nous une génération spirituelle dont les fruits soient aussi nombreux que les étoiles du firmament, et puissent comme elles faire briller universellement sa lumière ; et tous ces biens qu'il veut nous procurer, il veut les réaliser en nous par l'annonciation de son ange, et par la sainte conception de son esprit, puisque c'est là le terme final de tous ses desseins et de toutes ses manifestations... » (Le Nouvel homme, § 8).

 

Que l’on ne s’y trompe pas, l’œuvre qui est à accomplir ne consiste pas à imaginer que nous allons, paranges,christianisme,doctrine,élus coëns,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,littérature,martinésisme,martinisme,métaphysique,m nos propres forces, par notre volonté et par une décision subjective, édifier seul l’Église invisible ; si elle nous est annoncée par l’ange du Seigneur, si elle doit être enfantée en nous, cela signifie qu’il nous suffira simplement de répondre comme Marie lorsque nous en recevrons l’annonce : « que la volonté de Dieu soit faite » (Luc I, 38). 

 

L’action agissante est ainsi une action de grâce, une action issue de la pensée de Dieu qui possède l’être, le mouvement, la puissance et la gloire.

C’est-à-dire que nous ne devons pas « penser » par nous-mêmes [9], il nous faut, bien au contraire, nous « laisser penser », instruire et féconder par Dieu : « De cette sublime vérité, il résulte une vérité qui n'est pas moins sublime, savoir, que nous ne sommes pas dans notre loi, si nous pensons par nous-mêmes, puisque pour remplir l'esprit de notre vraie nature, nous ne devons penser que par Dieu, sans quoi nous ne pouvons plus dire que nous soyons la pensée du Dieu des êtres, mais nous nous déclarons être le fruit de notre pensée ; nous nous annonçons comme si nous n'avions pas d'autre source que nous-mêmes, et comme si nous avions été notre propre principe, de façon qu'en défigurant notre nature, nous anéantissions celui seul de qui nous la tenons : aveugle impiété qui peut éclairer sur la marche qu'ont suivie toutes les prévarications. » (Le Nouvel homme, § 3).

 

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« Nous ne sommes pas dans notre loi,

 si nous pensons par nous-mêmes,

puisque pour remplir l'esprit de notre vraie nature,

nous ne devons penser que par Dieu,

sans quoi nous ne pouvons plus dire que nous soyons

la pensée du Dieu des êtres,

mais nous nous déclarons être le fruit de notre pensée (….)

aveugle impiété qui peut éclairer

sur la marche qu'ont suivie toutes les prévarications. »

(Le Nouvel homme, § 3).

 

« Nous ne sommes pas dans notre loi si nous pensons par nous-mêmes », ce point sur lequel insiste Saint-Martin, est d’une extrême importance, car sentir la nécessité de la naissance en nous de l’engendrement surnaturel du Saint Temple, ne signifie pas que cet engendrement puisse survenir « naturellement » en y pensant, par l’effet de cogitations mentales ou l’effort personnel ; vouloir n’est pas pouvoir, notamment dans les régions spirituelles, et rien ne serait plus erroné que d’espérer en un résultat de la volonté discursive et bavarde, de considérer comme efficaces, édificatrices et créatrices les considérations rationnelles de l’intellect, de par l’immense fleuve d’eau boueuse et infectée qui nous constitue. 

Nous sommes ici, s’agissant de la fondation et de l’engendrement de l’Église intérieure, dans le domaine de la pure grâce, et dans ce domaine il convient surtout de se laisser agir, d’être en attente de l’initiative de la Divinité, « s’attendre à la grâce », ou « s’attendre à Dieu » [10] selon l’expression de certains spirituels, cette attente étant précisément ce en quoi consiste notre œuvre, la part du labeur qui nous est réservée. Il nous faut de la sorte apprendre à pratiquer le « saint abandon » par lequel nous nous laissons travailler intérieurement par l’ouvrier divin, jusqu’à ce que du cœur même de cet abîme d’inconnaissance, du plus profond de ce néant, du centre de ce véritable rien, surgisse, lorsque le temps sera venu, et seulement à cet instant, choisi non par nous mais par le Ciel, l’édifice de lumière transformante.

Saint-Martin affirme d’ailleurs, que cet abandon, ce en quoi consiste l’entière mise à disposition de notre cœur entre les mains de Dieu en attente de son agir divin pour qu'il puisse venir y édifier son Temple, est la marque effective, le signe probant de la vraie foi, mais d’une foi avançant dans la nuit [11], d’une marche obscure.

 

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Il nous faut apprendre à pratiquer le « saint abandon »

par lequel nous nous laissons travailler

 intérieurement par l’ouvrier divin,

jusqu’à ce que du cœur même de cet abîme d’inconnaissance,

du plus profond de ce néant, du centre de ce véritable rien,

surgisse, lorsque le temps sera venu,

et seulement à cet instant, choisi non par nous mais par le Ciel,

 l’édifice de lumière transformante.

 

 

Nicolas-Antoine Kirchberger (1739-1798), au cours de la correspondance qui s’étendit sur plusieurs années avec Saint-Martin (1792-1797), et dans laquelle furent abordées entre les deux amis les questions les plus centrales touchant à la voie spirituelle qu’il incombe à chacun de résoudre, puis d’accomplir en ce monde, résuma magnifiquement la situation de l’âme placée sous les effets de l’action réparatrice : « [Il] ne dépend pas du vouloir et du cœur de la créature de connaître les profondeurs de la Divinité, l’âme ignore le centre de Dieu et comment la substance divine s’engendre.  La  manière  dont  Dieu  veut  se  révéler  à l’homme dépend de la volonté divine ; et si Dieu se manifeste, en quoi l’âme y a-t-elle contribué ? Elle n’a que le désir  d’être  régénéré ;  elle  tourne  son  attention  vers Dieu,dans lequel elle vit et avec lequel  la lumière divine  devient  resplendissante, lumière qui change le premier principe  sévère, l'origine du mouvement de la joie triomphante. » (Lettre à L.-C. de Saint-Martin, n° 114, 1797).

 

Conclusion

 

Que retenir donc, d’une part de l’énumération des multiples fautes, non exhaustive bien évidemment, mais qui a le mérite de présenter les principaux griefs que nourrissait Saint-Martin à l'égard de l'Église - Église qu’il « n’ignorait pas » (sic), comme il a pu être soutenu de façon profondément erronée, représentant la seconde faute majeure commise à l’égard des positions du Philosophe Inconnu, puisque ce dernier connaissant parfaitement l’Église en sa richesse et ses trésors, mais crut pourtant nécessaire de ne point en taire les limites -, et d’autre part, que comprendre de son aspiration à un christianisme libéré de l’empire des prêtres ?

Tout simplement que le Philosophe Inconnu fut pénétré, apparemment avec une réelle constance, d'une vision singulièrement originale, vision certes nourrie par ses propres analyses qu'il eut largement le temps de méditer depuis sa première initiation à Bordeaux, et d'exposer en différentes occasions, mais, également, significativement inspirée par une volonté de retour à un christianisme purifié et authentique. Et, à cet égard, Saint-Martin, à la suite de Martinès de Pasqually ( + 1774), Nicolas-Antoine Kirchberger, Karl von Eckhartshausen (1752-1803), Jean-Baptiste Willermoz (1730-1824) et bien d’autres encore, est le pur héritier, à divers titres, de ce courant invisible présent depuis des siècles au sein du christianisme, et ce dans l’acception de sa vocation johannique, silencieuse, discrète et réservée, qui, de par sa secrète et intérieure présence, est en sympathie avec les multiples tendances prônant une relation directe avec les régions célestes, un cœur à cœur immédiat et intraduisible entre l’homme et Dieu, cœur à cœur que l’on peut définir, sans forcer les règles de la rigueur terminologique, comme étant de nature « ésotérique », c’est-à-dire voilé et inconnu du plus grand nombre.

C’est pourquoi, l'image de ce christianisme selon ses vœux, Saint-Martin va d'abord en trouver l'écho, non pas auprès de ses amis, fervents catholiques, ou russes pieux orthodoxes, mais dans les membres des cercles « philadelphiens » qu'il rencontra lors de son séjour en Angleterre comme William Law (1686-1761), disciples de Jacob Boehme (1575-1624) et de Johan Georg Gichtel (1638-1710), ou encore chez les admirateurs français du cordonnier de Görlitz, dont il fit la connaissance à Strasbourg (Charlotte de Boecklin, Rodolphe Saltzmann (1749-1821), etc.), qui ne cessaient de vanter les louanges d'une foi intériorisée illuminée par la main invisible du Seigneur, ainsi que l'obligation pour chacun d'une nécessaire relation directe à Dieu. 

 

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Les amis de Saint-Martin ne cessaient

de vanter les louanges d'une foi intériorisée

illuminée par la main invisible du Seigneur,

ainsi que l'obligation pour chacun

d'une nécessaire relation directe à Dieu,

afin qu'un jour chacun reçoive la couronne de gloire

qui lui revient au Ciel.

 

On ne le redira donc jamais assez, Saint-Martin est un théosophe, il entretient un rapport unique et privilégié avec la chose divine, et sa pensée ne peut, en aucun cas, rentrer dans le cadre d’une dogmatique  religieuse étroite et rigide, ni évidemment, puisqu’il semble nécessaire d’y insister, n’a vocation ni à s’y soumettre ni non plus à s’y conformer.

anges,christianisme,doctrine,élus coëns,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,littérature,martinésisme,martinisme,métaphysique,mElle relève, et doit être respectée sur ce point, du mysticisme spéculatif, ce que fit remarquer dès 1850 un auteur, signalant d’ailleurs, très pertinemment, même si c’était - au motif de rémanences de thèses « gnostiques » - pour en critiquer les liens, la similarité des idées du Philosophe Inconnu avec celle d’Origène, dont il partageait l’interprétation spirituelle de l’Écriture : « Les théosophes, suivant la déclaration expresse de l'un d'eux, admettent la Trinité, la chute des anges rebelles, la création après le chaos causé par leur chute, la création de l'homme dans les trois principes, pour gouverner, combattre ou ramener à résipiscence les anges déchus. Les théosophes sont d'accord sur la première tentation de l'homme, le sommeil qui la suivit, la création de la femme lorsque Dieu eut reconnu que l'homme ne pouvait plus engendrer spirituellement ; la tentation de la femme, la suite de sa désobéissance qui occasionna celle de son mari ; la promesse de Dieu que de la femme naîtrait le briseur de la tête du serpent, la Rédemption, la fin du monde. C'est, on le voit, l'enchaînement des grands faits de la tradition altéré par le mélange des idées gnostiques associées aux deux principales erreurs d'Origène sur la préexistence des âmes et sur la résipiscence des anges déchus. Les articles de ce symbole théosophique sont pour la plupart professés par Saint-Martin ; mais ce qu'il expose surtout avec des développements inépuisables, c'est la chute de l'homme, sa misère, sa privation, ses ténèbres, sa séparation des vertus intellectuelles, son asservissement aux vertus sensibles, tous les désordres de cet univers "écroulé sur l'être puissant qui devait l'administrer et le soutenir."» [12]

anges,christianisme,doctrine,élus coëns,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,littérature,martinésisme,martinisme,métaphysique,mCe christianisme original professé par Saint-Martin qu’évoque Louis Moreau, fondé sur la doctrine secrète de la réintégration des êtres, condamnée officiellement depuis le VIe siècle lors du IIe Concile de Constantinople (556) - et dont Origène (185-253) puis Évagre le Pontique (345-399), ou encore Isaac de Ninive (VIIe s.) et Joseph Hazzaya (VIIIe s.), exposèrent les principes, principes qui se retrouvèrent au sein du riche courant de l’illuminisme chrétien jusqu’à devenir le cœur même de certains systèmes initiatiques auxquels fut lié Louis-Claude de Saint-Martin -, redisons-le encore une fois, n’a pas à se plier aux vues disciplinaires de l’Église visible, elle n’a pas, cette doctrine, à être corrigée ou amendée, voire profondément déformée et scandaleusement dénaturée, afin de la faire correspondre aux schémas dogmatiques arrêtés par les Pères conciliaires, de sorte,  finalement, de la dissoudre et la faire disparaître sous de fallacieux prétextes, et surtout en vertu de l'autorité arbitraire et subjective d'un tribunal surgi d'on ne sait où et dénué de toute qualification légitime pour agir en ce sens, dans l’eau des proclamations ecclésiales. Elle possède cette doctrine, ses critères propres, et doit être protégée, conservée dans sa pureté et gardée en conformité d’avec son essence intrinsèque, ce qui, ceci rappelé aux esprits oublieux qui d'ailleurs sont étrangers à ces domaines - ceci expliquant sans-doute cela -, est le devoir d’une classe « non ostensible » du Régime rectifié, à laquelle Jean-Baptiste Willermoz confia, précisément, cette mission.

 

*

 

L’âme de désir, nourrie des lumières de la doctrine, dispose de bien plus que ne l’imaginait le premier maître de Saint-Martin, elle dispose, en son centre, du Temple, de l’autel et du sacrifice, et c’est de cette conviction que découle toute la perspective saint-martiniste et son rapport aux choses saintes et sacrées.

La pensée fondamentale de Saint-Martin, à propos de l’Église, se résume de ce fait à une unique certitude, sachant que les temps sont proches, et qu’il convient de vivre, dès à présent, comme si l’heure de la Révélation était déjà advenue - ce qui est bien le cas au regard de la situation du monde et de l’état dans lequel se trouvent les créatures humaines -, la manifestation de « l’Esprit » a déjà commencé à se produire, auprès de ceux qui ont compris - et qui furent sans doute choisis avant même la fondation du monde (Éphésiens I, 3-6).

 

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La manifestation de « l’Esprit »

a déjà commencé à se produire, auprès de ceux qui ont compris –

et qui furent sans doute choisis,

avant même la fondation du monde (Éphésiens I, 3-6).

 

 

La perspective de Saint-Martin fut d’une nature participant d’une aspiration ardente à la rencontre avec les lumières célestes, mais dans la paix de l’esprit et le silence du cœur. Le but, l’objet recherché était la relation intérieure avec le Verbe, et pas le moins du monde une entreprise de transformation des formes externes - qui pouvaient d’ailleurs, selon-lui, rester ce qu’elles étaient pour les âmes qui le souhaitent et en ont besoin, position qui place Saint-Martin dans une perspective que l’on pourrait, et l’on doit même, qualifier de « mystique », dans le sens où son discours s’inscrivit bien plus, sans doute, dans le prolongement des aspirations de certains spirituels, voyants ou visionnaires, cherchant à s’immerger entièrement dans la plénitude de la vie divine, plutôt que dans la perspective des prêches, cherchant à troubler l’humble cheminement des créatures attachées aux formes religieuses qu’elles connaissent, chérissent et aiment ; ceci faisant que parfois même, certes rarement mais néanmoins positivement, il alla jusqu’à vanter les mérites de la religion extérieure.

 

Ce que proposa Saint-Martin, c’était une voie de dépouillement et de sincérité, une voie de vérité absolue, de sorte de libérer l’accès, pour certaines âmes choisies, de la route invisible et secrète conduisant au Sanctuaire éternel. Et pour ce faire, il savait qu’il lui fallait dire les choses sans détour, écrivant et affirmant ce qu’il pensait être la vérité, dont il se voulait le serviteur zélé, quitte à liguer contre lui énormément de monde, ce qui, par ailleurs, lui fut parfaitement indifférent et comme - ceci souligné en passant - il doit toujours en être le cas lorsqu’on se risque à projeter quelques fortes lumières sur les opinions et les vues controuvées des hommes du torrent : « Comme balayeur du temple de la vérité, je ne dois pas être étonné d'avoir eu tant de monde contre moi. Les ordures se défendent du balai tant qu'elles peuvent. » (Portait, § 1032).

 

A paraître :

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Éditions la Pierre Philosophale, 552 pages.

Pour consulter le Sommaire :

« L'Église et le sacerdoce selon Louis-Claude de Saint-Martin »

 

Fin de la Première partie.

Suite :

Le culte de l’Eglise intérieure

selon Louis-Claude de Saint-Martin

 

 

Notes.

 

1. J. de Maistre, Soirées de Saint-Pétersbourg, XIe Entretien, (1821).

2. Saint-Martin soutient, au sujet des sources de la doctrine initiatique : « Dans les premiers siècles de notre ère, les saints pères qui n'avaient déjà plus qu'un reflet et qu'un historique du vrai christianisme…puisèrent chez les célèbres philosophes de l'antiquité plusieurs points d'une doctrine occulte, qu'ils ne pouvaient expliquer que par la lettre de l'Évangile, n'ayant plus la clef du véritable christianisme. » (Le Ministère de l’homme-esprit, 1802).

3. Cette idée, d’un oubli des connaissances secrètes de la doctrine initiatique par l’Église, qui aujourd’hui désigne ces thèses comme des hérésies, est partagée par Jean-Baptiste Willermoz (1730-1824), ainsi qu’il put le déclarer à plusieurs endroits : « L'initiation (…) éprouve l'homme de désir, de l'origine et formation de l'univers physique, de sa destination et de la cause occasionnelle de sa création, dans tel moment et non un autre; de l'émanation et l'émancipation de l'homme dans une forme glorieuse et de sa destination sublime au centre des choses créées; de sa prévarication, de sa chute, du bienfait et de la nécessité absolue de l'incarnation du Verbe même pour la rédemption, etc. etc. etc.  Toutes ces choses desquelles dérive un sentiment profond d'amour et de confiance, de crainte et de respect et de vive reconnaissance de la créature pour son Créateur, ont été parfaitement connues des Chefs de l'Eglise pendant les quatre ou six premiers siècles du christianisme. Mais, depuis lors, elles se sont successivement perdues et effacées à un tel point qu'aujourd'hui (…) les ministres de la religion traitent de novateurs tous ceux qui en soutiennent la vérité. Puisque cette initiation a pour objet de rétablir, conserver et propager une doctrine si lumineuse et si utile, pourquoi ne s'occupe-t-on pas sans amalgame de ce soin dans la classe qui y est spécialement consacrée ? » (Lettre de Willermoz à Saltzmann, du 3 au 12 mai 1812, in Renaissance Traditionnellen° 147-148, 2006, pp. 202-203).

4. Voir au sujet de l’illuminisme : J.-M. Vivenza, La Clé d’or, Editions de l’Astronome, 2013, - principalement : Appendice II : L'esprit de l’illuminisme et la Franc-maçonnerie, & Appendice III : L’essence du « christianisme transcendant ».

5. R. Amadou, La Théosophie de Saint-Martin, in Martinisme, Documents martinistes2e éd. Les Auberts, Institut Eléazar, 1993

6. Nous l’avons déjà dit dans un ouvrage antérieur, les invocations présentes dans les rituels des élusanges,christianisme,doctrine,élus coëns,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,littérature,martinésisme,martinisme,métaphysique,m coëns, à l’accent liturgique témoignant d’une religiosité pieuse et d’une fervente dévotion, du moins en apparence, se référant aux anges, aux saints, au Père, Fils et Saint Esprit, et à la Vierge Marie, qui se retrouvent en de nombreux endroits des textes coëns, notamment dans les diverses invocations hebdomadaires, les prières de l’Ordre, en particulier celle dite « des six heures » (cf. fonds Willermoz Bibliothèque de Lyon, Ms 5526-1), ne sont absolument pas le témoignage d’une manifestation particulière d’adhésion aux éléments de la dogmatique catholique et de l’ensemble des églises chrétiennes, ou encore moins une quelconque révérence envers le sacerdoce de l’Église et les sacrements conférés par ses ministres, car les récitations des rituels coëns ne sont en fait que la simple réutilisation de formules employées par les grimoires magiques auxquels Martinès fit de larges emprunts, comme on peut en trouver trace dans le célèbre Enchiridion du pape Léon III, ou encore le Grimoire d’Honorius : « Viens rendre l’honneur que tu dois à Dieu vivant véritable et ton créateur, au nom du Père + et du Fils + et du Saint Esprit +. Viens donc et sois obéissant devant le cercle, sans aucun péril pour moi, soit du corps ou de l’âme… » ;  « Je t’exorcise +. En t’invoquant, je te fais commandement par la puissance d’un Dieu vivant +, d’un Dieu vrai + et par la force d’un Dieu Saint +, ainsi que par la vertu de Celui qui a dit et toutes choses ont été créées: le ciel, la terre, la mer, les abîmes et tout ce qui est en eux; je t’adjure par le Père + par le Fils + par le Saint Esprit + et par la Sainte Trinité et par le Dieu auquel tu ne peux résister, sur l’empire duquel je te ferai ployer. Je te conjure par Dieu le Père + par Dieu le Fils +, par Dieu le Saint Esprit +, par la Mère de Jésus-Christ et Vierge perpétuelle, par sa sainteté, par sa pureté, par sa virginité…. » (Grimoire du pape Honorius III le Grand, avec un recueil des plus rares secrets, 1670). (Cf. Saint-Martin et les anges, De la théurgie des élus coëns à la doctrine angélique saint-martiniste,  Editions Arma Artis, 2012, p. 96).

7. Les questions relatives à la grâce, avaient été, et restaient encore très vivaces du temps de Saint-Martinanges,christianisme,doctrine,élus coëns,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,littérature,martinésisme,martinisme,métaphysique,m au sein de l’Église, et si le Philosophe Inconnu, ne désigne jamais directement les sources avec lesquelles il est en résonance, sa pensée relève incontestablement d’une sensibilité en ces domaines, qui le rend évidemment proche des positions de saint Augustin (354-430). Rappelons, qu’historiquement, les grandes divisions sur le thème de la grâce, viennent du fait qu’au Ve siècle, un moine anglais, Pélage (v.350-v. 420), en était arrivé à soutenir que l’acte bon produit par la créature, avait comme origine l’homme lui-même, qui, par ses propres moyens personnels et ses efforts, était en mesure d’obtenir son salut. Or, cette proposition n’aboutissait à rien d’autre qu’à oublier, et même jusqu’à « nier » purement et simplement, les conséquences objectives de la chute originelle, puisque accordant une liberté aux fils d’Adam, comme si le péché n’avait point brisé et définitivement détruit, liberté et volonté dans l’âme humaine.

Cornélius Jansénius (1585-1638), évêque d’Ypres, dans l'Augustinus -(1641), rappela la corruption radicale de la liberté et de la volonté en Adam de par le péché originel, faisant que l'homme, sans la grâce, dans l'état de nature déchue,  est incapable d'obéir à Dieu et d'obtenir son salut.

 

C’est contre l’erreur terrible de Pélage que saint Augustin s’éleva avec force, en faisant condamner au concile de Carthage (418) les thèses pélagiennes. Saint Augustin sut rappeler, à juste titre, que le péché originel a ruiné la volonté, profondément corrompu toutes les facultés de l’homme, qui ne peut donc de ce fait, sans l’aide de la grâce, que tomber dans les fautes et les plus épaisses ténèbres. Ainsi, sans la grâce, il est impossible à l’homme de faire le bien, il en est incapable, sa nature, entachée du péché et souillée ontologiquement, l’empêche absolument de pratiquer le bien, car l’homme est totalement sous l’empire de la corruption. Un jésuite portugais, Molina (1536-1600), voulant maintenir, par complaisance indue et inexacte, une certaine liberté à l’homme, avait soutenu dans son ouvrage Concordantia liberi arbitrii cum gratiæ donis (1588), une thèse qui prenait le contre-pied des positions augustiniennes, écrivant : « Dieu et l’homme agissent comme feraient deux chevaux tirant un bateau le long d’un canal. Ces deux actions s’ajoutent donc, mais l’action de Dieu et celle de l’homme sont placées sur le même plan : Dieu tend la main à l’homme, et l’homme la prend. » (Cf. De jansenistica opinione, p. 4). Clément VIII, lors de son pontificat (1592-1605), fit examiner le livre Molina, et en isola 42 propositions hérétiques, rédigeant une Bulle de condamnation, qui ne sera achevée qu’en 1607, par Paul V (1605-1621). Mais cette Bulle Gregis dominici, de par les manœuvres des Jésuites, ne fut- pas publiée, mais uniquement  imprimée en 1707. C’est donc en réaction contre les graves erreurs de Molina sur la liberté de l’homme, que Cornélius Jansénius (1585-1638), évêque d’Ypres, soutint ce que Clément VIII et Paul V avaient eux-mêmes soutenu, à savoir la corruption de la liberté et de la volonté en Adam de par le péché originel, et rédigea un immense ouvrage intitulé Augustinus, (« Augustinus seu doctrina Sancti Augustini de humanæ naturæ sanitate, ægritudine, medicina adversus Pelagianos et Massilienses »), (1641), dans lequel il réaffirma les points essentiels de  la doctrine de saint Augustin sur la grâce, ouvrage qui ne sera publié qu’après la mort de Jansénius, en 1641. Jansénius rappelait avec justesse, que les Jésuites étant revenus aux fatales erreurs de Pélage, avaient oublié que l’homme est dépendant, pour exercer le bien comme pour faire son salut, de la grâce divine, et c’est pourquoi la vie de l’homme, qu’il soit laïc ou clerc, doit être entièrement de nature religieuse et se penser comme un authentique « anéantissement », de sorte que la créature corrompue soit admise en grâce auprès de Dieu, sachant que pour ce qui est d’elle-même, de son infection et ses souillures, elle ne mérite que le châtiment et la mort. A signaler que de ce point de vue, et selon les positions augustiniennes que partage évidemment Saint-Martin, les sacrements ne sont qu’un « signe de l’amour de Dieu », et n’ont pas une efficacité « mécanique » ou « automatique » qui s’imposerait à la créature parce qu’assistant à des offices ou des cérémonies, ce qui rendrait inutile l’effet de la grâce divine donnée directement par Dieu. C’est ce que rappela Antoine Arnauld (1612-1694) dans son maître livre : De la fréquente communion (1643).

8. K. von Eckartshausen, La Nuée sur le Sanctuaire ou Quelque chose dont la philosophie orgueilleuse de notre siècle ne se doute pas1802.

9. L’engendrement de Dieu en l’âme, survenant dans le recueillement passif relève de la « non-pensée », il ne s'obtient pas « par le travail de l’entendement, en s’efforçant de penser à Dieu au dedans de soi-même, ni par celui de l'imagination en se le représentant en soi » (Ste Thérèse d’Avila, Château de l’âme, 4e Dem., ch. 3) ; mais par l'action directe de la grâce divine. C'est pour cela que Ste Thérèse l'appelle « oraison surnaturelle » : « L'oraison dont je parle est un recueillement intérieur qui se fait sentir à l'âme, et durant lequel on dirait qu'elle a en elle-même d'autres sens, analogues aux extérieurs. Elle semble vouloir se séparer de l'agitation des sens extérieurs ; parfois même elles les entraîne après elle. Elle sent le besoin de fermer les yeux du corps, de ne rien entendre, de ne rien voir, de vaquer uniquement à ce qui l'occupe alors tout entière : je veux dire, à cet entretien seul à seul avec Dieu. Dans cet état, les sens et les puissances ne sont pas suspendus ; ils restent libres, mais pour s'appliquer à  Dieu » (Œuvres, t. II).

10. Madame Guyon (1648-1717), qui tenait cette sentence de sainte Thérèse d’Avila, avait l’expression suivante en grande faveur : « Ne rien faire et laisser faire ». Saint-Martin, de son côté – qui eut cette réflexion : « Il faut que ce soit sa volonté qui se fasse, et non pas la mienne. » (Le Livre rouge, « Carnet d’un jeune élu cohen », § 8) - nous engage à nager « continuellement dans la prière comme dans un vaste océan », dont on ne peut connaître « ni le fond, ni les bords, et où l'immensité des eaux….procure à chaque instant une marche libre et sans inquiétudes », et c’est alors que, sans agitation stérile, sans efforts aussi inutiles que vains, sans même que nous nous en soucions «le Seigneur s'emparera de l'âme humaine » : « Je m'unirai à Dieu par la prière comme la racine des arbres s'unit à la terre. J'anastomoserai mes veines aux veines de cette terre vivante, et je vivrai désormais de la même vie qu'elle. Nage continuellement dans la prière comme dans un vaste océan, dont tu ne trouves ni le fond, ni les bords, et où l'immensité des eaux te procure à chaque instant une marche libre et sans inquiétudes. Bientôt le Seigneur s'emparera de l'âme humaine. Il y entrera comme un maître puissant dans ses possessions. Bientôt elle sortira de ce pays d' esclavage et de cette maison de servitude, où elle n' est pas une heure sans violer les lois du seigneur ; de cette terre de servitude, où elle n' entend parler que des langues étrangères, et où elle oublie sa langue maternelle ; de cette terre, où les venins même lui deviennent quelquefois nécessaires pour l' arracher à ses douleurs ; de cette terre, où elle vit tellement avec le désordre, qu' il n' y a plus que le désordre où elle puisse trouver son rapport et son analogue. » (L’Homme de désir, § 251).

11. Saint Jean de la Croix (1542-1592), le docteur de la « nuit mystique », explique avec précision le chemin que doitanges,christianisme,doctrine,élus coëns,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,littérature,martinésisme,martinisme,métaphysique,m emprunter l’âme dans la nuit de l’esprit, afin d’être transformée en Dieu : « L'âme, pour être élevée à ce sublime état, doit demeurer dans l'obscurité, non seulement selon sa partie inférieure, qui regarde les choses créées et matérielles, mais encore selon la partie supérieure qui regarde Dieu et les choses spirituelles. Car il est certain que, pour arriver à la transformation surnaturelle d'elle-même en Dieu, elle doit être obscurcie, c'est-à-dire privée de la lumière qu'elle peut recevoir de tout le sensible et de tout le raisonnable, qui ne sort point des bornes de la nature, puisque tout ce qui est surnaturel surpasse les choses qui ne sont que naturelles, et qui demeurent dans un rang inférieur.» (S. Jean de la Croix, Montée du Carmel, Liv. II, ch. IV).

12. L. Moreau, Réflexions sur les idées de Louis-Claude de Saint-MartinCh. VII, Vues de la nature, esprit des Choses, chez Jacques Lecoffre et Cie, 1850. Signalons que ce livre, devenu introuvable, a fait en 2007, l’objet d’une édition numérique grâce à l’heureuse initiative de Dominique Clairembault, responsable du site : « www.le philosophe inconnu.com ».

 

 

Le culte de l’Église intérieure selon Louis-Claude de Saint-Martin

Sacerdoce mystique et pratique du culte divin 

Essence et forme du ministère de l’Église intérieure

Jean-Marc Vivenza 

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La liturgie spirituelle véritable de l’Église intérieure,

se déroule sur l’autel situé dans le Sanctuaire du cœur,

afin que s’accomplisse le culte divin en « esprit et en vérité »,

sachant que : « l’heure vient, et elle est déjà là,

où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité ;

car le Père recherche des hommes qui l’adorent ainsi. » (Jean IV, 23). 

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« C'est à ce sacerdoce

qu'aurait dû appartenir la manifestation de toutes les merveilles

et de toutes les lumières

dont le cœur et l'esprit de l'homme

auraient un si pressant besoin.»

(Saint-Martin, 1802).

 

 

L’Église et le sacerdoce selon Louis-Claude de Saint-Martin

2e Partie. La pratique du culte divin au sein du Sanctuaire du cœur

 

 

I. La nature céleste de l’Église

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« L'unité ne se trouve guère dans les associations

 elle ne se trouve que dans notre jonction individuelle avec Dieu.

Ce n'est qu'après qu'elle est faite

que nous nous trouvons naturellement

les frères les uns des autres. »

(Portrait, § 1137).

 

 

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Telle est d’ailleurs le sens de cette remarque de Louis-Claude de Saint-Martin, parfois si incomprise et dont peu perçoivent qu’elle se réfère à la vie de la famille divine, et touche même directement à la question de l’Assemblée céleste formée de toute éternité et avant même la fondation du monde (Ephésiens I, 3-6), par les élus de l’Éternel : « L'unité ne se trouve guère dans les associations elle ne se trouve que dans notre jonction individuelle avec Dieu. Ce n'est qu'après qu'elle est faite que nous nous trouvons naturellement les frères les uns des autres. » (Portrait, § 1137).

 

L’histoire de l’Église visible n’est donc rien d’autre, selon Saint-Martin, que l’histoire, non de l’Institutionanges,christianisme,culture,doctrine,élus coëns,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,littérature,livres,martinésisme,martinisme,métaphysique,mystique,occultisme,pensée,philosophie,religion,spiritualité,théologie,théosophie,t divine, mais de la corruption de l’homme, sachant que l’Église, dès les premiers siècles, devint un système abandonnant ce que Dieu avait établi de par le fait que plus les hommes édifiaient des cadres structurels contraignants pour l’Esprit, plus on tentait d’enserrer les vérités évangéliques dans des définitions dogmatiques, plus  l’idée de ce qu’est la véritable Église se corrompait et finalement peu à peu et inexorablement se perdait.

C’est donc dans le cœur de l’homme, selon le Philosophe Inconnu, que doit exister et vivre désormais l’Assemblée de Dieu, une Assemblée qui ne se rapporte à aucune organisation humaine, ni à aucun des systèmes religieux issus des institutions formées et façonnées par les hommes depuis l’avènement du christianisme. C’est une Église édifiée par l’Esprit, ayant pour unique Souverain le Divin Réparateur, une Église constituée pour adorer l’Éternel et être en communion avec Lui ; et cette secrète Assemblée de Dieu, cette Église intérieure demeurant dans le cœur de l’homme de désir : «Le monde ne la connaît pas» (Jean XIV, 17).

 

 

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C’est dans le cœur de l’homme

que doit exister et vivre désormais « l’Assemblée de Dieu »,

une Assemblée qui ne se rapporte

à aucune organisation humaine,

ni à aucun des systèmes religieux issus

des institutions formées et façonnées par les hommes

depuis l’avènement du christianisme.

 

 

a) Faire place à l’Esprit pour illuminer le cœur de l’homme

Ainsi s’impose comme règle unique et  centrale pour cette Église située dans le cœur de l’homme, cette expression si étroitement liée à la voie proposée par le Philosophe Inconnu : « Faites place à l'Esprit » !

Faire place à l’Esprit pour lui donner d’illuminer les profondeurs de l’homme, d’éclairer son édifice, de répandre les saintes bénédictions dans le Temple intérieur pour, qu’en s’appuyant sur les sept colonnes reliées avec le Ciel, il soit en mesure de faire circuler en nous toute la sève spirituelle transcendante, et nourrir l’ensemble de nos autels particuliers sur lesquels brillent les lois de la Divinité : « ‘‘Faites place à l'Esprit’’. (…) Comment cette Église serait-elle renversée ? Ses sept co­lonnes reposent sur la sainteté, et elles s'élèvent jusque dans la demeure du Très-Haut ; là elles puisent continuellement la sève divine, et la rapportent jusqu'aux saints fondements du temple. Comment cette Église serait-elle renversée ? Ses sept colonnes sont intimement liées à sa base et à son sommet tout à la fois. La base, les colonnes, le sommet de l'édifice tout n'est qu'un ; il est impossible qu'il ne se meuve pas tout ensemble, et qu'au­cune force ne puisse jamais séparer la moindre partie. » (Le Nouvel homme, § 14).

 

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« ‘‘Faites place à l'Esprit’’. (…)

Comment cette Église serait-elle renversée ?

Ses sept co­lonnes reposent sur la sainteté,

et elles s'élèvent jusque dans la demeure du Très-Haut ;

là elles puisent continuellement la sève divine,

et la rapportent jusqu'aux saints fondements du temple. »

(Le Nouvel homme, § 14).

 

 

b) La consécration du Temple

anges,christianisme,culture,doctrine,élus coëns,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,littérature,livres,martinésisme,martinisme,métaphysique,mystique,occultisme,pensée,philosophie,religion,spiritualité,théologie,théosophie,tAinsi, lorsque le plan a été tracé et les proportions arrêtées, il faut passer de l’architecture à la consécration du Temple en méditant ces paroles saintes : ‘‘je suis le fils du Seigneur’’, paroles restauratrices des trois dons primitifs : « la conservation du corporel, la distribution de l'incorporel et l'exclamation », mais qui feront également accéder au quatrième don : la supériorité, une supériorité touchant à l’éminente valeur du Temple intérieur par rapport à tous les édifices visibles construits par les institutions religieuses, tout ceci se déroulant dans le silence et la retraite : « Dites en vous-même : ‘‘je suis le fils du Seigneur’’. Dites-le, jusqu' à ce que cette parole sorte du fond de votre être : et vous sentirez les ténèbres s'enfuir d'autour de vous. (…) Ce n'est point en vain qu'il m'est donné de dire aujourd'hui encore mieux que dans l'origine : je suis le fils du Seigneur. Et je ne suis point en mesure, si chaque instant de mon existence ne me trouve occupé à méditer et à prononcer cette sublime parole. » (L’Homme de désir, § 233).

 

c) La réception du rang sacerdotal

 

La parole sacrée proférée, la parole sublime révélatrice de notre vraie nature, de notre état divin, étant prononcée dans le Temple par Celui qui vint « d’en haut » dire à notre place la parole déterminante, alors le Réparateur va nous donner « rang parmi ses prêtres »,  il va solennellement nous déclarer « de la race sacerdotale ». Mais que nous restera t-il à faire ensuite, après avoir bénéficié, dans la nuit de l’esprit mais alors que le Temple ait été édifié et consacré, et ceci malgré notre immense misère et terrible indignité, de ces réceptions nous instituant « prêtre » et de la « race sacerdotale » ?

 

 

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L’homme est prêtre, prêtre authentique

par une ordination surnaturelle, reçue du Ciel

sans aucune médiation humaine,

et que d’ailleurs nulle institution terrestre

n’est en mesure de transmettre.

 

 

Eh bien Saint-Martin nous l’explique clairement, et nous l’indique sous la forme d’un commandement : « Revêts l'éphod et la tiare. Parois devant l'Assemblée, comme étant rempli de la majesté du Seigneur. » (L’Homme de désir, § 245).

*

Reste à savoir que faire de cette prêtrise, à en connaître les principes, être instruit de la pratique du culte divin dont elle est détentrice, être en mesure d’en comprendre les mystères, s’instruire de la façon dont peut s’exercer ce ministère pourvu de la majesté du Seigneur, de sorte que soient accomplis les rites de ce sacerdoce selon l’interne, à l’évidence d’une nature si différente, si éloignée et radicalement autre, de celle de l’ensemble des institutions religieuses professant le christianisme - toutes dénominations ecclésiales, églises, chapelles ou systèmes constitués et organisés possédant une classe sacerdotale ostensibles confondus. Et cette connaissance représente précisément la science spirituelle véritable de l’Église intérieure, afin que se déroule, sur l’autel situé dans le Sanctuaire du cœur, la divine liturgie en « esprit et en vérité », sachant, selon l’indication évangélique, que : « l’heure vient, et elle est déjà là, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité ; car le Père recherche des hommes qui l’adorent ainsi. » (Jean IV, 23). 

 

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Doivent s’accomplir les rites du sacerdoce selon l’interne,

d’une nature différente,

éloignée et radicalement autre,

de celle de l’ensemble des institutions religieuses

professant le christianisme –

toutes dénominations ecclésiales, églises, chapelles

ou systèmes constitués et organisés,

possédant une classe sacerdotale ostensibles, confondus.

 

 

II. L’adoration en « Esprit et en Vérité »

 

anges,christianisme,culture,doctrine,élus coëns,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,littérature,livres,martinésisme,martinisme,métaphysique,mystique,occultisme,pensée,philosophie,religion,spiritualité,théologie,théosophie,tSi l’homme est prêtre, prêtre authentique par une ordination surnaturelle, reçue du Ciel sans aucune médiation humaine, et que d’ailleurs nulle institution terrestre n’est en mesure de transmettre, il lui incombe d’exercer son sacerdoce. Et sur cette question de l’exercice du sacerdoce, Saint-Martin, prend très au sérieux, et comment ne pas lui reconnaître une authentique légitimité en cela de par la portée des paroles exprimées dans l’Évangile de Jean si on veut bien y être un minimum attentif, l’injonction du Christ à la Samaritaine devant le puits de Jacob, lui indiquant qu’à présent c’est « en Esprit et en Vérité » que Dieu souhaite être adoré, et qu’il attend et recherche de tels adorateurs : « Seigneur, lui dit la femme, je vois que tu es prophète. Nos pères ont adoré sur cette montagne ; et vous dites, vous, que l’endroit où il faut adorer est à Jérusalem. Femme, lui dit Jésus, crois–moi, l’heure vient où ce ne sera ni sur cette montagne, ni à Jérusalem que vous adorerez le Père. Vous adorez ce que vous ne connaissez pas ; nous, nous adorons ce que nous connaissons, car le salut vient des Juifs. Mais l’heure vient –– et c’est maintenant –– où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité ; car ce sont de tels adorateurs que le Père recherche. Dieu est esprit, et il faut que ceux qui l’adorent, l’adorent en esprit et en vérité. » (Jean IV, 19-24).

a) Dieu, pour être adoré, s'est formé un temple dans le cœur de l’homme

De la sorte, pour Saint-Martin, l’adoration demandée par le Père que le Christ révèle à la Samaritaine, anges,christianisme,culture,doctrine,élus coëns,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,littérature,livres,martinésisme,martinisme,métaphysique,mystique,occultisme,pensée,philosophie,religion,spiritualité,théologie,théosophie,treprésente le culte authentique du christianisme, culte que se doivent d’accomplir les âmes consacrées par le Ciel, celui qui aurait dû être toujours célébré et transmis par les chrétiens depuis l’origine de l’Église, qui se sont malheureusement égarés en créant des cérémonies inspirées des rites pratiqués par les religions antérieures à la venue du Fils de Dieu dont les fruits externes sont stériles et impuissants [1],  car le culte qui concerne l’homme aujourd’hui, ce en quoi consiste toute sa religion relevant de « l’Esprit et de la vérité », doit s’effectuer sur un Autel qui n’est autre que son « cœur », un cœur renouvelé par la grâce, garni de lampes et sur lequel monte, silencieusement, et en permanence, un pur encens vers le Ciel

Tel est le vrai temple, qui n’a rien de commun avec les « temples figuratifs » édifiés par la main de l’homme, où Dieu doit être adoré : « Oui, nouvel homme, voilà ce vrai temple où seulement tu pourras adorer le vrai Dieu de la manière dont il veut l'être, puisque tous les temples représentatifs et figuratifs qu'il a permis à sa sagesse de t'accorder pendant ton passage dans les régions visibles ne sont que les avenues de ce temple invisible, auquel il désirerait voir arriver en foule toutes les nations de l’univers. Le cœur de l'homme est le seul port où le vaisseau lancé par le grand souverain sur la mer de ce monde, pour transporter les voyageurs dans leur patrie, peut trouver un asile sûr contre l'agitation des flots, et un ancrage solide contre l’impétuosité des vents. Ne lui en interdisons pas l'entrée, si nous ne voulons pas de sa part les reproches de l'ingratitude et de l'inhuma­nité ; au contraire, ayons un soin continuel de tenir ce port en état, et d'ôter sans cesse les sables qui peuvent s'accumuler devant lui, et que la mer y apporte à tous les moments ; ayons grand soin d'en ôter les vases et les sédiments qui s'y déposent journellement, et qui couvrant le fond solide empêcheraient que l’ancre du vaisseau ne pût y mordre et s'y attacher ; ayons surtout grand soin de préparer tous les secours qui seront en notre pouvoir pour soulager les malheureux navigateurs que la mer aura fatigués, et faisons en sorte qu'ils y trouvent toutes les consolations qu'ils pourront désirer, afin que ce port soit chaque jour plus fréquenté, et devienne ainsi utile et cher à toutes les nations de l'univers ; par là nous rétablirons entre nous, et nos frères de tous les pays, une liaison salutaire qui nous fera jouir d'avance des bienfaits de cette communion universelle pour laquelle nous avons reçu l'existence, et qui est le premier objet de l'ambition du nouvel homme. »   (Le Nouvel homme, § 27).

 

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Le culte en quoi consiste toute la religion

relevant de « l’Esprit et de la vérité »,

doit s’effectuer sur un Autel qui n’est autre

que le « cœur » de l’homme,

mais un cœur renouvelé par la grâce,

garni de lampes et sur lequel monte,

silencieusement, et en permanence,

un pur encens vers le Ciel.

 

anges,christianisme,culture,doctrine,élus coëns,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,littérature,livres,martinésisme,martinisme,métaphysique,mystique,occultisme,pensée,philosophie,religion,spiritualité,théologie,théosophie,tDieu, depuis l’avènement du Divin Réparateur, s’est choisi un sanctuaire unique pour être adoré et il n’en veut point d’autre, il s’agit du cœur de l’homme ; Saint-Martin dit : « le Dieu unique a choisi son sanctuaire unique dans le cœur de l'homme, et dans ce fils chéri de l'esprit que nous devons tous faire naître en nous », nous donnant, par ailleurs, des conseils importants, des prescriptions sacrées afin de nous aider à célébrer intérieurement comme il convient, notre culte en esprit et en vérité : « Lorsque tu seras entré dans la terre promise, souviens-toi de n'y sacrifier à ton Dieu que dans le lieu qu'il aura choisi pour que tu lui rendes le culte qui lui est dû. Non seulement tu n'imiteras point ces nations impies qui ont dressé les autels sur tous les hauts lieux, sous des arbres touffus, et qui là offrent leurs sacrifices au Soleil, à la Lune, et à toute la milice du ciel, mais tu renverseras tous ces hauts lieux, tous ces autels et toutes ces idoles qui y sont honorées ; tu ne laisseras pas subsister la moindre trace de ce culte impie, selon que le Seigneur ton Dieu te l'a ordonné, et tu viendras dans le lieu que le Seigneur t'aura indiqué pour lui immoler tes victimes. Ce lieu, tu l'as déjà connu, tu l'as déjà vu, dès que tu as reçu la naissance ; car ce lieu est ce même fils chéri, conçu de l’esprit en similitude de celui qui est le fils unique du Seigneur son éternelle génération. Tu éviteras donc, avec grand soin, d'aller sacrifier au Seigneur dans d'autres lieux de ton être, que dans ce Saint des Saints qui est le seul asile sacré qu'il ait pu se réserver dans les du temple de l'homme. »  (Le Nouvel homme, § 27).

 

b) Nature du culte de l’homme

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Cette « révélation » en quoi consiste cet enseignement enfin dévoilé, correspond à ce que Saint-Martin nomme la « troisième époque », c'est-à-dire le temps où la Vérité, par les bienfaits qu'elle prodigue à l'homme, « l'anime de la même unité, et l'assure de la même immortalité ». Le Philosophe Inconnu, comme il le fit souvent dans ses ouvrages, et qui plus est encouragé par les paroles merveilleuses du Réparateur, s'exprime ouvertement avec son disciple et lui donne, ou, plus exactement, lui confie le secret qui résume toute l'initiation selon l’interne, lui délivrant par delà les siècles - qui de toute manière ne comptent pas du point de vue de l'éternité -, ces précieuses vérités : « Apprend [que ton] Être intellectuel [est] le véritable temple ; que les flambeaux qui le doivent éclairer sont les lumières de la pensée qui l'environnent et le suivent partout ; que le sacrificateur c'est ta confiance dans l'existence nécessaire du Principe de l'ordre de la vie ; c'est cette persuasion brûlante et féconde devant qui la mort et les ténèbres disparaissent ; que les parfums et les offrandes, c'est [ta] prière, c'est [ton] désir et [ton] autel pour le règne de l'exclusive unité. » (Le Tableau naturel, XVII).

 

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« Apprend [que ton] Être intellectuel

[est] le véritable temple ;

que les flambeaux qui le doivent éclairer

sont les lumières de la pensée ….

que le sacrificateur c'est ta confiance

dans l'existence nécessaire du Principe de l'ordre de la vie ;

c'est cette persuasion brûlante et féconde

devant qui la mort et les ténèbres disparaissent ;

que les parfums et les offrandes, c'est [ta] prière,

c'est [ton] désir et [ton] autel

pour le règne de l'exclusive unité. »

 (Le Tableau naturel, XVII).

 

 

Saint-Martin explique ainsi, avec une grande clarté, pourquoi notre Autel est invisible aux yeux matériels, car il est un « Centre profond », l’ultime chambre secrète de l’âme, où nul principe grossier ne pénètre car se tient en ce lieu mystérieux, la sainte « Lumière intérieure », et c’est en cet endroit seulement que Dieu est adoré selon le véritable christianisme : « Ce centre profond ne produit lui-même aucune forme physique ; ce qui m’a fait dire, dans L’Homme de désir ,que l’amour intime  n’avait  point  de  forme,  et  qu’ainsi  nul homme n’avait jamais vu Dieu.» (Saint-Martin, Lettre à Kirchberger, 24 avril 1793).

 

C’est pourquoi insiste Saint-Martin, celui qui tend vers le saint temple, ne veut pas célébrer son culte dans des lieux édifiés par la main de l’homme, mais dans des sanctuaires sacrés que Dieu est venu placer à l’intérieur du cœur de ses créatures. Il recherche des domaines vierges des pensées désorientées de l’humaine nature, afin de faire monter vers le Ciel un encens purifié des constructions arbitraires dont sont remplis, malheureusement, les consciences. L’homme en attente de la régénération, laissera donc agir en son centre l’œuvre de l’Esprit, et acceptera que seule la main du Seigneur puisse se faire l’édificatrice du Sanctuaire : « Le nouvel homme ne veut pas d'un Dieu qui soit ainsi l'ouvrage de ses mains ; voilà pourquoi il n'a d'autre soin, d'autre désir que de laisser agir sur lui la main du Seigneur. Il la sent pénétrer jusque dans l'intérieur de son être. Elle com­mence par réveiller en lui la sensibilité spirituelle par son approche ; elle lui communique une nourriture douce et vivi­fiante, qui flatte son goût et qui répand des parfums délicieux pour son odorat ; ce sont là les premiers sens spirituels qui prennent naissance dans l'homme, par la main de l'Esprit. » (Le Nouvel homme, § 30).

 

Après quoi, lorsque le cœur est édifié en un Sanctuaire invisible, goûtant la douceur de la « sainte Présence », lorsqu’il baigne dans la paisible atmosphère céleste, lorsqu’il est pacifié [2], l’œuvre sainte peut s’opérer de sorte que nous soyons admis comme « sacrificateur de l’Éternel », ce qui correspondra au dévoilement de l’Arche Sainte, après que nous ayons traversé plusieurs déserts et écarté les mains qui, en nous, outrageaint la sainteté de l’ouvrage divin :  « Il faut que cette oeuvre sainte s'opère en nous, pour que nous puissions dire que nous sommes admis au rang des sacrificateurs de l'Eternel. L'arche sainte est en captivité en nous. Des impies qui ne savent pas distinguer la lumière d'avec les ténèbres, retiennent cette arche sainte dans leurs demeures d'iniquité ; ils lui font mille outrages ; ils ne se contentent pas de la mettre en parallèle avec leurs fausses divinités, ils veulent qu'elle soit pour ces fausses divinités un objet de dérision ; ils veulent qu'elle soit leur esclave ; ils veulent qu'elle soit comme rien devant des divinités qui ne sont elles-mêmes que le néant.Il faut que nous arrachions cette arche sainte de ces mains criminelles qui l'outragent ; il faut que nous lui fassions traver­ser les déserts au milieu des peuples armés pour nous attaquer, et la maintenir en leur possession. Il faut que nous la sentions sortir péniblement de dessous les décombres qui l'engloutissent, et traverser le vieil homme, en le faisant crier de douleur, jusqu'à ce qu'elle l'ait dépassé, et qu'elle se soit remise à flot au-dessus de lui. »  (Le Nouvel homme, § 16).

 

 

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« Il faut que cette oeuvre sainte s'opère en nous,

pour que nous puissions dire

que nous sommes admis au rang

des sacrificateurs de l'Éternel. »  

(Le Nouvel homme, § 16).

 

 

III. L’oraison du coeur est le vrai culte « Saint et véritable »

 

Mais, pourront se demander certains, faudra-t-il se livrer à des cérémonies supplémentaires à celles qui se déroulent dans l’interne, est-il nécessaire d’accomplir quelques pratiques sacramentelles externes pour accompagner le dévoilement de l’Arche Sainte en nous ?

Point du tout.

Le culte intérieur est non seulement parfait mais autosuffisant, il possède en lui toutes les vertus, renferme tous les principes nécessaires à l’âme afin d’effectuer le « culte Saint et véritable ».

 

 

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« La seule religion est celle du cœur ».

 

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Il poursuivait ainsi son exposé : « En effet les intelligences n'ont reçu l'être, n'ont été honorées de la révélation des beautés et merveilles divines que pour propager au-dehors ce même culte d'amour. Pour entretenir et cultiver ce don heureux de l'existence dont elles ont été douées, elles devaient donc par amour reverser dans le Verbe tout ce qu'elles ont reçu de lui, comme le Verbe reverse en Dieu son Père tout ce qu'il est en lui-même. Arrêter dans la créature intelligente cet écoulement des beautés divines, lui empêcher d'en rendre un hommage continuel à la cause, Principe de son être, n'était-ce pas suspendre la culture, l'entretien de cette plante divine ? n'était-ce pas la corrompre, la gâter, pervertir sa destination ? Or l'homme, cette plante n'étant plus alors susceptible. de culture, se trouvait nécessairement séparée du principe de sa vie ; elle devait subir un jugement, diminuer de vie ou la perdre. Mais comme elle était indestructible, elle était dans une position complètement opposée à l'état qui devait faire son souverain bonheur, et devenait par conséquent très-malheureuse. Il fallait donc rapprendre à cet être dégradé la culture qui pouvait le faire rentrer dans l'ordre divin. C'est dans ce but qu'il lui fut donné un roi et un prêtre à l'image divine, qui étant lui-même toujours en adoration, put recevoir pour cet être l'hommage qu'il rendrait à son Créateur. Le prier, l'adorer, contempler ses merveilles fut dès lors pour cet être le moyen de communiquer avec la source ineffable de toutes choses

 

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« Ainsi la prière, l'état d'adoration,

de contemplation et de sacrifice

est la base fondamentale sans laquelle

il ne peut y avoir d'union entre l'infini et le fini. »

 

 

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Ainsi, Saint-Martin était tout à fait fondé à pouvoir dire et affirmer, sachant la capacité de la prière intérieure à pouvoir agir comme un authentique culte divin effectué en « esprit et en vérité - bien que notre vigilance se doit d’être constante pour en préserver la pureté contre l’action des agents impurs  -, que dans ces profondeurs mystérieuses, sont cimentés les fondements de l’Église intérieure, et ce par l’unique moyen de notre intime substance, renouvelée et purifiée par Dieu : « C'est dans les plus creuses profondeurs de l’âme humaine, que l'architecte doit venir poser le fondement de l’Église ; et il faut qu'il les cimente avec la ‘‘chair, le sang et la vie’’ de notre verbe, et de tout notre être. Voilà le travail le plus pénible de la régénération ; c'est celui qui porte sur cette intime substance de nous-mêmes. » (Le Nouvel homme, § 12).

 

IV. La célébration de l’institution divine selon l’Église intérieure

Cimenter le fondement de l’Église intérieure, avec la ‘‘chair, le sang et la vie’’ de notre verbe, et de tout notre être, voilà des paroles qui évoquent évidemment le grand mystère de la Cène, le centre du culte chrétien, dont beaucoup pourraient penser qu’il fait cruellement défaut dans la voie selon l’interne.

 

 

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Beaucoup pourraient penser que le mystère de la Cène,

le centre du culte chrétien,

fait cruellement défaut dans la voie selon l’interne.

Or Saint-Martin porte son lecteur

vers une vision entièrement renouvelée du rituel eucharistique,

insistant sur son aspect non matériel.

 


En décrivant la Pâque, et en nous en montrant le sens exact, Saint-Martin porte son lecteur vers une vision entièrement renouvelée du sens du rituel eucharistique, insistant sur son aspect non matériel, montrant qu’il n’est point fondé en son essence véritable sur des substances périssables sujettes à la fermentation et à la corruption, mais sur une nourriture purement céleste, représentant précisément le passage des choses terrestres aux réalités invisibles : « La fête des pains sans levain approche ; cette fête annonce au nouvel homme une nourriture qui n'est point sujette à la fermentation et à la corruption de la matière. Or, comme cette fête se nomme le passage ; et comme c'est au passage de la re­naissance spirituelle que se trouvent les plus grands dangers pour l'âme humaine, c'est aussi le moment de ce passage que choisissent les princes des prêtres et les docteurs de la loi, pour se saisir de la personne du nouvel homme, et où son ennemi s'offre à eux pour le leur livrer moyennant le prix dont ils conviennent ensemble, et qui remplit de joie ces princes des prêtres et les capitaines, parce qu'ils craignent le peuple, et ne peuvent employer que des ruses et des trahisons... (Le Nouvel homme, § 60).

 

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La trahison qui guette le nouvel homme,

n’est autre que le risque d’une méprise radicale du mystère,

en le ramenant tragiquement

vers les reliquats de ce monde de matière.

 

La trahison qui guette le nouvel homme, n’est autre que le risque d’une méprise radicale du mystère, en le ramenant tragiquement vers les reliquats de ce monde de matière, et si le Fils de l’homme indique que l’entrée dans la ville sainte est accompagnée de la rencontre d’un porteur d’eau ayant une cruche, c’est que ce porteur d’eau est le précurseur de la Sainte Alliance dont on ne devient membre que par une purification parfaite, de même que la chambre haute où doit se célébrer la Cène, n’est autre que l’esprit de l’homme, la pensée de l’homme qui n’est point faite d’éléments matériels, mais d’une lumière qui est la vie de l’âme  : « Le nouvel homme n'ignore pas cette trahison qui se trame contre lui, puisqu'il a dit d'avance aux siens : ‘’Vous savez que la Pâque se fait dans deux jours, et que le fils de l'homme sera livré pour être crucifié’’. Mais comme il sait aussi que le com­plément de sa régénération est attaché à ce sacrifice, comme il sait en outre que ce sacrifice doit rendre la vie aux habitants de son propre royaume, il dit à quelques-uns des siens : ‘‘Allez­-nous apprêter ce qu'il faut pour la Pâque. Lorsque vous entre­rez dans la ville, vous rencontrerez un homme portant une cruche d'eau, suivez-le dans la maison où il entrera, et dites au maître de cette maison que le maître vous envoie dire : Où est le lieu où je mangerai la Pâque avec mes disciples ? Et il vous montrera une grande chambre haute toute meublée. Préparez-­nous-y ce qu'il faut.’’Qu'est-ce que c'est que cet homme portant une cruche d'eau ? C'est le précurseur de la sainte alliance qui ne peut se contracter qu'après la purification parfaite. Qu'est-ce que c'est que cette chambre haute où la Pâque doit se célébrer ? C'est la pensée de l'homme qui est revêtue du privilège de se montrer parmi les nations comme la région la plus sublime du temple immortel que l'Esprit Saint s'est proposé d'habiter. Qu'est-ce que c'est que ce maître qui envoie demander où est le lieu où il mangera la Pâque avec ses disciples ? C'est l'esprit du nouvel l’homme lui-même, qui vient visiter l'âme humaine pour lui rendre la vie et la lumière, mais qui sachant que cette âme humaine est un être libre, ne veut habiter chez elle que de son propre consentement, malgré tous les biens et toutes les riches­ses dont il vient la favoriser. » (Le Nouvel homme, § 60).

 

Ainsi, il est nécessaire d’attendre que l’âme de l’homme soit prête pour que se déroule le rituel de la Sainte Alliance, il importe que l’heure advienne où les fruits du sacrifice soient prêts à être partagés et consommés en nous : « Il attend l'heure favorable pour venir opérer dans l'âme ce salutaire sacrifice, parce que son amour pour nous l'a engagé même à s'assujettir à la loi des heures ; mais quand cette heure est arrivée, il se met à table avec nous, et il nous dit : ‘‘J'ai souhaité avec ardeur manger cette Pâque avec vous avant de souffrir ; car je vous déclare que je n'en mangerai plus désor­mais jusqu'à ce qu'elle soit accomplie dans le royaume de Dieu.’’ Parce qu'après la consommation du grand sacrifice du Réparateur, il fallait encore un temps pour la ratification, et pour que les fruits de ce sacrifice parvinssent à leur terme. » (Le Nouvel homme, § 60).

 

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« Alors l'esprit qui est à table avec nous prend le pain,

et ayant rendu grâce, il le rompt en disant :

 ‘‘Ceci est mon corps qui est donné pour vous,

 faites ceci en mémoire de moi.’’ »

(Le Nouvel homme, § 60).

 

Lorsque cette heure est advenue, selon une loi et une marche qui ne nous appartiennent pas, dont nous ne sommes pas les maîtres, mais dont Dieu seul dispose et commande : « Alors l'esprit qui est à table avec nous prend le pain, et ayant rendu grâce, il le rompt en disant : ‘‘Ceci est mon corps qui est donné pour vous, faites ceci en mémoire de moi.’’ Parce que de même que la rupture du pain annonce la rupture de son corps, de même la rupture de son corps annoncera la rupture et les douleurs de son esprit qui daigne abandonner le lieu de sa gloire pour venir habiter dans le séjour de notre misère.Il prend le calice, et ayant rendu grâce, il nous dit : ‘‘Ce calice est la Nouvelle Alliance en mon sang, lequel sera répandu pour vous. Je ne boirai plus désormais de ce fruit de la vigne jusqu'à ce jour où je le boirai de nouveau avec vous dans le royaume de mon Père ; toutes les fois que vous mangerez de ce pain et que vous boirez de cette coupe, vous annoncerez la mort du Seigneur jusqu'à ce qu'il vienne.’’ Parce que le sang de cette coupe, annonce l'effusion du sang matériel du Réparateur, que l'effusion de son sang matériel annonce l'effusion de son sang spirituel, et qu'en même temps cette coupe annonce l'effusion du sang corporel de l'homme pour l'abolition du péché, et l'effusion de son sang spirituel pour sa régénération particulière.C'est pourquoi le nouvel homme n'aurait pas été régénéré si le Réparateur ne s'était pas fait homme, parce que sans cela les voies de notre sang n'auraient jamais été ouvertes, et ce sang n'aurait jamais pu couler, malgré la mort corporelle que nous subissons tous les jours, et malgré tous les massacres de la terre. C'est aussi par ce moyen qu'il a fait de l'âme des hommes un agneau pascal semblable à lui ; et que cet agneau doit être immolé dans chacun d'eux, pour en faire autant de nouveaux hommes, comme il a dû être immolé lui-même pour le renou­vellement, et la régénération de toute l'espèce humaine. » (Le Nouvel homme, § 60).

 

« Consummatum est »

 

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« Il a fallu qu'il se fit chair dans le sein d'une vierge terrestre,

en s'enveloppant de la chair

provenue de la prévarication du premier homme,

puisque c'était de la chair, des éléments, e

t de l'esprit du grand monde qu'il venait nous délivrer.

(...) il ne nous reste plus de ressource,

parce que nous n'avons plus d'autre Dieu à attendre,

ni d'autre libérateur à espérer. »

 

La rupture du pain préfigure, la rupture de l’esprit divin qui vint en ce monde pour nous sauver, et la coupe représente le sang matériel du Réparateur, qui préfigure l’effusion de son sang spirituel qui a transformé, pat l’effet d’une transsubstantiation spirituelle, l’âme de l’homme en une victime sacrificielle, car s’il s’est fait chair, c’est non pas pour la sanctifier ou la spiritualiser, mais pour nous en délivrer, s’il prit le pain et la coupe, c’est pour nous extraire des essences corrompues de ce monde, pour nous porter vers les régions célestes, et non pour nous river en cette vallée passagère pour s’attacher à des formes qui n’avaient pour objet que de nous permettre de dépasser toutes les formes élémentaires, même celles qui ont l’aspect du pain et du vin, et nous en libérer par la puissance d’une immolation qui a tout consommé en nous donnant la certitude que tout est désormais accompli : « Après être devenu principe de vie corporelle, il a fallu qu'il devînt élément terrestre, en s'unissant à la région élémentaire ; et de là il a fallu qu'il se fit chair dans le sein d'une vierge terrestre, en s'enveloppant de la chair provenue de la prévarication du premier homme, puisque c'était de la chair, des éléments, et de l'esprit du grand monde qu'il venait nous délivrer. On voit maintenant pourquoi le sacrifice que le Réparateur a fait ainsi dans tous les degrés, depuis la hauteur d'où nous étions tombés, a dû se trouver approprié à tous nos besoins et à toutes nos douleurs. Aussi c'est le seul sacrifice qui ait été terminé par ces paroles à la fois consolantes et terribles, ‘‘consummatum est’’ ; consolantes par la certitude qu'elles nous donnent que l'œuvre est accomplie, et que nos ennemis seront sous nos pieds, toutes les fois que nous voudrons marcher sur les traces de celui qui les a vaincus ; terribles, en ce que si nous les rendons vaines et nulles pour nous par notre ingratitude et notre tiédeur, il ne nous reste plus de ressource, parce que nous n'avons plus d'autre Dieu à attendre, ni d'autre libérateur à espérer. » (Le Ministère de l’homme-esprit, IIe Partie, « De l’homme »).

 

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S’il s’est fait chair,

c’est non pas pour la sanctifier ou la spiritualiser,

 mais pour nous en délivrer ;

 s’il prit le pain et la coupe,

c’est pour nous extraire des essences corrompues de ce monde,

pour nous porter vers les régions célestes,

et non pour s’attacher à des formes

qui n’avaient pour objet que de nous permettre

 de dépasser toutes les formes élémentaires,

même celles qui ont l’aspect du « pain » et du « vin ».

 

 

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« Le Verbe s'est fait chair, pour nous

délivrer de la chair et du sang. »

(L’Homme de désir, § 171).

 

 

Il est fini, révolu, dépassé, le temps où il fallait utiliser des victimes animales pour nous laver de nos souillures, de même qu’il est achevé, pour toujours, celui où la médiation par des formes matérielles était imposée à l’homme pour célébrer son culte. Aujourd’hui nous vivons sous l’unique règle qui s’exprime par ces mots : « Consummatum est » : « Ce n'est plus le temps où nous puissions expier nos fautes, et nous laver de nos souillures par l'immolation des victimes animales, puisqu'il a chassé lui-même du temple les moutons, les bœufs et les colombes. Ce n'est plus le temps où des prophètes doivent venir nous ouvrir les sentiers de l'esprit, puisqu'ils ont laissé ces sentiers ouverts pour nous, et que cet esprit veille sans cesse sur nous (…) Consummatum est. Nous n'avons plus désormais d'autre œuvre ni d'autre tâche, que de nous efforcer d'entrer dans cette consommation, et d'éloigner de nous tout ce qui peut nous empêcher d'en retirer tous les avantages. » (Le Ministère de l’homme-esprit, IIe Partie, « De l’homme »).

 

V.  L'idée et le mot de « chair et de sang » doivent être abolis

 

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Saint-Martin considère qu’il importe de libérer

 le rite eucharistique des régions élémentaires

qui en ont corrompu le sens,

et lui redonner sa dimension authentique

qui fut et doit demeurer purement céleste,

car cette commémoration du divin Sacrifice

doit s’opérer comme le Réparateur en a fait la demande :

« en esprit et en vérité ». [4]

 

L’immense sublimité du sacrifice du Divin Réparateur, bien évidemment montre que le mal a été vaincu, ce en en quoi il apparaît de façon claire qu’il n’est pas un « Principe », et situe cet acte magnifique bien au-dessus de tout ce qui, précédemment, dans l’ordre des sacrifices, avait été institué au cours des âges pour la purification des hommes, et qui ne pouvait que fatalement aller en dégénérant de plus en plus, faute d’être en mesure de libérer les créatures des affres de la mort spirituelle qui était le triste lot commun de toutes les générations depuis Adam, jusqu’à être inévitablement aboli car devenu inutile : « Enfin, il est aisé de sentir combien le sacrifice du Réparateur a dû l'emporter sur tous ceux qui l'avaient précédé, puisqu'il fallait transposer jusque dans l'abîme le prince même de l'iniquité qui régnait sur l'homme, et qu'il n'y avait qu'au chef suprême et divin de la lumière, de la force et de la puissance qu'une pareille victoire pût être réservée. Il n'est pas inutile d'observer ici en passant que les sacrifices sanglants des Juifs ont continué cependant depuis ce grand sacrifice jusqu'à la ruine de leur ville ; mais depuis longtemps ils n'en possédaient plus que la forme ; l'esprit s'en était perdu pour eux ; il s'éloigna encore davantage depuis l'immolation de la victime divine. Voilà pourquoi ils ne pouvaient plus aller qu'en dégénérant, et cette période, à la fin de laquelle la grande vengeance éclata sur ce peuple criminel, montre à la fois la cessation de l'action protectrice de l'esprit qui les abandonnait, et les terribles effets de la justice que l'esprit vengeur exerçait sur eux ; rigoureux arrêt, qui n'aurait pas pu s'exécuter dans le moment de l'action réparatrice du Régénérateur, puisqu'il n'était venu opérer que l'œuvre de l'amour et de la clémence. » (Le Ministère de l’homme-esprit, IIe Partie, « De l’homme »).

C’est pourquoi, insiste Saint-Martin, il importe de libérer ce rite eucharistique des régions élémentaires qui en ont corrompu le sens, et lui redonner sa dimension réelle et authentique qui fut et doit demeurer purement céleste, sachant que cette commémoration du divin Sacrifice doit s’opérer, comme le Réparateur en avait fait la demande, « en esprit et en vérité » afin que les signes sacrés nous permettent d’accéder à « l’élément pur » qui est uni à l’Esprit, lui-même l’étant à la Parole, et cette dernière à la « Source primitive et éternelle ».

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« Le sang est le sépulcre de l'homme,

et il lui faut nécessairement en être délivré

pour faire le premier pas dans la grande ligne de la vie »

 

Et si jamais la confusion nous conduit à confondre l’institution humaine de ce rite, avec l’œuvre qui est à opérer en nous, alors le risque est fort grand malheureusement, de se mettre à grande distance de l’esprit véritable qui préside à la célébration de la Pâque, et finalement nous empêcher que s’accomplisse la régénération de notre être afin qu’il parvienne à l’élément pur, au corps primitif immatériel que nous avions avant notre dégradation, qui nous fit dégénérer en une substance corrompue et impure dans laquelle nous sommes emprisonnés de par la faute d’Adam,  notre père selon la chair : « Si l'on ne s'élève pas à cette sublime unité qui veut tout embrasser par notre pensée ; si l'on confond l'institution avec l'œuvre que nous devons opérer sur nous-mêmes ; et enfin, si l'on confond le terme avec le moyen, le subsidiaire avec ce qui est de rigueur, on est bien loin de remplir l'esprit de l'institution elle-même. Car il veut, cet esprit, que nous annoncions la mort du Christ à nos iniquités, pour les chasser loin de nous ; aux hommes de Dieu de tous les âges, pour qu'ils soient présents activement dans notre œuvre ; à la Divinité, pour lui rappeler que nous sommes rachetés à la vie, puisqu'elle a mis elle-même son sceau et son caractère dans le libérateur qu'elle a choisi ; enfin, il veut que nous annoncions universellement cette mort à l'ennemi, pour le faire fuir de notre être, puisque tel a été l'objet de la mort corporelle du réparateur. Or, l'institution de la Cène ne nous est donnée que pour nous aider à travailler efficacement à cette œuvre vive que nous devons opérer tous en notre particulier. Car, c'est dans cette œuvre vive que toutes les transpositions disparaissent par rapport à nous, que chaque chose rentre dans le rang qui lui est propre, et que nous recouvrons cet élément pur ou ce corps primitif qui ne peut nous être rendu qu'autant que nous redevenons images de Dieu, parce que la vraie image de Dieu ne peut habiter que dans un pareil corps. » (Ibid.).

 

L’avertissement solennel de Saint-Martin, qu’il délivre en une courte phrase, mais ô combien essentielle, devrait nous servir de viatique dans notre rapport à l’institution de la Cène et la forme que doit prendre sa célébration : « Le sang est le sépulcre de l'homme, et il lui faut nécessairement en être délivré pour faire le premier pas dans la grande ligne de la vie », ceci signifiant, que dans le cadre du culte divin, le sacrifice essentiel qui doit être offert, c’est celui de la volonté propre, de sorte que s’ouvre le cœur aux rayons de la lumière intérieure et qu’il puisse, en s’éloignant des vestiges matériels qui sont notre « sépulcre », célébrer le vrai culte divin qui réunit en une seule unité transcendante, la vie de l’homme à la vie de Dieu [5].

 

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 « Ma tâche dans ce monde

a été de conduire l’esprit de l’homme

par une voie naturelle aux choses surnaturelles

qui lui appartiennent de droit,

mais dont il a perdu totalement l’idée,

soit par sa dégradation,

soit par l’instruction fausse de ses instituteurs….

Cette tâche est neuve, mais elle est remplie de nombreux obstacles ;

et elle est si lente que ce ne sera qu’après ma mort

qu’elle produira les plus beaux fruits. »

(Portrait, § 1135).

 

VI. Le culte de la véritable Église de l’Éternel

 

Saint-Martin situait son action et son rôle dans un ordre qu’il convient de bien conserver en mémoire chaque fois que l’on aborde sa pensée et ses écrits. Il en fit allusion explicitement, à plusieurs occasions, et résuma ainsi ce qu’il considérait avoir été sa « tâche en ce monde » : « Ma tâche dans ce monde a été de conduire l’esprit de l’homme par une voie naturelle aux choses surnaturelles qui lui appartiennent de droit, mais dont il a perdu totalement l’idée, soit par sa dégradation, soit par l’instruction fausse de ses instituteurs. Cette tâche est neuve, mais elle est remplie de nombreux obstacles ; et elle est si lente que ce ne sera qu’après ma mort qu’elle produira les plus beaux fruits. » (Portrait, § 1135).

Il est donc pour cela nécessaire, pacifiquement et intérieurement, de contourner la soumission au ministère ecclésial, de se libérer de l’autorité de ceux qui ne perçoivent pas ce que recèle comme lumière, en son essence la plus profonde, la religion dont ils font profession d’appartenir, et surtout ne pas confondre, car le piège existe bel et bien dans lequel nombreux sont tombés, les trésors magnifiques et sublimes mystères de cette religion, avec les hommes qui prétendent en être les administrateurs : «Ces hommes qui professent une religion de paix et de charité, croient servir Dieu par l’ingratitude et par des jugements si cruels et si précipités ! Encore fallait-il juger les faits, et d’examiner cette voie particulière dont vous me parlez, et que vous me donnez, je vous l’avoue, grande envie de connaître. Je ne leur en veux point reprit Eléazar, j’ai appris par mes propres faiblesses à excuser celles de mes semblables. J’en veux encore moins à la religion qu’ils professent. Si on la croit au-dessus des lumières et des faibles pouvoirs des hommes, je la crois encore plus au-dessus de leur ignorance et de leur dépravation, en la considérant dans la pureté et la lucidité de son éternelle source, à part de tout ce que le fanatisme et la mauvaise foi y ont introduit, et de toutes les abominations que des montres  ont opérées sous son nom. » [6]

Il ne s’agissait pas pour Saint-Martin de travailler à abattre l’Église visible et abolir son culte, bien évidemment, il reconnaissait même à l’institution une certaine valeur et une place nécessaire pour les « faibles », dont les sens peuvent être « fixés » par les pompes liturgiques, comme pour les âmes fortes qui y trouvent, si elles arrivent à faire l’impasse sur les bassesses et la misère des hommes, l’expression des plus hautes révélations.

 

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« Si vous êtes averti sur les péchés de l’homme, sur ses suites

et sur l’incommensurable renfort que le cœur de Dieu vous a apporté,

vous avez réellement tout ce qu’il faut pour faire votre chemin.

Notre vie temporelle, en effet, est courte et incertaine ;

mais notre vie spirituelle est éternelle

et nous pouvons la commencer dès ce monde-ci

en nous remplissant des lumières divines et des vertus de notre principe... »

(Saint-Martin, lettre à Kirchberger, le 10 mai 1797).

 

 

Il rappelait à Kirchberger,  dans leurs ultimes courriers, que si l’existence en ce monde est courte, la vie spirituelle en revanche nous attend au Ciel pour l’éternité, faisant que rien ne nous manque afin que, dès ici-bas, nous puissions entrer sans tarder dans la participation à la vie divine à laquelle nous sommes appelés, et destinés pour toujours, et, ne l’oublions jamais, depuis toujours : « Si vous êtes averti sur les péchés de l’homme, sur ses suites et sur l’incommensurable renfort que le cœur de Dieu vous a apporté, vous avez réellement tout ce qu’il faut pour faire votre chemin. Notre vie temporelle, en effet, est courte et incertaine ; mais notre vie spirituelle est éternelle et nous pouvons la commencer dès ce monde-ci en nous remplissant des lumières divines et des vertus de notre principe, en les puisant journellement les uns et les autres  dans  l’intarissable  source  qui  s’est  ouverte  dès l’instant du crime, et qui, depuis lors, n’a cessé de couler avec toute son abondance dans nos âmes et dans nos esprits. » (Saint-Martin, lettre à Kirchberger, le 10 mai 1797).

 

Conclusion

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Nous savons donc à présent, ce qu’est la véritable Église de l’Éternel qui a son séjour dans le cœur de l’homme, quel est le sacerdoce que l’on y reçoit, comment on doit y célébrer le culte divin, de quelle manière Dieu nous y confère les onctions et les ordinations, et y déverse, en silence et dans le plus profond secret, sa sainte Grâce.

Reste, pour nous, à nous mettre sur le chemin qui mène précisément à Dieu en nous extrayant des régions de la matière, en nous libérant, définitivement, du sang et de la chair et de leurs vestiges figuratifs dégradés ; et pour cela une simple action suffit, mais encore faut-il la prendre très au sérieux :

 

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« [J’ai] le  sentiment profond qu’il faut nous déterrestréisecomplètement,

si nous voulons parvenir à dire à Dieu :

Habitavit in nobis, Amen. » [7]

 

 

Extraits de :

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Éditions la Pierre Philosophale, 552 pages.

 

 

  

Notes.

 

1. On se rappelle évidemment le jugement sévère de Saint-Martin : « Quand on voit les célébrants dans les églises consumer leur temps et toute leur virtualité à des cérémonies externes et impuissantes et retarder ainsi l'esprit de l'homme qui se dessèche en attendant une nourriture substantielle, on est affligé jusqu'au fond du coeur, et on est tenté d'appliquer là le passage de l'Evangile où un aveugle conduit l'autre, et où ils tombent tous les deux dans le fossé. » (Portait, § 731).

2. La pacification du cœur, est un  point sur lequel insistent constamment les auteurs spirituels, car cetteanges,christianisme,culture,doctrine,élus coëns,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,littérature,livres,martinésisme,martinisme,métaphysique,mystique,occultisme,pensée,philosophie,religion,spiritualité,théologie,théosophie,t « pacification » conditionne notre possible avancement vers le trône divin, et surtout permet à Dieu de venir faire son habitation en nous : « Pacifier ce sanctuaire de votre cœur devrait donc être votre exercice principal, et perpétuel, afin que le souverain Roi puisse en faire Sa demeure. La paix profonde consiste à entrer en vous-mêmes par le recueillement intérieur. Toute votre protection se trouve dans la prière  et le recueillement d'amour en la Présence divine. Ainsi donc, quand vous vous retrouvez brusquement assailli, retirez-vous dans cet asile de paix là où vous trouverez la forteresse. Quand votre coeur est plus craintif, dirigez-vous dans ce refuge de prière, la seule armure qui puisse vaincre l'ennemi, et atténuer les tribulations ; dans la tempête vous ne devrez pas vous en éloigner, pour qu'à la fin, tel un autre Noé, vous puissiez expérimenter la tranquillité, la sécurité et la sérénité; et qu'à la fin  votre volonté puisse être résignée, dévouée, paisible et courageuse. Finalement, ne soyez pas découragés ni affligés de voir votre coeur troublé. Il revient pour vous apaiser, pour vous raviver à nouveaux, car ce Seigneur Divin sera seulement avec vous, pour se reposer dans votre âme, et y former un riche trône de paix ; pour qu'à l'intérieur de votre coeur, par le recueillement intérieur, et qu'avec Sa Divine Grâce, vous puissiez voir le silence dans le tumulte, la solitude dans la compagnie, la lumière dans les ténèbres, l'oubli dans les pressions, la vigueur dans le découragement, le courage dans la peur, la résistance dans la tentation, la paix dans la guerre, et le silence dans la tribulation. » (M. Molinos, Le Guide spirituel, « Pour dégager l'Ame des Objets Sensibles et pour la conduire par le Chemin intérieur à la Contemplation parfaite et à la Paix intérieure », Liv. I., ch. I., 1688). Nous ne citons pas, bien évidemment, Miguel Molinos (1628-1696) pour une raison indifférente, sachant la place et le rôle que joua le spirituel espagnol dans le cadre de la querelle sur le quiétisme au XVIIe siècle, au point d’avoir créé, suite aux condamnations romaines imposées par le pouvoir politique de par la place prise par ces sujets en France à l’époque de Bossuet et Fénelon, un  climat de profonde et malheureuse suspicion à l’égard de la pratique de l’oraison passive, et plus généralement de toutes les thématiques propres au mysticisme (abandon, délaissement, indifférence, annihilation, anéantissement, pur amour, etc.). Le directeur spirituel de Madame Guyon,  Jacques Bertot (1620-1681), qui fut disciple de Benoît de Canfeld (1562-1610), nous révèle au sujet de la paix du cœur, qu’elle précède le dernier état d’anéantissement dans la vie intérieure de l’âme :«  Le dernier état d’anéantissement de la vie intérieure est pour l’ordinaire précédé d’une paix et d’un repos de l’âme dans son fond, qui peu à peu se perd et s’anéantit, allant toujours en diminuant, jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien de sensible et de perceptible de Dieu en elle. Au contraire elle reste et demeure dans une grande nudité et pauvreté intérieure, n’ayant que la seule foi toute nue, ne sentant plus rien de sensible et de perceptible de Dieu, c’est-à-dire des témoignages sensibles de Sa présence et de Ses divines opérations, et ne jouissant plus de la paix sensible dont elle jouissait auparavant dans son fond ; mais elle porte une disposition qui est très simple, et jouit d’une très grande tranquillité et sérénité d’esprit, qui est si grande que l’esprit est devenu comme un ciel serein. … Dans cet état ces âmes vivent toujours à l’abandon et étant abandonnées d’état et de volonté à la conduite de Dieu sur elles, pour faire d’elles et en elles tout ce qu’Il voudra pour le temps et pour l’éternité … Enfin dans cet état ces âmes jouissent d’une grande liberté d’esprit, non seulement pour lire et pour écrire, mais aussi pour parler dans l’ordre de la volonté de Dieu. » (J. Bertot, De l’état d’anéantissement parfait en nudité entière, où l’âme est et vit en Dieu, au-dessus de tout le sensible et perceptible, in Le Directeur Mystique, 1726).

3.Gaston de Renty (1611-1649), haute figure de la spiritualité mystique au XVIIe siècle, explique de façon simple et claire, comment pratiquer l’oraison du cœur : « Cette Oraison d'affection est un entretien familier et affectueux de l'âme avec Notre-Seigneur, sans discours, ou en fort peu de paroles ; c'est une communication sincère avec Dieu présent et résidant dans l'intérieur, où l'âme quittant les considérations et les recherches, à la seule pensée et à la simple souvenance de Dieu, s'emporte vers lui, et s'allume dans des affections de louange, de bénédiction , d'adoration, de glorification, d'action de grâces, d'offre, de demande, et par-dessus tout de charité, comme de la reine de toutes les vertus, qui est la plus agréable et la plus glorieuse à Dieu et la plus méritoire à l'homme, et qui lui donne le plus de force pour surmonter les difficultés et pour pratiquer les bonnes oeuvres, et qui l'unit plus intimement et plus parfaitement à Dieu. (…) Cette oraison n’est point par raisonnement ni par recherche, mais par un loyal amour qui tend toujours à donner plutôt qu’à recevoir. L’obscurité de la foi est à l’âme plus certaine que toutes les lumières qu’elle peut avoir, et dont elle doit user avec respect et action de grâce et non par complaisance ni par attache; il n’y a point là de bandement d’esprit. Cette oraison ne fait point mal à la tête, c’est un état de présence modeste dans laquelle on se tient devant Dieu, attendant de son esprit ce qu’il lui plaira de mettre en nous, que nous recevons en simplicité et confiance, comme s’il nous parlait. » (J.-B. Saint-Jure, La Vie de M. de Renty, : ou, modèle du parfait chrétien, Librairie Catholique de Périsse Frères, 1852,pp. 300-302).

 

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 Marguerite du Saint-Sacrement (1619-1648),

fondatrice de l’Association de la dévotion à la Sainte Enfance de Jésus

 

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4. Ceci nous amène à formuler une réelle réserve, quoique amicalement et sans animosité aucune, mêmeanges,christianisme,culture,doctrine,élus coëns,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,littérature,livres,martinésisme,martinisme,métaphysique,mystique,occultisme,pensée,philosophie,religion,spiritualité,théologie,théosophie,t s’il nous semble nécessaire que cela soit souligné, à propos de ceux qui furent à l’initiative – et la perpétuent – de faire dire « une messe » (sic) à la mémoire ou à « l’intention » du Philosophe Inconnu chaque année au mois d’octobre à la date anniversaire de sa naissance au Ciel, sachant les positions plus que critiques de Saint-Martin à l’égard du culte divin « ostensible » utilisant des espèces matérielles et des objets liturgiques fabriqués par la main de l’homme, initiative curieuse donc, qui, si elle participe sans doute d’une pieuse intention, relève cependant, au minimum, d’un évident oubli ou, plus certainement, d’une patente méconnaissance de la véritable perspective saint-martiniste et, objectivement, d’un éloignement manifeste d’avec les analyses, pourtant clairement exprimées par le théosophe d’Amboise, portant sur le caractère profondément discutable de la religion institutionnelle, et le peu de valeur des cérémonies célébrées par l’Église, notamment le rituel eucharistique. Cette remarque nous permet également, et on en comprendra aisément le sens, de signaler notre identique jugement réservé, même si nous en savons l’usage souvent ancien qui fit même l'objet d'un Traité en 1911, renouvelé en 1968 (cf. L'Initiation, août 1911 ; 1967, n° 3-4), devant les différentes « églises » (sic), liées à l'Ordre martiniste, en particulier les multiples rameaux contemporains issus de l'Église Gnostique Universelle de Jules Doinel (1842-1902) - ceci précisé sans nous prononcer bien évidemment sur l’éventuelle validité des transmissions et ordinations dont ces structures néo-ecclésiales relèvent, ce qui est un autre sujet -, prospérant à l’immédiate périphérie du réveil papusien.

5. On pourra trouver extrêmement osé, et il y a de quoi d’un certain point de vue, pour le catholique qu’était et demeura Saint-Martin qui, ne l’oublions pas, ne jugea jamais utile de s’éloigner sa confession, du moins officiellement, de trouver sous sa plume des thèses sur l’eucharistie que ne renieraient pas les réformés, en particulier les calvinistes les plus radicaux. C’est pourtant ne pas se souvenir que des courants très voisins des idées que put soutenir le Philosophe Inconnu, oeuvrèrent également aux XVIIe et XVIIIe siècles au sein même de l’Église de Rome, à la mise en place de réformes liturgiques, afin de rendre le culte divin plus conforme avec son esprit originel, tel qu’il s’était conservé dans l’Église primitive lors des premiers siècles, en insistant sur l’aspect intérieur du rituel eucharistique.

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Mgr Dominique-Marie Varlet (1678-1742),

à l’origine de l’Église « vieille-catholique » d’Utrecht.

 

C’est à ce but, que travailla par exemple Mgr Dominique-Marie Varlet (1678-1742), à l'origine du schisme d’avec l'Église catholique romaine qui aboutira à la création aux Pays-Bas de l’Eglise vieille catholique d’Utrecht. En effet Varlet, qui avait grandi à Paris, près du mont Valérien, là où se trouvait une communauté janséniste du nom de « Prêtres du Calvaire », après son doctorat en théologie à la Sorbonne et son ordination presbytérale en 1706, exerça son ministère dans les paroisses aux alentours de Paris, là où, précisément, il développa une vision novatrice de la liturgie eucharistique, notamment en s’unissant dans ses célébrations, chose extrêmement audacieuse pour l’époque, avec le pasteur réformé de la paroisse d’Asnières, proposant un « culte » dans lequel l’homélie et la prière intérieure prirent une place tout à fait significative. C’est ce qui lui vaudra les foudres de sa hiérarchie, le contraignant à se rapprocher du séminaire des Missions étrangères à Paris, décidant finalement, afin de poursuivre son œuvre toute consacrée au salut des âmes, de partir évangéliser les indiens d’Amérique. Ainsi, s’embarquant à la Rochelle, et après un passage aux Antilles, il arriva en Louisiane le 6 juin 1713, avec pour mandat ecclésial de « restaurer la mission des indiens Tamarôas ». Ce que fit alors Varlet, marqué par ses expériences liturgiques parisiennes, est proprement prodigieux, comme le rapporte sa correspondance, puisque de 1713 à 1718, il évangélisa la Nouvelle-France, des rives du Mississipi en remontant vers l’Illinois, longeant les grands lacs Huron et Erié, doublant les chutes du Niagara et suivant le Saint Laurent jusqu’au Québec, vivant avec les Tamarôas, apprenant la langue des tribus iroquoises et algonquines dont il partagea l’existence, allant jusqu’à s’adapter à leur mode de vie semi-nomade, habitant sous un tipi en forêt, et surtout, car c’est là le point qui importe pour notre sujet, célébrant des offices « en esprit et en vérité », sans aucun décorum d’aucune sorte, expliquant aux populations indigènes comment prier et s’adresser directement au Christ sans intermédiaire par l’exercice de la prière, leur disant, en insistant tout particulièrement sur ce point, que c’est ce en quoi consistent le véritable culte chrétien et l’authentique mystère sacré du christianisme, qui doivent rayonner à travers le cœur de l’homme. Il faut d’ailleurs savoir, à ce sujet, car on l’ignore le plus souvent, que la forme de cet apostolat fut possible, grâce à Monseigneur Jean-Baptiste La Croix de Chevrières de Saint-Vallier (1653-1727), évêque de l’Église de Québec, puisque La Croix de Saint-Vallier, né à Grenoble, ancien élève de la Faculté de Paris, avait baigné dans l’atmosphère des principes augustiniens dispensés par l’évêque de Grenoble, Mgr Le Camus (1632-1707), qui fut l’un des opposants les plus résolus à la bulle Unigenitus. C’est pourquoi, toutes les leçons acquises de l’expérience pastorale de Varlet à Paris, purent être mises en pratique au Canada, et c’est cette sensibilité, tournée vers le plus grand dépouillement et l’extrême simplicité allant jusqu’à la nudité même de l’esprit - objet constant de l’œuvre de Varlet en tant que sensibilité ayant pris naissance dès les premiers temps de son ministère -, qui obtint de si beaux fruits sur le plan spirituel, comme le rappelle son biographe : « Avec Jacques Jubé, le pasteur de la paroisse d’Asnières, Varlet a travaillé à un aggiornamento de la liturgie (…) Cette liturgie mérite qu’on s’y attarde tant elle innove pour l’époque. D’abord, on pourrait croire à l’influence de la Réforme : le prêtre entrait dans l’église par une procession qui mettait en lumière le livre de la Parole de Dieu et il ne montait à l’autel que pour l’offertoire. Toute la première partie de la messe se célébrait dans le choeur et attachait une grande importance à l’homélie qui devait consister en un approfondissement des Écritures. Ensuite, pour ce qui est de l’offertoire, on en donnait une interprétation qui se rapprochait de celle de la grande prière juive du « pater familias », la berakoth. » (Serge A. Thériault, Dominique-Marie Varlet, lettres du Canada et de la Louisiane (1713-1724), Contribution à l’étude de l’œuvre d’un ancien vicaire général du diocèse de Québec qui est à l’origine de l’Église vieille-catholique d’Utrecht, Presses de l’Université du Québec, 1985, pp. 20-21). Rajoutons, pour essayer d’être complet sur cette question, qu’on sait aussi que La Croix de Saint-Vallier avait été en rapports avec l’évêque d’Alet, Nicolas Pavillon, dont le nom fut également associé à la querelle janséniste. D’ailleurs, le premier rituel de Québec sera fortement inspiré de celui d’Alet qui contenait textuellement, de nombreuses propositions qui furent condamnées par l’Église, rituel, que l’opinion commune attribue à Arnauld et à Barcos, soutenant, selon le bref de Rome : « des doctrines et des propositions fausses, singulières, dangereuses et erronées dans la pratique, contraires à la coutume communément reçue dans l’Église.» (Bref Credita Nobis, 9 avril 1668).

*

La suite de l’histoire de Dominique-Marie Varlet est un peu plus connue. Rappelé en France par sa hiérarchie en 1718, dès son arrivée à Paris, ses supérieurs lui apprennent qu’il est nommé évêque coadjuteur de l’évêque de Babylone. Avant de se rendre en Perse, il est cependant consacré évêque le 19 février 1719 dans la chapelle des Missions étrangères, puis se met en route le 18 mars suivant. Sur son chemin, celui qui est désormais Mgr Varlet, s’arrête à Amsterdam où il rencontre une population dépourvue des sacrements, notamment celui de la confirmation, de par la vacance du siège épiscopal d’Utrecht en raison d’un conflit de l’Église locale avec Rome. Sensible au désarroi spirituel dont il est témoin, Varlet, comme toujours et selon son ardent amour des âmes, dans un souci de charité, procède à la célébration des confirmations dans la cathédrale. Il repart, et arrive, après un très long voyage, en Perse s’établissant à Shamaké. Pourtant, le 26 mars 1720, il est informé qu’à Rome, la Congrégation de la propagande  l’a suspendu de sa charge depuis le 7 mai 1719, en sanction de son geste charitable envers les fidèles de l’Église d’Utrecht, et également, de ce qu’il ait fait en sorte, de ne pas souscrire à la bulle Unigenitus avant son départ de Paris. Varlet revient à Amsterdam, tente de faire annuler sa suspense, se rend de nouveau à Paris, confirme cette fois-ci ouvertement aux autorités, qu’il refuse de signer la bulle Unigenitus,  et retourne à Amstermdam où le 15 octobre 1724, allant au bout de sa démarche, il  consacre en sa chapelle privée, Corneille Steenoven, l’archevêque qui avait été élu par le chapitre d’Utrecht, mais que Rome refusait. Le 22 février 1725, par le bref Qua sollicitudine, le pape Benoît XIII prononçait l’excommunication de Mgr Varlet et de tous ceux qui étaient impliqués dans l’élection et le sacre de l’archevêque d’Utrecht. Ce dernier décédant, le 3 avril, Mgr Varlet, à présent excommunié, et dont on voit en cela la détermination à conférer sa transmission épiscopale de sorte que se constitue une transmission d’Église selon ses vœux théologiques et pastoraux, consacrait un nouvel archevêque, Corneille Jean Barchman Wuytiers, le 30 septembre, en l’église Saint-Jacques et Saint-Augustin de La Haye. En 1733, Mgr Corneille Jean Barchman Wuytiers mourrait à son tour, amenant Mgr Varlet à consacrer en 1734, le 28 octobre, Thodore van der Croon, comme nouvel archevêque d’Utrecht, qui lui-même décédait cinq ans plus tard en 1739, faisant que Varlet, une fois encore, le 18 octobre de cette même année, consacrait Pierre Jean Meindaerts, qui finalement sera à l’origine de la succession apostolique de Varlet dite de l’Église « vieille-catholique » d’Utrecht. Dominique-Marie Varlet, quant à lui, rejoindra le Ciel le 14 mai 1742 à Rijnwijk, et fut  Inhumé dans le cloître de l’église Sainte-Marie d’Utrecht. Le « Testament spirituel de Mgr Dominique-Marie Varlet, évêque de Babylone », qui résumait les raisons de son action, fut publié dans le bulletin janséniste, les Nouvelles ecclésiastiques, à Paris, le 25 novembre 1742.

*

Nous ne saurions laisser le très attachant Dominique-Marie Varlet, sans citer un extrait d’une lettreanges,christianisme,culture,doctrine,élus coëns,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,littérature,livres,martinésisme,martinisme,métaphysique,mystique,occultisme,pensée,philosophie,religion,spiritualité,théologie,théosophie,t inédite, que lui avait fait parvenir son évêque, du temps de son œuvre pastorale en Nouvelle-France. Voici ce que lui disait son pasteur : « Comptez beaucoup plus sur la force des prières que vous offrez à Dieu pour la conversion de ce peuple aveugle. Ainsi, vous ne sauriez trop travailler à les rendre purs et fervents par une grande union avec Dieu. (…) Ce n’est point par la force que vous vaincrez la jonglerie...[le paganisme], mais par la patience, par l’oraison et par de persévérantes exhortations. Vous gagnez leur coeur en sorte qu’ils vous aiment et estiment la prière. Le reste dépend de Dieu et viendra avec le temps. (…) Je bénis Dieu de s’être voulu servir de vous pour la conversion et la sanctification de tant d’âmes abandonnées. N’oubliez point, dans vos prières et saints sacrifices, un évêque qui vous honorera, non pas seulement jusqu’à la mort, et qui vous assure de tout le respect que vous méritez et avec lequel je suis, autant qu’on le peut être, votre très humble et très obéissant serviteur. »  (Jean, [La Croix de Saint-Vallier], évêque de Québec,le 20 juillet 1719).

 

6. Le Crocodile, ch. 23, « Entrevue d’Eléazar et de Sédir, Doctrine d’Eléazar », an VII de la République, 1799.

7. anges,christianisme,culture,doctrine,élus coëns,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,littérature,livres,martinésisme,martinisme,métaphysique,mystique,occultisme,pensée,philosophie,religion,spiritualité,théologie,théosophie,tLe néologisme « déterrestréiser », ici employé par Saint-Martin, n’est sans doute pas étranger à sa fréquentation de la langue de Jacob Boehme, ce dernier étant coutumier de ces formulations originales, mais surtout, dont la thématique de l’éloignement de la vie temporelle terrestre, était également une des caractéristiques fondamentales de sa pensée, nous contentant de ce fait, de citer un passage témoignant d’une identique analyse, traduit justement par le Philosophe Inconnu : « Nous sommes comme dans une hôtellerie étrangère, dans laquelle nous ne sommes point chez nous, mais seulement comme des pèlerins. Là, nous devons toujours nous attendre, dans une grande souffrance, à ce que notre hôte étranger nous chasse, et nous dérobe nos propriétés, nos œuvres et les fruits de notre industries (...) nous devons sans cesse présumer que le destructeur va venir et porter le ravage dans notre cœur, dans notre esprit, et dans nos vertus, ainsi que nous dépouiller de notre chair, de notre sang, et de nos biens. Alors, il nous est vraiment utile d'apprendre à connaître et à savoir le chemin de notre vraie patrie, afin que nous puissions éviter ces grandes et douloureuses misères, et entrer dans l'éternelle hôtellerie qui est notre propriété, et dont personne ne peut nous chasser. » (De Tribus Principiis,[Des trois principes de l’essence divine, ou de l’éternel engendrement sans origine], XX, 2.).

 

 

vendredi, 15 février 2013

La Clé d’or de l’illuminisme mystique

Christianisme transcendant et Eglise intérieure

selon la doctrine de l'initiation

 

Jean-Marc Vivenza

 

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« L'Eglise intérieure naquit tout de suite après la chute de l'homme,

et reçut de Dieu immédiatement la révélation des moyens par lesquels

l'espèce humaine tombée

sera réintégrée en sa dignité, et délivrée de sa misère.

Elle reçut le dépôt primitif de toutes les révélations et mystères;  

elle reçut la clef de la vraie science, aussi bien divine que naturelle. » 

K. von Eckhartshausen, La Nuée sur le Sanctuaire, 1802.

   


doctrine,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,métaphysique,martinisme,mystique,occultisme,réflexion,religion,spiritualité,théosophie,théologieDès le XVIIIe siècle, quelques maçons issus du courant illuministe, au moment où les loges se multipliaient en Europe, furent convaincus que la franc-maçonnerie relevait d’un rameau initiatique original participant de mystères portant sur la nature, le monde les êtres et les choses, mystères touchant jusqu’à la religion elle-même et ce qu’elle représente.

 

Leur conviction, était que le christianisme fut avant tout, et demeure, une authentique initiation. Ce discours se répandit auprès de nombreux esprits, et beaucoup adhérèrent à cette idée qui devint une sorte de vision commune pour tous ceux qui aspiraient à une compréhension plus intérieure, plus sensible et subtile, de vérités que l’Eglise imposait par autorité, voir qu’elle avait tout simplement oubliées.

 

C’est ce que soutiendra positivement Jean-Baptiste Willermoz (1730-1824), dans un rituel destiné au membres de la dernière classe ostensible du Régime rectifié, et en des termes extrêmement clairs : « Malheureux sont ceux qui ignorent que les connaissances parfaites nous furent apportées par la Loi spirituelle du christianisme, qui fut une initiation aussi mystérieuse que celle qui l’avait précédée : c’est dans celle-là que se trouve la Science universelle. Cette Loi dévoila de nouveaux mys­tères dans l’homme et dans la nature, elle devint le complé­ment de la science[1]

 

I. Des erreurs et de la vérité

 

Comment en est-on arrivé à cette idée ?

 

Il faut pour cela examiner le contexte qui prépara à l’émergence de cette sensibilité, à l’intérieur du vaste courant de l’illuminisme européen.

 


doctrine,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,métaphysique,martinisme,mystique,occultisme,réflexion,religion,spiritualité,théosophie,théologieC’est à Lyon, où il séjournait depuis 1774 ayant quitté Bordeaux après le départ pour Saint Domingue de celui dont il avait été le secrétaire, Martinès de Pasqually (+ 1774), que Louis-Claude de Saint-Martin (1743-1803) rédigea son premier ouvrage : « Des erreurs et de la vérité ou les hommes rappelés au principe universel de la science » [2], qui fut composé au logis de Willermoz pour répondre aux affirmations de Nicolas-Antoine Boulanger (1722-1759) qui prétendait, dans son Antiquité dévoilée (1766), qui suscitera d’ailleurs l’admiration du très matérialiste baron d’Holbach (1723-1789) et de nombreux auteurs maçonniques, que les religions étaient nées, à l'origine, de par les frayeurs que les hommes purent éprouver devant le spectacle impressionnant des phénomènes naturels (éclipse, tonnerre, éclair, tremblement de terre, séisme, etc.).

 

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L'homme possède en lui,

par delà les éléments de sa connaissance sensible,

une lumière intérieure « active et intelligente »,

qui est seule à la source réelle de la pensée religieuse.

 

Saint-Martin s'appliqua donc à démontrer que l'homme possède en lui, par delà les éléments qui lui sont fournis par sa connaissance sensible et les réactions qu’elle produit sur sa conscience, une lumière intérieure « active et intelligente » qui est seule à la source réelle de la pensée religieuse, lui donnant un inexplicable savoir, non matériel, à la base, sur le plan imaginaire, des allégories et des mythes, mais surtout, et l’on touche ici à l’ontologisme métaphysique qui se retrouve chez nombre de mystiques (Maître Eckhart [3], saint Jean de la Croix [4], et évidemment Jacob Boehme [5]), de la pensée de Dieu et de son infinité.

 

Saint-Martin, dans son plan, se fonde sur la nécessaire explication préalable de la nature de l'homme afindoctrine,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,métaphysique,martinisme,mystique,occultisme,réflexion,religion,spiritualité,théosophie,théologie
de conduire plus avant son raisonnement, et très habilement et avec un art consommé de la pédagogie théosophique, amène  son lecteur à découvrir le lien intime qui relie nos connaissances au Principe supérieur qui est à leur source. Il explique que subsiste en chaque être une  authentique capacité à retourner et retrouver « l'Unité » première, à rencontrer en lui la source lumineuse de l’Esprit, et qu’il est donc toujours possible de réaliser, sous certaines conditions bien évidemment, une salutaire harmonie entre la nature de l'homme et la Divinité dans la mesure où, par le canal d’un cœur éclairé, l’esprit peut être bénéficiaire de lumières intimes rayonnant d’une ineffable connaissance par laquelle le Verbe divin Lui-même se révèle dans l'âme ; « Révélation » en quelque sorte, en quoi d’ailleurs consista le christianisme à son origine tel qu’il se présenta selon le Philosophe Inconnu, le Christ ayant annoncé à la Samaritaine qu’il convenait à présent d’adorer Dieu en « Esprit et en vérité » (Jean IV, 23-24).

 

Saint-Martin prévint ainsi dans sa Préface : « Cependant, quoique la lumière soit faite pour tous les yeux, il est encore plus certain que tous les yeux ne sont pas faits pour la voir dans son éclat. (...) le petit nombre des hommes dépositaires des vérités que j'annonce est voué à la prudence et à la discrétion par les engagements les plus formels. » [6]

 

II. Les prêtres ont oublié les vérités du christianisme

 

 

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« Ce sont les prêtres qui ont retardé ou perdu le christianisme,

la Providence qui veut faire avancer le christianisme

a dû préalablement écarter les prêtres,

et ainsi on pourrait en quelque façon assurer que l'ère du christianisme

en esprit et en vérité ne commence

que depuis l'abolition de l'empire sacerdotal… »

 

Saint-Martin, Portrait historique et philosophique, (1789-1803), § 707.

 

 

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Saint-Martin soutiendra d'ailleurs explicitement un point de vue assez partagé, montrant bien l’influence de certaines thèses  sur le courant illuministe, éclairant très nettement la nature des sources de la doctrine initiatique : « Dans les premiers siècles de notre ère, les saints pères qui n'avaient déjà plus qu'un reflet et qu'un historique du vrai christianismepuisèrent chez les célèbres philosophes de l'antiquité plusieurs points d'une doctrine occulte, qu'ils ne pouvaient expliquer que par la lettre de l'évangile, n'ayant plus la clef du véritable christianisme. » (Le ministère de l’homme-esprit, 1802).

 

En écho direct aux thèses de Saint-Martin, la conviction profonde de Willermoz et des frères qui l’entouraient, et qui s’imposa à eux sous l’influence des enseignements de Martinès de Pasqually, participa de cette idée que l’institution ecclésiastique avait perdu au cours des âges, non seulement le sens de son sacerdoce, mais qu’en plus elle était devenue hostile à l’essence de l’authentique christianisme.

 

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L’institution ecclésiastique, soutinrent les initiés au XVIIIe siècle,

a perdu au cours des âges, 

non seulement le sens de son sacerdoce,

mais est devenue hostile à l’essence de l’authentique christianisme.

 

 

Willermoz, bien que catholique respectueux de sa religion, eut néanmoins à l'exemple de Saint-Martin, des jugement sévères à cet égard, comme on va le constater, n’hésitant pas à évoquer l’intolérance ignorante de la classe sacerdotale vis-à-vis de ce qui n’est plus connu d’elle, et qu’elle désigne, faute d'en avoir conservé le dépôt, comme des « erreurs » ou des « nouveautés dangereuses », ce qui dans la langue de l'Eglise est tout simplement synonyme « d'hérésies ».

 

 

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«Cette classe [sacerdotale] devenue la plus intolérante,

la plus obstinée dans son système, et la plus dangereuse,

puisqu’elle se glorifie quelques fois de son ignorance.

Ceux qui la composent (…) s’abusent jusqu’à vouloir persuader

que tout ce qui n’est plus connu d’eux

…. est faux et illusoire, et n’est qu’un tissu d’erreurs

et de nouveautés dangereuses

contre lesquelles on ne saurait trop se tenir en garde.

Souhaitons qu’ils reconnaissent leur erreur… »

 

J.-B. Willermoz, Cahier D 5 e, Bibliothèque Nationale de Paris, 1806-1818.

 


doctrine,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,métaphysique,martinisme,mystique,occultisme,réflexion,religion,spiritualité,théosophie,théologieVoici ce qu’écrit Willermoz sur le sujet, en des expressions qui ne manquent pas d'une certaine rigueur :
«Nous ne pouvions donc pas passer sous silence cette classe devenue la plus intolérante, la plus obstinée dans son système, et la plus dangereuse, puisqu’elle se glorifie quelques fois de son ignorance. Ceux qui la composent, hardis et tranchants dans leurs décisions, présomptueux dans leurs prétentions, et dominés, peut être sans s’en douter par un certain orgueil sacerdotal, qui souvent saisit les cœurs les plus humbles, qui tend à identifier leur personnes avec le sacré caractère dont elles sont revêtus, et affectent trop habilement le ton et le langage dédaigneux d’une morgue théologique, qui décèle le dépit secret d’ignorer ce qui est connu, révéré et recherché par d’autres hommes estimables, instruits et très religieux.

Ils s’abusent enfin jusqu’à vouloir persuader que tout ce qui n’est plus connu d’eux ni des professeurs de leurs premières études est faux et illusoire, et n’est qu’un tissu d’erreurs et de nouveautés dangereuses contre lesquelles on ne saurait trop se tenir en garde. Souhaitons qu’ils reconnaissent leur erreur, et qu’ils reviennent de leurs funestes préventions, qui ne peuvent que les priver pour toujours de ce qui faisait la force et la consolation de leurs prédécesseurs dans le saint ministère qu’ils exercent. » [8]

 

III. La doctrine de l’illuminisme : perte du corps de gloire d’Adam et enfermement dans la matière

 

Pour comprendre en quoi l’illuminisme récuse et s’écarte des positions dogmatiques de l’Eglise, bien souvent en des termes relativement rigoureux, il convient préalablement de considérer que ce courant est à la  croisée de très nombreuses influences, puisqu’il s’est nourri des échos des Béguinages, des « Frères du Libre Esprit », de la Réforme, de la diffusion d'écrits hermétiques, des textes des kabbalistes chrétiens de la Renaissance, des traductions des ouvrages des penseurs et philosophes de l'antiquité, des écrits des visionnaires, le tout porté par le souffle d'un puissant renouveau mystique qui engloba les divers cercles spirituels en Europe. Le courant illuministe s'étendit ainsi sur une longue période de temps, globalement du début du XVIIIe siècle au moment où les loges opératives s'ouvraient à des lettrés n'exerçant pas le « métier », jusqu'aux premières années du XIXe siècle, disons à la mort de Jean-Baptiste Willermoz en 1824 si l'on souhaite vraiment une date, puisqu'il en fut sans doute le dernier et l'ultime représentant majeur à disparaître. 

 

Robert Amadou (+ 2006), parlant de l’illuminisme maçonnique, signala fort justement : « La vérité de la franc-maçonnerie, c'est la gnose, illuminatrice au risque d'un pléonasme (…) la franc-maçonnerie relève de l'illuminisme et, en particulier, de l'illuminisme de son siècle, le XVIIIe. » [9]

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« La vérité de la franc-maçonnerie, c'est la gnose, illuminatrice… »

R. Amadou, Encyclopédie de la Franc-Maçonnerie, L.G.F., 2000.

 

Cette « gnose illuminatrice », repose en fait sur une conception de la « génération divine », une théogonie (Θεογονία) portant sur l’œuvre de développement touchant à la vie divine et à ses différents épisodes (révolte des anges, chute des premiers esprits, préexistence immatérielle d’Adam, matière ténébreuse, monde créé corrompu, etc.). A cet égard, et ce point est essentiel à la bonne compréhension du sujet, l’illuminisme va s’appuyer sur des thèses originales, dont l’une, placée à la base de tout le système doctrinal de Martinès de Pasqually – mais cette idée est commune aux principaux penseurs dit « illuministes » - énonce une théorie de la Création très différente de celle soutenue par l’Eglise, puisque cette théorie affirme qu’Adam fut primitivement un esprit pur identique aux anges qui, en raison de son péché, de sa faute originelle, fut enfermé dans un corps de matière pour sa punition. Cette théorie heurte de plein fouet l’enseignement de l’Eglise pour laquelle, si la matière a été abîmée par le péché originel, elle n’a jamais été une « prison » conçue pour enfermer les démons, ou pire encore un homme, qui aurait été « dépouillé » de sa nature primitive glorieuse pour être projeté dans un corps de matière. Ces propositions, que l'on retrouve chez aussi bien chez Martinès, Willermoz ou Saint-Martin, sont  absolument inacceptables pour la dogmatique de l’Eglise.

 

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L’illuminisme soutient des thèses originales,

 

dont l’une sur la Création

 

à la base du système doctrinal de Martinès de Pasqually

 

– idée commune à tout « l’illuminisme  » -

 

 mais inacceptables pour la dogmatique de l’Eglise.

 

 

C’est pourtant ce que va soutenir, avec une constante insistance, Martinès de Pasqually, qui en fera même, non seulement le thème principal de son Traité sur la réintégration des êtres, mais l’axe, le fondement initial et premier sur lequel s’appuiera toute sa doctrine de la « réintégration », puisque cette doctrine, repose, d’abord et avant tout, sur une conception postulant le caractère « nécessaire » de la Création répondant à un drame sans lequel il n’y aurait jamais eu ni matière, ni monde créé, ni expulsion des esprits – dont Adam - de l’immensité céleste. Cette idée d’une Création contrainte afin de punir et enserrer les démons, enfermant ensuite Adam et toute sa postérité, dans la matière en punition de la prévarication, est donc la « Clé conceptuelle » de toute la doctrine de la réintégration qui, si non comprise ou, comme le plus souvent, ignorée, voit s’effondrer toutes les spéculations au sujet de Martinès et sa pensée.

Ce terrible dépouillement de son « corps de gloire », pour être précipité dans les fers ténébreux de la matière, nous est expliqué ainsi par Martinès, qui prend exemple sur l’Incarnation du Divin Réparateur pour mieux nous montrer ce qui est advenu, pour sa terrible punition, à notre ancêtre Adam : « Cette formation corporelle du Christ nous retrace l'incorporisation matérielle du premier homme, qui, après sa prévarication, fut dépouillé de son corps de gloire et en prit lui-même un de matière grossière, en se précipitant dans les entrailles de la terre. Car, avant que cet esprit divin doublement puissant et supérieur à tout être émané vînt opérer la justice divine parmi les hommes, il habitait le cercle pur et glorieux de l'immensité divine. Mais lorsqu'il fut député par le Créateur, il quitta cette demeure spirituelle pour venir se renfermer dans le sein d'une fille vierge. Or, l'abandon que fait ce mineur Christ de son véritable séjour ne nous rappelle-t-il pas l'expulsion du premier homme de son corps de gloire ? L'entrée de ce majeur spirituel, ou verbe du Créateur, dans le corps d'une fille vierge ne nous rappelle-t-elle pas clairement l'entrée du premier mineur dans les abîmes de la terre, pour se revêtir d'un corps de matière ? » (Traité sur la réintégration des êtres, § 91).

 

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« Cette formation corporelle du Christ

 

nous retrace l'incorporisation matérielle du premier homme,

 

qui, après sa prévarication,

 

fut dépouillé de son corps de gloire

 

et en prit lui-même un de matière grossière,

 

en se précipitant dans les entrailles de la terre. »

 

(Traité sur la réintégration des êtres, § 91).

 

 

Ce terme de « Mineur », désigne ainsi l’homme dans la langue de Martinès, en signalant la classe de puissance « quaternaire », au sein des différentes classes d’esprits émanés et non créés, à laquelle Dieu avait conféré de grands privilèges. Adam fut émané en un état de gloire, et non en un vil corps de matière, pour qu'il puisse œuvrer au rétablissement de l'harmonie divine brisée par les esprits pervers. Dieu plaçait donc en son « Mineur » de nombreux espoirs. Pourtant, le Mineur fut malheureusement projeté, après sa désobéissance, au centre de la surface terrestre dans un corps animal, dégénérant de sa forme de gloire « quaternaire », en une forme de matière impure « ternaire », en étant « dépouillé de son corps de gloire » pour être revêtu d’un corps « de matière grossière ». Depuis, les « Mineurs » ou fils d'Adam, supportent les douleurs d'une éprouvante situation, puisque : « Le Créateur laissa subsister l'ouvrage impur du mineur afin que ce mineur fût molesté de génération en génération, pour un temps immémorial, ayant toujours devant les yeux l'horreur de son crime. » (Traité, 23).

Le Traité de Martinès, va avoir une influence considérable sur Willermoz, en tant que source théorique tout à fait remarquable, se présentant comme un récit général de la Création, avant même l’apparition de l’homme et du monde. Ce texte fondamental, sera à la base, non explicite mais bien réelle, de la doctrine du Régime rectifié, et explique tout le discours de ses Instructions à chaque grade jusqu'à celles des classes non-ostensibles, notamment toute la contante thématique portant sur la défiance à l’égard du monde créé, l’union « épouvantable » d’un esprit avec un corps animal, et l’aspiration à l’émancipation de l’âme hors des « vapeurs grossières de la matière ».

Cette doctrine, dont la similitude avec la pensée d’Origène (IIIe s.) est évidente, fut également celle de Louis-Claude de Saint-Martin, et de ceux qui se mirent ensuite à son école, formant, principalement dans les pays du Nord un riche courant se revendiquant ouvertement de l’influence du théosophe français et de sa « mystique spéculative », dont les écrits seront diffusés par Mathias Claudius (1740-1815) (traducteur Des erreurs et de la vérité en 1782), puis par Johann Friedrich Kleuker (1749-1821) et Gottlieb Heinrich von Schubert (1780-1860).

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Franz von Baader (1765-1841) porta sa réflexion

sur la question de l’essence primitive du christianisme,

dont il creusa l’essentielle substance,

éclairant les mystères de la Révélation oubliés par l’Eglise.

 

On vit, ainsi, se former un cercle d'authentiques admirateurs du Philosophe Inconnu, composé de l'écrivain piétiste Jung-Stilling (1740-1817), lié à Jacobi (1743-1819), Diethelm Lavater (1743-1826) et Justinus Kerner (1786-1862), qui participèrent à un significatif renouveau spirituel dans leur contrée, sans oublier celui qui, en raison de son immense rayonnement fut surnommé le « mage du Sud », Friedrich Christoph Oetinger (1702-1782), laissant une œuvre personnelle du plus haut intérêt, travail, en partie, à l'origine des études réalisées par l’admirateur de Martinès de Pasqually, Joseph de Maistre et Saint-Martin, soit le très pertinent et fécond érudit Franz von Baader (1765-1841), qui porta sa réflexion sur la question de l’essence primitive du christianisme, dont il eut plaisir à, inlassablement, creuser l’essentielle substance, lui donnant de commenter et d’approfondir les positions et les théories de ceux qu’il regarda, et ira même jusqu’à considérer, comme les maîtres par excellence du renouveau éclairant les mystères de la Révélation chrétienne oubliés par l’Eglise.

Ce renouveau correspond à l’émergence d’une idée propre à l'illuminisme, celle d’un « christianisme transcendant », c’est-à-dire un christianisme portant sur des vérités ignorées ou perdues par l’Eglise, idéee dont nous allons voir la place considérable qu’elle va occuper dans la pensée des principales figures du courant illuministe pour lesquelles, à l’origine, le christianisme, avant d’être une religion,  fut une initiation détentrice de secrets essentiels.

 

IV. Le christianisme fut d’abord une initiation

 

Le christianisme, aux tous premiers temps de son émergence sur la scène de l’Histoire, pensaient les initiés du XVIIIe siècle, fut une voie magnifique offerte à chaque « âme de désir » afin qu’elle puisse retrouver sa véritable origine et sa nature essentielle, ce en quoi consiste son vrai bonheur en ce monde et dans l’autre.

 

 

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Le christianisme primitif, universel,

saint Augustin le premier en a formulé l'intuition,

par cette fameuse sentence :

«La  vraie religion [qui] a bien plus de dix-huit siècles,

naquit le jour que naquirent les jours.»

 

doctrine,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,métaphysique,martinisme,mystique,occultisme,réflexion,religion,spiritualité,théosophie,théologieC’est dans cette atmosphère, tendant à la quête d'un christianisme originel, que la création de la Grande Loge de Londres en 1717, manifeste quelques propositions dans la rédaction du célèbre article premier des Constitutions d'Anderson en 1723, article« concernant Dieu et la religion » : « Un Maçon est obligé, par son engagement, d'obéir à la loi morale ; et s'il comprend justement l'Art, il ne sera jamais un athée stupide ni un libertin irréligieux. Mais bien que, dans les temps anciens, les Maçons eussent le devoir, dans chaque pays, d'être de la religion de ce pays ou nation, quelle qu'elle fût, on a maintenant jugé plus expédient de les astreindre seulement à cette religion en laquelle tous les hommes concordent, laissant à chacun ses opinions propres ; c'est-à-dire d'être des hommes de bien et loyaux, ou des hommes d'honneur et de probité, par quelques confessions ou croyances qu'ils puissent se distinguer ; par quoi la Maçonnerie devient le Centre de l'Union, et le moyen d'établir une véritable amitié entre des personnes qui auraient pu rester perpétuellement à distance.» [10]

La formulation laisse apparaître une approche à l’évidence tout à fait novatrice. Certes, « l’opinion propre » évoquée par Anderson, était une tolérance entre chrétiens destinée à mettre un terme aux affrontements religieux. Mais quant à la « religion en laquelle tous concordent » ou « s'accordent », religion par conséquent universelle, et à laquelle, dans la deuxième édition de ses Constitutions en 1738, Anderson donna le nom de « noachisme », ce n’est pas exactement du déisme qu’il s’agissait ou cette religion naturelle excluant la Révélation, mais de la religion fondée sur la première Révélation de Dieu à l'homme, manifestée par la première Alliance de Dieu avec Noé, dont parle la Bible. Ce qu’Anderson avait en vue, c'était donc en fait une sorte de christianisme primitif, universel dont saint Augustin avait, le premier formulé l'intuition, par cette fameuse phrase : « vraie religion [qui] a bien plus de dix-huit siècles [et] naquit le jour que naquirent les jours.»[11]

 

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Un système initiatique devait consacrer ses travaux

à une perception de ce que fut

dans son essence et sa réalité effective

la religion primitive.

 

Telle était l'idée première d'Anderson qui ouvrait le christianisme sur une conception large, une adhésion à la « religion en laquelle tous les hommes concordent ». Mais, encore convenait-il, perçut fort justement Willermoz, pour qu’une telle compréhension surgisse dans les cœurs, qu’un lent travail intérieur soit entrepris, un travail réparateur dont le but serait confié à un système initiatique qui consacrerait ses travaux à une perception de ce que fut, dans son essence et sa réalité effective, la religion primitive, de sorte d’offrir à chacun des lumières sur ce qui nous relie, de façon étroite et essentielle, avec l’invisible.

 

V. Le christianisme transcendant

 


doctrine,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,métaphysique,martinisme,mystique,occultisme,réflexion,religion,spiritualité,théosophie,théologieJoseph de Maistre
(1753-1821), sollicité pour savoir ce sur quoi le nouveau système maçonnique rectifié devait s’appuyer sur le plan de ses enseignements, utilisa l’expression de « christianisme transcendant » afin de désigner, en le différenciant du christianisme professé par l’Eglise, le caractère propre de cette forme singulière de spiritualité.

 

Joseph de Maistre crut sans crainte pouvoir déclarer, dans son Mémoire au duc de Brunswick, qu’il espérait « ajouter au Credo quelques richesses » , et il ne fait aucun doute que ces richesses provenaient des différentes « lumières » reçues en loge. Le lecteur assidu de Clément d’Alexandrie (IIe s.) et d’Origène qu’était Maistre, trouva donc dans la doctrine du Régime rectifié, une « gnose » chrétienne qui s’accordait à merveille avec ses propres convictions et qui lui donna accès à une lecture renouvelée au sujet de la création du monde, une explication spirituelle des Ecritures, une vision cosmogonique de l’ordre naturel et surnaturel dans laquelle il comprit les liens étroits, et secrets, qui lient le christianisme à la religion première, au sacerdoce primitif qu’exerçait Adam avant la Chute.

 

 

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« Tout est mystère dans les deux Testaments,

et les élus de l'une et l'autre loi n'étaient que de vrais initiés… »

 

Joseph de Maistre, Mémoire au duc de Brunswick (1782).

 

 

doctrine,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,métaphysique,martinisme,mystique,occultisme,réflexion,religion,spiritualité,théosophie,théologieAinsi dans le Mémoire au duc de Brunswick (1782), Maistre exposa, avec une précision remarquable et une intuition incomparable, ce que devait être la nature du « christianisme transcendant », proposant une approche novatrice, absolument non dogmatique de ce qu’est, et doit être, le christianisme en refusant une lecture littérale de l’Ecriture : « Tout est mystère dans les deux Testaments, et les élus de l'une et l'autre loi n'étaient que de vrais initiés. Il faut donc interroger cette vénérable Antiquité et lui demander comment elle entendait les allégories sacrées. Qui peut douter que ces sortes de recherches ne nous fournissent des armes victorieuses contre les écrivains modernes qui s'obstinent à ne voir dans l'Écriture que le sens littéral ? Ils sont déjà réfutés par la seule expression des Mystères de la Religion que nous employons tous les jours sans en pénétrer le sens. Ce mot de mystère ne signifiait dans le principe qu'une vérité cachée sous des types par ceux qui la possédaientCe ne fut que par extension et pour ainsi dire par corruption qu'on appliqua depuis cette expression à tout ce qui est caché ; à tout ce qu'il est difficile de comprendre. (…) Il semble donc qu'on n'a besoin que d'un dictionnaire étymologique pour réfuter les partisans de la lettre. Mais comment pourraient-ils résister au sentiment unanime des premiers chrétiens qui tenaient tous pour le sens allégoriqueSans doute ils poussèrent ce système trop loin, mais comme, suivant la remarque de Pascal, les faux miracles prouvent les vrais, de même l'abus des explications allégoriques annonce que cette doctrine avait une racine réelle que nous avons trop perdu de vue. De quel droit peut-on contredire toute l'Antiquité ecclésiastique qui nous laisse entrevoir tant de vérités cachées sous l'écorce des allégories ? (…) Quel vaste champ ouvert au zèle et à la persévérance (…) que les uns s'enfoncent courageusement dans les études d'érudition qui peuvent multiplier nos titres et éclaircir ceux que nous possédons. Que d'autres que leur génie appelle aux contemplations métaphysiques cherchent dans la nature même des choses les preuves de notre doctrine. Que d'autres enfin (et plaise à Dieu qu'il en existe beaucoup!) nous disent ce qu'ils ont appris de cet Esprit qui souffle où il veut, comme il veut et quand il veut.» [12]

 

Les idées principales, fondatrices du « christianisme transcendant » étaient posées.

 

 

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Les vérités de la religion sont voilées

 par une institution ecclésiale qui écarta,

à partir du VIe siècle,

les connaissances importantes

qui faisaient le trésor des premiers chrétiens.

 

 

Caractère initiatique du christianisme, mystères voilés derrière l’aspect littéral de l’Ecriture, recours au sens allégorique, appel à la contemplation métaphysique, en réalité, le concept de « christianisme transcendant » venait d’être posé, plus exactement redéfini, exposé, proposé, et surtout adapté avec une précision remarquable pour les temps à venir à l’intention des esprits voulant accéder à un contact réel, immédiat, avec les vérités de la religion, sans subir les limites imposées par une institution ecclésiale qui écarta, à partir du VIe siècle, les connaissances importantes qui faisaient le trésor des premiers chrétiens, comme le soulignait Willermoz : « Le doute et l’erreur de ceux-là ne proviennent que de l’ignorance dans laquelle sont tombés généralement les hommes depuis longtemps sur la cause occasionnelle de la création de l’univers, sur les desseins de Dieu dans l’émanation et l’émancipation de l’homme, sur sa haute destination au centre de l’espace créé, et enfin sur les grands privilèges, la grande puissance et la grande supériorité qui lui furent donnés sur les tous les êtres bons et mauvais qui s’y trouvèrent placés avec lui. Toutes choses que les chefs de l’Eglise chrétienne, auxquels la connaissance n’était presque exclusivement réservée pendant les cinq à six premiers siècles du christianisme, ont parfaitement connuesMieux instruits sur ces points importants, ils en auraient conclu que pour réhabiliter un être si grand, si puissant, il fallait Dieu même.» [13]

 

VI. La refondation du christianisme sur des bases transcendantes

 

Cette idée de mise en œuvre d’un projet refondateur à l’égard du christianisme, Willermoz en fit le centre de ce qui prit pour nom, en 1778, de Rite ou plus exactement de Régime Ecossais Rectifié, « rectifié » précisément car il voulut ramener la Franc-maçonnerie à son essence primitive, à sa nature véritable : c’est-à-dire être une voie qui conduise, en prenant pour exemple la forme architecturale propre au Temple de Jérusalem, « du Porche au Sanctuaire ».

 

 

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Les vérités de l’initiation :

émanation des esprits, préexistence des âmes,

incorporisation des êtres dans la matière en punition d’une faute antérieure,

dissolution et anéantissement du composé matériel, etc., 

ne sont plus connues des ministres de la religion

 qui les condamnent en les qualifiant d’erreurs.

 

 

 

doctrine,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,métaphysique,martinisme,mystique,occultisme,réflexion,religion,spiritualité,théosophie,théologieCette économie spirituelle du Régime rectifié, à savoir la lente et efficace propédeutique de réconciliation de l’âme de chaque maçon avec les vérités oubliées de l’initiation, Willermoz l’expliqua en des termes remarquables à un réformé, RodolpheSaltzmann (1749-1820), lui signalant que les vérités de l’initiation (émanation des esprits, préexistence des âmes, incorporisation des êtres dans la matière en punition d’une faute antérieure, dissolution et anéantissement du composé matériel, etc.),  ne sont plus connues, depuis plusieurs siècles déjà, des ministres de la religion qui les condamnent en les qualifiant d’erreurs : « L'initiation […] instruit le Maçon, éprouve l'homme de désir, de l'origine et formation de l'univers physique, de sa destination et de la cause occasionnelle de sa création, dans tel moment et non un autre; de l'émanation et l'émancipation de l'homme dans une forme glorieuse et de sa destination sublime au centre des choses créées; de sa prévarication, de sa chute, du bienfait et de la nécessité absolue de l'incarnation du Verbe même pour la rédemption, etc. etc. etc.

Toutes ces choses desquelles dérive un sentiment profond d'amour et de confiance, de crainte et de respect et de vive reconnaissance de la créature pour son Créateur, ont été parfaitement connues des Chefs de l'Eglise pendant les quatre ou six premiers siècles du christianisme.

Mais, depuis lors, elles se sont successivement perdues et effacées à un tel point qu'aujourd'hui, chez vous comme chez nous, les ministres de la religion traitent de novateurs tous ceux qui en soutiennent la vérité. Puisque cette initiation a pour objet de rétablir, conserver et propager une doctrine si lumineuse et si utile, pourquoi ne s'occupe-t-on pas sans amalgame de ce soin dans la classe qui y est spécialement consacrée ? » [14]

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Ce ne sont donc pas des vérités à admettre

en raison en raison d’une contrainte dogmatique,

l’accomplissement de cérémonies artificielles

où il faut s’affirmer chrétien superficiellement et de façon théâtrale,

ce à quoi aspire le Régime rectifié est de redécouvrir

les enseignements cachés, oubliés

et rejetés par l’Eglise qui les désigne à présent comme des erreurs,

et rétablir, enfin, la sainte doctrine

perdurant par l’initiation d’âge en âge jusqu’à nous,

pour qu’elle puisse aider les âmes

à retrouver leur essence divine primitive.

 

Ce ne sont donc pas des vérités à admettre en raison d’une autorité ecclésiale, des croyances auxquelles il est nécessaire de se soumettre en raison d’une contrainte dogmatique, l’accomplissement lors de cérémonies, de postures artificielles où il faudrait s’affirmer chrétien de bouche, superficiellement, selon des scénarii théâtraux comme le faisaient représenter une maçonnerie dispensant des degrés aux titres prestigieux et aux dénominations admirables, mais qui en réalité était dépourvue des secrets véritables de l’initiation ; ce à quoi aspirait le Régime rectifié était très différent, il s’agissait de redécouvrir les enseignements cachés depuis plusieurs siècles, enseignements oubliés et rejetés par l'Eglise qui les désigne à présent comme des erreurs, et rétablir, enfin, la sainte doctrine perdurant par l’initiation d’âge en âge jusqu’à nous, pour qu’elle puisse aider les âmes à retrouver leur essence divine primitive.

 

VII. L’Eglise intérieure ouvre sur la connaissance du ministère sacerdotal et du vrai culte

Willermoz délivra même un secret exceptionnel à propos du but visé par l’Ordre établi lors de la réforme de Lyon en 1778 dans une lettre destinée au prince Charles de Hesse-Cassel, le 8 juillet 1781 : « Par son but qui est tout spirituel […] l'intelligence, se dégageant en quelque sorte du sensible auquel elle est liée, s'élève à sa plus haute sphère, et je suis fondé à croire que dans celle-là se trouve la connaissance du vrai culte et du vrai ministère sacerdotal, par lequel le ministre offre son culte à l'Eternel par la médiation de notre divin seigneur et maître J.-C. pour la famille o nation qu'il représente.» [15] 

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L’Eglise intérieure a reçu en dépôt primitif

les mystères touchant à l’origine de l’homme

et sa destination future.

 

Le christianisme transcendant auquel conduit l’initiation, selon l’illuminisme chrétien, est fondé sur les mystères conservés par une société qui traverse secrètement les siècles sous le nom d’Eglise intérieure, société qui reçut en dépôt primitif les mystères touchant à l’origine de l’homme et sa destination future. Son enseignement n’a jamais varié, même s’il prit des noms différents en raison des circonstances, il est inscrit dans un Temple où la sagesse habite avec l’amour.

 

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« La religion ne sera plus un cérémonial extérieur;

mais les mystères intérieurs et saints

transfigureront le culte extérieur

pour préparer les hommes

à l'adoration de Dieu « en esprit et en vérité. »

K. von Eckhartshausen, La Nuée sur le Sanctuaire, 1802.

 

doctrine,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,initiation,métaphysique,martinisme,mystique,occultisme,réflexion,religion,spiritualité,théosophie,théologieIl semblerait, puisque les temps s’avancent peu à peu vers leur consommation, que le voile qui dérobe aux yeux de la famille humaine ce Temple, laisse enfin apparaître l’éclat de la lumière et libère le sens effectif des vérités éternelles que cachait la nuée entourant le Sanctuaire : « L'Eglise intérieure naquit tout de suite après la chute de l'homme, et reçut de Dieu immédiatement la révélation des moyens par lesquels l'espèce humaine tombée sera réintégrée en sa dignité, et délivrée de sa misère. Elle reçut le dépôt primitif de toutes les révélations et mystères; elle reçut la clef de la vraie science, aussi bien divine que naturelle. (…)  Ce sanctuaire intérieur resta toujours invariable, quoique l'extérieur de la religion, la lettre, reçût par le temps et les circonstances différentes modifications, et s'éloignât des vérités intérieures, qui seules peuvent conserver l'extérieur ou la lettre. (…)  La religion et les Mystères se donnent la main pour conduire tous nos frères à une vérité; l'une et les autres ont pour but un renversement, un renouvellement de notre être; tous deux ont pour fin la réédification d'un temple dans lequel la sagesse habite avec l'amour, Dieu avec l'homme. (…) La religion se divise en une religion extérieure et une intérieure. La religion extérieure a pour objet le culte et, les cérémonies, et la religion intérieure, l'adoration en esprit et en vérité. (…) Mais nous approchons maintenant du temps où l'esprit doit rendre la lettre vivante, où la nuée qui couvre le sanctuaire disparaîtra, où les hiéroglyphes passeront en vision réelle, les paroles en entendement. Nous nous approchons du temps qui déchirera le grand voile qui couvre le Saint des saints. Celui qui révère les saints mystères ne se fera plus comprendre par les paroles et les signes extérieurs, mais par l'esprit des paroles et la vérité des signes. C'est ainsi que la religion ne sera plus un cérémonial extérieur; mais les mystères intérieurs et saints transfigureront le culte extérieur pour préparer les hommes à l'adoration de Dieu en esprit et en vérité. Bientôt la nuit obscure de la langue des images disparaîtra, la lumière engendrera le jour, et la sainte obscurité des mystères se manifestera dans l'éclat de la plus haute vérité.[16]

 

 

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« La nuée qui couvre le sanctuaire disparaîtra...» 

 

Conclusion

 

Le christianisme transcendant, par l’enseignement silencieux reçu de l’Eglise intérieure, nous fait comprendre qu’il y a dans l'homme quelque chose qui est hors du temps, un lieu hors de l'espace, malgré la puissance de nos déterminations matérielles, et c'est en ce lieu même que s'accomplit la révélation de l'esprit. A l’intérieur du cœur, lorsque celui-ci se libère peu à peu des ténèbres, alors apparaît une lumière secrète, la lumière que le monde ne voit pas, car, comme le dit Saint Jean : «  celui qui est en vous, est plus grand que celui qui est dans le monde » (I Jean IV, 4).

 

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« L'homme ne peut espérer sa réconciliation

qu'après la réintégration de sa forme corporelle

qui ne s'opèrera que par le moyen d'une putréfaction

inconcevable aux mortels.

C'est cette putréfaction qui dégrade

et efface entièrement la figure corporelle de l'homme

et fait anéantir ce misérable corps,

de même que le soleil fait disparaître le jour

de cette surface terrestre,

lorsqu'il la prive de sa lumière. » 

(Traité sur la réintégration, 111).

 

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Pour nous aider dans ce chemin de réintégration, pour nous encourager dans ce lent travail silencieux et secret - qui passera inévitablement, mais cela doit être un motif, non de tristesse mais de joie intense, par l’anéantissement de notre forme matérielle illusoire et apparente - nous pourrions dire et répéter très souvent en notre cœur, afin de maintenir éveillée la flamme de l’esprit, ce beau texte inédit de Jean-Baptiste Willermoz qu’il destinait, semble-t-il, spécialement à ceux qui s’engagent un jour, malgré la puissance des « ténèbres », dans le chemin de retour vers le Sanctuaire  :

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« Vérité éternelle, tu m’entoures de tes rayons,

mais des ombres ténébreuses s’élèvent sans cesse de mon âme

et m’empêchent de porter mes regards jusqu’à toi.

[…]

 

Entends ma voix,

viens actionner celui qui t’appelle avec tant d’ardeur.

 

J’abjure l’amour des objets sensibles ;

c’est toi seul que je veux aimer et contempler

 à jamais comme mon unique vie.

 

Car c’est toi qui es la vie de l’homme,

et je sais avec évidence que ma destinée

est de vivre toujours en toi et avec toi . » [17]

 

Extraits de :

 

La Clé d’or

et autres écrits maçonniques

 

Sortie le 28 février 2013  

 

vade mecum

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Editions de l’Astronome, 239 p.

 

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« La religion extérieure a pour objet le culte et, les cérémonies,

et la religion intérieure, l'adoration en esprit et en vérité. (…)

Mais nous approchons maintenant du temps

où l'esprit doit rendre la lettre vivante,

où la nuée qui couvre le sanctuaire disparaîtra,

où les hiéroglyphes passeront en vision réelle,

les paroles en entendement.

Nous nous approchons du temps

qui déchirera le grand voile qui couvre le Saint des saints. »

 

K. von Eckhartshausen, La Nuée sur le Sanctuaire, 1802.

 

 

Notes.

 

1. Instruction pour les Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte, 1784, Bibliothèque Municipale de Lyon, Fonds Willermoz, MS 5921.           

 

2. Le titre, Des erreurs et de la vérité, se poursuit ainsi : « Ouvrage dans lequel, en faisant remarquer aux observateurs l’incertitude de leurs recherches, et leurs méprises continuelles, on leur indique la route qu’ils auraient dû suivre, pour acquérir l’évidence physique sur l’origine du bien et du mal, sur l’homme, sur la nature matérielle, la nature immatérielle, et la nature sacrée ».

3. Maître Eckhart (1260-1328), dans sa doctrine de l'analogie d'attribution, soutient que les créatures et le Créateur entretiennent un rapport comparable à ceux existant entre les attributs et les substances : « Si Eckhart cherche à transpercer l’enveloppe des êtres créés pour y saisir Dieu, c’est parce que les créatures sont des analogués finis toujours affamés de l’infinité d’être… » (cf. Vladimir Lossky, Théologie négative et connaissance de Dieu chez Maître Eckhart, ch. V, Splendor in medio, § 11, A Deo et in Deo).

4. La communion d’identité de l’intellection à l’Essence divine incréée est fondée sur cette conviction : seul le même connaît le même : « La connaissance essentielle de la Divinité, sans intermédiaire  quelconque (…) s’opère par un certain contact de l’âme avec la Divinité, chose qui est au-dessus de tout sens et de tout accident, dès lors qu’il s’agit d’un contact de substance pure avec une autre substance pure, c’est-à-dire de l’âme avec la Divinité. » (S. Jean de la Croix, Cantique spirituel, str. 32e).  

5. « Où veux-tu donc aller chercher Dieu ? Ne le cherche que dans ton âme qui est la nature éternelle, dans laquelle est le divin engendrement. » (Confessions, ch. 6, § VII, 16.)

6. Des Erreurs et de la vérité, Edimbourg [Lyon], 1775, p. IV-V.

7. Saint-Martin, Mon Portrait historique et philosophique, (1789-1803), § 707.

8. J.-B. Willermoz, Cahier D 5 e, Bibliothèque Nationale de Paris, 1806-1818.

9. R. Amadou, [Illuminisme], in Encyclopédie de la Franc-Maçonnerie, Librairie Générale Française, 2000, p. 427.

10. Constitutions d'Anderson, trad. Daniel Ligou, Lauzeray International, 1978.

11. Ecrits maçonniques de Joseph de Maistre, Slatkine, 1983, p. 97. Maistre, dans son texte, cite en réalité un vers de Racine « La Religion », Chant III, V. 36.

12. Mémoire au duc de Brunswick, 1782.

13.J.-B. Willermoz, Traité des deux natures, 1818.

14. Lettre de Willermoz à Saltzmann, du 3 au 12 mai 1812, in Renaissance Traditionnelle, n° 147-148, 2006, pp. 202-203.

15. Lettre de Willermoz à Charles de Hesse-Cassel, le 8 juillet 1781.

16. K. von Eckhartshausen, La Nuée sur le Sanctuaire, 1802.

17. J.-B. Willermoz, Bibliothèque municipale de Lyon, Ms 5476.

jeudi, 15 novembre 2012

La doctrine de la réintégration des êtres

 

Pour un retour à la pensée d’Origène ou : 

« La Sainte Doctrine parvenue d'âge en âge par l'Initiation jusqu'à nous »

 

Jean-Marc Vivenza

 

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« Les âmes, d'essence divine, préexistaient,

elles sont tombées dans des corps mauvais

à cause d'une faute antérieure

à la création du monde physique (…).

La matérialité est une conséquence de la Chute.

Tous les êtres matériels sont des substances intellectuelles déchues. »

Origène, Le Traité Sur les Principes (De principiis).

  


doctrine,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,livre,martinésisme,martinismemétaphysique,mystique,philosophie,religion,spiritualité,théologie,théosophieL’idée commune à l’ensemble des penseurs de l’illuminisme est que l’homme, avant d’être incarné dans la forme qui est la sienne, fut un être purement spirituel ;
Adam et Eve avaient certes un corps avant la faute originelle selon cette vision, mais un corps immatériel, non corruptible, non mortel, bien différent de celui, fragile et soumis à la mort (Romains VII, 24) que nous connaissons, ce qui poussera d’ailleurs le très catholique Joseph de Maistre (1753-1821) à écrire dans ses célèbres Soirées de Saint-Pétersbourg : « l'état de nature est une contre nature » [1].

C’est cette affirmation au sujet de la nature primitive purement spirituelle de l’homme, l’assimilant aux esprits angéliques, qui se trouve placée au sommet doctrinal du système de Jean-Baptiste Willermoz (1730-1824),conception héritéede Martinès de Pasqually (+ 1774) qui insista sur « l’émanation » d’Adam, en la distinguant de la « création »  [2] : « Vous ne pourrez en douter, lorsque vous aurez appris, si vous l'ignorez encore, que l'homme appartient par sa propre essence, à la classe des Etres spirituels divins, et que, par la prérogative des Etres purs spirituels, il y a sans cesse entre eux une action et une réaction réciproque de toutes leurs facultés. C'est pour cette raison, qu'avant son crime, l'homme se connaissait lui-même avec évidence, comme il connaissait le Principe Créateur Universel et toutes les créatures qui sont émanées de lui.» [3]

  

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« L’opinion [d’Origène] n’a rien de commun avec le manichéisme.

On peut observer qu’elle est encore aujourd’hui

 la base de toutes les initiations modernes. » 

 (Joseph de Maistre, Mélanges B, p. 302.)

 

I. Les thèses fondatrices de l’illuminisme

L’illuminisme, qui puise à de multiples sources (kabbale, judéo-christianisme, hermétisme, Rose+Croix, courants mystiques, etc.), affirme donc que c’est en punition de la désobéissance et pour notre honte que nous reçûmes des « vêtements de peau » (Genèse III, 21) dont nos premiers parents furent couverts, entraînant, en conséquence tragique de la tentation et de la chute d’Adam et Eve, le fait que le péché ait atteint ensuite l'ensemble de la famille humaine - et ce entièrement au point de faire « soupirer toute la création » en attente d’une délivrance de notre corps : « Car nous savons que toute la création ensemble soupire et est en travail jusqu’à maintenant ; et non seulement elle, mais nous–mêmes aussi qui avons les prémices de l’Esprit, nous aussi , nous soupirons en nous–mêmes, attendant l’adoption, la délivrance de notre corps. » (Romains VIII, 22-23).

 

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« Les connaissances ténébreuses

qu'il avait acquises par ses oeuvres matérielles

I'ayant jeté en privation absolue divine,

il prostitua son encens aux plus indignes créatures,

 et ses facultés s'obscurcirent

au point qu'il douta de sa propre existence spirituelle

 et de celle de tous les agents de l'univers. » 

(J.-B. Willermoz, Instruction secrète des Chevaliers Profès)

 

 a) La Création selon la conception dogmatique de l'Eglise


doctrine,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,livre,martinésisme,martinismemétaphysique,mystique,philosophie,religion,spiritualité,théologie,théosophieCe point est extrêmement problématique, car si Adam a quelque peu, par son péché, « abîmé » son corps selon l’Eglise en introduisant la mort dans le monde (Romains V, 12), toutefois son corps lui fut donné à l’origine parfait, il ne fut pas une sanction consécutive à la désobéissance. Dieu fit au commencement les choses infiniment bonnes, il n'est pas du tout question, comme chez Martinès, d'un monde matériel de nature "apparente" dénué de réalité, faux, feint et simulé selon l'Ecriture, mais d'un univers très concret, objectivement et réellement marqué du sceau de l'amour et de la charité dans lequel 
l'homme, selon la vision hébraïque, avait été créé en sa chair dans des conditions parfaites, doté de l’immortalité et de l’incorruptibilité ; Adam étant le sommet, le couronnement de l’œuvre divine.

Et la doctrine chrétienne professe à ce sujet, tout comme ledoctrine,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,livre,martinésisme,martinismemétaphysique,mystique,philosophie,religion,spiritualité,théologie,théosophie judaïsme, l'excellence de la création physique, cosmique et biologique, insistant sur la perfection originelle primirive de l'existence humaine cor­porelle, et conçoit la Création comme un pur don d'amour du Créateur. Selon la révélation hébraïque, selon la pensée de l’Eglise universelle et son enseignement dogmatique, selon la doctrine des Pères et des grands docteurs, en créant le monde matériel, et donc l'homme dans sa chair, Dieu a « révélé comme le premier pas de l’alliance avec son Peuple, le premier et universel témoignage de son amour tout-puissant » (cf. CEC, 288). Ce monde a été voulu et créé bon et parfait, c’est seulement l’introduction du mal, par un abus de la liberté d’Adam, qui le corrompit en l'affaiblissant, et lui conféra une tonalité moindre dans l'ordre de l'être, telle est la conception de la Création matérielle selon la dogmatique ecclésiale qui repousse toute idée dépréciative à l'égard de la matière, et rejette totalement les systèmes néoplatoniciens, plotiniens, dualistes ou gnostiques, qui comprennent l'existence du monde comme une dégradation, le résultat d'une chute et la conséquence d'une tra­gédie. Pour l'Eglise, Adam et Eve en leurs corps primitifs qui étaient de chair, vivaient en amitié avec Dieu au sein du Paradis terrestre, sans effort ni souffrance, et étaient destinés à ne pas connaître la mort.

doctrine,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,livre,martinésisme,martinismemétaphysique,mystique,philosophie,religion,spiritualité,théologie,théosophieAinsi, l’Eglise et la théologie chrétienne la plus constante, à travers toutes les définitions dogmatiques acceptées par l‘ensemble des confessions chrétiennes, refusent catégoriquement que l'ordre surnaturel et l'ordre de la Révélation, soient prétendument fondés sur un ordre naturel dévalorisé ontologiquement, un ordre qui n’aurait qu’un caractère « apparent », c’est-à-dire irréel, qui serait une illusion, un simulacre, un composé « dépourvu de réalité propre », un « assemblage instable », une situation existentielle dégradée et souillée provenant de la « densification » d’une nature spirituelle première réalisée, en forme de sanction, par l’action d’essences spirtueuses soumises au contrôle d’esprits inférieurs, formant, par le corps actuel de l'Adam chuté, un « voile opaque » autour d'un corps glorieux conservé intact, mais comme dissimulé en arrière plan de la « matière apparente », constituant, sur ce dit "corps glorieux", un voile caractérisé par un « nombre de décomposition » (sic) qui soulignerait l’aspect « éphémère », « circonstanciel et artificiel de la matière ». Cette position, violemment dénoncée, combattue, repoussée et condamnée avec la plus grande fermeté par les Pères conciliaires, est celle, entre autres penseurs non-chrétiens soutenant des systèmes philosophiques dualistes, d'un Plotin (205-270), pour lequel le monde matériel est le résultat d’une suite d’émanations successives à partir de l’Un, faisant que plus les êtres sont loin de la source originelle plus leur statut est inférieur, constitués de matières de plus en plus épaisses et dégradées. Or, bien au contraire, l’Eglise affirme solennellement que l'ordre naturel, qui est celui de la Création matérielle de l'homme, des animaux des végétaux et des minéraux et des astres, est l’œuvre du Verbe  « par qui tout a été fait » (Jean I, 1-13), elle rappelle que « Tout a été créé par Lui et pour Lui » (Colossiens I, 16-17), et que le mystère du Christ est la lumière décisive sur le mystère de la Création. (cf. CEC, 280). En conséquence de quoi, la substance matérielle d’Adam en effet, créée juste et parfaite comme le Temple universel à l'origine, n'est pas moins que l’âme destinée à la gloire.

 

b) La thèse martinésienne au sujet de la Création matérielle

Pourtant, en opposition directe avec les affirmations dogmatiques de l'Eglise, Martinès de Pasqually, Louis-Claude de Saint-Martin (1743-1803) et Jean-Baptiste Willermoz, n’ont eu de cesse d’insister sur le fait que la nature matérielle actuelle dont sont revêtus les fils d'Adam, consécutive à « l’incorporisation de l’homme », est non pas le produit d'un don d'amour, mais le résultat d'une sanction,  la conséquence des œuvres impures et matérielles auxquelles se livra celui qui possédait auparavant une existence, non pas charnelle matérielle, mais spirituelle, et qui en arriva à penser, par égarement, que la matière était un principe de l’Univers : « Les connaissances ténébreuses qu'il avait acquises par ses oeuvres matérielles I'ayant jeté en privation absolue divine, il prostitua son encens aux plus indignes créatures, et ses facultés s'obscurcirent au point qu'il douta de sa propre existence spirituelle et de celle de tous les agents de l'univers. En effet, dans cet état il restait privé de la perception de ces agents et de tous les rapports directs qu'il avait auparavant avec eux, car il ne pouvait plus apercevoir que des Etres matériels, divisibles et composés. Voilà, mon Cher Frère, ce qui lui fit perdre entièrement l'idée de l'unité et de la perception des Etres spirituels divins, et ce qui le porta enfin à croire que la matière était en même temps le seul principe de l'Univers, et l'univers même.» [4]

Cet être, selon la pensée de Martinès et dans la logique de sa doctrine si éloignée des définitions dogmatiques, qui était primitivement uniquement spirituel et immatériel, fut donc emprisonné en punition de sa faute dans un corps de matière, et se laissa abuser par ses sens en se préoccupant des objets inférieurs afin « d’augmenter ses jouissances corporelles », au point d’oublier son essence spirituelle initiale : « Vous devez concevoir également la possibilité des ténèbres que répandirent sur l'esprit de l'homme, les faits qu'il opéra contre la loi du Créateur. Car aussitôt que sans égard à son rang glorieux d'être pur spirituel, il eut conçu et exécuté le monstrueux projet de se nourrir des fruits matériels, il ne tarda pas, ainsi que les traditions vous font annoncé, à se regarder lui-même comme un être de matière. Dès lors, il ne s'occupa qu'à connaître et à fortifier les rapports qu'il venait d'acquérir avec la nature sensible et inférieure ; il mit toute sa gloire à découvrir les facultés apparentes et les propriétés du corps, afin d'augmenter ses jouissances corporelles ; enfin, il ne reconnut pour vraie science, que la Science physique temporelle, parce que c'était la seule dont il pouvait avoir l'évidence.» [5]

 

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« Aussitôt que sans égard à son rang glorieux d'être pur spirituel,

[Adam] eut conçu et exécuté le monstrueux projet

de se nourrir des fruits matériels,

 il ne tarda pas à se regarder lui-même comme un être de matière.

Dès lors, il ne s'occupa qu'à connaître et à fortifier

 les rapports qu'il venait d'acquérir

avec la nature sensible et inférieure ;

 il mit toute sa gloire à découvrir les facultés apparentes

et les propriétés du corps,

afin d'augmenter ses jouissances corporelles… » 

J.-B. Willermoz, Instruction secrète des Chevaliers Profès.

 

II. Influence d’Origène sur l’illuminisme chrétien

doctrine,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,livre,martinésisme,martinismemétaphysique,mystique,philosophie,religion,spiritualité,théologie,théosophieWillermoz, qui fixera à partir de cette conception la doctrine du Régime rectifié dont il puisa les éléments initiaux chez Martinès de Pasqually [6], mais dont il christianisa profondément  l’enseignement lors des leçons de Lyon (1774-1776), leçons lors desquelles furent corrigées la conception trinitaire et la christologie du Traité sur le réintégration des êtres, va faire crédit et adopter en réalité ce qui est une évidence, puisque la théurgie sera écartée de l’Ordre qui affirmera sa foi en la Sainte Trinité et en la double nature du Christ, la pensée hellénistique néoplatonicienne et plotinienne, mais par le biais des thèses d’Origène (+ 252) [7] - ayant dû accéder, ce qui semble fort probable, à l’édition intégrale de ses œuvres effectuée par le moine bénédictin dom de la Rue au XVIIIe siècle, édition des Œuvres d’Origène, 1759 (Œuvre complètes en 4. vol., avec notes de l’édition des Origeniana de Pierre-Daniel Huet, 1668, Commentaires grecs et latins d’Origène sur le Nouveau Testament), édition signalée dans les Manuscrits de la Bibliothèque de  de Lyon, 1812.

Origène soutenait, et l’on constate rapidement la parfaite similarité avec l’enseignement willermozien : « Les âmes, d'essence divine, préexistaient, elles sont tombées dans des corps mauvais à cause d'une faute antérieure à la création du monde physique (…) la matérialité est une conséquence de la Chute. Tous les êtres matériels sont des substances intellectuelles déchues. Les créatures intellectuelles demeuraient dans un séjour divin, avant de tomber dans les lieux inférieurs, et, de devenir, d’invisibles qu’elles étaient, visibles. Dès qu’elles furent tombées, elles eurent besoin de corps. C’est pourquoi Dieu leur fit des corps, et créa ce monde matériel et visible. La matérialisation est une conséquence de la chute, mais, chez Origène, c’est Dieu qui crée la matière à cause de la chute.»  [9]

 

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« Dès que les âmes furent tombées,

elles eurent besoin de corps.

C’est pourquoi Dieu leur fit des corps,

et créa ce monde matériel et visible.

La matérialisation est une conséquence de la chute..» 

Origène,Le Traité Sur les Principes (De principiis).

 

IV. La pensée d’Origène

doctrine,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,livre,martinésisme,martinismemétaphysique,mystique,philosophie,religion,spiritualité,théologie,théosophieL'œuvre laissée par Origène est extraordinairement riche. Il s'attacha à l'étude approfondie des Ecritures et engagea une étude exégétique des principaux livres de la Bible, témoignant d'un christianisme sortant du contexte palestinien qui s'ouvrait à la culture hellénistique. Dans son œuvre il élabora une synthèse du christianisme et de la philosophie grecque qu'il considérait comme une préparation, une authentique introduction à l'Evangile. Analysant le texte de l’Ecriture, Origène mettra en lumière le sens de la formule utilisée par les synoptiques lorsqu’ils évoquent la« fondation du monde » (Matthieu, 13, 25 ; 25, 34 ; Luc 11, 50), formule reprise ensuite par saint Paul dans ses Epîtres, qui fait référence à une notion de descente, d’évidente dégradation. Les écrivains sacrés employèrent le terme καταβολή (katabolè), provenant du verbe καταβάλλω (kattaballô),c’est-à-dire l’action de « jeter de haut en bas » pour parler de la création du monde matériel, et Origène considérera que cela ne provenait pas d’un contresens de leur part, mais d’une nette volonté de nous indiquer le caractère descendant du geste créateur, alors même qu’il eût été possible, et normal en pareille circonstance, d’utiliser le terme  kτίσις (ktisis), signifiant positivement « Création » au sens plénier et originel. 

Inutile de rappeler que l’origénisme, en tant que mouvement, bien que défendu âprement par Ruffindoctrine,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,livre,martinésisme,martinismemétaphysique,mystique,philosophie,religion,spiritualité,théologie,théosophie  d'Aquilée (Ve s.), qui traduisit du grec vers le latin le De Principiis (Peri archôn), a été condamné par le Ve Concile œucuménique de Constantinople II en 553.

Néanmoins, disciple de saint Clément d’Alexandrie (IIe siècle), Origène fut le représentant principal de l'école alexandrienne, et sera regardé comme celui dont les idées, malgré les réserves et les censures qui s'attachèrent plus tard à sa pensée, exerceront incontestablement l'influence la plus étendue sur les auteurs chrétiens. Sébastien Le Nain de Tillemont (1637-1698) dira : «Je crois qu'on peut assurer que depuis lui jusqu'à S. Jean Chrysostome, tous ceux qui ont travaillé avec quelque estime sur l'explication des Écritures, ont été ses disciples et n'ont guère dit que ce qu'ils avaient appris de lui[10]

  

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Origène fait reposer

sur la seule responsabilité de l'homme,

sur son péché, sur la faute originelle,

et non à cause de la volonté d'un quelconque démiurge

ou « puissance hostile » un «principe du mal »,

la situation dans laquelle se trouve plongée l'humanité.

  

doctrine,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,livre,martinésisme,martinismemétaphysique,mystique,philosophie,religion,spiritualité,théologie,théosophieLa pensée d’Origène a été principalement propagée en Orient par Evagre le Pontique (345-400), Grégoire de Nysse (335-394) et les Cappadociens, puis par saint Maxime le Confesseur (580-662) ; en Occident, c’est surtout grâce à saint Hilaire de Poitiers (+367) que l’on s’ouvrit à la pensée d'Origène. Ce courant origéniste, et Origène lui-même, n’est donc pas « gnostique » [11], il s’en écarte même en ayant combattu les thèses dualistes, et ne participe à aucun titre d'une influence gnostique effective, quoique marqué par les thèses platoniciennes, puisque Origène (comme Martinès de Pasqually le soulignera de même dans son Traité apparaissant comme un lointain continuateur du théologien alexandrin sur ce thème [12]), fait reposer sur la seule responsabilité de l'homme, sur son péché, sur la faute originelle, et non à cause de la malsaine volonté d'un quelconque démiurge ou « puissance hostile » un «principe du mal », la situation dans laquelle se trouve plongée l'humanité. [13]


Origène affirmera que la Création est la manifestation concrète d’une descente du haut en direction du bas, une chute, un mouvement significatif « 
de superioribus ad inferiora descendum » [14].

Il développera, en de nombreuses pages, sa vision et n’hésitant pas à soutenir, en des expressions qui préfigurent étrangement les thèses willermoziennes : « Les âmes, à cause de l’excessive déchéance de leur intelligence, ont été enfermées dans ces corps épais et compacts : c’est pour elles, à qui cela était désormais nécessaire, que ce monde visible a été créé. » [15] Origène appuiera sa thèse d’une Chute dans la matière dans des corps grossiers et animaux, comme répondant à une faute antérieure, en se fondant sur le récit du troisième chapitre du livre de la Genèse, où il est dit, après l’épisode du péché originel : « Dieu fit à l’homme et à la femme des tuniques de peau. » (Genèse 3, 21).

 

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« Les âmes, à cause de l’excessive déchéance de leur intelligence,

 ont été enfermées dans ces corps épais et compacts :

 c’est pour elles, à qui cela était désormais nécessaire,

que ce monde visible a été créé. » 

Origène, De Princip., III, 5, 4, K.

 

V. Identité doctrinale entre origénisme et le willermozisme

 

doctrine,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,livre,martinésisme,martinismemétaphysique,mystique,philosophie,religion,spiritualité,théologie,théosophieAlors oui Origène, que Willermoz reprend quasiment à la virgule près sur le plan des idées dans les Instructions secrètes du Régime Ecossais Rectifié, a défendu l’apocatastase et l’éternité incorporelle des âmes « réintégrées » en Dieu : « Si toutes les créatures, comme nous l'avons déjà dit, doivent un jour être sans corps, tous les corps seront donc détruits et réduits au néant d'où ils ont été tirés; après quoi il viendra un temps où ils seront encore nécessaires. » Il ajoute ensuite : « Mais si ce corps corruptible est revêtu de l'incorruptibilité, et si ce corps mortel est revêtu de l'immortalité, comme nous l'avons déjà fait voir et par les lumières de la raison et par (autorité de l'Ecriture sainte; alors la mort sera absorbée et détruite par une entière victoire, et la corruption anéantie par l'incorruptibilité ; peut-être même que tous les corps, sur lesquels seuls la mort peut agir, seront entièrement détruits. » Et un peu après : « Si ce que je dis n'est pas contraire à la foi, peut-être serons-nous jour sans corps, ou s'il est vrai que celui qui vit entièrement assujetti à Jésus-Christ n'a point de corps, et que toutes les créatures doivent un jour lui être assujetties, il faut conclure que nous n'aurons point de corps quand nous serons entièrement assujettis à Jésus-Christ [16]

Il dit encore au même endroit, faisant intervenir la puissance de la grâce qui préfigure déjà les positions de saint Augustin : « Quand toutes les créatures seront assujetties à Dieu, elles se dépouilleront de leur corps et alors tous les corps seront détruits. Que s'il est nécessaire de les rétablir pour servir aux créatures raisonnables qui seront déchues de leur premier état, ils seront créés une seconde fois. Car Dieu laisse aux âmes des combats à soutenir et des ennemis à vaincre, pour leur faire comprendre que ce n'est point par leurs propres forces, mais par sa grâce qu'elles peuvent remporter une pleine et entière victoire: ce qui me fait croire que Dieu ne crée des mondes différents que pour différentes causes; et que ceux-là se trompent qui s'imaginent que tous les mondes seront semblables. Lorsque nous serons arrivés au point de n'être ni chair, ni corps et peut-être même ni âme non plus; alors notre esprit ayant acquis toute sa perfection , et n'étant plus obscurci par les nuages épais que l'ornent les passions de la matière, verra à découvert et face à face les substances raisonnables et intelligibles[17]

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« Rien ne nous persuade mieux qu'il n'y aura point de corps

quand toutes choses auront pris fin,

que ce que dit le Sauveur dans cette prière : 

« De même que nous ne sommes qu'un vous et moi,

de même que ceux-ci ne soient qu'un en nous. » 

Car nous devons savoir ce que Dieu est

et ce que le Sauveur doit être;

en quoi consiste cette ressemblance du Père et du Fils

qui est promise aux saints, et comment les saints ne seront qu'un

dans le Père et le Fils, de même que le Père et le Fils ne sont qu'un. » 

(Origène, De Princip., III, 5, 4, K).

 

Les analyses des passages de saint Paul, reçoivent exactement la même interprétation de la part d’Origène, interprétation « incorporelle » mettant en opposition l’ordre de la chair et l’ordre de l’esprit, qui sera d’ailleurs reprise à l’identique par Willermoz et Saint-Martin : « Quant aux paroles de l'apôtre saint Paul: Que toutes les créatures seront délivrées de la corruption à laquelle elles sont assujetties pour participer à la liberté et à la gloire des enfants de Dieu, nous expliquons ces paroles en disant : que les créatures raisonnables et incorporelles qui tiennent le premier rang parmi les créatures ne sont point assujetties à la corruption, parce qu'elles n'ont point de corps, qui seuls sont sujets à la corruption; mais ces corps en seront délivrés lorsqu'ils participeront à la gloire du Fils de Dieu[18]

Il y a même une remarquable identité entre ce que dit Willermoz de la Résurrection du Christ, abandonnant dans la tombe les éléments de la matière préfigurant ce qu’il nous adviendra lors de notre naissance au ciel, et ce qu’écrit Origène : « Rien ne nous persuade mieux qu'il n'y aura point de corps quand toutes choses auront pris fin, que ce que dit le Sauveur dans cette prière : « De même que nous ne sommes qu'un vous et moi, de même que ceux-ci ne soient qu'un en nous. » Car nous devons savoir ce que Dieu est et ce que le Sauveur doit être; en quoi consiste cette ressemblance du Père et du Fils qui est promise aux saints, et comment les saints ne seront qu'un dans le Père et le Fils, de même que le Père et le Fils ne sont qu'un. En effet, si la vie que mèneront les saints est entièrement semblable à celle de Dieu, il faut nécessairement ou que Dieu ait un corps et soit environné de quelque matière, comme nous sommes environnés de chair; ou, si cela parait indigne de Dieu, particulièrement à ceux qui ont quelque idée de la majesté et de la gloire de cet être incréé et supérieur à tous les êtres, il faut ou que nous perdions toute espérance de ressembler à Dieu, si nous devons avoir des corps; ou que notre vie, si elle participe au bonheur de celle de Dieu, comme on nous le fait espérer, en ait toutes les prérogatives[19]

La conclusion d’Origène est on ne peut plus claire : « Puisqu'il y a des choses, comme nous avons déjà dit plusieurs fois, qui commencent par où les autres finissent, on demande si alors il v aura encore des corps, ou si l'on vivra sans corps après qu'ils auront été détruits, et s'il faut croire que les créatures qui n'ont point de corps mèneront une vie incorporelle, telle que nous savons qu'est celle de Dieu. Si tous les corps que l'apôtre saint Paul appelle « les choses visibles, » appartiennent à ce monde qui tombe sous nos sens, il n'y a point de doute que les créatures qui n'ont pas de corps, mèneront une vie incorporelle. Et Dieu sera tout eu toutes choses, de manière que. toutes les substances corporelles seront changées en celle qui est la meilleure et la plus excellente de toutes, c'est-à-dire en la substance de Dieu[20]

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« Si tous les corps que l'apôtre saint Paul appelle « les choses visibles, »

appartiennent à ce monde qui tombe sous nos sens,

il n'y a point de doute que les créatures qui n'ont pas de corps,

mèneront une vie incorporelle.

Et Dieu sera tout eu toutes choses,

de manière que toutes les substances corporelles

seront changées en celle qui est la meilleure

et la plus excellente de toutes, c'est-à-dire en la substance de Dieu.» 

(Origène, De Princip., III, 5, 4, K).

 

VI. Origène est un théologien chrétien

Cette identité de vue, place bien Willermoz dans la continuité d’Origène, dont on peut dire que le Régime Ecossais Rectifié est une sorte de continuité théorique sur le plan initiatique, puisque en fait la doctrine de Pasqually, débarrassée de ses erreurs trinitaires et christologiques - ce qui fut opéré afin de constituer le Régime Ecossais rectifié - en revient, ni plus ni moins, qu’à être de l’origénisme sur le plan doctrinal.

Or Origène fut, dans les domaines théologique et exégétique, un chercheur et un penseur très prolifique, qui eut une influence notable sur plusieurs Pères de l'Eglise qui s’inspirèrent de ses écrits comme, par exemple, saint Grégoire de Naziance (+390) et saint Basile de Césarée (+379). Il n’est pas un « gnostique », mais d’abord et avant tout un théologien chrétien, peut-être à l’origine du monachisme qui se développa à partir du IVe siècle, et des grands courants de la mystique apophatique et dionysienne qui traversèrent la spiritualité de l’Eglise, porteur d'une «gnose» en effet, en son nom authentique, à savoir «une conaissance divine qui illumine l'âme purifiée», selon saint Clément d'Alexandrie.

 

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Ὠριγένης Αλεξάνδρεια 

 

doctrine,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,livre,martinésisme,martinismemétaphysique,mystique,philosophie,religion,spiritualité,théologie,théosophieC’est en s’inscrivant dans cette tendance à la redécouverte d’Origène entreprise par les théologiens au XXe siècle, que le cardinal Jean Daniélou (1905-1974) montra, dès 1948, qu’Origène était un « grand spirituel chrétien » en soulignant l’influence qu’il exerça sur l’histoire de la mystique [21]. Origène est donc une des grandes figures de l'histoire de l'Eglise. Alors oui Origène, que Willermoz reprend quasiment à la virgule près sur le plan des idées dans les Instructions secrètes du Régime Ecossais Rectifié, a défendu l’apocatastase et l’éternité incorporelle des âmes « réintégrées » en Dieu.

Dès lors, pourquoi donc exercer, d’autant pour les maçons du Régime Ecossais rectifié qui savent Willermoz imprégné d’origénisme qu’il regarde comme l’enseignement le plus abouti de la sainte religion chrétienne le plaçant au cœur de son système, un tel rejet des thèses d’Origène sur l’apocatastase, alors que cette même doctrine, absolument identique, formulée en des termes semblables et aboutissant quasiment aux mêmes conclusions, n'a jamais été condamnée chez saint Grégoire de Nysse ? Mystère, et mystère d’autant plus grand que nul tribunal ecclésiastique officiel ayant autorité, ne fait reproche à personne pour l’instant, notamment à l’égard de théologiens contemporains, pour beaucoup d'éminents ministres de l'Eglise, d’adhérer aux thèses d’Origène…ou de saint Grégoire de Nysse ! [22]

Conclusion

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Le Haut et saint Ordre a pour fonction

de conserver dans sa pureté l’héritage doctrinal,

d’en faire connaître les fondements et d’en approfondir le sens,

afin que les travaux qui s’effectuent

en relation avec la doctrine dont il a la garde,

soient authentiquement fidèles à l’enseignement dispensé d’âge en âge,

désigné sous le nom de « connaissances sublimes ».

 

Encore une fois, la doctrine de la réintégration possède ses critères singuliers, ses lois, ses principes ; elle soutient des vérités qui sont intrinsèquement liées entre elles et ne peuvent faire l’objet d’une volonté de modification sans détruire, en réalité, la nature même de la dite doctrine, et la modifier au point de rendre incompréhensibles certaines de ses affirmations - en particulier celle suscitant tant d’interrogations et d’émois car heurtant de plein fouet la dogmatique ecclésiale,  portant sur la destination à l’anéantissement des formes matérielles qui doivent être dissipées « aussi promptement » qu’elles ont été formées, ce qui pourtant rejoint l’affirmation même de l’Ecriture : « En ce jour, les cieux passeront avec fracas, les éléments embrasés se dissoudront, et la terre avec les œuvres qu’elle renfermra consumée. Puisque tout cela est en voie de dissolution… » (2 Pierre 3, 10-11).

doctrine,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,livre,martinésisme,martinismemétaphysique,mystique,philosophie,religion,spiritualité,théologie,théosophieIl convient donc de conserver à l’esprit que l’initiation léguée par Martinès de Pasqually, et que le Régime rectifié en tant que dépositaire de la doctrine de la réintégration qu’il contribua à sauver et préserver de par la volonté même de Jean-Baptiste Willermoz, est indissociablement unie, en tant que base théorique essentielle, au Haut et Saint Ordre des élus de l’Eternel. Et ce saint Ordre a pour fonction, précisément, de conserver dans sa pureté l’héritage doctrinal, d’en faire connaître les fondements et d’en approfondir le sens, afin que les travaux qui s’effectuent en relation avec la doctrine dont il a la garde, soient authentiquement fidèles à l’enseignement dispensé d’âge en âge, désigné sous le nom de « connaissances sublimes ». Mais l’indication essentielle de Willermoz est celle-ci : « Les Loges qui reçurent [l’initiation parfaite] conservèrent jusqu'au VIe siècle ces précieuses connaissances, et le refroidissement de la foi annonce assez qu'à cette époque le souvenir s'en est affaibli, et que ce qu'ilrestait d'initiés seretirèrent dans lesecret. Mais aussi ondoit croire que cesconnaissances se sont perpétuées sans interruption pendanttous les siècles dumonde car tous lesouvrages que Dieu acréés demeurent àperpétuité et nous nepouvons rien ôter àtout ce que Dieu afait. Ce qui a été estencore, ce qui doitêtre a déjà été, et Dieurappelle le passé. » [23]

Jusqu’au VIe siècle ?

Cette affirmation curieuse qui fit poser tant de questions et plongea de nombreux lecteurs de Willermoz dans d’insolubles énigmes, ne devrait pourtant ne plus être de nature à nous étonner à présent, car que s’est-il passé dans l’histoire du christianisme pour que le fondateur du Régime rectifié revienne sans cesse sur ces « connaissances sublimes » qui se seraient perdues, ou devenues secrètes, en raison d’un « refroidissement » ou d’un « affaiblissement » de la foi au VIe siècle ?

La réponse est évidente. En plein milieu du VIe siècle, exactement en 553, les thèses d’Origène ont été condamnées par l’Eglise lors du concile de Constantinople II. Or, ces « connaissances sublimes », qui ne sont autres qu’un développement magnifique et argumenté de pensée origéniste qui elle-même se pensait comme une vive lumière projetée sur la Révélation, une gnose, un témoignage du « sens spirituel » de l’Ecriture selon la « règle l’Eglise céleste », sont au cœur des voies issues de la doctrine délivrée par Martinès de Pasqually au XVIIIe siècle et se retrouvent, tant sous la plume de Louis-Claude de Saint-Martin, formant de ce fait la base des enseignements dispensés dans les cénacles saint-martinistes, que dans le conservatoire providentiel du Haut et Saint Ordre que représente le Régime rectifié. 

Voilà pourquoi Willermoz qui considérait que le christianisme avait été à l’origine une initiation conduisant à la connaissance des mystères de l’invisible, et dont la doctrine qu’il « infusa » au sein du Régime rectifié soutient la nature immatérielle d’Adam avant la Chute, le caractère ténébreux de la matière, l’apocatastase et l’éternité incorporelle des âmes « réintégrées » en Dieu,  put déclarer avec une assurance qui devrait être regardée avec un infini respect et une révérence quasi religieuse : « La doctrine des Grands Profès […] n'est point un système hasardé arrangé comme tant d'autres suivant des opinions humaines ; elle remonte…jusqu'à Moïse qui la connut dans toute sa pure et fut choisi par Dieu pour la faire connaître au petit nombre des initiés, qui furent les principaux chefs des grandes familles du Peuple élu, auxquels il reçut ordre de la transmettre pour en perpétuer la connaissance dans toute sa vérité… Les Instructions sont un extrait fidèle de cette Sainte Doctrine parvenue d'âge en âge par l'Initiation jusqu'à nou  [24].

 

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« La doctrine des Grands Profès […] n'est point un système hasardé

arrangé comme tant d'autres suivant des opinions humaines ;

elle remonte…jusqu'à Moïse qui la connut dans toute sa pureté

et fut choisi par Dieu pour la faire connaître au petit nombre des initiés,

qui furent les principaux chefs des grandes familles du Peuple élu,

auxquels il reçut ordre de la transmettre

pour en perpétuer la connaissance dans toute sa vérité…

Les Instructions sont un extrait fidèle de cette Sainte Doctrine

parvenue d'âge en âge par l'Initiation jusqu'à nou

- J.-B. Willermoz, Statuts et Règlement de l’Ordre des Grands Profès, Ms 5.475, BM Lyon -

 

doctrine,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,livre,martinésisme,martinismemétaphysique,mystique,philosophie,religion,spiritualité,théologie,théosophieLa Sainte Doctrine parvenue d'âge en âge par l'Initiation jusqu'à nous, c’est celle qui provient de l’interprétation spirituelle de l’Ecriture, qui n’en reste pas au niveau de la lecture littérale ou dogmatique – de ces dogmes qui protègent, mais également « voilent » et « cachent »  selon Joseph de Maistre  -  celle qui fait accéder à l’essence véritable du texte, qui traverse l’écorce pour atteindre le noyau, qui laisse apparaître la fine perle sublime de la Vérité : « De même des saintes Écritures : jamais il n'y eut d'idée plus creuse que celle d'y chercher la totalité des dogmes chrétiens : il  n'y a pas une ligne dans ces écrits qui déclare, qui laisse seulement apercevoir le projet d'en faire un code ou une déclaration dogmatique de tous les articles de foi. (…) jamais l'Église n'a cherché à écrire ses dogmes; toujours on l'y a forcée. La foi, si la sophistique opposition ne l’avait jamais forcée d'écrire, serait -mille fois plus angélique : elle pleure sur ces décisions que la révolte lui arracha et qui furent toujours des malheurs, puisqu'elles supposent toutes le doute ou l'attaque, et qu'elles ne purent naître qu'au milieu des commotions les plus dangereuses. L'état de guerre éleva ces remparts vénérables autour de la vérité : ils la défendent sans doute, mais ils la cachent : ils la rendent inattaquable, mais par là même moins accessible. Ah ! ce n'est pas ce qu'elle demande, elle qui voudrait serrer le genre humain dans ses bras. (…) le Christ n'a pas laissé un seul écrit « à ses Apôtres. Au lieu de livres il leur « promit le Saint-Esprit. ‘‘C’est lui, leur dit-il, qui vous inspirera ce que vous aurez à dire’’ » [25]

 

Lire : 

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Editions La Pierre Philosophale, 232 pages.

Pour consulter le sommaire :

« La doctrine de la réintégration des êtres »

 

 

Notes

1. J. de Maistre, Œuvres Complètes, t. VII, Librairie Emmanuel Vitte, 1854, p. 526.

2. Emanation et Création chez Martinès de Pasqually :

Pour se confronter à une conception métaphysique, théologique ou théogonique de la Création, encore faut-il en comprendre la logique interne, en posséder les concepts pour les utiliser correctement et, surtout, ce point est essentiel, en avoir apprivoisé sérieusement le vocabulaire et les éléments théoriques. Faute de quoi, on tombe fatalement, en se risquant à des propositions imaginaires animées par un zèle missionnaire pouvant porter jusqu'aux visions illusoires - et parfois à quelques égarements excessifs générés sans doute par ces trompeuses illusions qui produisent à l'occasion d'étranges fièvres irrationnelles - dans la littérature fantasmée, la romance subjective et la fabulation personnelle, en s’éloignant entièrement de l’exercice de la pensée analytique précise qui s’impose en ces sujets. On peut, bien évidemment, raconter des tas de choses avec le sentiment de la vérité, sentiment naïf un rien touchant, qui pourtant cumule souvent les erreurs manifestes et les contresens variés, tout en conjuguant l’inexactitude avec la méprise radicale conduisant directement à la formulation d’absurdités, dont on s’étonnera de les voir régulièrement proférées avec la conviction, qui n’est pas sans faire sourire, de la béate certitude.

 

a)  Différence entre émanation et Création

doctrine,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,livre,martinésisme,martinismemétaphysique,mystique,philosophie,religion,spiritualité,théologie,théosophieL’une des plus répandues, parmi les absurdités évoquées portant sur l’œuvre divine dans la doctrine de Martinès, consiste à confondre à l’intérieur de l’action du Créateur deux processus pourtant très distincts et absolument différents : l’émanation et la Création. L’émanation - qui n’est pas complètement exempte de nécessité puisque Dieu « émane » dans la conception de Martinès, contrairement au récit biblique et à la position dogmatique de l’Eglise, ni uniquement par « charité », ni pour faire participer ses créatures de son amour infini, mais pour avoir simplement des « témoins » de sa gloire, ce qui limite considérablement  la perspective ontologique de l'intention de l'Etre éternel - relève d'une action bien particulière très différente de la Création. On peut de ce fait gloser pendant de longs développements sur la notion de « gloire », et le sujet ne manque pas d’intérêt, mais cet exercice est cependant d’une aide plus que réduite pour la compréhension du problème qui nous occupe, soit celui de la Création contrainte du monde matériel selon la doctrine de Martinès et le développement de l’histoire divine telle que présentée dans son Traité. Or, pour comprendre quel est le sens de la Création matérielle, il faut se pencher attentivement, non seulement sur ce qui différencie émanation et Création sur le plan ontologique, mais sur ce qui suivit l’émanation des esprits, car après l’émanation on assiste dans le récit de Martinès, à un évènement dramatique : la volonté des esprits célestes d’égaler Dieu dans sa puissance créatrice. En effet ces êtres émanés voulurent se rendre semblables à Dieu en générant des créatures spirituelles En conséquence de quoi l’univers matériel fut créé, et c’est là le point central de la conception martinésienne, de façon contrainte pour devenir le lieu fixe dans lequel seront emprisonnés les esprits pervers : « A peine ces démons, ou esprits pervers, eurent conçu d'opérer leur volonté d'émanation semblable à celle qu'avait opérée le Créateur, ils furent précipités dans des lieux de ténèbres, pour une durée immense de temps, par la volonté immuable du Créateur.» (Traité, 15). Cette Création matérielle de l’univers physique, lieu de « ténèbres », de « sujétion » et de « misère impure », se différencie ainsi considérablement de l’émanation et de la génération des esprits. On n’est plus du tout, mais alors vraiment plus, dans le même cadre, on entre, du point de vue chronologique et métaphysique, dans le domaine de la sanction, de la privation, de l’exil et de la corruption, en quittant la région du rayonnement de la « gloire ». C’est pourquoi, pour éviter une confusion dont les conséquences seraient redoutables, visant à conférer à cet univers physique matériel les qualités ou les motifs de l’immensité divine en s’attachant aux formes terrestres vouées à la dissolution et l’anéantissement et en leur accordant une dignité et une destination qu’elles n’ont pas, Martinès met fermement en garde son lecteur : « Gardez vous, prévient-il, de confondre la création avec l'émanation ! La création n'appartient qu'à la matière apparente, qui, n'étant provenue de rien si ce n'est de l'imagination divine, doit rentrer dans le néant, mais l'émanation appartient aux êtres spirituels qui sont réels et impérissables. » (Traité, 138).

Il n’existe donc nulle possibilité d’établir un lien d’équivalence, ou de similitude, ni dans l’intention, ni dans l’exécution, entre l’émanation et la Création qui ne participent pas du tout du même processus mais relèvent de deux actions entièrement différentes, faisant qu’il n’y a pas une « double création » chez Martinès, proposition qui n’a strictement aucun sens, mais deux actions justifiées par deux causes extrêmement dissemblables. L’une est « l’émanation » pour la gloire de l’Eternel, l’autre la « Création » en punition de la prévarication. Et de l’une à l’autre il n’existe aucun rapport possible de comparaison ou d’équivalence, car elles portent sur des domaines essentiellement et substantiellement différents de par leur mode d’apparition à l’existence : « Les eaux qui se sont élevées jusqu'aux portes du firmament et qui ont dérobé toute la nature à vos yeux vous représentent le néant où était la nature universelle avant que le Créateur eût conçu, dans son imagination, d'opérer la création, tant spirituelle que temporelle. Il vous fait voir clairement que tout être temporel vient immédiatement par l'ordre de sa pensée et de sa volonté et que tout être spirituel divin vient directement de son émanation éternelle.»  (Traité, 138) ;  «...aucun être ne peut se revêtir de la substance d'une forme apparente, sans qu'elle ne soit composée de ces trois principes. » (Traité, 230), ceci montrant bien que pour être apparentes, les formes matérielles ne sont pas pour autant dépourvues de substance, loin de là même, puisque cette substance est composée de trois principes, soit d'une loi ternaire déterminée par une force de corruption, de dissolution et d'anéantissement, loi imposée en punition d'une "opération impure et mauvaise" (Traité, 30) !

Et la distinction entre émanation et création porte bien sur une différence substantielle comme l'explique Martinès : « Vous savez que le nombre ternaire est donné à la terre, ou à la forme générale, et aux formes corporelles de ses habitants, de même qu'aux formes des habitants célestes. Ce nombre ternaire provient des trois substances qui composent toutes les formes quelconques et que nous nommons principes spiritueux, soufre, sel et mercure, comme émanant de l'imagination et de l'intention du Créateur. Ces trois principes ayant été produits dans un état d'indifférence, l'axe central les a disposés et les a opérés pour leur faire prendre une forme et une consistance plus consolidée, et c'est de cette opération de l'axe central queproviennent toutes les formes corporelles, de même que celles dont les esprits pervers devaient se revêtir pour leur plus grande sujétion. C'est aussi, par conséquent, de ces mêmes substances qu’étaient composées les formes corporelles de Kaïn et de ses deux sœurs, dont nous expliquons maintenant le type. » (Traité, 73).

Retenons donc qu’à l'évidence il n'y a, non pas « deux créations » pour Martinès, mais une « émanation glorieuse », puis une « création matérielle » produite par un changement de la forme glorieuse en une forme de matière substantiellement impure, dite apparente puisque créée en punition de la prévarication ; et telle est la distinction extrêmement importante à ne jamais oublier sous peine de tomber dans des erreurs grossières. Cette vérité est au cœur central de la thèse martinésienne.

b) Distinction fondamentale entre l'émanation "quaternaire" et la Création "ternaire"

Et cette vérité se distingue en fonction de l’essence divine elle-même, qui est « triple » relativement à la création, et « quatriple » relativement à l'émanation. Tout ce qui touche à l’émanation d'Adam est régi par le quaternaire, tout ce qui touche à la création matérielle relève du ternaire : « Les esprits pervers sont assujettis aux mineurs, ayant dégénéré de leur puissance supérieure par leur prévarication. Les bons esprits sont également assujettis à l'homme par la puissance quaternaire, 4, qu'il reçut avec son émanation. Cette puissance universelle de l'homme est annoncée par la parole du Créateur, qui lui dit : “J'ai tout créé pour toi, tu n'as qu'à commander pour être obéi.” » (Traité, 16).

Ce qui est émané relève du quaternaire, ce qui est créé relève du ternaire : « ce fameux nombre ternaire de création de toute forme quelconque… » (Traité, 48), et ce ternaire préside à toute la création matérielle : « les trois essences spiritueuses qui composent les différentes formes corporelles de matière apparente, tant celles de l'être raisonnable que celles de l'être irraisonnable. Joignez ces deux nombres ternaires vous verrez, par leur produit sénaire, le nombre de création divine, ou les six pensées du Créateur pour la création universelle, générale et particulière. » (Traité, 60). La distinction fondatrice, qui distingue substantiellement émanation et création, est résumée ainsi par Martinès : « Le nombre ternaire apprendra à connaître l'unité ternaire des essences spiritueuses dont le Créateur s'est servi pour la création des différentes formes matérielles apparentes, et le nombre quaternaire nous apprend à connaître le nombre spirituel divin dont le Créateur s'est servi pour l'émanation spirituelle de tout être spirituel de vie, qui sont les esprits majeurs, vivant qui est donné au Christ et de privation qui sont les démons et les mineurs qui sont tombés sous leur puissance. » (Traité, 64).

La distinction entre « quaternaire » et « ternaire » est donc essentielle et fondamentale pour comprendre la différence ontologique qui sépare émanation et création, l’oublier participe d’une incompréhension profonde, absolue et radicale de ce qui fonde, et ce sur quoi repose, toute la doctrine de la réintégration : 

3. Nombre appartenant à la terre ou à l'homme

4. Quatriple essence divine.

9. Démoniaque appartenant à la matière.  (Traité, 66).

La barrière entre l'émanation et la création est donc infranchissable, elle sépare deux mondes, deux domaines antithétiques, dissemblables, irréconciliables et totalement étrangers l'un à l'autre, en raison de la pureté immatérielle de ce qui se rapporte à la divinité pour le premier domaine des esprits émanés, de l'impureté ténébreuse de ce qui appartient à la matière apparente pour les formes créées de  ténébreuses .

c) L'apparence désigne le composé matériel créé irréel, mais en tant que fruit d’une « opération impure et d’une volonté mauvaise »

Il est d'ailleurs intéressant de se pencher un instant sur la notion "d'apparence" - sachant le caractère démoniaque de tout ce qui est de l'ordre de la matière pour Martinès -, et dont on voudrait faire une utilisation de ce terme "d'apparent" avec pour finalité de minorer l'aspect foncièrement impur du composé matériel, apparence qui n’est pas uniquement synonyme de fantasmatique ou de purement illusoire, de non concret, bien que cette idée soit effectivement présente chez Martinès, montrant une nette influence platonicienne en reprenant l’attribution de l’apparence, par une distinction qui  est à la fois ontologique et épistémologique puisqu’elle se rapporte à divers degrés d’être, à des réalités appelées « formes » ou « idées » qui sont des « archétypes » conçus idéalement, dans le monde de l’esprit, et dont sont issues, par dégradation et éloignement les choses du monde sensible, néoplatonisme aisément décelable teinté de kabbale dont on sait les profondes tendances acosmiques qui possèdent des traces évidentes de dualisme et de gnosticisme regardant la Création, et surtout la matière, comme un rêve, une illusion qui doit s'évanouir pour retourner à l’Un à  l'Absolu., position très voisines de la thèse védântine par excellence, mais dont Isaac Louira (+1572) poussera assez loin la problématique, notamment celle du chevirat hakelim (réparation de la fracture) dans son Sefer haGilulim.

Par delà le fait que soutenir que l’homme fut revêtu, par dégénérescence, d’une « matière apparente » en conséquence « funeste » de la chute, comme un accident affecterait une substance première qu’il recouvrirait, tel un « vêtement épais », en la « densifiant » - proposition transpirant les classiques thématiques dualistes et gnostiques radicalement insoutenable pour l’Eglise – essayer en parallèle de s’appuyer vainement, en désespoir de cause, sur « l’apparence » pour tenter d’acclimater le système de Martinès avec les positions ecclésiales, relève comme toujours de vues profondément chimériques renforçant plus encore l’incohérence d’une position cherchant d’impossibles conciliations dogmatiques, alors qu'il serait bien plus raisonnable et singulièrement plus honnête d'admettre les difficultés et de les assumer ou de s'en écarter en s'éloignant de thèses objectivement non solubles dans l'eau des déclarations conciliaires, ce qui ne peut qu'aboutir inévitablement à une impasse catégorique, stérile et inutile.

En effet, l'Eglise soutient que loin d’avoir conçu un monde de matière « apparente », c’est-à-dire un monde qui serait «  faux, feint et simulé » (sic), Dieu a posé dans l’existence, a porté à l’être et à la réalité, le monde de la création, l'univers créé, comme étant un signe de sa propre manifestation, et c’est même, comme le soulignent tous les Pères, sa première manifestation pour que nous connaissions Dieu à partir, précisément des œuvres créées qui nous donnent une connaissance certaine du Créateur. Nul caractère « apparent » dans la Création ! Le livre de la nature matérielle est le seul livre écrit de la main de Dieu Lui-même, il n’est pas – proposition qui serait regardée comme saugrenue par n’importe quel théologien, une « apparence » (sic), y compris si l’on se tortille pour dire que cette apparence n’en est pas vraiment une, car elle n’est qu’une conséquence de la Chute. Car la Chute précisément selon l’Ecriture, a introduit un affaiblissement dans le monde matériel en y faisant entrer la mort, mais ne l’a pas rendu « apparent », elle ne l’a pas fait passer de la réalité à la simulation, de l’authenticité à la feinte, de l'objectivité à l'illusion ou à la fausseté. Ce monde matériel est tout à fait réel, concret et bon pour l’Eglise, le corps charnel de l’homme n’est en aucun cas une illusion, et surtout, il ne « souille » pas le corps glorieux en « altérant sa forme » (sic) !

La Création, même après la Chute, à partir des œuvres de Dieu - à partir de ses poèmes, "ta poiêmata", comme dit Paul – nous révèle Dieu Lui-même au point que l’apôtre dit que les païens sont inexcusables de ne pas avoir connu Dieu comme Créateur :  « Ils sont donc inexcusables, puisque, ayant connu Dieu, ils ne l’ont pas glorifié comme Dieu et ne lui ont pas rendu grâces ; mais ils se sont égarés dans de vains raisonnements, et leur cœur sans intelligence a été plongé dans les ténèbres. Se vantant d’être sages, ils sont devenus fous ; et ils ont remplacé la gloire du Dieu incorruptible par des images représentant l’homme corruptible, des oiseaux, des quadrupèdes et des reptiles (…) eux qui ont remplacé la vérité de Dieu par le mensonge et qui ont adoré et servi la créature au lieu du Créateur, qui est béni éternellement. » (Romains I, 19-25). Si cette Création matérielle avait été « apparente » suite au péché d'Adam, alors ce sont les païens, n’y voyant pas la main de Dieu mais celle des esprits inférieurs actionnant les essences spiritueuses de l’axe feu central, qui auraient eu raison contre saint Paul !

Mais, ce qui renforce plus encore l'éloignement par rapport aux positions ecclésiales, c'est que ce qui est dit « apparent » ne signifie pas seulement inexistant ou irréel dans la langue de Martinès, même si ce sens est tout à fait exact, mais « créé », et en ce qui concerne la matière, créée de façon imparfaite, impure et souillée « puisqu'elle est le fruit de l'opération d'une volonté mauvaise » (Traité, 30). Le fait que la matière soit un mal, n’est lié à aucune notion « dualiste » qui la ferait coéternelle à Dieu, ce qui est une nouvelle erreur consécutive à une grave confusion entre les notions de temporalité et de substance, mais parce qu’elle participe d’une « opération impure et d’une volonté mauvaise », lui conférant un caractère ténébreux et mortifère, qui plus est produite par des esprits inférieurs agissant sur ordre du Créateur pour former les corps à partir des trois essences spiritueuses : « les esprits inférieurs, ayant reçu l'ordre du Créateur pour la construction de l'univers, ainsi que l'image de la forme apparente qu'il devait avoir, produisirent d'eux-mêmes les trois essences fondamentales de tous les corps, avec lesquels ils formèrent le temple universel (...) des esprits inférieurs producteurs des trois essences spiritueuses d'où sont provenues toutes les formes corporelles » (Traité, 256). 

A ce sujet le Dictionnaire Universel Français et Latin, imprimé à Trévoux (1704-1771), qu’il est bon de consulter en effet si tant est qu’on veuille bien le lire, et surtout le citer correctement, donne de nombreuses acceptions au terme « Apparence ». Dans un premier sens, sous sa forme nominale féminine, en effet est dit relevant de l’apparence «La surface des choses, ce qui d’abord frappe les yeux (…). Se dit aussi de ce qui est opposé à la réalité, qui est faux, feint et simulé (…). Reste, marque, vestige, trace de quelque chose » (Trévoux, t. I, 1771, p. 485). Mais la définition est la suivante pour la forme adjectivale : « Apparent, ente, adj., 1. Ce qui est visible, certain, évident, dont on ne peut douter (…)….2. Se dit de ce qui n’est que vraisemblable (…) 3. Se dit aussi de ce qui est faux, qui paraît d’une façon et qui est de l’autre. » (Ibid., p. 486). On remarque donc un léger glissement sémantique, faisant que l’apparence peut désigner de trois manières une même réalité, mais dans les trois acceptions adjectivales, la question de la nature de cette apparence et la sa raison n’est pas abordée. Or, ce qui nous intéresse au premier chef, Martinès répond à cette question et nous indique que cette nature se rapporte à son caractère impur, « fruit d’une opération ténébreuse » et d’une « volonté mauvaise », par ailleurs produite par les esprits inférieurs pour y insérer les démons puis Adam. Et cette nature démoniaque ténébreuse n’est pas en rapport avec son apparence – qui relève du mode de conception par création et non par émanation - mais avec sa substance, qui elle est un produit, le résultat d’une « opération impure et d’une volonté mauvaise » (Traité, 30).

Nous sommes donc, dans le cadre de la matière apparente, face à deux domaines différents qui se conjuguent et renforcent deux caractères eux-mêmes tout à fait distincts et opposés :

1. L’émanation et la création /(réalité impérissable / forme apparente).

2.  Formes glorieuse et matière impure / (volonté divine / opération mauvaise).

« Apparent » signale donc des formes matérielles créées, c’est-à-dire des causes secondes qui dépendent dans leur être de la pensée du Créateur : « Cette forme glorieuse n'est autre chose qu'une forme de figure apparente, que l'esprit conçoit et enfante selon son besoin et selon les ordres qu'il reçoit du Créateur.» (Traité, 47), mais des formes qui pour être dénuées de réalité véritable sur le plan des êtres émanés - le seul réel pour Martinès -, n'en sont pas moins substantiellement impures et mauvaises. Les formes apparentes dans le vocabulaire martinésien, sont ainsi des formes matérielles irréelles, fausses et mensongères, qui relèvent d’une finitude, d’une limite, témoignant d’une carence ontologique, mais qui sont également souillées, impures et ténébreuses, en raison de leur caractère passif et de leur origine : « L'homme porte sur sa forme la figure réelle de la forme apparente qui apparut à l'imagination du Créateur et qui fut ensuite opérée par des ouvriers spirituels divins et mise en substance de matière apparente solide passive, pour la formation du temple universel, général et particulier. » (Traité, 79). Voilà pourquoi la carence ontologique dont est frappée la chair d’Adam, son enveloppe matérielle ténébreuse, est destinée à l’anéantissement précisément à cause de son caractère « apparent », ce qui veut dire qu'elle est destinée à la finitude et vouée à la dissolution contrairement aux être émanés impérissables car immatériels : « La création n'appartient qu'à la matière apparente, qui, n'étant provenue de rien si ce n'est de l'imagination divine, doit rentrer dans le néant, mais l'émanation appartient aux êtres spirituels qui sont réels et impérissables. » (Traité, 138) - Willermoz précise de même en des  termes identiques à ceux de Martinès :  « ce corps est un néant, parce que la matière générale dont ce corps est une faible partie, n’ayant point de réalité, mais seulement une apparence qui doit disparaître un jour, est véritablement un néant »  (Jean-Baptiste Willermoz, FM 509, 3e Cayer [C]), B N Paris, I. De la liberté et des facultés des êtres spirituels et de leur émancipation).

Cette matière formant le corps charnel d'Adam, est donc désignée comme « apparente » pour Martinès, car elle est vidée de toute dimension spirituelle, provient d'un principe ternaire dépendant d'un nombre de corruption et de dissolution, elle est le fruit d'une origine impure, souillée, infectée et ténébreuse et doit donc être anéantie et non "spiritualisée" lors de la réintégration : « puisqu'elle est le fruit de l'opération d'une volonté mauvais » (Traité, 30). 

d) Adam a été émané sous une "forme glorieuse" par nécessité

Par ailleurs, autre point singulièrement important pour notre réflexion à propos de ce qui distingue émanation et Création, la division entre monde matériel et immatériel, entre formes passives d’apparence de matière ténébreuse et formes impassives ne date absolument pas pour Martinès de la prévarication d’Adam, mais de la première prévarication des esprits pervers qui eut pour effet de contraindre le Créateur de créer « l’univers physique en apparence de forme matérielle, pour être le lieu fixe où ces esprits pervers auraient à agir et à exercer en privation toute leur malice. » (Traité, 6). Adam apparaît ainsi sur la scène de l’histoire divine comme un esprit émané quaternaire, un être immatériel qui, de par sa faute, sera précipité dans un corps de matière ténébreuse formé, selon une loi ternaire, par les essences spiritueuses - « trois essences spiritueuses d'où sont provenues toutes les formes corporelles » (Traité, 256) -, ce qui d’ailleurs, redisons-le une nouvelle fois, toutes ces thèses relèvent de conceptions que l’Eglise rejette violemment mais que Martinès professe et soutient, soit celle de l’ensomatose, c’est-à-dire de l’incorporisation d’un esprit immatériel, celui d'Adam, dans ce monde sensible - être préexistant au sein de la vie divine avant sa chute dans le corps - en raison d’une faute antérieure : « Vous savez que le Créateur émana Adam homme-Dieu juste de la terre, et qu'il était incorporé dans un corps de gloire incorruptible. » (Traité, 43). Mais si Adam a été placé initialement selon Martinès dans une forme purement spirituelle et glorieuse certes, cette forme toute glorieuse qu’elle fût répondait cependant à une nécessité, et pas des moindres.

De quelle type cette nécessité ?

Voici la réponse : « La forme dans laquelle Adam fut placé était purement spirituelle et glorieuse, afin qu'il pût dominer sur toute la création, et exercer librement sur elle la puissance et le commandement qui lui avaient été donnés par le Créateur sur tous les êtres. » (Traité, 47). L’homme a donc été émané en réalité, comme nous le constatons, non pour bénéficier d’un don gratuit, d’une vie libre non soumise à aucun objet particulier, offerte par un don gratuit pour le simple le bonheur de l’homme et de sa postérité, mais pour combattre les esprits pervers : « Nous comprendrons aisément, par cette figure, que l'homme n'avait été émané que pour être toujours en aspect du mauvais démon, pour le contenir et le combattre. La puissance de l'homme était bien supérieure à celle du démon, puisque cet homme joignait à la sienne celle de son compagnon et de son intellect et que, par ce moyen, il pouvait opposer trois puissances spirituelles bonnes contre deux faibles puissances démoniaques ; ce qui aurait totalement subjugué les professeurs du mal et, par conséquent, détruit le mal même. » (Traité, 16).

Ainsi ce caractère de « nécessité », présidant à toute la doctrine de la réintégration, va si loin - et c’est là un point qui n’est généralement pas du tout perçu dans ce qu’il signifie réellement sur le plan théorique par les commentateurs de Martinès – que sans la première prévarication des esprits révoltés Dieu n’aurait sans doute jamais créé l’homme, Adam, le mineur spirituel - « l'ordre de l'émanation des mineurs spirituels n'a commencé qu'après la prévarication et la chute des esprits pervers » (Traité, 233) - montrant bien que l’ensemble du corpus conceptuel martinésien est fondé, sous-tendu, appuyé sur cette loi de « contrainte nécessaire » qui participe d’une approche très différente de la gratuité de la Création telle qu’enseignée, et soutenue officiellement, par le dogme de l’Eglise qui insiste sur la fait que Dieu crée à partir « de rien » (ex nihilo ; 2 M 7, 28) un monde ordonné et bon, qu’Il transcende à l’infini, en une action créatrice indépendance de toute contrainte extérieure : Deus ex solis suae naturae legibus, et a nemine coactus agit. On le voit, la doctrine de la réintégration est une pensée singulièrement originale de par sa distance d’avec la conception de l’Eglise, possédant ses critères propres et sa logique interne spécifique, tant sur le plan métaphysique, spirituel et initiatique, qu’il convient de comprendre, pour ensuite les respecter, sous peine de tomber dans des divagations fantaisistes.

Une question cependant. La couche glorieuse où fut émancipé Adam, que le Traité nous présente comme « figurée par six et une circonférence » dont les six cercles signalaient les six pensées du Créateur utilisées pour la création du temple universel : « les six cercles, le Créateur représentait au premier homme les six immenses pensées qu'il avait employées pour la création de son temple universel et particulier » (Traité, 22), était-elle uniquement immatérielle ne comportant que « l’apparence de forme matérielle », ou bien avait-elle déjà en son sein des régions de matière ténébreuse ?

e) Les démons n’ont pas été enfermés dans un « chaos », ils ont été chassés du Ciel et sont restés des esprits

Tout d’abord une précision, cette couche n’est pas le temple universel, mais une « figure » de ce temple, ce qui est bien différent. Les circonférences tracées par l’Eternel lors de l’émancipation d’Adam, sont un symbole, un signe, mais non la chose même ; elles ont pour fonction d’évoquer, de représenter,  tout en isolant et protégeant Adam, mais ne sont pas la réalité objective du temple universel, elles ne sont « qu'une forme de figure apparente », qui est transitoire aussi vite réintégrée que générée par l’esprit : « Cette forme glorieuse [dans laquelle Adam fut placé], n'est autre chose qu'une forme de figure apparente, que l'esprit conçoit et enfante selon son besoin et selon les ordres qu'il reçoit du Créateur. Cette forme est aussi promptement réintégrée qu'elle est enfantée par l'esprit. » (Traité, 47).

 

Ce premier point est important car il permet de comprendre que cette projection en forme de figure apparente, ne prétend pas être concrètement, le temple universel, mais uniquement son image, sa « figure » apparente. Reste toutefois à savoir, comme il nous a été donné de le lire non sans étonnement, si les essences spiritueuses détachées dans l’axe feu central en raison de la prévarication des démons, se trouvaient à l’état de « chaos indifférencié » assimilable à l’abîme d’avant la Création, considérant que leur opération leur avait valu un séjour dans la privation, c’est-à-dire, un simple éloignement de Dieu : «…c'est pour avoir tenté une opération opposée aux lois immuables du Créateur que les démons se trouvent n'avoir d'autre puissance que cette puissance quinaire de confusion et qu'ils sont précipités dans les abîmes de la privation divine pour une éternité. » (Traité, 240) ? Si on répond positivement, pour tenter de faire correspondre la position de Martinès avec le texte de la Genèse par une acrobatie thématique entre la couche spirituelle, dans laquelle le Créateur plaça son premier mineur et l’abîme de la privation divine – même si on est encore très loin des définitions dogmatiques de l’Eglise mais disons que l’intention de s’en approcher est assez aisément décelable malgré une impossibilité catégorique que certains se refusent à admettre – alors on peut donner libre cours à une relecture assez osée du Traité, allant jusqu’à soutenir, en inférant « l’abîme de privation » avec le « tohu bohu » de Genèse I, une très hypothétique correspondance avec « l’exégèse des Pères de l’Eglise », ce qui d’ailleurs n’aurait pas manqué de faire sursauter vigoureusement les vénérables auteurs placés sur les autels des différentes confessions chrétiennes, sans même parler de leurs prévisibles réactions s’ils avaient pu se pencher sur les thèses du Traité de Martinès. Ce type d’exercice visant à faire rentrer dans le moule ecclésial la pensée martinésienne, auquel nous sommes à présent habitué, se heurte cependant à une sérieuse difficulté, et elle n’est pas mince : c’est qu’on ne peut assimiler la création matérielle consécutive à la prévarication des esprits rebelles à « l’abîme » sur lequel l’esprit de Dieu planait au tout début de la Création. Le passage de l’Ecriture : « Au commencement Dieu créa les cieux et la terre. Et la terre était informe et vide ; les ténèbres couvraient l’abîme et l’Esprit de Dieu reposait sur les eaux » (Genèse I, 1-2), ne fait pas du tout écho à une sanction, à une région matérielle constituée pour y enfermer les démons, ces deux versets indiquent l’acte et l’état primitifs qui ont servi de point de départ à l’œuvre ordonnatrice d’où est procédé l’univers tel que nous le contemplons actuellement, et c’est cette définition qui est reprise et sur laquelle insistent tous les Pères de l’Eglise, la plupart se refusant à spéculer sur l’intervalle entre les deux versets de Genèse 1, 1 et Genèse 1, 2. Aucun d’eux ne soutient l’idée d’une identité entre l’abîme sur lequel l’Esprit de Dieu reposait, et un lieu où les démons auraient été placés dans une sorte de magma indifférencié, de situation latente et intermédiaire, et ceci pour une raison évidente, c’est que les démons pour la dogmatique chrétienne, n’ont pas été enfermés dans un « chaos » fût-il originel, en réponse à leur révolte, ils ont été chassés du Ciel certes, mais ils sont restés des esprits !

 

f) La Création du monde matériel est une conséquence de la prévarication

 

Très différente la position de Martinès, vis-à-vis de laquelle il ne peut y avoir nulle contestation, pour luidoctrine,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,livre,martinésisme,martinismemétaphysique,mystique,philosophie,religion,spiritualité,théologie,théosophie le monde matériel a été conçu, avant l’émanation d’Adam, pour servir de prison aux esprits révoltés ! Il le rappelle constamment dans le Traité, et ajoute ceci sur quoi il importe d’insister : sans prévarication il n’y aurait jamais eu de Création, et ce point est en contradiction absolue, encore une fois, d’avec la conception de la Création selon le dogme de l’Eglise pour lequel la Création n’est pas une conséquence de la Chute, mais un don d’amour, l’expression d’une générosité diffusive, un témoignage de pure Charité. Avec Martinès la tonalité est donc tout autre, radicalement autre même comme on peut en juger : « Sans cette première prévarication, aucun changement ne serait survenu à la création spirituelle, il n’y aurait eu aucune émancipation d'esprits hors de l'immensité, il n'y aurait eu aucune création de borne divine, soit surcéleste, soit céleste, soit terrestre, ni aucun esprit envoyé pour actionner dans les différentes parties de la création. Tu ne peux douter de tout ceci, puisque les esprits mineurs ternaires n'auraient jamais quitté la place qu'ils occupaient dans l'immensité divine, pour opérer la formation d'un univers matériel. Par conséquent, Israël, les mineurs hommes n'auraient jamais été possesseurs de cette place et n'auraient point été émanés de leur première demeure ou, s'il avait plu au Créateur de les émaner de son sein, ils n'auraient jamais reçu toutes les actions et les facultés puissantes dont ils ont été revêtus de préférence à tout être spirituel divin émané avant eux. » (Traité, 237).

 

Est-ce clair, ou est-il encore besoin d’y insister ?

 

Soulignons tout de même, en insistant car il importe de le faire, sur ce passage significatif où est soutenue l’affirmation énorme, absolument insoutenable pour le dogme de l’Eglise, portant sur l'acte de Création de l’Eternel motivé par la prévarication : « Tu ne peux douter de tout ceci, puisque les esprits mineurs ternaires n'auraient jamais quitté la place qu'ils occupaient dans l'immensité divine, pour opérer la formation d'un univers matériel. Par conséquent, Israël, les mineurs hommes n'auraient jamais été possesseurs de cette place et n'auraient point été émanés. » (Traité, 237).

 

doctrine,ésotérisme,franc-maçonnerie,histoire,illuminisme,livre,martinésisme,martinismemétaphysique,mystique,philosophie,religion,spiritualité,théologie,théosophieIl n’est donc pas question lors de l’émanation d’Adam, qui surgit dans un univers marqué par la prévarication des esprits précipités dans les fers de la matière ténébreuse, d’une Création conservée « pure, glorieuse et lumineuse, inondée de l’Esprit de Dieu » (sic) - soutenir ceci n’a strictement aucun sens et participe d’une vue illusoire forgée par la volonté de plier Martinès à des conceptions dogmatiques qui lui sont étrangères et dont il est  très éloigné en raison de ses thèses qui tombent toutes sous le coup des plus sévères et rigoureuses censures ecclésiales et conciliaires -, mais d'un univers déjà distingué en trois parties : l’Immensité divine, l’Immensité surcéleste et l’Immensité céleste contenant le Monde terrestre, univers qui vient de traverser un drame consécutif au surgissement abominable du « principe du mal spirituel » (Traité, 5). Et cette idée centrale qui fonde la pensée de Martinès, à savoir que sans la prévarication aucun changement - ce qui signifie aucune création matérielle terrestre - ne serait intervenu, est sans cesse expliquée tout au long du Traité qui en fait quasiment une réitération constante de son exposé doctrinal en insistant sur le fait que la prévarication d’Adam a fait descendre l’homme et toute sa postérité dans un monde, non pas émané, mais créé, et l’a fait descendre sous une forme matérielle différente de celle des mondes supérieurs où il avait été émancipé, nous montrant que la Création qui suivit la prévarication des premiers esprits n’a, et à aucun moment, était ni créée, ni placée dans un état glorieux : « Oui, si ce premier mineur n'eût point prévariqué, il ne serait jamais devenu habitant de ce monde terrestre matériel, il n'aurait point désuni sa puissance divine quaternaire pour la rendre simplement inférieure et ternaire, ainsi que te le prouve le simple triangle sensible où sont attachés trois corps planétaires, la Lune, Vénus et Jupiter. Mais cette prévarication a fait descendre l'homme sur cette surface et l'a précipité dans un monde tout opposé à celui pour lequel il avait été émancipé. Tu vois en effet que le monde céleste conserve toujours la forme de son origine et sa similitude avec le surcéleste et le divin, mais le monde inférieur n'a qu'une forme matérielle et différente de celle des trois mondes supérieurs. C'est par la désunion que tu aperçois dans le double triangle de ce monde sensible que tu peux concevoir la privation du premier mineur et de ceux qui résident dans ce lieu de ténèbres, privation qui assujettit ces mineurs spirituels aux peines du corps et à celles de l'esprit. » (Traité, 242).

 
Conclusion : il faut, d'abord et avant tout, avant que de s'exprimer sur ces sujets, apprendre la nécessité de toute chose créée et celle de tout être émané et émancipé

Quant à la place occupée par Adam originellement, elle a été souillée puis purifiée par l’Eternel, et c’est dans ce lieu de nouveau saint, ce cercle qui n’aurait point été émané s’il n’y avait eu une première prévarication – de même qu’il n’y aurait pas eu de création matérielle - que la postérité humaine doit être réintégrée : « Apprends de moi que cette même place existe et existera dans toute sa propriété éternellement. Elle a été souillée par la prévarication d'Adam, mais elle a été purifiée par le Créateur, ainsi que te l'assure la réconciliation du premier homme. Oui, c'est dans ce saint lieu qu'il faut que la postérité mineure spirituelle d’Adam soit réintégrée. C'est le premier chef-lieu que le mineur a habité, dès son émancipation divine, et la prévarication du premier homme ne l'en a exclu que pour toute la durée du temps. Observe donc ici que c'est l'émancipation de ce cercle mineur qui désigne et qui complète la quatriple puissance divine, sans laquelle le mineur n'aurait aucune connaissance parfaite de la Divinité. L'émanation de ce cercle n'aurait point eu lieu sans la prévarication des démons ; sans cette prévarication, il n'y aurait point eu de création matérielle temporelle, soit terrestre, soit céleste ; n'y ayant eu ni l'une ni l'autre, il n'y aurait point eu d'immensité surcéleste ; toute action d'émanation spirituelle se serait faite dans l'immensité divine, de même que toute espèce de création de puissance pour les esprits émanés dans cette même immensité. Considère donc ce qu'a occasionné la prévarication des mauvais esprits ; réfléchis sur cette création universelle, réfléchis sur ton émanation. Tu apprendras à connaître la nécessité de toute chose créée, et celle de tout être émané et émancipé. » (Traité, 224).

3. Instruction secrète des Chevaliers Profès, op.cit.

4. Ibid.

5. Ibid.

6. L’étude des sources de Martinès, qui n’ont point permis pour l’instant d’arriver à une conclusion certaine, laisse cependant penser à une nette influence judéo-chrétienne chez le thaumaturge bordelais, non exempte de liens avec les enseignements de la kabbale : « La particularité magico-théurgique de Martines s'analyse par rapport à la kabbale. Sa théurgie comme sa théosophie ne sont pas spécifiquement kabbalistiques, de plus elles s'expriment dans un contexte chrétien inaliénable. Une influence par résonance de la kabbale n'est toutefois pas à exclure, voire l'influence directe de certains ouvrages. En kabbale comme chez Martines, priment les thèmes théosophiques de la descente et de la remontée ; de la chute, de la dispersion et de la restauration, de la réintégration. » (R. Amadou, Introduction au Traité sur la Réintégration des êtres, Collection Martiniste, Diffusion Rosicrucienne, 1995, pp. 22-25). Assez crédible donc l’idée, d’une probable influence du judaïsme, ou plus exactement du judéo-christianisme primitif dont tout indique qu'il fut très proche des positions religieuses de l'ébionisme ou de l'elkassaïsme sur Martinès, même si certaines  analogies peuvent être démontrées entre le Traité et les textes des écoles gnostiques chrétiennes et des kabbalistes, quoique Martinès soit un catholique de parents eux-mêmes catholiques, qui sera baptisé puis se mariera à l'Eglise, faisant ensuite baptiser ses enfants, et ayant, à de multiples occasions, largement prouvé son respect à l'égard de l'institution ecclésiale romaine, tout en prônant la pratique d’un culte de nature théurgique calqué sur les méthodes préconisées par les grimoires magiques médiévaux.

7. Origène est né en Egypte dans une famille chrétienne vers l'an 185. Il reçut une formation hellénique et une éducation biblique dans sa famille. Son père était citoyen romain. Lors de son voyage en Egypte, l'empereur Septime Sévère (193-211) prit des mesures draconiennes (193-211) contre les chrétiens. Le père d'Origène fut mis à mort en 202  par décapitation ; Origène, qui avait alors 17 ans, assista à sa mort et aurait voulu le suivre dans le martyr mais sa mère, en cachant ses vêtements, l’en empêcha. Vers 207 Origène rencontra des païens désireux de mieux connaître la religion chrétienne. La connaissance qu'il possédait de la philosophie grecque lui permit de dispenser un enseignement destiné à des païens qu'il conduisait à la conversion. Il tissa de ce fait des liens profonds avec le platonisme alexandrin de son temps, reprenant le projet de Pantène et de saint Clément d’Alexandrie, qui consistait à former une sorte d'université, la Didascalée, où toutes les sciences humaines étaient mises au service de la théologie. Désigné comme le successeur de saint Clément d'Alexandrie qui avait été à la tête de l'école catéchétique, il y enseigna entre 212 et 231.Vers 250, lors de la persécution de Dèce, Origène est arrêté et torturé. Retrouvant sa liberté, il meurt peu après, des suites de ses blessures, à Tyr en 252. 

Parmi ses écrits, on distingue :

- Les Commentaires sur l'Ecriture Sainte.

- Le Traité Sur les Principes (De principiis).

- De nombreux livres d'exégèse, des homélies, de controverses : Apologie du christianisme contre Celse, De la  prière, l'Exhortation au martyre, etc.

8. Après qu’Erasme en eut prit l’initiative à Bâle dès 1536, un édition intégrale d’Origène fut entreprise en France par le père Charles de la Rue, bénédictin, mort en 1739, continuée par dom Charles-Vincent de la Rue, son neveu, qui donna le dernier volume annoté des Origeniana à Paris, en 1759. Cette édition aura un écho significatif auprès des érudits, chercheurs et théologiens, et il apparaît plus que vraisemblable, même s’il nous manque l’inventaire de sa bibliothèque qui nous eût été d’une aide appréciable, que Willermoz accéda à cette édition et y puisa ses références doctrinales.

9. C. Tresmontant, La Métaphysique du christianisme et la naissance de la philosophie chrétienne, Seuil, 1961, pp. 395 ; 421.

10. S. Le Nain de Tillemont, Mémoires pour servir à l'histoire ecclésiastique, t. III, p. 585.

11. Alain Marboeuf, dans son étude sur la recherche des sources judéo-chrétiennes qui ont influencé le système théologique et philosophique de Martinès de Pasqually rattachant ce dernier à la gnose valentinienne, place Origène dans la liste des Pères ayant combattu le gnosticisme, entre Clément d’Alexandrie et saint Athanase : « Les branches du rameau gnostique chrétien sont d’abord judéo-chrétiennes, les subtilités théologiques qui les séparent du Judaïsme ou du Christianisme orthodoxes étant parfois ténues. Citons, par ordre chronologique : les Séthiens, le Mandéisme qui correspond à la branche du Baptiste, les Ebionites, le Marcionisme, le Manichéisme, l’Arianisme, le Nestorianisme. Certains de ces mouvements ne sont maintenant connus qu’au travers des hérésiologues vivant aux II-IIIème siècles et aux Pères de l’Eglise : Saint-Irénée de Lyon (v.130-v. 202), Clément d’Alexandrie (150-v.211), Tertullien (v. 155-v.222), Origène (v.185-253), Saint-Athanase (v.294-373), Saint-Grégoire de Naziance (v.330-v.390), Saint-Grégoire de Nysse (v.335-v.394), Saint-Augustin (354-430). »  (A. Marboeuf, Martinès de Pasqually et La Gnose Valentinienne,The Rose+Croix Journal 2008 – Vol 5, p. 63).

12. Martinès, qui parle longuement du péché d’Adam comme cause de sa chute, insiste clairement, ce qui l’éloigne du gnosticisme stricto sensu, sur le fait que le mal ne provient que de la créature non du Créateur : « La création n'appartient qu'au Créateur et non à la créature. Les pensées mauvaises sont enfantées par l'esprit mauvais, comme les pensées bonnes sont enfantées par l'esprit bon, c'est à l'homme de rejeter les unes et de recevoir les autres, relativement à son libre arbitre qui lui donne droit de prétendre aux récompenses de ses bonnes œuvres, mais qui peut aussi le faire rester pour un temps infini dans la privation de son droit spirituel. Le mal, je le répète, ne prend son origine ni du Créateur ni d'aucune de ses créatures particulières. Il ne vient que de la pensée de l'esprit opposé aux lois, préceptes et commandements de l’Eternel, pensée que l'Eternel ne peut pas changer dans cet esprit, sans en détruire la liberté et l'existence particulière, comme il a été dit ci-dessus. » (Traité, § 15, « origine du mal »). Il n’y a donc aucune « substantialité » du mal chez Pasqually alors que c’est le cas chez les gnostiques : « L'on peut voir, par tout ce que je viens de dire, que l'origine du mal n'est venue d'aucune autre cause que de la mauvaise pensée suivie de la volonté mauvaise de l'esprit contre les lois divines, et non pas que l'esprit même émané du Créateur soit directement le mal, parce que la possibilité du mal n'a jamais existé dans le Créateur. Il ne naît uniquement que de la seule disposition et volonté de sa créature. Ceux qui parlent différemment ne parlent pas avec connaissance de cause des choses possibles et impossibles à la Divinité. » (Traité § 17, « Dieu est juste, sans mal possible en lui »).

13. Cardinal Henri de Lubac, Histoire et Esprit : L'Intelligence de l'Écriture d'après Origène, Éditions du Cerf, 2002.

14. Origène, De Princip., III, 5, 4, K.

15. Ibid.

16. Origène, De Princip., op.cit.

17. Ibid.

18. De Princip., op.cit.

19. Ibid.

20. Ibid.

21. J. Daniélou, s.j., Origène, La Table Ronde, 1948.

22. J. Daniélou, Henri de Lubac, Hans Urs Von Balthasar, P. F. Marlière, Mgr A. Léonard, etc.

23. Instruction du grade d’Ecuyer Novice, 1778, Bibliothèque du Grand Orient des Pays-Bas, la Haye, Fonds Kloss, F XXVI 113‑10.

24. Jean-Baptiste Willermoz, Statuts et Règlement de l’Ordre des Grands Profès, Ms 5.475, BM Lyon.

25. J. de Maistre, Essai sur le Principe Générateur des constitutions politiques, § 15, P. Russand, Lyon, 1833, pp. 18-20 ; 22-23 ; 28.