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mercredi, 01 mars 2017

René Guénon et la Tradition primordiale

Distinction entre la Tradition abélienne « non-apocryphe », 

  et les voies caïnistes « apocryphes », fausses et réprouvées par l’Éternel

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La Tradition primitive que l’on peut nommer « primordiale »,

ou « Tradition Mère »  selon Louis-Claude de Saint-Martin,

se divisa lors de la séparation qui adviendra entre le « culte faux » de Caïn

et celui, « béni de l’Éternel », célébré par Abel le juste.

 

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Cette Tradition nommée « primordiale », car prétendant être la plus ancienne de l’humanité, serait la « Tradition première » commune à l’ensemble des traditions dites authentiques et « orthodoxes », dont les traces et signes apparaîtraient très lisiblement dans les symboles, rites et mythes du patrimoine commun de l’humanité. On peut donc dire que cette Tradition primordiale, toujours selon Guénon, aurait véritablement fécondé et nourri substantiellement l’ensemble des traditions actuelles, ces dernières en dérivant de façon plus ou moins importante selon leur degré de proximité et d’intimité avec cette source initiale, les formes traditionnelles de notre présente période temporelle, ou « Manvantara », conservant un lien avec la « Tradition primordiale ».

 I. Conception « hindoue » et occultiste du temps chez René Guénon

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Guénon fit siennes les conceptions

et expressions terminologiques de la tradition hindoue

La conception traditionnelle du temps propre à la pensée de l’Antiquité païenne, dans son expression indienne, grecque ou latine, considérait qu'il y avait quatre âges principaux, respectivement l’âge d’or, l’âge d’argent, l’âge de bronze et l’âge de fer. L’Inde, dont Guénon fit siennes les expressions terminologiques, donna le nom de Yugas à ces quatre périodes, formant un cycle complet (Manvantara), respectivement : Krita-Yuga ou Satya-Yuga, Trêtâ-Yuga, Dwâpara-Yuga et Kali-Yuga (l’Âge de fer). Ces quatre âges, qui correspondent aux différentes phases que traverse l’humanité, marquent un éloignement progressif à l’égard du Principe (c’est-à-dire de l’Unité), et de la « Tradition Primordiale » qui en serait l’expression la plus pure, éloignement allant en s’accélérant à mesure que les temps avancent.

 

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Fabre d’Olivet (1768-1825) développa la théorie cyclique des âges

dans l’Histoire philosophique du genre humain, ouvrage (1816). 

Notons, que si Guénon cite beaucoup la tradition indienne pour donner du poids à ses réflexions, on ne doit pas sous-estimer chez lui l’influence de Court de Gébelin (1728-1784), et Fabre d’Olivet (1768-1825), dont il nous est facile de déceler la présence dans les grands thèmes de sa pensée, en particulier dans cette théorie des âges que l’on retrouve ainsi exposée dans l’Histoire philosophique du genre humain, ouvrage publié en 1816 par Fabre d’Olivet, dans lequel on peut lire : Le Kali-youg, qui a commencé, doit terminer cette quatrième période par l’apparition même de Vishnou, dont les mains armées d’un glaive étincelant frapperont les pécheurs incorrigibles, et feront disparaître à jamais de dessus la terre les vices et les maux qui souillent et affligent l’univers. » [1]

Selon René Guénon, l'essence de la Tradition primordiale – dont les restes perdurent dans le royaume souterrain dedoctrine,Ésotérisme,franc-maçonnerie,illuminisme,joseph de maistre,liturgie,louis-claude de saint-martin,martinès de pasqually,martinisme,métaphysique,mystique,philosophie,religion,spiritualité,théologie,théosophie,tradition,doctrine de la réintégration,réintégration,émanation,jean-marc vivenza,initiation,ésotérisme,pasqually,vivenza,histoire,spiritualité,roi du monde,apocryphe,non-apocryphe,rené guénon,guénon,tradition primordiale,agarttha,centre suprême,yugas,cycle,krita-yuga,satya-yuga,trêtâ-yuga,dwâpara-yuga,kali-yuga l’Agarttha, placé sous l’autorité du « Roi du Monde » -, ne se trouve de façon privilégiée que dans la tradition hindoue qui serait légataire d'une source directe d'une incomparable pureté à l'égard des fondements premiers de la « Science Sacrée » d'origine non-humaine plaçant dès lors les autres traditions dans une sorte de situation de dépendance à son égard, comme il le déclare de manière catégorique dans son Introduction générale à l’étude des doctrines hindoues (1921), affirmant  : « La situation vraie de l’Occident par rapport à l’Orient n’est, au fond, que celle d’un rameau détaché du tronc ». [2]

 II. Difficultés relatives aux thèses de René Guénon

Les difficultés, et elles ne sont pas minces ou anodines du point de vue théorique, portent sur des éléments qui, à l’analyse, font apparaître de nombreuses interrogations problématiques que l’on ne peut passer sous silence car représentant des interrogations non seulement légitimes mais surtout fondamentales pour savoir de quoi l’on parle lorsqu’on se réfère à la « Tradition », consistant en deux points principaux qu’il importe de bien comprendre et d’intégrer, si l’on souhaite réellement posséder une juste perception des notions « guénoniennes », qui ne peuvent être acceptées sans quelques préventions nécessaires, qui représentent, objectivement, de sérieuses apories doctrinales, précisément, et c’est ce qui nous importe dans le cadre de notre perspective, au regard de la position « traditionnelle » de l’Illuminisme chrétien.

Ces deux points problématiques qui font difficulté, sont les suivants :

  • 1°) – Qu’en est-il réellement de la question de l’existence du royaume souterrain d’Agarttha et du « Roi du Monde » qui y règne ?
  • 2°) – La « Tradition » qui a perduré depuis les temps primitifs, est-elle un rameau unique, ou s’est-elle divisée en plusieurs branches ?

III. La question de l’Agarttha et du « Roi du Monde »

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Qu’en est-il réellement de l’Agarttha

et du « Roi du Monde » qui y règne ?

Le nom « Asgarttha », signifiant « la ville du soleil », a été totalement ignoré pendant des siècles, et fait son apparition très tardivement en Occident, c’est-à-dire dans la littérature ésotérique du XIXe siècle qui s’inspire de thématiques hindoues, et peut être repéré pour la première fois chez Louis Jacolliot (1837-1890), dans son ouvrage « Les Fils de Dieu » (1873), puis sous la forme « Agarttha », désignant une cité « insaisissable à la violence »,  également employé par Alexandre Saint-Yves d'Alveydre (1842-1909), dans « Mission de l’Inde en Europe. Mission de l'Europe en Asie : ‘‘La question du Mahatma et sa solution’’ » (1910).

 

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C'est chez Alexandre Saint-Yves d'Alveydre (1842-1909), principalement,

que René Guénon va trouver la théorie de l'Agarttha.

Cette apparition, fort récente, de la dénomination « Agarttha », est un élément qui aurait dû éveiller quelques soupçons chez les lecteurs de Guénon, car ce dernier va opérer, habillement, une identification entre la notion traditionnelle de « Tradition primitive » dont on a vu qu’elle est reconnue par de nombreux auteurs, y compris ecclésiastiques, et les conceptions issues de la mythologie hindoue diffusées par les occultistes, comme il est aisé de le constater.

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Ferdinand Osendowski (1876-1945),

auteur « Bêtes, Hommes et Dieux » (1923).

On remarque, que Ferdinand Osendowski (1876-1945), qui a publié en 1923 un récit de voyage sous le titre « Bêtes, Hommes et Dieux » [4], est cité comme référence, ce qui donne l’occasion à Guénon de mettre en place sa thèse, postulant en la réalité d’un « Centre » souterrain gouverné par un Monarque (Brahmâtmâ), « Centre » ignoré et dissimulé, dont les ramifications s’étendraient à tous les continents.

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Guénon affirme la réalité d’un « Centre » souterrain, l"Agarttha,

gouverné par un Monarque, le Brahmâtmâ.

Ce qui est tout à fait étonnant, après avoir comparé les éléments respectifs exposés par Saint-Yves d’Alveydre dans la « Mission de l'Inde » et Ferdinand Ossendowski dans « Bêtes, Hommes et Dieux », c’est le crédit que va apporter Guénon aux propos d’Ossendowski, ce dernier ayant tout de même déclaré que son récit était à prendre avec quelques réserves dans la mesure où ce qu’il rapportait des mythes véhiculés dans les régions concernées, en particulier la Mongolie, avait surtout un rôle  « politique.

Guénon va donc souscrire sans aucune réserve aux assertions rapportées Ossendowski, et devint le vigoureux propagandiste de cette thèse qui lui permettait de trouver quelques arguments supplémentaires allant dans le sens de ses vues au sujet de la présence d'un « Centre » situé dans une zone géographique inconnue, « Centre » détenteur des éléments cachés de la « Tradition primordiale », conservés entre les mains d'un monarque régnant mystérieusement, par l'effet d'une autorité supérieure d'origine « non-humaine » en tant que « Roi du Monde »

 IV. La « Tradition primitive », selon les penseurs illuministes

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 les Pères de l'Église, les théologiens, les penseurs traditionnels,

ainsi que les grandes figures de l'Illuminisme du XVIIIe siècle,

reconnaissent l'existence d'une Révélation primitive.

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C'est donc en nous mettant à l'école de ces maîtres de l'esprit, de ces guides secourables, que nous allons être en mesure d'établir, concernant le sujet qui nous occupe, les distinctions nécessaires et les discernements indispensables à une juste résolution de la question portant sur la nature de notre éventuel rattachement à cette Tradition première ou originelle, rattachement d'ailleurs fort éloigné, comme nous allons le découvrir, de ce que Guénon voulait qu'il fût.

 V. Séparation de la « Tradition » en deux branches antagonistes

La première « Révélation », non écrite, qui fut l’objet de la communication par Dieu aux Patriarches, les pères de l’humanité, de ses enseignements et de ses lois après l’expulsion de l’Éden d’Adam et d’Ève, deviendra le fondement d’une Tradition primitive que l’on peut à bon droit nommer « primordiale », ou « Tradition Mère » selon Louis-Claude de Saint-Martin, se divisa quasi immédiatement, et ce dès l’épisode rapporté par le livre de la Genèse, lors de la séparation qui adviendra entre le « culte faux » de Caïn et celui, « béni de l’Éternel », célébré par Abel le juste. Le culte de Caïn, en effet, uniquement basé sur la religion naturelle, était une simple offrande de louange dépourvue de tout aspect sacrificiel, alors que le culte d’Abel, qui savait que depuis le péché originel il n’était plus possible, ni surtout permis, de reproduire la forme antérieure qu’avaient les célébrations édéniques, donna à son offrande un caractère expiatoire qui fut accepté et agréé par Dieu, constituant le fondement de la « Vraie Religion », la religion surnaturelle et sainte.

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Deux cultes, ceux de Caïn et Abel, vont donner naissance à deux traditions

également anciennes ou « primordiales »,

mais absolument antagonistes du point de vue spirituel.

De la sorte les deux cultes de Caïn et Abel vont donner naissance, dès l’aurore de l’Histoire des hommes, à deux traditions également anciennes ou « primordiales » si l’on tient à ce terme, mais absolument non équivalentes du point de vue spirituel. Si l’on en reste au simple critère temporel, comme le fait Guénon dans sa conception de la Tradition, sans distinguer et mettre en lumière le critère surnaturel, alors il est effectivement possible d’assembler, sous une fausse unité, ces deux sources pour en faire les éléments communs d’une univoque et monolithique  « Tradition primordiale » indifférenciée, se trouvant à l’origine de toutes les religions du monde, égales en ancienneté et « dignité », puisque issues d’une semblable souche méritant le même respect et recevant le même caractère de sacralité.

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Abel était un type de la manifestation de gloire divine

qui s’opérerait un jour par le vrai Adam, ou Réaux, ou le Christ,

pour la réconciliation parfaite de la postérité passée,

présente et future du premier homme...

Or, il est évident, et extrêmement clair, qu’il y a une grave erreur à confondre en une seule « Tradition » deux courants que tout oppose, deux cultes radicalement différents et contraires, antithétiques, l’un, celui de Caïn, travaillant à la glorification des puissances de la terre et de la nature (et donc des démons qui, pour être des esprits, n’en sont pas moins des « forces naturelles »), visant au triomphe et à la domination de l’homme autocréateur, religion prométhéenne s'exprimant par la volonté d'accéder par soi-même à Dieu, (les fruits de la terre, à cet égard, symbolisant les antique mythes païens), l’autre, à l’inverse, celui d’Abel, fidèle à l’Éternel et à ses saints commandements, conscient de l’irréparable faute qui entachait désormais toute la descendance d’Adam, et qui exigeait que soit célébrée par les élus de Dieu une souveraine « opération » de réparation, afin d’obtenir, malgré les ineffaçables traces du péché originel dont l’homme est porteur, d’être réconcilié et purifié par le Ciel. Comme nous l’explique Martinès de Pasqually dans le Traité de la réintégration : « Abel se comporta comme Adam aurait dû se comporter dans son premier état de gloire envers l’Eternel : le culte qu’Abel rendait au Créateur était le type réel que le Créateur devait attendre de son premier mineur. Abel était encore un type bien frappant de la manifestation de gloire divine qui s’opérerait un jour par le vrai Adam, ou Réaux, ou le Christ, pour la réconciliation parfaite de la postérité passée, présente et future de ce premier homme, moyennant que cette postérité userait en bien du plan d’opération qui lui serait tracé par la pure miséricorde divine, ainsi que le type d’Abel l’avait prédit par toutes ses opérations à Adam et à ses trois premiers nés. » (Traité, 57).

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