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dimanche, 07 juin 2015

Joseph de Maistre : Prophète du «christianisme transcendant»

L’ésotérisme mystique et la doctrine des illuminés

Jean-Marc Vivenza  

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« Quelquefois, je voudrais m’élancer

                                           hors des limites étroites de ce monde ;                                          

 je voudrais anticiper sur le jour des révélations

et me plonger dans l’infini ».

(Joseph de Maistre, Soirées de Saint-Pétersbourg,

Xe entretien, Œuvres Complètes, t. V, Vitte, 1884, p. 172.)

 

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Ceci nous est d’ailleurs parfaitement confirmé par une note de Maistre datée de 1816, soit, chez lui, à une période où la réflexion avait largement eu le temps de faire son œuvre, dans laquelle il déclarait qu’après avoir jadis consacré « beaucoup de temps à connaître ses messieurs » (sous-entendu les « illuminés » ou les « initiés »), fréquentant leurs assemblées, allant à Lyon pour les voir de plus près, entretenant une correspondance avec les principaux d’entre eux, il n’en était pas moins « demeuré attaché à l’Eglise catholique, apostolique et romaine ;  affirmant sans détour : non cependant sans avoir acquis une foule d’idées dont j’ai fait mon profit. » [1]

 

Quelle est donc cette foule d’idées, dont Maistre nous assure avec certitude, qu’il a « fait son profit » ?

I. Les sources de la pensée de Joseph de Maistre

Il n’est besoin  pour y répondre qu’à se pencher sur la pensée maistrienne telle qu’exprimée dans lesjoseph de maistre,jean-marc vivenza,franc-maçonnerie,rite écossais rectifié,régime écossais rectifié,willermoz,jean-baptiste willermoz,initiation,ésotérisme,occultisme,martinisme,élus coëns,martinès de pasqually,louis-claude de saint-martin,illuminisme,martinésisme,pasqually,théosophie,tradition,vivenza,histoire,spiritualité,gnose,gnosticisme,littérature,contre-révolution,jacob boehme,karl von eckartshausen,eckartshausen,swedenborg,emmanuel swedenborg,providence,povidentialisme,mal,dégradation,péché originel,chute,origène,clément d’alexandrie,fénelon,madame guyon,dutoit-membrini pierre-daniel huet,soirées de saint-pétersbourg,christianisme transcendant,christianisme transcendantal,doctrine de la réintégration,réintégration,manichéisme,platonisme,philosophie hermétique principaux textes du comte savoisien, et d’opérer une correspondance thématique avec les bases doctrinales de l’illuminisme, et surtout les thèses  spécifiques de Martinès de Pasqually exposées dans son célèbre « Traité sur la Réintégration des êtres », ainsi que celles de Jean-Baptiste Willermoz et Saint-Martin, pour constater leur extrême identité de nature.

 

La perspective eschatologique présentée par Martinès de Pasqually, commune à Saint-Martin et Willermoz, reprise par Joseph de Maistre, s’inscrit à l’évidence dans cette compréhension globale de l’histoire de la « Chute », sachant  que le premier homme, Adam, ne s’en tint pas à sa faute initiale mais la renouvela par sa faiblesse envers les choses de la matière, sa volonté dévoyée et son appétit charnel duquel naquit Caïn. 

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Toutes les conceptions de Joseph Maistre,

ont leurs sources dans les thèses de l’illuminisme.

 

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L'ensemble de l’œuvre de Joseph de Maistre, s'éclaire donc d'un jour nouveau lorsque l'on effectue ce rapprochement avec la doctrine de l’illuminisme, et l'on est très souvent frappé par l'étroite intimité des points de vue, des analyses et des certitudes, au point que Maistre peut apparaître à bon droit, comme un authentique « Prophète » de ce christianisme original qu’il désigna lui-même comme un « christianisme transcendant »  [3].

Sous cette appellation, c'est toute la perspective métaphysique de l’illuminisme mystique, état de rupture de l'homme déchu en quête de l'Unité perdue, qui se trouve traduite et développée, avec un rare talent, il est vrai, et un style magnifique, sous la plume de Maistre au fil de ses écrits.

II. Joseph de Maistre et Louis-Claude de Saint-Martin

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Maistre sans connaître encore Saint-Martin, avait copié de sa main, trois discours aux initiés lyonnais, au titre suivants : « Les voies de la Sagesse », « Les lois temporelles de la justice divine », le « Traité des bénédictions » ; Maistre nous dit, dans son « Journal inédit » en date du 4 décembre 1797, « j’ai consacré trente huit heures et treize minutes à cette transcription. » [5] Les deux hommes, comme on peut l’imaginer, échangent longuement sur de nombreux sujets. En 1793,  Maistre dira d’ailleurs, dans son « Mémoire » à Vignet des Etoles, : « M. de Saint-Martin est un gentilhomme français de 35 à 40 ans, de mœurs fort douces et infiniment aimable. Je le connais. On n’aperçoit rien d’extraordinaire dans ses manières ni dans sa conversation ».[6] 

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Maistre ne manquait pas une occasion

de défendre Saint-Martin contre toutes les critiques.

Il s’enthousiasma en 1790 pour « l’Homme de désir »,

qui soutenait que le désir de Dieu et celui de l’homme

doivent faire tomber tous les obstacles entre les deux plans

et préparer les voies à « l’Unité suprême ».

Maistre poursuit ses lectures et se plonge dans les écrits Jacob Boehme (1575-1624) que lui fait découvrir Saint-Martin, il s’ouvre également avec enthousiasme à Emmanuel Swedenborg (1688-1772), l’auteur de la « Nouvelle Jérusalem »,  et étudie avec attention Karl von Eckartshausen, recopiant directement en allemand des passages entiers de « La Nuée sur le Sanctuaire ».

  III. Des liens étroits avec l’illuminisme mystique

a) Un franc-maçon du Régime écossais rectifié en exil

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Souffrant en son encontre d’une certaine suspicion, de par ses nombreuses et « quasi » publiques attaches maçonniques, Maistre s’en ouvre à un ami, Vignet des Etoles, de manière à être blanchi des reproches dont on l’accuse à tort. Il lui fait donc parvenir un « Mémoire » retraçant l’ensemble de son parcours initiatique, texte qui nous est précieux rétrospectivement pour la connaissance qu’il nous donne des profonds rapports établis par Maistre avec le monde des loges de 1774 à 1792.

Il serait toutefois illusoire d’imaginer, comme de pieux auteurs le soutiennent un peu rapidement, que les relations maçonniques de Joseph de Maistre cessèrent par injonction de sa Majesté Victor-Amédée III.

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Il est avéré par exemple que Maistre est en rapport de 1794 à 1795 avec Henri de Cordon, chanoine de Saint-Jean, comte de Lyon, ecclésiastique Grand Profès du Régime écossais rectifié, qui fut délégué de la province de Bourgogne au Convent des Gaules en 1778. Il est lié également, dès son arrivée en  avril 1793, à la loge de Lausanne.

  

 

b) Un initié au sein de l'illuminisme mystique

Il ne faut pas, par ailleurs oublier, que la Suisse était à cettejoseph de maistre,jean-marc vivenza,franc-maçonnerie,rite écossais rectifié,régime écossais rectifié,willermoz,jean-baptiste willermoz,initiation,ésotérisme,occultisme,martinisme,élus coëns,martinès de pasqually,louis-claude de saint-martin,illuminisme,martinésisme,pasqually,théosophie,tradition,vivenza,histoire,spiritualité,gnose,gnosticisme,littérature,contre-révolution,jacob boehme,karl von eckartshausen,eckartshausen,swedenborg,emmanuel swedenborg,providence,povidentialisme,mal,dégradation,péché originel,chute,origène,clément d’alexandrie,fénelon,madame guyon,dutoit-membrini pierre-daniel huet,soirées de saint-pétersbourg,christianisme transcendant,christianisme transcendantal,doctrine de la réintégration,réintégration,manichéisme,platonisme,philosophie hermétique époque un foyer très accueillant pour le monde de l'ésotérisme, les livres de Fénelon (1651-1715) et de Madame Guyon (1648-1717) y étaient lus avec intérêt, différents cercles - comme celui des « âmes intérieures » de Jean-Philippe Dutoit-Membrini (1721-1792), dont Maistre lisait le livre « De l'origine des abus, de l'usage, des quantités et de la foi... » -, rayonnaient et réunissaient de nombreuses personnalités autour d’eux, diffusant un discours sur l'approche directe de Dieu au sein de « l'oraison passive » et de « l'adoration pure de foi ».

D'autre part on sait de manière certaine aujourd'hui que Maistre magnétisait, et s'exerçait sérieusement à développer ses « dons » fluidiques auprès de ses amis émigrés royalistes.

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Il dévore « Le Nouvel Homme » de Saint-Martin, se plonge dansjoseph de maistre,jean-marc vivenza,franc-maçonnerie,rite écossais rectifié,régime écossais rectifié,willermoz,jean-baptiste willermoz,initiation,ésotérisme,occultisme,martinisme,élus coëns,martinès de pasqually,louis-claude de saint-martin,illuminisme,martinésisme,pasqually,théosophie,tradition,vivenza,histoire,spiritualité,gnose,gnosticisme,littérature,contre-révolution,jacob boehme,karl von eckartshausen,eckartshausen,swedenborg,emmanuel swedenborg,providence,povidentialisme,mal,dégradation,péché originel,chute,origène,clément d’alexandrie,fénelon,madame guyon,dutoit-membrini pierre-daniel huet,soirées de saint-pétersbourg,christianisme transcendant,christianisme transcendantal,doctrine de la réintégration,réintégration,manichéisme,platonisme,philosophie hermétique les traductions de Jacob Boehme de Swedenborg ; ses « Carnets » témoignent d’études touchant à la Kabbale, il cite les spéculations du Rabi Haccadosch sur les noms divins (Mélanges B), de Pierre-Daniel Huet (1630-1721) sur le Messie et le Tétragrammaton, (Mélanges A, 2 mai 1799), il approfondit les correspondances entre l’alchimie et l’astrologie, ce qui lui servira  à rédiger la note 6 du XIe Entretien des Soirées de Saint-Pétersbourg . 

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Joseph de Maistre lit de Pierre-Daniel Huet (1630-1721),

et se passionne pour ses études sur le Messie

et le Tétragrammaton, (Mélanges A, 2 mai 1799).

 

IV. Influence de la pensée d’Origène chez Joseph de Maistre  

Joseph de Maistre déclarait dans son Mémoire au duc de Brunswick (1781), qu’il espérait « ajouter au Credo quelques richesses », et il ne fait aucun doute, comme on le constate, que ces richesses provenaient des différentes « lumières » reçues au sein du monde de l’illuminisme mystique.

En effet, celui qui allait devenir le lecteur assidu de Clément d’Alexandrie (v.150-v.215) et d’Origène (v.185-v.252), trouva en effet dans le Régime écossais rectifié dont il fut membre en à Chambéry en Savoie jusqu’en 1792, une doctrine qui allait s’accorder à merveille avec les propres convictions qu’il arrêtera par la suite à la lecture de certains auteurs des premiers siècles du christianisme, et qui lui donna accès à des connaissances surprenantes au sujet de la création du monde, le sens spirituel des Écritures, de l’ordre naturel et surnaturel, et sur bien d’autres points encore. 

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Origène fournit à Joseph de Maistre,

la justification des principaux articles de son "Credo".

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V. La doctrine de la réintégration des êtres

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Ceci l’amenant d’ailleurs à affirmer : « Le christianisme dans les premiers temps, était une vraie initiation, où l’on dévoilait une véritable magie divine. » (Mélanges B). Il en conclut donc dans ses registres, ce qui apparaît à l’évidence lorsqu’on examine sérieusement le sujet, que la doctrine d’Origène relativement à la chute d’Adam et l’origine du monde matériel, « est encore aujourd’hui la base de toutes les initiations modernes. » (Ibid.).

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La doctrine d’Origène relativement à la chute d’Adam

et l’origine du monde matériel,

« est encore aujourd’hui la base de toutes les initiations modernes. »

Ainsi, l’examen des registres inédits de Maistre, nous montre que la découverte d’Origène date de 1797, année où il copia et annota de nombreuses pages du Père alexandrin (Mélanges B, pp. 51 ss.). Maistre le désigna alors comme « l’un des plus sublimes théologiens qui aient jamais illustré l’Église », mais cette date de 1797, prouve éloquemment, que la rencontre avec Origène s’est produite bien après la période initiatique au sein du système willermozien, où le comte chambérien accéda aux Instructions secrètes, réservées aux Profès et Grands Profès, qui exposent une doctrine en tous points identique aux thèses du Traité des Principes. 

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 « Tout est mystère dans les deux Testaments,

et les élus de l'une et l'autre loi n'étaient que de vrais initiés… »

Joseph de Maistre, Mémoire au duc de Brunswick (1782).

 

Dans les registres conservés, sous les titres de Mélanges A et B, Religion E, Extraits E et F, - que nous publions sous le titre de « Pensées inédites sur l’initiation », dans le « Joseph de Maistre, prophète du christianisme transcendant » [11] -, sont dévoilées les multiples références à la pensée d’Origène, dont en particulier le passage suivant, mettant en lumière le lien entre la conception d’Origène, considérant que la création du monde matériel ne fut pas produit par l’effet de la bonté de Dieu, mais est une conséquence de la Chute, ayant entraîné les âmes à être enfermées dans des corps de matière :  « Saint Augustin (Cité de Dieu, XI, 23) a mal compris Origène [12], quand celui-ci dit que la cause de la matière est non la bonté de Dieu seule, mais que les âmes, ayant péché en s'éloignant de leur créateur, ont mérité d'être enfermées en divers corps comme dans une prison selon la diversité de leurs crimes, et que c'est là le monde (matériel) qu'ainsi la cause de sa création (du monde physique) n'a pas été pour faire de bonnes choses, mais pour en empêcher de mauvaises. L'opinion dont il s'agit n'a rien de commun avec le manichéisme. On peut observer qu'elle est encore aujourd'hui la base de toutes les initiations modernes. » (2 décembre 1797, Mélanges B, p. 302).

Maistre résume donc ainsi sa conviction à propos du christianisme primitif, suite à sa lecture d’Origène : « Le christianisme dans les premiers temps était une initiation où l'on dévoilait une véritable magie divine. » (Mai 1797, Mélanges B, p. 518).

VI. La présence universelle du « mal » : La matière  comme dégradation

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Pour lui les contradictions, les crises, les égarements, l’aveuglement manifeste des hommes, témoignent de la domination du mal qui a blessé et abîméjoseph de maistre,jean-marc vivenza,franc-maçonnerie,rite écossais rectifié,régime écossais rectifié,willermoz,jean-baptiste willermoz,initiation,ésotérisme,occultisme,martinisme,élus coëns,martinès de pasqually,louis-claude de saint-martin,illuminisme,martinésisme,pasqually,théosophie,tradition,vivenza,histoire,spiritualité,gnose,gnosticisme,littérature,contre-révolution,jacob boehme,karl von eckartshausen,eckartshausen,swedenborg,emmanuel swedenborg,providence,povidentialisme,mal,dégradation,péché originel,chute,origène,clément d’alexandrie,fénelon,madame guyon,dutoit-membrini pierre-daniel huet,soirées de saint-pétersbourg,christianisme transcendant,christianisme transcendantal,doctrine de la réintégration,réintégration,manichéisme,platonisme,philosophie hermétique les créatures, ils rendent compte de la souveraineté du mal qui a renversé l’ordre premier et originel, qui a tout dégradé, faisant de l’ordre présent un ordre « inversé », dévié et corrompu.

Maistre pense que puisque plus rien n’est situé à la place qui est la sienne, puisque nulle chose n’est là où normalement elle devrait être, tout est mal, tout est sous l’emprise universelle de la Chute, tout vit courbé, ployant sous le poids de la corruption et du vice. Comme le rappelle l’Ecclésiaste : « Il n’y a point de juste sur terre » (Eccl. VII, 20). Pour le dire clairement, à présent, toute forme d’existence est concrètement « animée », et ce dès sa conception, par le père du mensonge. Maistre affirme : « Le mal a tout souillé, et dans un sens très vrai tout est mal puisque rien n’est à sa place. (...) Tout les êtres gémissent et tendent avec effort vers un autre ordre des choses. » (Oeuvres Complètes, t. I, p. 39).

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« Le mal a tout souillé, et dans un sens très vrai

tout est mal puisque rien n’est à sa place. (...)

Tout les êtres gémissent et tendent avec effort

vers un autre ordre des choses. » 

Le mal correspond ainsi à la rupture de l’ordre primitif et son essence s’exprime par l’oeuvre de division accomplie contre « l’Unité » située à la base et au fondement invisible du Principe. Le mal est venu rompre l’harmonie céleste du « Royaume de Dieu », ce qui fait que depuis ce moment terrible subsiste une fracture permanente, une lutte entre deux forces antagonistes qui se livrent un combat impitoyable, Maistre écrit : « Il n’y a rien de si évident dans l’univers que l’existence de deux forces opposées qui se contrarient sans relâche. Il n’y a rien de bon que le mal ne souille et n’altère... » (Mélanges B (inédit), p. 303 ; 22 oct. 1797). 

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La matière est donc, en quelque sorte, le résultat d’une dégradation, la conséquence d’une faute, une authentique prison dont il convient de travailler à s’extraire en se réconciliant avec Dieu, en œuvrant courageusement à  « réintégrer » notre véritable condition première et originelle dont nous avons été malheureusement déchus. Les âmes souffrent de cet enfermement au sein de la matière, elles endurent leur douloureuse soumission à l’empire du temps, elles sont condamnées à expier leur faute dans le plus total des isolements ; supportant avec difficulté la division elles n’ont pas d’autre désir plus impératif que de retourner à « l’Unité ».    

VII. Les dogmes ne se trouvent pas dans la Sainte Écriture

Il est donc tout à fait significatif de voir Joseph de Maistre considérer, à la suite des penseurs du courant illuministe et dans le prolongement de son attachement à la pensée d’Origène dont on sait sa distance d’avec une approche littérale de l’Écriture, que les dogmes fixés par l’Église sont issus d’une contrainte de l’Histoire, et qu’ils constituent même une sorte « d’obstacle », de barrière réelle à la transmission vivante de la Foi, qui serait « mille fois plus angélique» sans les définitions dogmatiques.

 

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« Le Christ n'a pas laissé un seul écrit,

 il a promis le Saint-Esprit. »

 

Maistre rajoute : « Après avoir entendu la Sagesse des nations, il ne sera pas inutile, je pense, d'entendre encore la philosophie chrétienne. Il eût été sans doute bien à désirer, a dit le plus éloquent des Pères grecs [ndr. s. Jean Chrysostome], que nous n'eussions jamais eu besoin de l'écriture, et que les préceptes divins ne fussent écrits que comme ils le sont par l'encre dans nos livres; mais puisque nous avons perdu cette grâce par notre faute, saisissons donc, puisqu'il le faut, une planche au lieu du vaisseau, et sans oublier cependant la supériorité du premier état. Dieu ne révéla jamais rien [par écrit] aux élus de l'Ancien Testament ; toujours il leur parla directement, parce qu'il  voyait la pureté de leurs cœurs ; mais le  peuple hébreu s'étant précipité dans l'abîme des vices, il fallut des livres et des lois. La même marche s'est renouvelée sous l'empire de la nouvelle révélation ; car le Christ n'a pas laissé un seul écrit à ses apôtres. Au lieu de livres il leur promit le Saint-Esprit. C'est lui, leur dit-il, qui vous inspirera ce que vous aurez à dire. » [14]

 

VIII. Le christianisme transcendant selon Joseph de Maistre

 

Cette conception d’un christianisme non-dogmatique, laissé à l’inspiration de « l’Esprit », pourrait apparaître assez étonnante sous la plume de Joseph de Maistre, or, il n’en est rien, c’est au contraire le témoignage du plus profond de sa pensée à l’égard d’une religion qu’il souhaite purifiée, dépouillée de tous les artifices, une religion de la relation immédiate à la « Transcendance », ce en quoi consiste, effectivement, le « christianisme transcendant » dont il se fait le chantre, et d’une certaine manière le « Prophète », en prédisant son avènement prochain.

 

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'’Lorsque ce qui est en dehors, (…)

lorsque la vie ou la génération extérieure

sera devenue semblable à la vie intérieure ou angélique.

Alors il n’y aura qu’une naissance. Il n’y aura plus de sexe.

Le mâle et la femelle ne feront qu’un

et le royaume de Dieu arrivera sur la terre comme au ciel.”

 

C’est ce que décrivit parfaitement Émile Dermenghem (1892-1971), lors de la publication en 1928, de son Joseph de Maistre Mystique : « C’est une idée analogue que Joseph de Maistre suggère lorsqu’il parle des « habits de peau » (note 3. Soirées, IIe entr., p. 292). La Genèse appellerait ainsi selon l’interprétation théosophique, les corps matériels actuels dont Adam et Eve furent revêtus après la chute. Il évoque de même la réunion des sexes dont la dualité fut une conséquence du Mal. Jésus-Christ, note-t-il (note. 1., p. 293) Mélanges A (inédit), p. 580), reviendra et règnera sur la terre, selon saint Clément, contemporain des Apôtres, ’’Lorsque ce qui est en dehors, (…) lorsque la vie ou la génération extérieure sera devenue semblable à la vie intérieure ou angélique. Alors il n’y aura qu’une naissance. Il n’y aura plus de sexe. Le mâle et la femelle ne feront qu’un et le royaume de Dieu arrivera sur la terre comme au ciel.” Clément d’Alexandrie (note. 2. Avec le mystique anglais Law, The spirit of prayer, 1re partie, p. 86-87. Il cite aussi Maïmonide, et Platon (l’homme double du Banquet). Cf. ci-dessus, IIIe partie, chap. I), ajoute Maistre, cita ces paroles dans le siècle suivant avec quelques altérations ; il cite une réponse semblable du Sauveur à Salomé qui lui faisait même question : ‘‘Lorsque vous aurez déposé le vêtement cde honte et d’ignominie (il s’agit évidemment du corps actuel) ; lorsque les deux deviendront uns, que le Mâle et la Femelle seront unis  et qu’il n’y aura plus homme ni femme.’’ Et Maistre commente : ’’Lorsque ce qui est en dehors, etc…, c’est-à-dire lorsque la vie ou la génération extérieure sera devenue semblable à la vie intérieure ou angélique. Alors il n’y aura qu’une naissance. Il n’y aura plus de sexe. Le mâle et la femelle ne feront qu’un et le royaume de Dieu arrivera sur la terre comme au ciel.” » [15]

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« Le christianisme, tel que nous le connaissons,

est au véritable christianisme ou christianisme primitif ...,

ce qu’une loge bleue, autrement nommée loge d’apprentis

et compagnons dans la franc-maçonnerie ordinaire,

est à une loge de hauts grades.»

De ce fait Maistre déclare : « Le christianisme, tel que nous le connaissons, est au véritable christianisme ou christianisme primitif, base de toutes leurs spéculations, ce qu’une loge bleue, autrement nommée loge d’apprentis et compagnons dans la franc-maçonnerie ordinaire, est à une loge de hauts grades. Ce christianisme réel, désigné chez les Allemands par le nom de ‘‘christianisme transcendant’’, est une véritable initiation ; il fut connu des chrétiens primitifs, et il est accessible encore aux adeptes de bonne volonté. Ce christianisme révélait et peut révéler encore de grandes merveilles, et il peut non seulement nous dévoiler les secrets de la nature, mais nous mettre même en communication avec les esprits. » [16]

IX. Un contre-révolutionnaire fidèle envers la doctrine de l'illuminisme 

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Johann August von Starck (1741-1816),

théologien, membre du Consistoire de Hesse-Darmstadt,

fondateur des "Clercs du Temple". 

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Ce qu’exprime le livre de Starck - un Johann August von Starck qui d’ailleurs écrivait depuis 1796 dansjoseph de maistre,jean-marc vivenza,franc-maçonnerie,rite écossais rectifié,régime écossais rectifié,willermoz,jean-baptiste willermoz,initiation,ésotérisme,occultisme,martinisme,élus coëns,martinès de pasqually,louis-claude de saint-martin,illuminisme,martinésisme,pasqually,théosophie,tradition,vivenza,histoire,spiritualité,gnose,gnosticisme,littérature,contre-révolution,jacob boehme,karl von eckartshausen,eckartshausen,swedenborg,emmanuel swedenborg,providence,povidentialisme,mal,dégradation,péché originel,chute,origène,clément d’alexandrie,fénelon,madame guyon,dutoit-membrini pierre-daniel huet,soirées de saint-pétersbourg,christianisme transcendant,christianisme transcendantal,doctrine de la réintégration,réintégration,manichéisme,platonisme,philosophie hermétique  Eudämonia ou le Wiener Magazin, revues dans lesquelles se côtoyaient aussi bien des Jésuites très hostiles à la franc-maçonnerie, comme Laurent Leopold Haschka (1749-1826) ou Felix Franz Hofstäter (1741-1814), que des théosophes comme Eckartshausen - corrige en quelque sorte certaines erreurs de l’abbé Augustin Barruel, tout en confirmant ses préventions à l'égard des disciples d'Adam Weishaupt (1748-1832) et des "Illuminés de Bavière", montrant que les thèses naturalistes et antichrétiennes, furent à l'origine des mouvements révolutionnaires en Europe [18]. Maistre, quant à lui, résuma ainsi sa pensée dans un texte intitulé « Quatre chapitres inédits sur la Russie, Chapitre quatrième « De l’illuminisme », qui ne sera publié qu’à titre posthume par son fils Rodolphe, en 1859, et qui expose de manière remarquable la pensée du comte chambérien au sujet de la nature, des sources et de « l’objet » réel auquel se consacrait la franc-maçonnerie mystique fondée sur le « christianisme transcendant ». Cette analyse, dans laquelle fut éclairée la position du martinisme dans son rapport à la doctrine de  Martinès de Pasqually,  en établissant un lien avec le piétisme, est absolument essentielle joseph de maistre,Émile dermenghem,augustin barruel,johann august von starck,swedenborg,jean-marc vivenza,franc-maçonnerie,rite écossais rectifié,régime écossais rectifié,willermoz,jean-baptiste willermoz,initiation,ésotérisme,occultisme,martinisme,élus coëns,martinès de pasqually,louis-claude de saint-martin,illuminisme,martinésisme,pasqually,théosophie,tradition,vivenza,histoire,spiritualité,gnose,gnosticisme,littérature,contre-révolution,jacob boehme,karl von eckartshausen,eckartshausen,emmanuel swedenborg,providence,povidentialisme,mal,dégradation,péché originel,chute,origène,clément d’alexandrie,fénelon,madame guyon,dutoit-membrini pierre-daniel huet,soirées de saint-pétersbourg,christianisme transcendant,christianisme transcendantal,doctrine de la réintégrationau regard des sujets que nous abordons dans la mesure où Maistre parvint à définir ce qu’est, et en quoi consiste le type de « christianisme » professé par les initiés connus, ou désignés, sous le nom de «martinistes» : « [Les martinistes et illuministes] rapportent tout à l’amour de Dieu, et quoique ce principe excellent soit mêlé chez eux à beaucoup d’alliage plus ou moins répréhensible, il suffit cependant pour leur rendre excessivement chers les écrivains mystiques de l’Église romaine. Ce sont leurs guides et leurs oracles (Sainte Thérèse, saint François de Sales, Fénelon, madame Guyon, etc.). Ils pensent assez communément que les chrétiens de toutes les communions sont sur le point de se réunir sous un chef qui, suivant l’opinion de plusieurs, doit résider à Jérusalem.(…) Ce même système s’oppose à l’incrédulité générale qui menace tous ces pays ; car, enfin, il est chrétien dans toutes ses racines ; il accoutume les hommes aux dogmes et aux idées spirituelles ; il les préserve d’une sorte de matérialisme pratique très remarquable à l’époque où nous vivons, et de la glace protestante, qui ne tend à rien moins qu’à geler le cœur humain. Quant aux martinistes mitigés et aux piétistes qui se bornent à attendre des merveilles, à spéculer sur l’amour divin et sur le règne de l’intérieur, il ne paraît pas que Sa Majesté Impériale ait rien à craindre politiquement de la part de ces hommes…» (Cf. Quatre Chapitres inédits sur la Russie, ch. IV « De l’Illuminisme », 1859). 

Par ailleurs, ce qui est tout à fait connu et notoire aujourd’hui, c’est que sa nomination comme ambassadeur à Saint-Pétersbourg, poste qu’il occupera de 1803 à 1817, lui fournira l’occasion d’entretenir de nombreux rapports avec la très florissante  maçonnerie Russe et l’important milieu théosophique de ce pays.

X. Théocratie 

Sur le plan "métapolitique", ce qui signifie selon la conception maistrienne une dimension purement "Providentialiste" de l'Histoire dans laquelle c'est Dieu qui intervient directement dans les événements qui surviennent au cours du temps, parfois sous la forme de châtiments sévères infligés aux Princes et aux Nations lorsqu'ils s'éloignent des principes sacrés et transcendants - métapolitique qui pour lui était inséparable d'une perspective théologique et eschatologique -, Maistre considérait que le monde devait se conformer aux enseignements de la Révélation divine, unique fondement des lois. Il écrit d'ailleurs de manière assez catégorique : « On ne peut attaquer une vérité théologique sans attaquer une loi du monde » (Du Pape, L. 1er, Chap. I.).

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« Le Traité « Du Pape » consigne cette inattendue

mais cohérente dévolution :

L’Empereur ayant disparu avec le Saint Empire,

ne demeure que le Sacerdoce Suprême

pour se voir dévolu l’archétype éternel du Saint Empire 

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Ainsi l’insistance sur l’infaillibilité, source de toute souveraineté légitime, qui fait l’objet d’unjoseph de maistre,jean-marc vivenza,franc-maçonnerie,rite écossais rectifié,régime écossais rectifié,willermoz,jean-baptiste willermoz,initiation,ésotérisme,occultisme,martinisme,élus coëns,martinès de pasqually,louis-claude de saint-martin,illuminisme,martinésisme,pasqually,théosophie,tradition,vivenza,histoire,spiritualité,gnose,gnosticisme,littérature,contre-révolution,jacob boehme,karl von eckartshausen,eckartshausen,swedenborg,emmanuel swedenborg,providence,povidentialisme,mal,dégradation,péché originel,chute,origène,clément d’alexandrie,fénelon,madame guyon,dutoit-membrini pierre-daniel huet,soirées de saint-pétersbourg,christianisme transcendant,christianisme transcendantal,doctrine de la réintégration,réintégration,manichéisme,platonisme,philosophie hermétique important développement dans le livre - au point que cette notion suscita même quelques réserves à Rome et le prudent silence de Pie VII, avant d'être cependant adoptée par le Concile de Vatican I en 1870 -, n’a pas d’autre objet que d’asseoir l’incontestable autorité du Pontife romain par dessus toutes les autres formes de souverainetés.  Maistre est sur cette question très clair : « Le Souverain Pontife est le chef naturel, le promoteur le plus puissant, le grand Démiurge de la civilisation universelle.» (Ibid.). Le pape est donc pour Maistre le seul garant, de par l’évidente supériorité de sa fonction, d’un possible retour sur le continent de l’unité politique et spirituelle. Il incarne l’espoir d’une restauration véritable de l’ordre traditionnel, entre ses mains sacrées repose l’ultime possibilité d’un redressement futur du Saint Empire [20].  On notera à ce propos que Louis-Claude de Saint-Martin ne fut pas moins joseph de maistre,jean-marc vivenza,franc-maçonnerie,rite écossais rectifié,régime écossais rectifié,willermoz,jean-baptiste willermoz,initiation,ésotérisme,occultisme,martinisme,élus coëns,martinès de pasqually,louis-claude de saint-martin,illuminisme,martinésisme,pasqually,théosophie,tradition,vivenza,histoire,spiritualité,gnose,gnosticisme,littérature,contre-révolution,jacob boehme,karl von eckartshausen,eckartshausen,swedenborg,emmanuel swedenborg,providence,povidentialisme,mal,dégradation,péché originel,chute,origène,clément d’alexandrie,fénelon,madame guyon,dutoit-membrini pierre-daniel huet,soirées de saint-pétersbourg,christianisme transcendant,christianisme transcendantal,doctrine de la réintégration,réintégration,manichéisme,platonisme,philosophie hermétique«théocrate» que Maistre, et ils peuvent être considérés à bon droit, l’un et l’autre, comme des représentants éminents de l’école théocratique, mais, cependant, d’une manière absolument différente, car si leur perspective est identique, à savoir l’établissement de l’autorité de l’Esprit et la sacralisation des institutions humaines afin qu’advienne le règne divin, les méthodes préconisées pour parvenir à ce but espéré, étaient relativement dissemblables, pour ne pas dire extrêmement opposées et antagonistes. Mais l’on peut constater que Saint-Martin, eut également des lignes très voisines de celles de Maistre sur l’effet « régénérateur » de la Révolution, insistant sur son rôle providentiel, thème permanent de l’analyse des deux penseurs théocrates : « Je crois voir dans notre étonnante révolution un dessein marqué de la Providence de nous faire recouvrer à nous, et successivement à bien d’autres peuples (quoique je ne sache pas par quel moyen) le véritable usage de nos facultés, et de dévoiler aux yeux des Nations ce but sublime qui intéresse la société humaine tout entière, et embrasse l’homme sous tous ses rapports.» (Lettre à un ami… sur la Révolution française, 1795). [21]

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« Le livre du Pape par M. le Comte de Maistre est bien bon à méditer .»

(Fonds Willermoz, BM de Lyon, MS 5898).

Enfin, est intéressant de souligner sur ce sujet, que Jean-Baptiste Willermoz - assidu aux réceptions etjoseph de maistre,jean-marc vivenza,franc-maçonnerie,rite écossais rectifié,régime écossais rectifié,willermoz,jean-baptiste willermoz,initiation,ésotérisme,occultisme,martinisme,élus coëns,martinès de pasqually,louis-claude de saint-martin,illuminisme,martinésisme,pasqually,théosophie,tradition,vivenza,histoire,spiritualité,gnose,gnosticisme,littérature,contre-révolution,jacob boehme,karl von eckartshausen,eckartshausen,swedenborg,emmanuel swedenborg,providence,povidentialisme,mal,dégradation,péché originel,chute,origène,clément d’alexandrie,fénelon,madame guyon,dutoit-membrini pierre-daniel huet,soirées de saint-pétersbourg,christianisme transcendant,christianisme transcendantal,doctrine de la réintégration,réintégration,manichéisme,platonisme,philosophie hermétique aux dîners officiels du cardinal Joseph Fesch (1763-1839), alors archevêque de Lyon et Primat des Gaules, qui recevait à déjeuner les vicaires généraux de l'évêché et qu'il leur faisait visiter sa chapelle particulière, et qui fut convié en 1805 à baiser la main du pape Pie VII, pendant son passage à Lyon -, conserva dans ses archives deux lettres, l’une du 8 octobre 1820 et l’autre du 18 juin 1821, envoyées par un certain Raimond, Chevalier Bienfaisant de la Cité Sainte, à Willermoz, dans lesquelles on peut lire, dans la première des deux : « Le livre du Pape par M. le Comte de Maistre est bien bon à méditer » (MS 5898), et dans la suivante : « Votre lettre m’a trouvé dans les Soirées de Saint-Pétersbourg dont je suis enchanté » (MS 5899).

Ces jugements, destinés à Willermoz, et émanant de la plume d’un initié, sont, nous semble-t-il, la meilleure et plus pertinente illustration qu’il se puisse se donner, « symboliquement », à un examen des rapports existant entre Maistre et le courant de la maçonnerie écossaise au XVIIIe siècle, démontrant ainsi l’admirable intimité de cette œuvre avec la doctrine de l’illuminisme, dont on pourrait dire qu’elle en est, dans une langue que tous s’accordent à reconnaître comme étant d’une exceptionnelle pureté et beauté de style, la plus parfaite et pénétrante traduction de ces fondements essentiels jamais écrite jusqu’à ce jour. 

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Joseph de Maistre, après une vie entièrement consacrée à la recherche de la "Vérité", s’éteignit le 26 février 1821 ; sa dépouille, en forme d’hommage posthume, comme on le faisait uniquement pour les membres de la Compagnie de Jésus, fut solennellement et pieusement déposée dans la crypte de l’église des martyrs, chapelle nécropole des jésuites à Turin.            

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Sépulture de Joseph de Maistre

 dans l'Église des Saints Martyrs à Turin.

Conclusion

 Le gouvernement de la Divine Providence, la compréhension métaphysique de la Chute originelle et l’analyse de ses conséquences aboutissant à la nécessaire mise en œuvre du travail de « Réintégration », la perspective eschatologique devant nous conduire au pieds de la Sainte Montagne portant en son sommet l’Agneau de Dieu (Agnus Dei), d'où se manifestera à la fin des temps la Jérusalem Céleste, la doctrine de Joseph de Maistre, exposée dans son œuvre est celle qu’il reçut dans les cercles initiatiques dirigés, de Lyon, par Jean-Baptiste Willermoz dans lesquels il n’a trouvé selon ses propres paroles : « que bonté, douceur et piété même à leur manière. » (Soirées XIe Entretien).

L’attente de cette religion renouvelée inspire ces lignes à Maistre, où tel un visionnaire, il annonce : « Plus que jamais nous devons nous occuper de ces hautes spéculations, car il faut nous tenir prêts pour un événement immense dans l'ordre divin, vers lequel nous marchons avec une vitesse accélérée qui doit frapper tous les observateurs. Il n'y a plus de religion sur terre: le genre humain ne peut demeurer dans cet état. Des oracles redoutables annoncent d'ailleurs que les temps sont arrivés. » [22] Pour hâter ces temps libérateurs, Maistre, en forme d’instante prière, déclare : « Cédons à l’amour et entrons dans la voie royale qui aboutit à la Cité Sainte. »

 

 Pour télécharger le Sommaire :

1 - Joseph de Maistre, prophète du « christianisme transcendant »

2 - (Suite du Sommaire)

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Textes choisis et présentés par Jean-Marc Vivenza

Éditions Signatura, Parution 2015 • Format 140 x 210 •

150 pages • Prix public TTC : 15 €

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Le Colporteur du Livre 

 

Notes.

1. Note de Joseph de Maistre, 1816. Dossier « Illuminés », archives du comte Rodolphe de Maistre.

2. J. Rebotton, Introduction, in. Joseph de Maistre, Oeuvres, vol. II, op. cit, p. 27.

3. Lorsque Maistre écrit dans le XIe Entretien des Soirées en évoquant le christianisme professé par les illuminés allemands : « C’est ce que certains Allemands ont appelé le christianisme transcendantal. Cette doctrine est un mélange de platonisme, d’origénianisme et de philosophie hermétique, sur une base chrétienne », il traduit l’expression d’outre-Rhin : « Transzendental Christentum », que l’on trouvait sous la plume de certains auteurs du courant illuministe. On pourrait donc penser que Maistre adopte le terme « transcendantal », avec toutes les implications philosophiques afférentes signalées par le dictionnaire, et dont les « transcendantaux » en métaphysique offrent un déploiement sémantique et herméneutique d’une prodigieuse richesse, qui fut d’ailleurs largement utilisée par Emmanuel Kant (1724-1804). La résolution de la difficulté nous est cependant fournie par un autre texte de Maistre qui n’était pas destiné à la publication, à savoir les « Quatre chapitres inédits sur la Russie » - issus de pages confidentielles édités par le fils de Joseph Maistre, le comte Rodolphe de Maistre, à titre posthume à Paris, (Librairie Auguste Vaton, 1859). Voici ce qu’on peut y lire : « Ce christianisme réel, désigné chez les Allemands par le nom de christianisme transcendant, est une véritable initiation ; il fut connu des chrétiens primitifs, et il est accessible encore aux adeptes de bonne volonté. » (Cf. Quatre chapitres sur la Russie, chapitre quatrième, « De l’illuminisme », op.cit., pp. 91-128). Maistre fait donc bien référence dans les Soirées, à un « christianisme transcendant », lorsqu'il parle du christianisme « transcendantal », la suite est importante : « connu des chrétiens primitifs, et accessible encore aux adeptes de bonne volonté ».

4. Une étude de Dominique Clérembault sur le site Philosophe Inconnu, en trois parties, montre les liensjoseph de maistre,jean-marc vivenza,franc-maçonnerie,rite écossais rectifié,régime écossais rectifié,willermoz,jean-baptiste willermoz,initiation,ésotérisme,occultisme,martinisme,élus coëns,martinès de pasqually,louis-claude de saint-martin,illuminisme,martinésisme,pasqually,théosophie,tradition,vivenza,histoire,spiritualité,gnose,gnosticisme,littérature,contre-révolution,jacob boehme,karl von eckartshausen,eckartshausen,swedenborg,emmanuel swedenborg,providence,povidentialisme,mal,dégradation,péché originel,chute,origène,clément d’alexandrie,fénelon,madame guyon,dutoit-membrini pierre-daniel huet,soirées de saint-pétersbourg,christianisme transcendant,christianisme transcendantal,doctrine de la réintégration,réintégration,manichéisme,platonisme,philosophie hermétique étroits existant entre la pensée de Joseph de Maistre et celle de Louis-Claude de Saint-Martin : I. Joseph de Maistre et le Philosophe inconnu par Georges Goyau ; II. Le martinisme dans les Soirées de Saint-Pétersbourg ; III. .. Ces liens doctrinaux et spirituels furent mis en lumière, non seulement par les biographes de Joseph de Maistre depuis sa disparition, mais également, et c’est ce que fait apparaître cette étude, par Maistre lui-même dans certains de ses ouvrages. Voici ce qu’écrit Dominique Clairembault : « Dans le « Onzième entretien » des Soirées de Saint-Pétersbourg, Joseph de Maistre présente le Philosophe inconnu comme « le plus instruit, le plus sage et le plus élégant des théosophes modernes ». L'auteur des Soirées, chevalier bienfaisant de la Cité sainte, a lu, non sans les critiquer parfois, les œuvres de Saint-Martin. Il l’a aussi rencontré en septembre 1787, à l'occasion de son passage à Chambéry, alors que le théosophe voyageait vers l'Italie. Lorsqu'en 1793 il évoquera cette rencontre, il précisera : « M. de Saint-Martin est un gentilhomme français de 35 à 45 ans, de mœurs fort douces et infiniment aimables. On n’aperçoit rien d’extraordinaire dans ses manières ni dans sa conversation. » (Mémoire à Vignet des Étoles, archives départementales de la Savoie, 2J 11.) L'influence de la pensée du Philosophe inconnu sur l'œuvre de Maistre a été étudiée par plusieurs auteurs. Georges Goyau l'aborde dans son étude sur « La pensée religieuse de Joseph de Maistre, d'après des documents inédits », publiée en 1921 dans la Revue des deux-mondes. La même année, François Vermale publie ses Notes sur Joseph de Maistre, Inconnu (Librairie Dardel, Chambéry). Il s'était déjà penché sur le cas de Maistre dans La Franc-Maçonnerie savoisienne à l'époque révolutionnaire (Leroux, 1912). Paul Vulliaud et Émile Dermenghem s’intéressent également à la question du martinisme de l'auteur des Soirées, le premier dans Joseph de Maistre franc-macon (Nourry, 1926), le second dans Joseph de Maistre mystique (éd. du Vieux Colombier, 1946). Depuis, d'autres chercheurs ont repris leurs réflexions, sans toutefois apporter d'éléments réellement novateurs. » (Cf. Joseph de Maistre et le martinisme, Philosophe Inconnu.com). 

5. Dermenghem, Joseph de Maistre Mystique, éditions du vieux colombier, Paris, 1948, p. 46. 

6. J. de Maistre, Mémoire sur la Franc-maçonnerie adressé au baron Vignet des Etoles, Oeuvres II, éd. Slatkine, 1983, p. 138.

7. joseph de maistre,jean-marc vivenza,franc-maçonnerie,rite écossais rectifié,régime écossais rectifié,willermoz,jean-baptiste willermoz,initiation,ésotérisme,occultisme,martinisme,élus coëns,martinès de pasqually,louis-claude de saint-martin,illuminisme,martinésisme,pasqually,théosophie,tradition,vivenza,histoire,spiritualité,gnose,gnosticisme,littérature,contre-révolution,jacob boehme,karl von eckartshausen,eckartshausen,swedenborg,emmanuel swedenborg,providence,povidentialisme,mal,dégradation,péché originel,chute,origène,clément d’alexandrie,fénelon,madame guyon,dutoit-membrini pierre-daniel huet,soirées de saint-pétersbourg,christianisme transcendant,christianisme transcendantal,doctrine de la réintégration,réintégration,manichéisme,platonisme,philosophie hermétiqueOrigène est né en Égypte où il reçut une formation hellénique et une éducation biblique. La connaissance qu'il possédait de la philosophie grecque lui permit de tisser des liens profonds avec le platonisme alexandrin de son temps, reprenant le projet de Pantène (+ v. 216) et de Clément d’Alexandrie, qui consistait à former une sorte d'université, la Didascalée, où toutes les sciences humaines étaient mises au service de la théologie. Désigné comme le successeur de Clément d'Alexandrie qui avait été à la tête de l'école catéchétique, il y enseigna entre 212 et 231. Vers 250, lors de la persécution de Dèce, Origène fut arrêté et torturé. Retrouvant sa liberté, il meurt peu après, des suites de ses blessures, à Tyr en 252. Son œuvre est immense, allant de Commentaires sur l'Écriture Sainte, aux livres d'exégèse, homélies, controverses (Apologie du christianisme contre Celse, De la prière, l'Exhortation au martyre, etc.), mais son ouvrage principal, résumant sa pensée théologique et métaphysique, est le Traité Sur les Principes (De principiis).

8. M. Froidefont, Théologie de Joseph de Maistre, Éditions Classiques Garnier, 2010, pp. 14-15. 

9. R. Triomphe, Joseph de Maistre. Étude sur la vie et sur la doctrine d'un matérialiste mystique, Droz, 1968, p. 438.

10. Voir J.-M. Vivenza, La doctrine de la réintégration des êtres, La Pierre Philosophale, 2ème édition, 2013, ainsi que Joseph de Maistre et le Régime Écossais Rectifié, Dossier H, l'Âge d’Homme, 2005.

11. En 1922, dans Le Correspondant, Émile Dermenghem (1892-1971) publiait des « fragments inédits »joseph de maistre,jean-marc vivenza,franc-maçonnerie,rite écossais rectifié,régime écossais rectifié,willermoz,jean-baptiste willermoz,initiation,ésotérisme,occultisme,martinisme,élus coëns,martinès de pasqually,louis-claude de saint-martin,illuminisme,martinésisme,pasqually,théosophie,tradition,vivenza,histoire,spiritualité,gnose,gnosticisme,littérature,contre-révolution,jacob boehme,karl von eckartshausen,eckartshausen,swedenborg,emmanuel swedenborg,providence,povidentialisme,mal,dégradation,péché originel,chute,origène,clément d’alexandrie,fénelon,madame guyon,dutoit-membrini pierre-daniel huet,soirées de saint-pétersbourg,christianisme transcendant,christianisme transcendantal,doctrine de la réintégration,réintégration,manichéisme,platonisme,philosophie hermétique de Joseph de Maistre tirés des registres conservés, sous les titres de Mélanges A et B, Religion E, Extraits E et F, dans les archives du comte Rodolphe de Maistre. Ces fragments n’avaient depuis jamais été réédités, malgré leur valeur de premier ordre dans la compréhension de la pensée maistrienne. Comme le rappelle É. Dermenghem : « Joseph de Maistre fait allusion, au début du neuvième entretien des Soirées de Saint-Pétersbourg à «ces volumes immenses » où il écrivait, «depuis plus de trente ans», tout ce que ses lectures lui présentaient de plus frappant. ‘‘Quelquefois, dit-il, je me borne à de simples indications; d'autres fois je transcris mot à mot des morceaux essentiels; souvent je les accompagne de quelques notes, et souvent aussi j'y place ces pensées du moment, ces illuminations soudaines qui s'éteignent sans bruit si l'éclair n'est fixé par l'écriture. Porté par le tourbillon révolutionnaire en diverses contrées de l'Europe, jamais ces recueils ne m'ont abandonné et maintenant vous ne sauriez croire avec quel plaisir je parcours cette immense collection’’(…).» (É. Dermenghem, Le Correspondant, 94ème Année, t. 287 (Nouv. Série : 251ème), n° 1432, 25 mai 1922, pp. 631-640).

12. Saint Augustin écrit à propos d’Origène : « Ils prétendent que les âmes, dont ils ne font pas à la vérité les parties de Dieu, mais ses créatures, ont péché en s’éloignant de leur Créateur; qu’elles ont mérité par la suite d’être enfermées, depuis le ciel jusqu’à la terre, dans divers corps, comme dans une prison, suivant la diversité de leurs fautes; que c’est là le monde, et qu’ainsi la cause de sa création n’a pas été de faire de bonnes choses mais d’en réprimer de mauvaises. Tel est le sentiment d’Origène, qu’il a consigné dans son livre ‘‘Des principes’’. » (S. Augustin, La Cité de Dieu, XI, 23).

13. J. de Maistre, Essais sur le principe générateur des constitutions politiques et des autres institutions humaines, 1809.

14. Ibid.

15. Émile Dermenghem, Joseph de Maistre Mystique, La Colombe, op. cit., pp. 292-293.

16. J. de Maistre, Quatre chapitres inédits sur la Russie, Publiés par son fils le comte Rodolphe de Maistre. Paris. Librairie d’Aug. Vaton, éditeur, rue du Bas, n° 50 - 1859.

17. R. Triomphe, op.cit., p. 534.

18. Voici ce qu’expliqua Johann August von Starck concernant le projet d’Adam Wesihaupt et des joseph de maistre,Émile dermenghem,augustin barruel,johann august von starck,swedenborg,jean-marc vivenza,franc-maçonnerie,rite écossais rectifié,régime écossais rectifié,willermoz,jean-baptiste willermoz,initiation,ésotérisme,occultisme,martinisme,élus coëns,martinès de pasqually,louis-claude de saint-martin,illuminisme,martinésisme,pasqually,théosophie,tradition,vivenza,histoire,spiritualité,gnose,gnosticisme,littérature,contre-révolution,jacob boehme,karl von eckartshausen,eckartshausen,emmanuel swedenborg,providence,povidentialisme,mal,dégradation,péché originel,chute,origène,clément d’alexandrie,fénelon,madame guyon,dutoit-membrini pierre-daniel huet,soirées de saint-pétersbourg,christianisme transcendant,christianisme transcendantal,doctrine de la réintégration IIlluminés de Bavière, courant désigné sous le nom «d’Illuminatisme», dans un texte peu connu, envoyé secrètement en 1797 à l’Abbé Barruel, et conservé dans les archives de l’Ordre des Jésuites : « Le grand mystère de l’Ordre par rapport à la Religion, consistait dans la doctrine : que le Christianisme n’était fondé que sur l’imposture et la superstition et qu’en récompense, le Déisme, la religion de la Raison et le Naturalisme, étaient la vraie religion. Il est vrai  qu’on laissa subsister le nom de du Christianisme, mais on le dépouilla joseph de maistre,Émile dermenghem,augustin barruel,johann august von starck,swedenborg,jean-marc vivenza,franc-maçonnerie,rite écossais rectifié,régime écossais rectifié,willermoz,jean-baptiste willermoz,initiation,ésotérisme,occultisme,martinisme,élus coëns,martinès de pasqually,louis-claude de saint-martin,illuminisme,martinésisme,pasqually,théosophie,tradition,vivenza,histoire,spiritualité,gnose,gnosticisme,littérature,contre-révolution,jacob boehme,karl von eckartshausen,eckartshausen,emmanuel swedenborg,providence,povidentialisme,mal,dégradation,péché originel,chute,origène,clément d’alexandrie,fénelon,madame guyon,dutoit-membrini pierre-daniel huet,soirées de saint-pétersbourg,christianisme transcendant,christianisme transcendantal,doctrine de la réintégrationentièrement de tout ce qu’il y avait de religion positive de sorte qu’il ne restât que le naturalisme. (…) Par rapport à la Religion on substitua au Christianisme le Naturalisme ; et pour tromper tous ceux qui avaient encore de la vénération pour le nom de Christ et pour le Christianisme, et qui se seraient éloignés en tremblant s’ils avaient vu que pour les illuminés [de Wesihaupt] il fallait rejeter le Christianisme ouvertement, on ne laissa pas d’insinuer que Jésus-Christ Lui-même n’avait pas eu d’autre but que de faire valoir la religion naturelle et de la rendre universelle et qu’on exécutait son plan, si l’on travaillait à la restauration de cette religion (…) On avait donc formé le dessein d’anéantir la Religion ; pour en venir à bout on se servit de la fausse supposition du Catholicisme et Jésuitisme secret comme d’un remède souverain contre le Christianisme à l’avantage du Déisme. On traita non seulement de superstition catholique les prophètes, les miracles, l’existence des Esprits et des Anges et par degré tout ce qu’il y avait de positif dans le Christianisme ; mais aussi dépeignit-on tous ceux qui osèrent encore soutenir ces doctrines, comme des hommes faibles et dirigés par les Jésuites même à leur insu. (…) Le but général qui renferme tous les autres : cette régénération ne saurait être faite et achevée que par l’abolition du Christianisme, par l’introduction de la religion de la Raison, par le renversement des Trônes et par la fondation d’une ‘‘République universelle’’. Il faut être singulièrement ignorant de tout ce qui est arrivé en France, ou des secrets de l’Illuminatisme, pour ne pas voir que c’est par la Révolution qu’on a voulu réaliser les projets de l’Illuminatisme. Tout ce qu’on a fait en France, le renversement du trône, le meurtre du Roi, l’établissement d’une République démocratique, l’anéantissement de la noblesse, l’introduction d’une égalité chimérique, la destruction de la Religion et du Sacerdoce, tout cela n’était rien autre chose que la réalisation des projets formés dans l’Illuminatisme. (…) L’inscription qu’on pourra mettre sur les ruines des Trônes, des débris des Autels et les monceaux de cendres qui couvriront en peu de temps toute l’Europe, peut-être conçue dans ces deux mots : ‘L’ouvrage de l’Illuminatisme’’. » (J. A. von Starck, Histoire de l’Illuminatisme, 29 juillet 1797, Archives de la Province de France des Jésuites).

19. G. Durand, Un Comte sous l’acacia : Joseph de Maistre, Editions Maçonniques de France, 1999, p. 107.

20. Il est, à juste titre, significatif que la phrase de l’épigraphe qui figure sur la page de garde du livre « Du Pape », ne soit pas celle d’un Père de l’Eglise où d’un pieux auteur, mais paradoxalement extraite du poème homérique  « l’Iliade », phrase révélant nettement la pensée intérieure du comte savoisien, indiquant sans détour : « Trop de chefs vous nuiraient ; qu’un seul homme ait l’Empire… » (Homère, Iliade, II v. 204 sq.).

21. Au sujet des conceptions « théocratiques » de Joseph de Maistre et Louis-Claude de Saint-Martin, voir : Appendice V. La théocratie selon Joseph de Maistre et Saint-Martin, in J.-M. Vivenza, L’Église et le sacerdoce selon Louis-Claude de Saint-Martin, La Pierre Philosophale, 2013, pp. 393-415.

22. J. de Maistre, Soirées de Saint-Pétersbourg, XIe Entretien, 1821.

jeudi, 30 octobre 2008

JOSEPH DE MAISTRE : LA PENSEE D'UN ESPRIT PROPHETIQUE

JOSEPH DE MAISTRE : LA PENSEE D’UN ESPRIT PROPHETIQUE

 

 par

Jean-Marc Vivenza

 

 

 

Joseph de Maistre, Œuvres, suivies d’un Dictionnaire de Joseph de Maistre, texte établi, annoté et présenté par Pierre Glaudes, Robert Laffont, Collection « Bouquins », 2007, 1348 p.

 

 

 

 

 

 
 
 
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 Joseph de Maistre (1753-1821) est incontestablement d’actualité, les ouvrages qui lui ont été consacrés depuis quelques années se sont multipliés, et, d’ailleurs, disons-le nettement, cet apparent engouement est un sujet de satisfaction tant le « purgatoire » dans lequel fut injustement placé par certains esprits chagrins le comte chambérien pendant de longues décennies, était à la fois pénible et absurde [1].

 

Maistre se révèle donc aujourd’hui aux lecteurs contemporains qui ont le bonheur de le découvrir comme un grand penseur, nous pourrions même rajouter sans crainte aucune, tant cela ne fait plus l’objet de contestations sérieuses, un véritable « maître » dans divers domaines qui, très souvent, dépassent largement le champ par trop étroit de la littérature. Ainsi la politique, la philosophie, la religion, l’illuminisme, apparaissent comme relevant directement, et pleinement, de l’horizon impressionnant des préoccupations intellectuelles de l’auteur des Soirées de Saint-Pétersbourg, il suffit simplement pour s’en apercevoir de se pencher un instant sur ses textes heureusement de nouveau édités, splendides à plus d’un titre et servis par une langue magnifique, pour constater  l’extrême pertinence et la singulière originalité des thèses développées par l’austère prophète chambérien.

 

La sortie récente (mars 2007), aux éditions Robert Laffont dans la collection « Bouquins », d’une anthologie des œuvres principales de Joseph de Maistre (Six paradoxes à Mme la marquise de Nav… ; Les Considérations sur la France ; Sur le Protestantisme ; Essai sur le principe générateur des constitutions politiques et des autres institutions humaines ; Les Soirées de Saint-Pétersbourg ; Eclaircissements sur les sacrifices) anthologie accompagnée d’un riche et fort utile appareil de variantes et de notes (pp. 843-1113), ainsi que d’un utile  « Dictionnaire » à la rédaction duquel participèrent deux spécialistes autorisés de la pensée maistrienne, Jean-Jouis Darcel et Jean-Yves Pranchère, le tout établi sous la direction de Pierre Glaudes à qui l’on devait déjà  la précieuse réédition du Journal inédit de Léon Bloy (Journal inédit I (1892-1895), Journal inédit II (1896-1902), L'Age d'Homme, 1996 - 2000), confirme l’intérêt général qui ne cesse de se manifester autour de Joseph de Maistre et participe bien du nouvel état d’esprit actuel, ainsi que de la croissante curiosité suscitée par ses peu communes positions doctrinales. N’imaginons pas, cependant, par l’effet  d’une excessive précipitation, que Maistre soit devenu, grâce à un mystérieux et surprenant pouvoir dont l’Histoire possède par éminence le secret, un auteur ne suscitant plus à son égard ni suspicion, ni rejet. Comme le souligne Pierre Glaudes, et ce dès les premières lignes de son Introduction générale : « La postérité a retenu de Joseph de Maistre qu’il a été l’un des plus fermes partisans de la contre-révolution. Ses adversaires l’on peint sous les traits d’un doctrinaire sectaire, d’un champion de l’ordre et d’un pourfendeur des idées nouvelles. Dénonçant ses sophismes et ses paradoxes, ils n’ont vu en lui qu’un ‘‘bourreau d’idée’’ dont l’autoritarisme préfigurerait les idéologies totalitaires du XXe siècle. » (p. 7).

 

 

 

Un adversaire résolu de la pensée des Lumières

 

On le constate, le ton est rapidement donné, et l’on ne peut pas dire que soit éludé dans cette présentation liminaire ce qui serait de nature à fâcher, voire déranger. D’ailleurs loin de vouloir nier la réalité de cette image d’écrivain « sulfureux » qui poursuivit longtemps Joseph de Maistre, le lecteur non averti serait même plutôt conforté dans ces éventuels jugement aprioriques par les propos de l’Introduction : « Ce portrait, poursuit Pierre Glaudes, que plusieurs études récentes ont nuancé, il est vrai, comporte une part de vérité ; adversaire résolu de la pensée des Lumières, Maistre développe, en réaction, une philosophie de l’autorité qui peut légitimement révolter une conscience moderne. Que pense-t-il de la Déclaration des droits de l’homme dont on fait généralement honneur à la France ? en identifiant les intérêts nationaux à ceux du genre humain, observe-t-il, les révolutionnaires français ne se sont pas élevés à l’universalité d’un principe unificateur : ils ont surtout dévoilé les potentialités funestes d’un impérialisme portant en lui les germes de la Terreur. Et que dit-il de la souveraineté du peuple, qui fonde la démocratie ? Maistre dénonce les illusions de l’égalitarisme que démentent, dans l’exercice effectif du pouvoir, les prérogatives dévolues à une caste de nouveaux privilégiés : selon lui, le régime représentatif, en remettant le pouvoir réel entre les mains de quelques élus, est un système qui conduit inévitablement à l’oppression du plus grand nombre. » (pp. 7-8). Ceci est joliment dit et, par ailleurs, tout à fait conforme aux vues pour le moins radicales du comte en la matière, sans pour autant prétendre épuiser la vigueur de l’étendue de ses griefs à l’encontre des Lumières, puisque Pierre Glaudes n’hésite pas, quelques lignes plus bas, à affirmer : « On pourrait prolonger ad libitum la démonstration : sur l’éducation, sur la condition féminine, sur la peine de mort, Maistre heurte de front l’opinion dominante de notre temps. Il ne faut pas s’en étonner. Son œuvre développe une pensée cohérente qui se cristallise autour d’une conviction fondatrice : la philosophie des Lumières, dans le prolongement de la Réforme, porte en elle ‘‘un esprit d’insurrection’’ qui attaque à la manière d’un acide toutes les souverainetés et constitue, comme tel, une menace mortelle pour la société. Il faut donc combattre cette philosophie, en lui opposant une réhabilitation du principe d’autorité sous ses différentes espèces : autorité métaphysique du Créateur qui est à l’origine de toutes les institutions humaines ; autorité politique du monarque dont le pouvoir, légitimé par la tradition, manifeste le gouvernement temporel de la Providence ; autorité spirituelle du souverain pontife que Dieu assiste pour lui conférer l’infaillibilité en matière de dogme. » ( p.  8).

 

Les principes programmatiques des conceptions politico-religieuses maistriennes et son vigoureux attachement à la notion d’autorité ainsi clairement présentés, restait donc à expliquer les raisons justifiant une réédition des œuvres maîtresses d’un auteur à l’évidence si contraire aux idées dominantes de notre morne et frileuse époque où triomphent, précisément, les « valeurs » des Lumières violemment dénoncées par Maistre. L’exercice étant, il est vrai, un peu risqué, Pierre Glaudes, qui juge sans doute, par prudence, nécessaire de qualifier d’ « intempestifs » les propos de Joseph de Maistre, illustrant « un système politique et religieux aujourd’hui désuet », convoque, en tant que témoins de moralité, la longue suite des admirateurs et des adversaires intelligents souvent ouvertement séduits et fascinés par la haute figure du royaliste savoisien, ceci afin de nous délivrer quelques secourables justifications afin de répondre à l’angoissante question incisive qui doit, à l’évidence, tourmenter dans leur sommeil les pieux dévots du conformisme idéologique : « Quelles raisons a-t-on de lire Maistre au début du XXIe siècle, quand on n’est pas un ‘‘affreux réactionnaire’’ ? »

 

Apparaissent de la sorte, à la faveur de l’évocation de leur nom, Cioran, Steiner, Barthes, Valéry, aux jugements déjà bien connus, auxquels viennent discrètement s’adjoindrent les disciples directs et inconditionnels de l’œuvre, qui auraient d’ailleurs dû, si le « politiquement correct » pesait un peu moins dans ce genre d’exposé convenu, être sollicités en priorité du point de vue de la chronologie raisonnée des authentiques héritiers de la pensée maistrienne : Bonald, Blanc de Saint-Bonnet, Donoso-Cortés, Mgr Gaume ou Louis Veuillot. S’il était difficile de ne pas y adjoindre Barbey d’Aurevilly et Bloy, ou encore Baudelaire, tous les trois effectivement cités, on regrettera cependant un survol si rapide des liens unissant Maistre à Ballanche, Lamartine ou Lamennais, ainsi que le superficiel examen de son rapport, bien que paradoxal, à Maurras (qui restera toujours hermétique à la perspective métaphysique de l’auteur des Soirées), Proudhon et Auguste Comte, sachant tout de même que, pour tempérer ce traitement éclair, tous ces auteurs font l’objet d’entrées très bien documentées à l’intérieur du Dictionnaire situé en fin de volume.

 

Une étrange distance à l’égard des sources initiatiques de l’œuvre maistrienne

 

Au titre de ce panorama constitué de personnalités très diverses, s’étonnant d’une si large et dissemblable postérité qu’il qualifie de « bigarrée », Pierre Glaudes est obligé de convenir que le catholique ultramontain, l’indéfectible défenseur de la papauté, le lecteur admiratif du chanoine Pierre Charon (1541-1603) qui fustigeait l’esprit de la Réforme tout en insistant sur l’impuissance de la raison à « saisir la transcendance divine », le réactionnaire intransigeant, « n’en conserva pas moins toute sa vie des sympathies pour l’illuminisme maçonnique, qu’il aura tendance à dissimuler à mesure que se durcira sa philosophie de l’autorité. Rompu depuis sa jeunesse aux spéculations des théosophes et des mystiques, il se laissera suffisamment contaminer par leur influence pour s’engager assez loin sur des chemins hétérodoxes. En témoigne son rêve millénariste de réunion des Eglises, d’instauration d’un ‘‘christianisme transcendantal’’ et d’édification d’une nouvelle Jérusalem, qui consacrerait l’avènement d’un homme régénéré par le Saint-Esprit. (…) Inévitablement, son inclination pour de telles recherches l’amène à prendre quelques libertés avec la théologie officielle de l’Eglise, comme le montre sa dette à l’égard d’Origène, dont il emprunte la théorie des deux âmes et l’idée de ‘‘rédemption diminuée’’ que les hommes obtiendraient par leur sacrifice, en imitant le Christ. Ces références hétérodoxes lui permettent de fonder une religion de l’expiation et de la souffrance, où la mort du Fils de Dieu devient l’illustration emblématique d’une loi cosmique. Adam ayant entraîné le monde entier dans sa Chute, ce ne sont pas seulement les hommes, mais tous les êtres vivants qui doivent être rachetés.» (pp. 13-15). Ces propos sont tout à fait conformes à la pensée maistrienne, mais, dès lors, nous ne pouvons nous empêcher, à ce stade de notre recension, de soulever un problème de nature fondamentale que nous formulerions volontiers ainsi : pourquoi, alors que sont parfaitement perçus, et admis, les larges emprunts effectués par Maistre aux thèses de l’illuminisme mystique, s’en tenir dans la présentation générale de cette réédition, puisque chacune des oeuvres fait l’objet d’un exposé préliminaire sous la forme d’une introduction, à un discours si peu attentif aux données significatives qui permettraient véritablement, à notre avis, d’en expliquer l’origine et le sens  ?

 

Cette absence d’examen approfondi des sources est si problématique, que l’on relève même des approximations vraiment inacceptables pour ce type d’édition, principalement au sein de certaines entrées du Dictionnaire traitant des différents aspects de l’illuminisme [Franc-maçonnerie, Illuminés, Saint-Marttin, Willermoz, etc.]. Nous en voulons pour preuve, outre l’absence parfois regrettable d’harmonisation des patronymes [Martinez de Pasqally (p. 1279) ; Martinès de Pasqually (p.1309) ], cette phrase extraite de l’article consacré à Louis-Claude de Saint-Martin (1743-1803), dont il était effectivement judicieux de mettre en évidence l’énorme influence qu’il exerça sur Maistre : « Son entrée dans la maçonnerie mystique du Rite Ecossais Rectifié, en 1778, initia Maistre à la doctrine ésotérique de Martinez de Pasqually et de son principal disciple, celui que, dans les Soirées de Saint-Pétersbourg, Maistre appelle, ‘‘le plus instruit, le plus sage et le plus élégant des théosophes modernes’’, Louis-Claude de Saint-Martin. » (p. 1279). Or il convient de rappeler que loin « d’entrer » dans la franc-maçonnerie dite « mystique » en 1778, alors qu’il était déjà initié depuis peut-être 1770 ou 1772 à Turin, et sûrement 1774 année de sa réception au sein de la maîtresse loge chambérienne Saint-Jean des Trois Mortiers, loge créée en 1749 par Joseph de Bellegarde marquis des Marches, rattachée à la Grande Loge de Londres, dont il ne tarda pas à devenir l’Orateur, c’est dès 1776, et non pas en 1778, ce qui, entre parenthèses, montre le caractère extrêmement précoce de sa démarche, le 6 novembre exactement, qu’il se rendit à Lyon accompagné de Jean-Baptiste Salteur, et d’Hippolyte Deville de la Mulatière, pour y rencontrer Jean-Baptiste Willermoz (1730-1824), le chef de file de la Réforme écossaise lyonnaise et le dirigeant de la IIe Province d’Auvergne de la « Stricte Observance Templière » [2]. Ce type d’erreur est d’autant plus inexcusable, que lorsque sont plus loin cités à l’intérieur d’une autre entrée, Jean Rebotton, et surtout Antoine Faivre fin connaisseur en ces sujets, on retrouve alors des renseignements exacts : « En 1776, il [Maistre] se rendit à Lyon pour se faire initier aux hauts grades et ‘‘s’instruire à la source, de cet illuminisme dont il espérait de profondes révélations religieuses’’.» (p. 1310).

 

Bien sûr nous ne pouvons que souscrire à l’effort que représente l’écriture de ce Dictionnaire, et louer sans réserve l’effective valeur des nombreux renseignements qu’il comporte qui seront d’une aide précieuse pour le lecteur contemporain et le chercheur éclairé, mais que signifie, par exemple, cette idée exprimée par Jean-Louis Darcel dans l’entrée [Franc-maçonnerie], c’est-à-dire qu’il existerait une « surévaluation » par les « initiés » de l’œuvre maistrienne, « au point que celle-ci a pu faire l’objet d’une lecture ésotérique concurrente de la lecture exotérique du non-initié » (p. 1183), alors même que, bien que ne nous ne comprenions pas très bien ce que peut concrètement signifier et représenter une « lecture ésotérique » de Maistre « concurrente » de l’exotérique,  l’essentiel de son œuvre, comme il apparaît aisément à l’étude attentive, qu’on en accepte ou non l’évidence, est néanmoins, de façon indiscutable, une traduction ingénieuse, certes en mode littéraire mais cependant positivement perceptible, des principaux thèmes de la doctrine glissée par Jean-Baptiste Willermoz, dite de la « Réintégration » et énoncée par Martinès de Pasqually,  doctrine éminemment présente au sein des structures maçonniques dans lesquelles Maistre bénéficia, dès l’âge de 23 ans, d’un enseignement inattendu d’une nature exceptionnelle qui transforma radicalement sa vision des choses, ouvrit son intelligence sur bien des sujets dont il n’avait jamais eu  l’idée auparavant et qui deviendront, à terme, le canevas principal de sa réflexion future, tout en formant profondément et durablement son jeune esprit.   

 

 L’imminence des « grands événements »

 

Cela est si vrai d’ailleurs, que dans ses lignes introductives aux Soirées, Pierre Glaudes reconnaît : «  Maistre n’a manifestement rien oublié du style maçonnique (…) la conversation procédant à la façon d’une maïeutique, pousse dans la voie de l’accomplissement spirituel (…). La conversation dans les Soirées, a donc valeur d’initiation, et il faut sans doute en conclure que le livre lui-même est pour le lecteur l’occasion d’un parcours initiatique, à condition qu’il sache déchiffrer les ‘‘hiéroglyphes’’ dont le texte est parsemé. » (pp. 436-437). On est donc singulièrement surpris de voir Pierre Glaudes déclarer en conclusion de son Introduction générale : « Cette édition, n’a finalement d’autre objet que de prolonger l’intuition aurevilienne. La gloire de Maistre n’est pas dans son ‘‘système’’ de pensée : elle est dans les tensions paradoxales de son entreprise intellectuelle » (p. 18). Cette intention n’est pas blâmable, bien au contraire, mais cependant passablement limitée et « périphérique » pensons-nous, par rapport à ce qu’offre comme possibilités réelles les richesse de ce fameux « système » de pensée, qui n’a d’ailleurs de « système » que le nom, puisqu’il n’est, en fait, que la traduction, en un style splendide, des thèmes les plus importants et des vérités centrales de la doctrine de l’illuminisme mystique du XVIIIe siècle [3].

 

Conclusion

 

Pour nous résumer, nous pouvons considérer que le lecteur tirera donc grand profit de l’approche directe et immédiate des textes qui figurent dans cet ouvrage (on pourra à ce sujet s’étonner, à bon droit, du choix ayant consisté à publier dans cette anthologie, même pour un motif d’ordre chronologique, un texte de circonstance, à savoir les Six paradoxes à Mme la marquise de Nav,  (1795) alors que n’y figurent pas, fussent en de courts extraits, les Lettres d’un royaliste savoisien à ses compatriotes, (1793), ou un écrit évidemment plus tardif, comme les Lettres à un gentilhomme russe sur l’Inquisition espagnole, (1816), qui possèdent un nombre de pages à peu près équivalent à celui des Six paradoxes, mais étaient, en revanche, d’un intérêt autrement supérieur), de manière à ce qu’il puisse par lui-même, après les avoir longuement médités et patiemment mûris, bâtir son propre jugement et, nous l’espérons du moins, ressortir, pour peu d’ailleurs qu’il soit vraiment envisageable d’imaginer une indifférente distance d’avec la pensée maistrienne, avec la certitude que l’auteur de ces pages à l’extraordinaire profondeur , souhaite apparaître, « par personnage interposés », « celui qui proclamera, pour les temps modernes, l’imminence de ‘‘ces grands événements’’ que ‘‘l’esprit prophétique’’ a prédits depuis longtemps à l’humanité » (p. 437), ce dont le comte Joseph de Maistre ne doutait pas un seul instant, écrivant dans le 5e Entretien des Soirées : « je suis persuadé que les véritables intentions d’un écrivain sont toujours senties, et que tout le monde leur rend justice ».

 

Formulons donc le vœux que cette édition, qui regroupe pour la première fois en un seul ouvrage les principaux textes de Maistre, contribue à faire entendre, en rendant justice à ses « véritables intentions », la voix prophétique de celui qui déclarait  : « Il faut nous tenir prêts pour un événement immense dans l'ordre divin, vers lequel nous marchons avec une vitesse accélérée qui doit frapper tous les observateurs. Il n'y a plus de religion sur terre: le genre humain ne peut demeurer dans cet état. Des oracles redoutables annoncent d'ailleurs que les temps sont arrivés. » (Soirées, 11e Entretien).

 

 

Notes

 

 

[1] Citons, parmi les récentes parutions :

 

-          Joseph de Maistre, « Les Dossiers H », sous la direction de Philippe Barthelet, l’Age d’Homme, 2005.

-          Compagnon, A., Les Antimodernes, de Joseph de Maistre à Roland Barthes, Gallimard, 2005.

-          Boncompain, C. et Vermale, F., Joseph de Maistre, Le Félin, 2004.

-          Pranchère, J.-Y., L’Autorité contre les Lumières, la philosophie de Joseph de Maistre, Droz, 2004.

-          Vivenza, J.-M., « Qui suis-je ? » Maistre, Pardès, 2003.

-          Matyaszewski, P., La Philosophie de la société, ou l’Idée de l’unité humaine selon Joseph de Maistre, Redakcja Wydawnictw Katolockiego Uniwersytetu Lubelskiego, 2002.

-          Lafarge, F., Le Comte Joseph de Maistre, Itinéraire intellectuel d’un théologien de la politique, L’Harmattan, 1998.

 

[2] Si l’on veut être vraiment précis en ces domaines qui exigent un minimum de sérieux en raison de la place et du rôle important qu’y occupa Joseph de Maistre, 1778 correspond à la création, par Maistre et ses « amis », le 4 septembre, de la loge La Sincérité qui tiendra sa première tenue le 24 septembre. A ce sujet, on ignore si Willermoz est venu en personne consacrer cette nouvelle loge, mais ce qui est certain c’est que son frère, Jacques-Antoine, était présent et fera part aux lyonnais du désir de connaissance qu’il a rencontré chez les frères chambériens : « avides de précisions sur les textes de la Réforme, le pressant de questions souvent embarrassantes. »

 

[3] Dans une lettre du 11 décembre 1820 à Guy-Marie Deplace, donc bien des années après sa prétendue « erreur de jeunesse » qui l’amena à côtoyer les principales figures de l’illuminisme maçonnique de son époque, faisant ainsi la démonstration d’une remarquable fidélité à ses sources initiatiques, Maistre disait, s’agissant du textes des Soirées, qu’il était : « un cours complet d’illuminisme moderne ».