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jeudi, 15 décembre 2011

Louis-Claude de Saint-Martin et Jacob Boehme

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« Un auteur allemand, dont j'ai traduit et publié les deux premiers ouvrages,

savoir "l'Aurore naissante" et les "Trois principes",

peut suppléer amplement à ce qui manque dans les miens. »

 

(Saint-Martin, Le Ministère de l'homme-esprit.)

 

 

 

  

lc_st_martin2.jpg Imaginer que l’influence de Jacob Boehme sur Saint-Martin fut superficielle, peu importante, anecdotique, voire non essentielle pour l’élaboration de sa pensée et dans son évolution ultérieure,  est une considérable et profonde erreur, hélas ! assez répandue et relativement partagée dans divers milieux. C’est oublier que les principaux textes du Philosophe Inconnu furent imaginés,  composés et rédigés à la suite de la découverte de la pensée du génial visionnaire de Görlitz.

 

En effet, en 1788, Saint-Martin qui pour l’heure n’avait encore que peu publié et dont les principaux ouvrages restaient à écrire [1], arrivait à  Montbéliard au printemps, et, en juin, s’installait à Strasbourg, se liant avec le neveu de Swedenborg, ainsi qu'avec Rodolphe Saltzmann et, surtout, Charlotte de Boecklin qui lui fit découvrir l'importance spirituelle de Jacob Boehme.

 

 

I. Le rôle de Rodolphe de Saltzmann auprès de Saint-Martin

 

 

 

Rodolphe Saltzmann, qui avait fait de solides études de droit et d'histoire à Goettingue, avait noué, de par ses fonctions de direction à la « Librairie académique », des relations avec les milieux instruits dans les matières ésotériques et philosophiques en Allemagne, en Suisse et en France. Se plongeant dans les arcanes de la théosophie, il y avait découvert d'extraordinaires lumières qui faisaient sa joie et sa passion. Entièrement versé dans la lecture des écrits de John Pordage (1608-1681), de Jane Leade, de William Law et de Swedenborg, c'est toutefois Jacob Boehme qui était devenu peu à peu l'objet de son principal enthousiasme. D'une rigueur toute germanique, rejetant les pratiques théurgiques par souci d'un rapport purifié avec le divin, Saltzmann fuyait le monde et vivait enfermé dans son cabinet de travail, entouré de ses opuscules, développant une sorte de mysticisme intérieur fondé sur l'oraison de quiétude et le repos en Dieu, qu’il avait puisé dans la spiritualité de Fénelon (1651-1715) et de madame Guyon (1648-1717), dont il vénérait la mémoire et s'inspirait pieusement.

 

 

 

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Rejetant les pratiques théurgiques

par souci d'un rapport purifié avec le divin,

Saltzmann vivait enfermé dans son cabinet de travail

plongé dans la lecture des œuvres de Boehme

 

 

 

 

Saint-Martin et Saltzmann, très proches spirituellement, ne pouvaient que s'entendre et s'apprécier. C'est ce qui arriva, et c'est de par les liens qui constituèrent cette amitié, que Saltzmann fit partager à Saint-Martin son amour et sa dévotion pour la pensée de Jacob Boehme.

 

On a de la peine à exprimer vraiment l'intense bonheur et l'exaltation que ressentit Saint-Martin lorsqu'il découvrit, de manière profonde et sérieuse, les lumières de Jacob Boehme. Son esprit fut traversé, à la lecture des textes de cet auteur, par une sorte de flamme inexplicable, faisant vivre d'une façon incroyable, en lui, chaque mot, chaque phrase, du penseur allemand. Il fut tellement retourné et saisi par cette « révélation » inattendue, qu'il se plongea, avec une frénésie encore jamais ressentie, dans la lecture des œuvres de Boehme, qu’il aborda avec une volonté de contact direct et authentique de leur sens original, puisqu’il se fit un devoir d'apprendre l'allemand afin d’y accéder pleinement. 

 

Si Rodolphe Saltzmann fut celui qui révéla à Saint-Martin l'insoupçonnable dimension métaphysique de Jacob Boehme, c'est cependant une femme, Charlotte de Boecklin, qui lui permit d'entrer dans une communion spirituelle fondée sur l'amour du maître. Entre eux naquit d’ailleurs une précieuse relation, où était constamment présente la pensée et les idées de Boehme. Pendant toute la durée de son séjour à Strasbourg, Saint-Martin ne passera quasiment pas une journée sans s'entretenir avec sa « chère B. » à propos des thèses théosophiques enseignées par leur maître. Car c'est bien un maître, plusieurs années après son initiation avec Martinès de Pasqually, qu'il venait de découvrir et de reconnaître dans la personne, ou plus exactement dans les écrits, de Jacob Boehme.

 

II. Jacob Boehme : premier maître de Saint-Martin "selon l’esprit"

 

Saint-Martin regardera Boehme comme son second maître du point de vue de la chronologie des rencontres, mais le premier, incontestablement, "selon l'esprit", tant il se sentira intimement proche du visionnaire de Görlitz, et s'attachera à son œuvre pour plusieurs raisons, mais dont l'une, déterminante, réside certainement dans le fait que nul n'avait jamais exprimé, dans l'histoire de la spiritualité, avec une telle saisissante profondeur les intimes mystères de l'éternité de Dieu, et ne s’était penché si pertinemment sur l'énigme irrésolue de la naissance et de l’engendrement du monde manifesté.

 

Boehme est en effet le maître incontesté de la vie suressentielle, il aborde avec une souveraine aisance la difficile notion du « sans-fond » (ungrund), l'Essence de toutes les essences, le Néant divin, avec une intensité et une force qui ne se rencontrent chez aucun autre auteur. Le « Rien », ainsi que le « Feu », occupent, dans la théosophie de Boehme, une dimension vertigineuse, abyssale, et c'est rien moins qu'à s'immerger au sein d'une sorte d'incroyable et audacieux accomplissement métaphysique qu'est invité son lecteur. Les propositions de Jacob Boehme, concernant Dieu, ne manquent pas de posséder une redoutable radicalité : « Je dis qu'il est l'Un et, en même temps, le Néant Eternel ; il n'a ni cause, ni commencement, ni lieu, et il ne possède rien en dehors de lui-même ; il est la volonté de ce qui est sans détermination, il n'est qu'Un en lui-même ; il n'a besoin ni d'espace ni de place ; il s'engendre en lui-même d'éternité en éternité ; il n'a rien qui lui ressemble, et n'a aucun endroit particulier où il réside : l'éternelle sagesse ou intelligence est sa demeure ; il est la volonté de la sagesse et la sagesse est sa révélation. » (Mysterium magnum, I, 2.) Cependant ce « Néant Eternel », Ce « Rien », explique Jacob Boehme, pour se connaître et se faire connaître, est amené à se manifester, car la libre intuition qu'il a de lui-même porte un nom : Amour.

 

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Boehme est le maître incontesté de la vie suressentielle :

 

« Je dis qu'il est l'Un et, en même temps, le Néant Eternel ;

il n'a ni cause, ni commencement, ni lieu,

et il ne possède rien en dehors de lui-même ;

 il est la volonté de ce qui est sans détermination,

 il n'est qu'Un en lui-même.. »

 

(Mysterium magnum, I, 2.)

 

 

 

 

Ceci conduit le génial cordonnier à dire de Dieu que, de par la manifestation de son amour, travaillé par un « désir » qui préside au premier « Verbum fiat », il est : « le bien et le mal, le ciel et l'enfer, la lumière et les ténèbres, l'éternité et le temps, le commencement et la fin. » (Ibid., VIII, 24.) La révélation, du « Néant », constitue donc le véritable principe de la manifestation universelle, car, « le désir du Verbe éternel qui est Dieu, est le début de la nature éternelle et le saisissement du Néant en Quelque chose... » (Ibid., VI, 14.) De ce fait, le grand mystère de la Création, réside bien dans ce processus qui a conduit Dieu, ou « l'intérieur », a se manifester, à s'extérioriser, « avec son Verbe éternellement parlant qui n'est autre que lui-même ».

 

A cet égard,  « l'extérieur est un symbole de l'intérieur », c'est-à-dire que notre monde déchu, originellement spirituel, dégradé en une « ténébreuse concrétion » depuis la chute de Lucifer, est, tout à la fois, le Verbe et son oubli, la Lumière et sa radicale négation.

 

Il y a donc une « compénétration » entre le monde saint et le monde extérieur ou manifesté ; ceci explique que le monde spirituel ne se trouve pas ailleurs, dans le ciel : « Il ne faut pas penser au sujet des saints anges qu'ils se trouvent tous au-delà des étoiles, hors de ce monde, mais également dans le lieu de ce monde, bien qu'il n'existe pas de lieu dans l'éternité, explique Boehme, le lieu de ce monde et le lieu en dehors de ce monde sont pour eux une seule et même chose. » (Ibid., VIII, 16.) On comprend beaucoup mieux, ainsi, pourquoi Boehme, de manière stupéfiante, put affirmer : « Le ciel est en enfer, et l'enfer dans le ciel, et cependant aucun des deux n'apparaît à l'autre. » En réalité le cœur de la théosophie boehmienne se situe sans doute dans cette vérité surprenante du point de vue métaphysique : « pour Dieu rien n'est près et rien n'est loin, un monde est dans l'autre et tous ne sont pourtant qu'un monde unique ; mais l'un est spirituel, l'autre corporel, de même que le corps et l'âme sont l'un dans l'autre, de même que le temps et l'éternité ne sont qu'une seule chose...(...) le Verbe éternellement parlant règne partout... » (Ibid., II, 10.)

 

 

II. Saint-Martin et le secret de Boehme

 

 

On imagine sans peine ce qui put séduire à ce point Saint-Martin dans la doctrine de Jacob Boehme. Le lien étroit unissant Dieu et l'homme ayant fait l'objet d'un tel développement, et apparaissant d'une telle cruciale portée chez le théosophe allemand, que le Philosophe Inconnu crut y reconnaître, y lire même sous des mots différents et des formules originales et saisissantes, ses propres intuitions personnelles.

 

Bientôt la pensée de l'un devint la pensée de l'autre ; Saint-Martin se nourrissait avec une extraordinaire passion des écrits de Boehme, il s'y plongeait avec une joie et un enthousiasme indescriptibles. Se laissant porter sur les ailes de l'esprit, il ressentait dans son cœur, à la lecture des traités du penseur allemand, le souffle divin dont il avait déjà signalé, en parlant d'expérience, les marques de la bienfaisante action : « Le Seigneur pénétrera dans ta pensée ; il répandra dans ton cœur une chaleur vive, semblable à celle que tu goûtais dans ton enfance. » (L'Homme de désir, 240) Saint-Martin réalisait que Jacob Boehme était parvenu à décrire parfaitement ce qui lui était toujours apparu comme évident, c'est-à-dire qu'il ne peut y avoir de connaissance authentique de Dieu que dans l'invisible union, que de par l'intime « co-naturalité » de substance à substance entre l'âme et la Divinité, union accessible uniquement à la pure perception du cœur.

 

 

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Boehme s'accordait à merveille avec l’attrait de Saint-Martin

pour un christianisme intérieur, dépouillé,

ne nécessitant aucune forme structurelle organisée.

 

 

Plus encore, il trouvait, sous la plume inspirée du théosophe allemand, d'étonnantes convergences avec les thèses de son premier maître, Martinès de Pasqually. Le rôle central de la Chute, la première propriété d'Adam créé parfait à l'image et à la ressemblance de Dieu, qui, malheureusement, à son tour trahissant sa mission est projeté dans la dégradante prison matérielle, le devoir fait aux hommes actuels, avec l'aide du Rédempteur, de travailler à la restauration de leur nature originelle de manière, en s'extrayant du monde ténébreux, informe et vide, à participer à la divine et suressentielle Lumière, il était évident, comme il le constatait, qu'il existait de nombreuses similitudes entre les deux doctrines : « J'ai remarqué hier, avec grand plaisir, note-t-il le 11 juillet 1796 dans une lettre à Kirchberger, qu'il (Boehme) appuyait le point de doctrine admis dans ma première école, sur la possibilité de la résipiscence du démon lors de la formation du monde et de l'émanation du premier homme. » Dans cette lettre, il relevait la proximité doctrinale de ses deux maîtres : « Notre première école (celle de Bordeaux) a des choses précieuses. Je suis même tenté de croire que M. Pasqualis (sic), dont vous me parlez, et qui, puisqu'il faut vous le dire, était notre maître, avait la clef active de tout ce que notre cher Boehme expose dans ses théories, mais qu'il ne nous croyait pas en état de porter encore ces hautes vérités. » La conclusion, de cette étonnante complémentarité, semblait donc s'imposer naturellement à Saint-Martin : « Il résulte de tout ceci que c'est un excellent mariage à faire que celui de notre première école et notre ami Boehme. C'est à quoi je travaille, et je vous avoue franchement que je trouve les deux époux si bien partagés l'un et l'autre, que je ne sais rien de plus accompli. Ainsi prenons-en tout ce que nous pourrons ; je vous aiderai de tout mon pouvoir. » Et en effet ce « mariage » fut, sans aucun doute, l'œuvre par excellence du théosophe d'Amboise, puisqu’il y consacrera tous ses efforts et son énergie spirituelle.

 

Toutefois, malgré cette convergence doctrinale sur de nombreux points et cette volonté d'unir ses deux maîtres, dans une lettre du 29 messidor an III, soit en juillet 1795, lettre toujours destinée à Kirchberger, Saint-Martin, avait prit soin de rappeler que seule l'intimité avec les écrits de Jacob Boehme lui apportait : « la nature de la substance même de toutes les opérations divines, spirituelles, naturelles, temporelles ; de tous les testaments de l'esprit de Dieu, de toutes les Eglises spirituelles, anciennes et modernes ; de l'histoire de l'homme dans tous les degrés primitifs, actuels et futurs ; du puissant ennemi qui, par l'astral, s'est rendu roi du monde. »

 

 

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Saint-Martin regardait la « voie » de Boehme

comme supérieure à celle

qui lui fut enseignée par Martinès de Pasqually.

 

 

 

 

De ce fait, ce qui séduisit visiblement au plus haut point le Philosophe Inconnu chez Boehme, alors qu'il repprochait sévèrement aux coëns "de n'être initiés que selon les formes" en cherchant des signes visibles de l'invisible lors des "rituels", c'est que la pensée du génial visionnaire s'accordait à merveille avec son attrait personnel pour un christianisme intérieur, extrêmement dépouillé, ne nécessitant aucune forme structurelle organisée, et dont l'objet était d'éclairer le coeur de l'homme, seul tabernacle vivant dans lequel se manifeste la "Chose", c'est-à-dire la "Sainte Présence de Jésus-Christ".

 

Il était donc ravi de découvrir une « voie », semblable à celle qu'il prônait, où se signale l'absence de tout rituel n'obligeant donc aucunement à mettre en œuvre des cérémonies inutiles et des « opérations » complexes ; enfin, et peut-être surtout,  où un contact immédiat avec le divin était possible dans le secret du cœur, dans le plus grand et scrupuleux respect de la pure invisibilité qui doit présider aux choses spirituelles.

 

En cela il n’hésitera donc pas, logiquement, à considérer cette « voie » comme bien supérieure à celle qui lui avait été enseignée par Martinès de Pasqually, la déclarant plus sage et plus profonde : « Mon premier maître par son régime exposait ses disciples à des chances très importantes, car en ouvrant toutes les portes comme il faisait, il pouvait arriver que le vrai maître entrât à force du mouvement que nous donnions (...) Oh combien la voie de mon chérissime B. est plus sage et plus profonde ; j'y arrive tard sans doute, mais monstre que je suis, qu'ai-je fait même pour mériter d'en entendre parler ? » (Portrait, 508.)

 

 

III. Intense travail de Saint-Martin

 

Dès lors, entouré des ouvrages de Boehme, recevant l'aide précieuse de Saltzmann et de sa « chérissime B. »,  il s'engagera dans un travail de traduction particulièrement ardu, et singulièrement délicat. Les livres du philosophe teutonique étant déjà très complexes à lire en allemand, on évalue la difficulté de la tâche à laquelle se consacrera Saint-Martin, allant jusqu'à interrompre, pour un temps, son œuvre propre d’écriture. Habité d'une rare énergie, il parviendra, bien évidemment au prix de considérables efforts, à transcrire en français, dans une langue magnifique mais non en trahissant la pensée du visionnaire de Görlitz, les principaux traités de Boehme, donnant enfin aux hommes de désirs, la possibilité d'un accès fidèle et direct aux lumières de la théosophie boehmienne.

 

Et cette fidélité, Saint-Martin en fit un principe : « Mon lec­teur ne se plaindra pas (…) après le travail considérable auquel je me suis dévoué, pour lui transmettre un genre d'ouvrage dont il n'avait probablement aucune connaissance. » Voici ce qu’il tint à souligner, à propos de sa traduction de Boehme, dans son « avertissement du traducteur », lors de la publication en français de l’Aurore naissante : « Je me suis attaché à faire une traduction exacte et fidèle, plutôt qu'une traduction élégante ; non-seulement je me suis fait un devoir de respecter le sens de mon auteur, mais je ne me suis écarté que le  moins possible de la forme simple et peu recherchée avec laquelle il expose ses idées. Sans doute il eût été possible de lui prêter des couleurs plus relevée ; mais c'eût été changer sa physionomie ; et il ne fallait point laisser oublier à mes lecteurs que cette Aurore est l'ouvrage d'un homme de la plus basse classe du peuple, et qui a été sans maître et sans lettres ; autrement je ne leur aurais présenté qu'un ouvrage composé sur un autre ouvrage ; or, chacun sera toujours à même de faire cette entreprise selon ses moyen et sa manière de voir. Mes lecteurs conviendront que ma tache de simple traducteur avait déjà par elle-même assez de difficultés, quand ils appren­dront que les savants les plus versés dans la langue allemande ont de la peine à comprendre le langage de Bêhme, soit par son style antique, rude et peu soigné, soit par la profondeur des objets qu'il traite, et qui sont si étrangers pour le commun des hommes ; quand ils sauront, surtout, que dans ces sortes de matières, la langue allemande a nombre de mots qui renferment chacun une infinité de sens différents ; que mon auteur a employé continuel­lement ces mots indécis, et qu'il m'a fallu en saisir et varier la détermination précise selon les diverses occurrences ; enfin, quand ils sauront que, dans sa propre langue, mon auteur lui- même s'est trouvé quelquefois dans une telle disette d'expressions, que ses amis et ses rédacteurs lui ont fourni des mots, soit absolument inventés, soit latins, pour suppléer à cette disette. J'ai cru pouvoir conserver quelques-uns de ces mots, en essayant d'en développer, surtout dans les commencements, la véritable signification. » (Cf. L’Aurore naissante, Imprimerie de Laran, 1800). [2].

 

 

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Saint-Martin, occupé exclusivement à la pensée de Boehme,

considérait qu'il est indispensable

pour se consacrer au « grand objet de l'œuvre de l'homme »,

d'être dans la « paix de la régénération ».

 

 

On ne redira donc jamais assez l'immense mérite de Saint-Martin dans la réalisation de ce travail, et l'on ne mesure pas, sans doute à sa juste valeur, la  grande reconnaissance que lui doivent des générations de vrais cherchants qui, par son intermédiaire, purent recevoir les brillants éclats de vérité contenus dans les textes du cordonnier de Göltitz.

 

En l'espace de quelques années, ce n'est pas moins de sept livres qui seront entièrement traduits, dont deux publiés du vivant de Saint-Martin, et cinq autres à titre posthume [3]. Entièrement absorbé par son labeur, vivant un temps très fécond du point de vue spirituel, Saint-Martin goûte un vrai bonheur qu'il ne se prive pas d'exprimer. Il constatera, s'occupant exclusivement de la pensée de Boehme, qu'il est indispensable pour se consacrer avec fruit au « grand objet de l'œuvre de l'homme », d'être dans la « paix de la régénération », il en concluait : « Malheur à celui qui ne fonde pas son édifice spirituel sur la base solide de son cœur en perpétuelle purification et immolation par le feu sacré ; ce n'est que cet or-là qui peut être employé par le grand Betzaléel. C'est à mon incomparable Boehme que je dois d'avoir fait cette réflexion sur moi-même. » (Portrait, 427.) 

 

Conclusion

 

Saint-Martin insistera auprès de tous ses intimes sur l'exigence de lenteur que nécessite la « voie » spirituelle, et, surtout, sur la nature « expérimentale » des objets évoqués.

 

Saint-Martin, depuis son séjour de Strasbourg, ne dissimulait plus du tout son enthousiasme à l'égard du génial cordonnier de Görlitz, et considérait ouvertement sa doctrine comme un sommet inégalé de connaissance spirituelle et métaphysique. Il déclarera même sans détour dans un livre : « Un auteur allemand, dont j'ai traduit et publié les deux premiers ouvrages, savoir "l'Aurore naissante" et les "Trois principes", peut suppléer amplement à ce qui manque dans les miens. » (Le Ministère de l'homme-esprit.) On comprend sans doute beaucoup mieux pourquoi, dans une lettre à Kirchberger, Saint-Martin déclarait sans hésitation aucune  : « C’est avec franchise, Monsieur, que je reconnais n’être pas digne de dénouer les cordons des souliers de cet homme étonnant, que je regarde comme la plus grande lumière qui ait paru sur la terre après Celui qui est la ‘‘Lumière’’ même. »  (Lettre, 8 juin 1792.)  

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                                      « J'ai senti en la relisant de suite, et tout à mon aise,

que cet ouvrage serait béni de Dieu et des hommes,

excepté du tourbillon des papillons de ce monde qui n'y verront rien... »

                                                                (Portrait, 1013.)

 

Non sans un considérable effort, Saint-Martin parvint à mettre à la disposition du public français, au dernier trimestre 1800, sa traduction de L'Aurore naissante, ce qui lui inspirera cette réflexion : « Dans le mois de brumaire an IX, j'ai publié ma traduction de l'Aurore naissante, de Jacob Bêhme (sic). J'ai senti en la relisant de suite, et tout à mon aise, que cet ouvrage serait béni de Dieu et des hommes, excepté du tourbillon des papillons de ce monde qui n'y verront rien... » (Portrait, 1013.)

 

Les « papillons de ce monde », en France, n’y virent en effet, comme à leur funeste habitude, pas grand-chose, trop préoccupés de leurs illusoires certitudes. Mais c'est en Allemagne, par un juste retour des choses, sous la féconde et précieuse influence de Saint-Martin dont les écrits furent diffusés par Mathias Claudius (1740-1815) (traducteur Des erreurs et de la vérité en 1782), puis par Johann Friedrich Kleuker (1749-1821) et Gottlieb Heinrich von Schubert (1780-1860), que la pensée de Boehme va le plus significativement féconder les esprits et produire ses principaux effets qui furent à l'origine du magnifique courant illuministe dont nous savons, aujourd’hui, les fruits nombreux et bienfaisants qu’il produisit pour les âmes de désir en quête de la Lumière.

 

Jean-Marc Vivenza

 

 

Notes.

 

1. Voici les ouvrages de Saint-Martin publiés avant 1788 :

 

Des Erreurs et de la vérité, ou les hommes rappelés au principe universel de la science, 1775.

Ode sur l’origine et la destination de l’homme, 1781
Tableau naturel des rapports qui unissent Dieu, l’homme et l’univers, 1782.

Discours sur la meilleure manière de rappeler à la raison les nations livrées aux erreurs et aux superstitions, 1785.

 

On comprend aisément que les plus importants étaient à venir sous sa plume, parmi lesquels :

 

L’Homme de désir, 1790.

Ecce Homo, 1792.
Le Nouvel homme,
1792.
Stances sur l’origine et la destination de l’homme
, 1796.

Essai sur les signes et sur les idées, 1799.

Le Crocodile, 1799.

De l’Esprit des choses, 1800.

Le Cimetière d’Amboise, 1801.

Le Ministère de l’homme-esprit, 1802

 

 

2. A ce titre, pour parfaire son œuvre de traduction et d'adaptation française des écrits de Boehme, qui est son unique objet d'intérêt dans la période qui s’étend de 1788 à la fin de sa vie, Saint-Martin, ayant besoin des conseils d’un parfait germaniste, consultera souvent Kirchberger 1739-1798) à Berne. Il échangera aussi énormément avec Mme de Boecklin, et n'aura de cesse d'approfondir et préciser, dans ses nombreuses lettres, les subtilités de la théosophie boehmienne. Cette correspondance est en réalité son meilleur et plus efficace remède contre l'amertume, la tristesse et le découragement, ne se consolant absolument pas de vivre éloigné de Strasbourg, ville aimée où il reçut tant de bénéfiques lumières. Il s'en ouvrit dans une lettre du 10 juillet 1792 : « Je dois dire que cette ville de Strasbourg est une de celles à qui mon cœur tient le plus sur la terre, et que sans les sinistres circonstances qui nous désolent dans ce moment, je m'empresserais bien vite d'y retourner. »

 

3.

·         L'Aurore naissante, Imprimerie de Laran, 1800.

·         Des trois principes de l'essence divine, Imprimerie de Laran, 1802.

·         De la base profonde et sublime des six points, Migneret, 1806.

·         Courte explication en six points, Migneret, 1806.

·         Instruction fondamentale sur le Mystère céleste et terrestre, Migneret, 1806.

·         Quarante questions sur l'origine, l'essence, l'être, la nature et la propriété de l'âme, Migneret, 1807.

·         De la triple vie de l'homme, Migneret, 1809.

 

 

 

 

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Extrait tiré du site http://www.baglis.tv d'une table ronde intitulée

"La pensée de Louis-Claude de Saint-Martin"

réunissant Jean-Marc Vivenza, Dominque Clairembaut et Michel Cazenave :

 

Jakob Böhme

et le Philosophe Inconnu (Louis-Claude de Saint-Martin)

 

 

 

 

 

 

Publié dans Ésotérisme, Franc-maçonnerie, Livres, Martinésisme, Martinisme, Mystique, Spiritualité, Théosophie | Lien permanent | | |  Facebook | | | | Pin it! | .

vendredi, 09 décembre 2011

Le sacerdoce selon Louis-Claude de Saint-Martin

entrer des mots clefs

« La première Religion de l’homme étant invariable,

il est, malgré sa chute, assujetti aux mêmes devoirs ;

 mais comme il a changé de climat,

il a fallu aussi qu’il changeât de Loi

pour se diriger dans l’exercice de sa Religion.»

Louis-Claude de Saint-Martin

 

 

entrer des mots clefsLa question du sacerdoce est l’une des plus importantes, des plus solennelles qui soient, elle touche au culte que l’homme a à rendre à Dieu, car l’homme, en effet, est à la suite du Divin Réparateur, prêtre, prophète et roi, il a donc une fonction sacerdotale à accomplir [1].

 

 

I. Nature du culte de l’homme

 

                     Le culte qu'il incombait à l'homme de célébrer primitivement n'a pas changé du point de vue de sa perspective, même si sa forme, de par la force des choses, a été nécessairement modifiée, en effet : « La première Religion de l’homme étant invariable, il est, malgré sa chute, assujetti aux mêmes devoirs ; mais comme il a changé de climat, il a fallu aussi qu’il changeât de Loi pour se diriger dans l’exercice de sa Religion. Or, ce changement n’est autre chose que de s’être soumis à la nécessité d’employer des moyens sensibles pour un culte qui ne devait jamais les connaître. Néanmoins comme ces moyens se présentent naturellement à lui, il n’a que très peu de soins à donner pour les chercher, mais beaucoup plus, il est vrai, pour les faire valoir et s’en servir avec succès. Premièrement, il ne peut faire un pas sans rencontrer son Autel ; et cet Autel est toujours garni de Lampes qui ne s’éteignent point, et qui subsisteront aussi longtemps que l’Autel même. En second lieu, il porte toujours l’encens avec lui, en sorte qu’à tous les instants il peut se livrer aux actes de sa Religion. » (Des erreurs et de la vérité.)

 

 

 

entrer des mots clefs

 

 « L’homme ne peut faire un pas sans rencontrer son Autel ;

et cet Autel est toujours garni de Lampes qui ne s’éteignent point,

et qui subsisteront aussi longtemps que l’Autel même.

En second lieu, il porte toujours l’encens avec lui,

en sorte qu’à tous les instants il peut se livrer aux actes de sa Religion. »

 

 

                 Indéniablement, il n'y a pas de chemin plus important, d'autre voie, d'autre initiation supérieure à celle que de célébrer sur notre « Autel », dans l'invisibilité et le silence du cœur, les louanges de l'Eternel, nous éclairant seulement avec cette lampe sacrée comportant sept splendides lumières, et d'élever lentement vers le Ciel notre pur encens de reconnaissance, pour la plus grande gloire de Dieu : « le Père de Notre Seigneur Jésus-Christ, qui nous a béni de toutes bénédictions spirituelles dans les lieux célestes en Christ…» (Ephésiens, 1, 3). Cette « révélation », cet enseignement enfin dévoilé, correspondent à ce que Saint-Martin nomme la « troisième époque », c'est-à-dire le temps où la Vérité, par les bienfaits qu'elle prodigue à l'homme, « l'anime de la même unité, et l'assure de la même immortalité ». 

 

                Le Philosophe Inconnu, comme il le fit souvent dans ses ouvrages, et qui plus est encouragé par les paroles merveilleuses du Seigneur, s'exprime ouvertement avec son disciple et lui donne, ou, plus exactement, lui confie le secret qui résume toute l'initiation saint-martiniste, lui disant par delà les siècles, qui de toute manière ne comptent pas du point de vue de l'éternité, ces précieuses vérités : « Apprend [que ton] Être intellectuel [est] le véritable temple ; que les flambeaux qui le doivent éclairer sont les lumières de la pensée qui l'environnent et le suivent partout ; que le sacrificateur c'est ta confiance dans l'existence nécessaire du Principe de l'ordre de la vie ; c'est cette persuasion brûlante et féconde devant qui la mort et les ténèbres disparaissent ; que les parfums et les offrandes, c'est [ta] prière, c'est [ton] désir et [ton] autel pour le règne de l'exclusive unité. » (Le Tableau naturel, XVII).

 

 

II. Le Sacerdoce de l’Eglise et Saint-Martin

 

 

              On sait la méfiance, pour ne pas dire plus, que manifesta Saint-Martin à diverses occasions vis-à-vis de la prêtrise transmise par l'Eglise visible du Christ, et la sévérité de ses virulentes critiques à l'égard d'un sacerdoce bien loin de répondre aux exigences spirituelles que l'on est en droit d'attendre de la part des ministres de l'Eternel, dont la manifestation la plus symbolique semble avoir été, selon certains son refus d'accepter la présence d'un prêtre à son chevet au moment de quitter cette terre [2].

 

entrer des mots clefsToutefois les pages les plus dures, et sans doute les plus célèbres de Saint-Martin, furent publiées en 1802 dans le Ministère de l'homme-esprit, témoignant d'une conviction depuis longtemps établie et qui dut même, selon toute probabilité, prendre naissance très tôt, dès l'époque (entre les années 1768 et 1774) où il étudiait et découvrait de nouvelles  lumières, à Bordeaux, aux côtés de son premier maître : Martinès de Pasqually.

 

                     Ce dernier, ne l'oublions pas, bien qu'exigeant de ses disciples une pleine et entière appartenance et communion avec l'Eglise catholique romaine pour pouvoir être admis dans l'Ordre des Chevaliers Maçons Elus Coëns de l'Univers, était également fort critique dans ses jugements en matière religieuse, et ne ménageait pas la virulence de ses attaques à l'égard des prêtres qu’il jugeait ignorants des mystères de leur propre sacerdoce.

 

III. La critique de Saint-Martin concerne toutes les Eglises

 

                   On a pu dire, pour expliquer l'attitude de Saint-Martin, qu'il méconnaissait la véritable Eglise n'ayant eu, selon cette thèse, devant ses yeux qu'un pâle reflet, voire une caricature de la fonction dévolue aux ministres effectifs de Jésus-Christ [3].

 

                     Il est évident que le XVIIIe siècle ne fut sans doute pas, pour le moins que l'on puisse dire, la plus grande période que connut l'Eglise catholique au cours de son histoire, mais l'argument ne nous apparaît pas pouvoir être accepté dans les termes, car si l’on peut lui accorder un éventuel crédit pour Martinès, il apparaît en revanche infondé de le postuler pour le théosophe d’Amboise.

 

 

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                   En effet, Saint-Martin, fort instruit en ces domaines, pouvait aisément faire la distinction entre les défauts ponctuels, aussi criants fussent-ils, qu'il constatait autour de lui, et l'esprit qui présida à l'édification de la vénérable institution dont il était membre baptisé, connaissant parfaitement les richesses de son église, l'immense apport de son trésor spirituel qui se traduisit par un développement fécond et exceptionnel d'Ordres religieux producteurs de bienfaits et de sainteté, la large et impressionnante diffusion d'écrits mystiques d'une valeur extrêmement élevée, la contribution incomparable à l'intelligence et approfondissement de la foi de textes magnifiques rédigés par des docteurs et théologiens parmi les plus savants et éclairés, et, par dessus tout, l'extraordinaire beauté du culte latin possédant encore, en ces années marquées par les décrets du Concile de Trente, toutes les qualités, les vertus et la sublime pureté de l'ancienne liturgie grégorienne.

 

                 C'est pourquoi, nous ne croyons pas que la question soulevée par Saint-Martin, touchant à son rejet critique du sacerdoce chrétien tel que professé par les prêtres de son temps, ne concerne que l'unique Eglise catholique, mais touche, en réalité, tous les sacerdoces et les sacrements conférés par l'intermédiaire d'institutions humaines, et donc s’étend à toutes les églises, l’occidentale comme l’orientale, antiochienne y compris.

 

IV. Forme du nouveau sacerdoce

 

                Depuis la venue du Christ, les ordonnances des antiques religions (païennes et judaïque) sont devenues caduques, elles ont été renversées par la lumière de la Révélation, l'ordre ancien est dépassé, l'homme n'a plus besoin d'un intermédiaire pour s'approcher du trône de la Divinité, Jésus Christ s'est chargé d'abattre les voiles (Matthieu 27, 51) qui nous séparaient du Sanctuaire : « La grâce de Dieu qui apporte le salut est apparue à tous les hommes » (Tite 2, 11). Jésus, par sa mort, a purifié les hommes pécheurs : « Par une seule offrande il a rendu parfaits pour toujours ceux qu'il a sanctifiés » (Hébreux 10, 14). En conséquence, la grande vérité, bouleversante et magnifique, que Saint-Martin voulut exprimer et proclamer à ses intimes, concernant l'entière consécration ministérielle de chaque chrétien par le Christ, n'est autre que la vérité de l'Ecriture elle-même ainsi que l'enseigne Paul : « Par le moyen du sang de Jésus, nous avons une pleine liberté pour entrer dans les lieux saints, par le chemin nouveau et vivant qu'il nous a consacré à travers le voile, c'est-à-dire sa chair, et puisque nous avons un sacrificateur établi sur la maison de Dieu, approchons-nous avec un cœur sincère, dans la plénitude de la foi, les cœurs purifiés d'une mauvaise conscience, et le corps lavé d'une eau pure. » (Hébreux 10, 19-22).


 

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 « Par le moyen du sang de Jésus,

nous avons une pleine liberté

pour entrer dans les lieux saints,

par le chemin nouveau et vivant

qu'il nous a consacré à travers le voile... »

(Hébreux 10, 19-22).

 

              L'idée que puisse perdurer un sacerdoce calqué sur le modèle des cultes encore plongés dans les ténèbres de la servitude d'avant le Christ, est absolument inacceptable pour Saint-Martin, car « le christianisme est la région de l'affranchissement et de la liberté ; (...) le christianisme porte notre foi jusque dans la région lumineuse de l'éternelle parole divine ; (...) le christianisme est l'installation complète de l'âme de l'homme au rang de ministre et d'ouvrier du Seigneur ; (...) le christianisme unit sans cesse l'homme à Dieu, comme étant, par leur nature, deux êtres inséparables ; (...) le christianisme est une active et perpétuelle immolation spirituelle et divine, soit de l'âme de Jésus-Christ, soit de la nôtre. » (Le Ministère de l'homme-esprit).

 

 

 

Conclusion : Le renouveau du christianisme

 

                Saint-Martin aspire à un renouveau du christianisme qui lui conférera une pureté non encore entrevue jusqu’alors, il souhaite un passage capable de nous faire accéder à une ère où soit enfin vécu « en esprit et en vérité » la foi en Jésus-Christ : « Je crois, dira-t-il, que ce sont les prêtres qui ont retardé ou perdu le christianisme, que la Providence qui veut faire avancer le christianisme a du préalablement écarter les prêtres, et qu’ainsi on pourrait en quelque façon assurer que l’ère du christianisme en esprit et en vérité ne commence que depuis l’abolition de l’empire sacerdotal ; car lorsque le Christ est venu, son temps n’était encore qu’au millénaire de l’enfance, et il devait croître lentement au travers de toutes les humeurs corrosives dont son ennemi devait chercher à l’infecter. Aujourd’hui il a acquis un âge de plus, et cet âge étant une génération naturelle doit donner au christianisme une vigueur, une pureté, une vie, dont il ne pouvait pas jouir encore à sa naissance. » (Portrait, 707).

 

 

entrer des mots clefs

 

 

                Tenant donc de toutes les fibres de son être à « l'esprit du véritable christianisme », à l'essence du pur message de Jésus-Christ, Saint-Martin aspirait à ce que s'épanouisse entièrement et puisse éclore l'union intime de l'âme et de l'Eternel dans le silence absolu du cœur ; il ne pouvait, de ce fait, admettre que le disciple de Jésus délègue son action, et que ce soit un autre que lui, que ce fils chéri racheté aux prix du précieux sang, qui présente son offrande et son sacrifice au Rédempteur, car chaque baptisé, depuis l'avènement du Messie, est prêtre et prophète pour offrir à Dieu des sacrifices spirituels, à savoir le fruit des lèvres qui bénissent son Nom et chantent sa Gloire infinie, puisque, redisons-le à la suite du théosophe d'Amboise : « le christianisme n'est composé que de la race sainte, de la vraie race sacerdotale ».

 

               C'est là l'essence de l'enseignement intérieur du Divin Réparateur, le sens caché de l'ordination sacramentelle conférée directement par les mains de Dieu aux purs disciples du Christ, aux « ministres des choses saintes », car « le christianisme est le complément du sacerdoce de Melchisédec ; il est l'âme de l'Evangile ; c'est lui qui fait circuler dans cet évangile toutes les eaux vives dont les nations ont besoin pour se désaltérer. (...) le christianisme nous montre Dieu à découvert au sein de notre être, sans le secours des formes et des formules. (...) le christianisme ne peut être composé que de la race sainte et sacerdotale qui est l'homme primitif, ou de la vraie race sacerdotale. » (Le Ministère de l'homme-esprit, 3e partie, « De la Parole ».) 

 

Jean-Marc Vivenza

 

(Extraits, texte à paraître en 2012)

 

 

 

 

Notes.

 

 

1. Sacerdoce vient du latin sacerdotum (sacer : sacré – dotum : dote, fonction de ceux qui ont le privilège du sacré mais aussi qui expriment cette relation avec le sacré qui se décline par l’intercession, c’est-à-dire l’offrande des prières qui fait suite à celle des sacrifices de l’ancienne alliance ou de la célébration eucharistique aujourd’hui, et la médiation consistant à transmettre les enseignements, la paroles et les bénédiction de Dieu (deux termes en grec : ιεροσ : sacré, comme en latin «  presbuteros » : ordre ou sacerdoce des prêtres qui donne en latin presbyterium).

 

2. cf. Joseph de Maistre, Soirées de Saint-Pétersbourg, XIe Entretien, 1821  ; E. Caro, Essai sur la vie et la doctrine de Saint-Martin, Hachette, 1852, p. 71. c’est en réalité, et tout d’abord, le Mercure de France qui, annonçant la disparition du théosophe d’Amboise survenue le 13 octobre 1803, signalera que Saint-Martin ne voulut point d’un prêtre, in Mercure de France, 18 mars 1809, n° 408, p. 499 ss.). Joseph de Maistre, toujours dans ses Soirées de Saint-Pétersbourg, choqué, signalait que Saint-Martin ne croyait pas à la légitimité du sacerdoce chrétien : « (…) il faut lire surtout la préface qu'il [Saint-Martin] a placée à la tête de sa traduction du livre des Trois Principes, écrit en allemand par Jacob Böhme : c'est là qu'après avoir justifié jusqu'à un certain point les injures vomies par ce fanatique contre les prêtres catholiques, il accuse notre sacerdoce en corps d'avoir trompé sa destination [dans la préface de la traduction citée, Saint-Martin s'exprime de la manière suivante : « C'est à ce sacerdoce qu'aurait dû appartenir la manifestation de toutes les merveilles et de toutes les lumières dont le cœur et l'esprit de l'homme auraient un si pressant besoin. » (Paris, 1802, in-8o, préface, p. 3)], c'est-à-dire, en d'autres termes, que Dieu n'a pas su établir dans sa religion un sacerdoce tel qu'il aurait dû être pour remplir ses vues divines. » (J. de Maistre, Soirées de Saint-Pétersbourg, XIe Entretien.)

 

3. « La pensée religieuse de Saint-Martin repousse même les formes religieuses, notamment les sacrements de l’Eglise, sauf à les priver de toute forme, voire de l’Eglise. Mais nul disciple du théosophe d’Amboise ne se croit contraint à refuser l’Eglise et ses sacrements. Il apprendra, au contraire, ce que Martines et Saint-Martin ignoraient, ce qu’est l’Eglise et ce que sont les sacrements. » Cf. R. Amadou, in Introduction, Traité sur la réintégration des êtres, Collection martiniste, 1995, p. 37.

 

 

mercredi, 25 août 2010

Les élus coëns et le Régime Écossais Rectifié

 

De l’influence de la doctrine de Martinès de Pasqually

sur Jean-Baptiste Willermoz

 

par Jean-Marc Vivenza

 

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L’évidente présence des sources provenant de l’Ordre des Élus Coëns au sein du Régime Écossais Rectifié est l’un des points les plus intéressants qui soient, nous faisant découvrir l’origine véritable du système initiatique fondé par Jean-Baptiste Willermoz (1730-1824), qui joua un rôle fondamental au sein de la franc-maçonnerie au XVIIIe siècle.

 

Pourtant deux attitudes erronées se rencontrent de manière régulière à propos de cette question des sources willermoziennes : l’une consistant à considérer le Régime Écossais Rectifié comme une simple reproduction, bien que privée de sa partie théurgique, de l’Ordre des Chevaliers Maçons Élus Coëns de l’Univers, l’autre visant à ne reconnaître aucun lien ni rapport entre le système de Willermoz et les enseignements dispensés par Martinès de Pasqually.

 

Il convenait donc de rappeler combien ces deux conceptions sont inexactes, dans la mesure où le Régime Écossais Rectifié, s’il est aujourd’hui entièrement redevable aux bases symboliques et théoriques de la doctrine de la Réintégration – qui échappèrent par miracle à la corruption du temps – a néanmoins «opéré» une christianisation importante de cette doctrine aboutissant à un Rite maçonnique original, à la fois dépositaire du trésor spirituel des élus coëns, mais également libéré de ses méthodes en raison de son insistance sur ce que signifie, comme radical bouleversement, le passage de l’Ancienne à la Nouvelle Alliance.

 

On comprend ainsi, aisément, pourquoi il était utile que soit enfin proposée une analyse sérieuse sur ce sujet, capable de répondre véritablement aux diverses réflexions qu’elle fait surgir, nous faisant découvrir qu’il y a bien un secret partagé entre le Régime Écossais Rectifié et les disciples de Martinès de Pasqually, puisque l’objectif fixé par Willermoz à son Ordre « est d’atteindre, à sa manière, le but fixé à l’Ordre des Élus Coëns ».

 

 
 

SOMMAIRE

 

Introduction

Avertissement

 

I - Martinès de Pasqually et la doctrine des « élus coëns ».

1. Sources spirituelles

-          a) L’illuminisme chrétien

-          b) Le soufisme

-          c) La kabbale

-          d) Le dualisme zoroastrien et mazdéen

-          e) Le judéo-christianisme : ébionisme et elkassaïsme

 

2. Eléments doctrinaux

3. Perspective sacerdotale

 

II - La rencontre de Jean-Baptiste Willermoz avec Martinès de Pasqually

 

III - De la Stricte Observance dite « Templière » au « Convent des Gaules » (1778).

 

IV. Eléments martinésiens présents au sein du Régime Ecossais Rectifié

 

V. Expiation, purification, réconciliation et sanctification :  les quatre temps de la réédification du Temple du mineur spirituel

 

1. L’Expiation

2. La Purification

3. La Réconciliation

4. La Sanctification

 

VI - Les éléments coëns présents au sein du Régime Ecossais Rectifié : moyens et outils symboliques de la « Réintégration »

 

1)       La structure ternaire du composé matériel et la place des essences spiritueuses

2)       Triangle, « Lame d’or et  Delta d’Orient

3)       Le Temple coën et la loge rectifiée

4)        La symbolique des nombres

5)       La défiance du Régime Rectifié vis-à-vis de la matière

6)        La noblesse de l'origine de l'homme et sa haute destination spirituelle

7)       La Batterie 00 0, omniprésente au 1er grade

8)       La substance sénaire de la Création

9)       Le sens du double triangle

 

VII - La double nature et son implication spirituelle

 

VIII - La symbolique de la réédification du Temple comme figure de l'image et de la ressemblance

 

IX. L'origine de la Franc-maçonnerie selon le Régime Ecossais Rectifié et le rattachement au Haut et saint Ordre

 

Conclusion

 

 

Appendices

 

I. La  Sainte Trinité

II. La nature de l’Air selon le Philosophe Inconnu

III. Les objets et meubles sacrés du Tabernacle présents sur le second tableau de la loge de Maître Ecossais de Saint-André : ou la mise en lumière du passage de l’Ancienne à la Nouvelle loi,  manifesté par l'œuvre du Divin Réparateur.

 

·         La « mer d'airain » et sa fonction purificatrice

·         La table des pains de proposition, image annonciatrice du mémorial eucharistique.

·         Le chandelier à sept branches en tant qu'évocation de la vraie Lumière.

·         L'Arche Sainte, manifestation de l'Alliance éternelle entre Dieu et les hommes.

·         L'autel des parfums ou l'instauration du sacerdoce éternel par la « Nouvelle loi de grâce et de vraie lumière ».

 

IV. Le rôle essentiel de la « grâce » et la raison de la proclamation de la supériorité de la « Nouvelle loi »  au sein du Régime Ecossais Rectifié.

 

·         Une nouvelle relation à Dieu par la grâce.

·         Le changement radical des économies entre le temps de la loi et celui de la grâce.

·         L'incomparable supériorité de la « Nouvelle loi de grâce ».

 

 

Annexes

I. Lettres de Martinès de Pasqually à Jean-Baptiste Willermoz

 

Lettre du 19 juin 1767

Lettre du 11 septembre 1768

Lettre du 12 octobre 1773

Lettre du 24 avril 1774

Lettre du 3 août 1774

 

II. Lettre de Louis-Claude de Saint-Martin à M. Erhmann

III. L’invocation de réconciliation des Elus coëns

 IV. Méthode pour lire le Traité de la réintégration selon Willermoz

 

 

Bibliographie

 

mardi, 01 septembre 2009

La Sophia et ses divins mystères

Vient de paraître aux éditions Arma Artis 

 

 

 

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Jean-Marc Vivenza, La Sophia et ses divins mystères, Arma Artis,

septembre 2009, 71 pages. 

 

 

 

 

Extraits

 

 

                      La Sagesse, Sophia ou « éternelle SOPHIE », dont Louis-Claude de Saint-Martin a très souvent, dans son œuvre [1], évoqué l’importance spirituelle, occupe une place centrale dans l’économie de la Révélation judéo-chrétienne et, depuis l’origine la plus lointaine, après avoir traversé les traditions de l’Egypte et de la Mésopotamie [2], est intimement associée à l’activité divine dans les livres sapientiaux de la Bible, des Proverbes à l’Ecclésiastique.

 

                       Dès les premiers commencements nous la voyons présente aux côtés de l’Eternel, s’imposant dans son rôle essentiel et invisible, ainsi que nous l’expose le Livre des Proverbes de Salomon, fils de David, roi d’Israël.

 

                       [...]

 

                        Pénétrant toute réalité, elle habite les cœurs en tant que pur reflet de la Lumière divine, c’est la sainte auxiliaire du Plan divin, la pieuse servante du Seigneur collaborant depuis l’origine des choses, visibles et invisibles, à l’œuvre créatrice, la féconde dispensatrice des grâces vivifiantes répondant, avec une docilité parfaite et une doux acquiescement, aux volontés célestes.

 

                         Poursuivant son œuvre d’assistance auprès de Dieu, elle est, effectivement, « l’ouvrière de toutes choses », dominant la création et surplombant  l’univers de sa bienveillante et amoureuse protection ; Dieu agit par elle, n’oublions pas, comme il agit par la puissance mystérieuse de son Esprit : « Et ta volonté, qui l’aurait connue, si toi-même n’avais donné la Sagesse et n’avais envoyé d’en-haut ton Esprit-Saint ? » (Sagesse, IX, 17). Il semble donc, si l’on veut bien y songer un instant avec un minimum d’attention, que du point de vue de notre relation à Dieu, cela soit parfaitement identique que d’obéir à la Sagesse, de se soumettre à ses vues, d’avoir confiance en son action bienfaisante, de s’ouvrir sincèrement à son influence secrète, que d’accueillir, avec humilité, l’Esprit du Très Haut [3].

                       

                                        [...]

 

                         Saint Augustin dira que la Sagesse, pour la créature, est la contemplation de la vérité, lui permettant de recevoir la ressemblance de Dieu [4] ; saint Grégoire de Naziance affirmera qu’elle seule est capable de rendre notre âme pure devant Dieu, et par cette pureté, nous unir à celui qui est pur, nous conformant ainsi à la sainteté du Saint des Saints. Théophile d’Antioche, saint Clément d’Alexandrie, puis Irénée de Lyon, identifieront tout à la fois le Fils et l’Esprit Saint à la Sophia. Irénée écrit, pour ce qui le concerne, en évoquant le Père : « Il a fait toutes choses par lui-même, c’est-à-dire par son Verbe et par sa Sagesse. » [5] ;  et encore : « Celui qui nous a faits et modelés, qui a insufflé en nous un souffle de vie et qui nous nourrit par la création, ayant tout affermi par son Verbe et tout coordonné par sa Sagesse, Celui-là est le seul vrai Dieu.» [6]

 

                             Il est à noter que le courant gnostique fit de la Sagesse, dans ses très nombreux écrits, un « éon », l’idée de Sagesse s’imposant avec une rare force insistante dans les textes de ce courant : « L’idée de la sagesse, de la Sophia, devient, dans la gnose, une entité spirituelle femelle, susceptible d’être vue, et, inversement, la personne du Fils de Dieu céleste pourra devenir la pure Idée absolument impersonnelle du Logos. » [7]

 

                           La Sophia, pour les gnostiques, est ainsi une entité présente en mode d’immanence qui pénètre l’ensemble de la réalité du monde visible, l’agent actif qui s’établit dans une correspondance secrète et intime avec le Logos.

 

                          [...]

 

 

« Vous adorez ce que vous ne connaissez pas,

Nous nous adorons ce que nous connaissons… »

 

(Jean 14, 22)

 

 

Notes.

 

[1] « Quand je me suis approché de la Sagesse, j'ai senti que l'homme qui aurait le bonheur de s'en remplir n'aurait d'indifférence pour rien, qu'il donnerait à chaque chose le degré d'intérêt qui leur appartient, à César ce qui est à César, à Dieu ce qui est à Dieu, car il comprendrait trop de quelle importance seraient les mécomptes dans cette sorte de calcul. » (Mon portrait historique et philosophique, [329], op.cit, pp. 172-173.)

 

[2] Connue en Assyrie sous le nom de «  », la Sagesse sera désignée en Egypte en tant que « Maât », soit, sous les traits de la célèbre déesse symbolisant l’ordre et la justice, une sagesse d’essence effectivement incréée, ceci dit sans minorer le fait que de nombreux écrits, comme les instructions D’Amen-Em-Opet, ou le « Livre des Morts », recèlent des éléments qui ne sont pas sans préfigurer la figure de la Sagesse qui se laissera découvrir dans les textes sapientiaux plus tardifs.

 

[3] Le Livre de Baruch, de l’hébreu « Baroukh » qui signifie le « Béni », attribué à Baruch ben Neria, c’est-à-dire l'ami et le secrétaire de Jérémie selon la tradition du Tanakh [Tanakh, est un acronyme : תנ״ך qui désigne la Bible hébraïque contenant la Torah (la Loi ou Pentateuque), les Nevi’im (les Prophètes), les Ketouvim (les Ecrits)]. Ce Livre, qui comporte essentiellement des prophéties qui proviennent de la période de l’exil à Babylone, dont le style et l’éloquence enthousiasmèrent Jean de La Fontaine (1621-1695), est un apocryphe que l’ont dit être du début du VIe siècle avant J.-C., mais qui ne fut sans doute rédigé que vers le IIe siècle, évoque, en quelques passages intéressants, la figure de la Sagesse, et nous montre sa place significative dans la pensée du judaïsme ancien :  « … Tu as délaissé la source de la Sagesse. Si tu avais suivi le chemin de Dieu, tu habiterais dans la paix pour toujours. Apprends où est le discernement, où est la force, où est le savoir pour connaître en même temps où sont la longévité et la vie, où sont la lumière des yeux et la paix. Qui a trouvé la résidence de la Sagesse et qui est entré dans ses trésors? […] La Sagesse c'est le livre des commandements de Dieu c'est la Loi qui existe pour toujours; tous ceux qui s'attachent à elle iront à la vie, mais ceux qui l'abandonnent mourront. Retourne-toi, Jacob, et saisis-la; fais route vers la clarté, à la rencontre de sa lumière. »  (Baruch 3, 12-15 ; 4, 1-2).

 

[4] « Sapientia est contemplatio veritatis, pacificans totum hominem, et suscipiens similitudinem. » (Lib. I de Serm. Domini in monte).

 

[5] Irénée de Lyon, Contre les hérésies, II, 30, 9, Cerf, 1985, p. 254.

 

[6] Ibid., III, 24, 2, p. 396.

 

[7] H. Leisegang, La Gnose, Payot, 1971, p. 15.

 

 

 

 

jeudi, 30 octobre 2008

JOSEPH DE MAISTRE : LA PENSEE D'UN ESPRIT PROPHETIQUE

JOSEPH DE MAISTRE : LA PENSEE D’UN ESPRIT PROPHETIQUE

 

 par

Jean-Marc Vivenza

 

 

 

Joseph de Maistre, Œuvres, suivies d’un Dictionnaire de Joseph de Maistre, texte établi, annoté et présenté par Pierre Glaudes, Robert Laffont, Collection « Bouquins », 2007, 1348 p.

 

 

 

 

 

 
 
 
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 Joseph de Maistre (1753-1821) est incontestablement d’actualité, les ouvrages qui lui ont été consacrés depuis quelques années se sont multipliés, et, d’ailleurs, disons-le nettement, cet apparent engouement est un sujet de satisfaction tant le « purgatoire » dans lequel fut injustement placé par certains esprits chagrins le comte chambérien pendant de longues décennies, était à la fois pénible et absurde [1].

 

Maistre se révèle donc aujourd’hui aux lecteurs contemporains qui ont le bonheur de le découvrir comme un grand penseur, nous pourrions même rajouter sans crainte aucune, tant cela ne fait plus l’objet de contestations sérieuses, un véritable « maître » dans divers domaines qui, très souvent, dépassent largement le champ par trop étroit de la littérature. Ainsi la politique, la philosophie, la religion, l’illuminisme, apparaissent comme relevant directement, et pleinement, de l’horizon impressionnant des préoccupations intellectuelles de l’auteur des Soirées de Saint-Pétersbourg, il suffit simplement pour s’en apercevoir de se pencher un instant sur ses textes heureusement de nouveau édités, splendides à plus d’un titre et servis par une langue magnifique, pour constater  l’extrême pertinence et la singulière originalité des thèses développées par l’austère prophète chambérien.

 

La sortie récente (mars 2007), aux éditions Robert Laffont dans la collection « Bouquins », d’une anthologie des œuvres principales de Joseph de Maistre (Six paradoxes à Mme la marquise de Nav… ; Les Considérations sur la France ; Sur le Protestantisme ; Essai sur le principe générateur des constitutions politiques et des autres institutions humaines ; Les Soirées de Saint-Pétersbourg ; Eclaircissements sur les sacrifices) anthologie accompagnée d’un riche et fort utile appareil de variantes et de notes (pp. 843-1113), ainsi que d’un utile  « Dictionnaire » à la rédaction duquel participèrent deux spécialistes autorisés de la pensée maistrienne, Jean-Jouis Darcel et Jean-Yves Pranchère, le tout établi sous la direction de Pierre Glaudes à qui l’on devait déjà  la précieuse réédition du Journal inédit de Léon Bloy (Journal inédit I (1892-1895), Journal inédit II (1896-1902), L'Age d'Homme, 1996 - 2000), confirme l’intérêt général qui ne cesse de se manifester autour de Joseph de Maistre et participe bien du nouvel état d’esprit actuel, ainsi que de la croissante curiosité suscitée par ses peu communes positions doctrinales. N’imaginons pas, cependant, par l’effet  d’une excessive précipitation, que Maistre soit devenu, grâce à un mystérieux et surprenant pouvoir dont l’Histoire possède par éminence le secret, un auteur ne suscitant plus à son égard ni suspicion, ni rejet. Comme le souligne Pierre Glaudes, et ce dès les premières lignes de son Introduction générale : « La postérité a retenu de Joseph de Maistre qu’il a été l’un des plus fermes partisans de la contre-révolution. Ses adversaires l’on peint sous les traits d’un doctrinaire sectaire, d’un champion de l’ordre et d’un pourfendeur des idées nouvelles. Dénonçant ses sophismes et ses paradoxes, ils n’ont vu en lui qu’un ‘‘bourreau d’idée’’ dont l’autoritarisme préfigurerait les idéologies totalitaires du XXe siècle. » (p. 7).

 

 

 

Un adversaire résolu de la pensée des Lumières

 

On le constate, le ton est rapidement donné, et l’on ne peut pas dire que soit éludé dans cette présentation liminaire ce qui serait de nature à fâcher, voire déranger. D’ailleurs loin de vouloir nier la réalité de cette image d’écrivain « sulfureux » qui poursuivit longtemps Joseph de Maistre, le lecteur non averti serait même plutôt conforté dans ces éventuels jugement aprioriques par les propos de l’Introduction : « Ce portrait, poursuit Pierre Glaudes, que plusieurs études récentes ont nuancé, il est vrai, comporte une part de vérité ; adversaire résolu de la pensée des Lumières, Maistre développe, en réaction, une philosophie de l’autorité qui peut légitimement révolter une conscience moderne. Que pense-t-il de la Déclaration des droits de l’homme dont on fait généralement honneur à la France ? en identifiant les intérêts nationaux à ceux du genre humain, observe-t-il, les révolutionnaires français ne se sont pas élevés à l’universalité d’un principe unificateur : ils ont surtout dévoilé les potentialités funestes d’un impérialisme portant en lui les germes de la Terreur. Et que dit-il de la souveraineté du peuple, qui fonde la démocratie ? Maistre dénonce les illusions de l’égalitarisme que démentent, dans l’exercice effectif du pouvoir, les prérogatives dévolues à une caste de nouveaux privilégiés : selon lui, le régime représentatif, en remettant le pouvoir réel entre les mains de quelques élus, est un système qui conduit inévitablement à l’oppression du plus grand nombre. » (pp. 7-8). Ceci est joliment dit et, par ailleurs, tout à fait conforme aux vues pour le moins radicales du comte en la matière, sans pour autant prétendre épuiser la vigueur de l’étendue de ses griefs à l’encontre des Lumières, puisque Pierre Glaudes n’hésite pas, quelques lignes plus bas, à affirmer : « On pourrait prolonger ad libitum la démonstration : sur l’éducation, sur la condition féminine, sur la peine de mort, Maistre heurte de front l’opinion dominante de notre temps. Il ne faut pas s’en étonner. Son œuvre développe une pensée cohérente qui se cristallise autour d’une conviction fondatrice : la philosophie des Lumières, dans le prolongement de la Réforme, porte en elle ‘‘un esprit d’insurrection’’ qui attaque à la manière d’un acide toutes les souverainetés et constitue, comme tel, une menace mortelle pour la société. Il faut donc combattre cette philosophie, en lui opposant une réhabilitation du principe d’autorité sous ses différentes espèces : autorité métaphysique du Créateur qui est à l’origine de toutes les institutions humaines ; autorité politique du monarque dont le pouvoir, légitimé par la tradition, manifeste le gouvernement temporel de la Providence ; autorité spirituelle du souverain pontife que Dieu assiste pour lui conférer l’infaillibilité en matière de dogme. » ( p.  8).

 

Les principes programmatiques des conceptions politico-religieuses maistriennes et son vigoureux attachement à la notion d’autorité ainsi clairement présentés, restait donc à expliquer les raisons justifiant une réédition des œuvres maîtresses d’un auteur à l’évidence si contraire aux idées dominantes de notre morne et frileuse époque où triomphent, précisément, les « valeurs » des Lumières violemment dénoncées par Maistre. L’exercice étant, il est vrai, un peu risqué, Pierre Glaudes, qui juge sans doute, par prudence, nécessaire de qualifier d’ « intempestifs » les propos de Joseph de Maistre, illustrant « un système politique et religieux aujourd’hui désuet », convoque, en tant que témoins de moralité, la longue suite des admirateurs et des adversaires intelligents souvent ouvertement séduits et fascinés par la haute figure du royaliste savoisien, ceci afin de nous délivrer quelques secourables justifications afin de répondre à l’angoissante question incisive qui doit, à l’évidence, tourmenter dans leur sommeil les pieux dévots du conformisme idéologique : « Quelles raisons a-t-on de lire Maistre au début du XXIe siècle, quand on n’est pas un ‘‘affreux réactionnaire’’ ? »

 

Apparaissent de la sorte, à la faveur de l’évocation de leur nom, Cioran, Steiner, Barthes, Valéry, aux jugements déjà bien connus, auxquels viennent discrètement s’adjoindrent les disciples directs et inconditionnels de l’œuvre, qui auraient d’ailleurs dû, si le « politiquement correct » pesait un peu moins dans ce genre d’exposé convenu, être sollicités en priorité du point de vue de la chronologie raisonnée des authentiques héritiers de la pensée maistrienne : Bonald, Blanc de Saint-Bonnet, Donoso-Cortés, Mgr Gaume ou Louis Veuillot. S’il était difficile de ne pas y adjoindre Barbey d’Aurevilly et Bloy, ou encore Baudelaire, tous les trois effectivement cités, on regrettera cependant un survol si rapide des liens unissant Maistre à Ballanche, Lamartine ou Lamennais, ainsi que le superficiel examen de son rapport, bien que paradoxal, à Maurras (qui restera toujours hermétique à la perspective métaphysique de l’auteur des Soirées), Proudhon et Auguste Comte, sachant tout de même que, pour tempérer ce traitement éclair, tous ces auteurs font l’objet d’entrées très bien documentées à l’intérieur du Dictionnaire situé en fin de volume.

 

Une étrange distance à l’égard des sources initiatiques de l’œuvre maistrienne

 

Au titre de ce panorama constitué de personnalités très diverses, s’étonnant d’une si large et dissemblable postérité qu’il qualifie de « bigarrée », Pierre Glaudes est obligé de convenir que le catholique ultramontain, l’indéfectible défenseur de la papauté, le lecteur admiratif du chanoine Pierre Charon (1541-1603) qui fustigeait l’esprit de la Réforme tout en insistant sur l’impuissance de la raison à « saisir la transcendance divine », le réactionnaire intransigeant, « n’en conserva pas moins toute sa vie des sympathies pour l’illuminisme maçonnique, qu’il aura tendance à dissimuler à mesure que se durcira sa philosophie de l’autorité. Rompu depuis sa jeunesse aux spéculations des théosophes et des mystiques, il se laissera suffisamment contaminer par leur influence pour s’engager assez loin sur des chemins hétérodoxes. En témoigne son rêve millénariste de réunion des Eglises, d’instauration d’un ‘‘christianisme transcendantal’’ et d’édification d’une nouvelle Jérusalem, qui consacrerait l’avènement d’un homme régénéré par le Saint-Esprit. (…) Inévitablement, son inclination pour de telles recherches l’amène à prendre quelques libertés avec la théologie officielle de l’Eglise, comme le montre sa dette à l’égard d’Origène, dont il emprunte la théorie des deux âmes et l’idée de ‘‘rédemption diminuée’’ que les hommes obtiendraient par leur sacrifice, en imitant le Christ. Ces références hétérodoxes lui permettent de fonder une religion de l’expiation et de la souffrance, où la mort du Fils de Dieu devient l’illustration emblématique d’une loi cosmique. Adam ayant entraîné le monde entier dans sa Chute, ce ne sont pas seulement les hommes, mais tous les êtres vivants qui doivent être rachetés.» (pp. 13-15). Ces propos sont tout à fait conformes à la pensée maistrienne, mais, dès lors, nous ne pouvons nous empêcher, à ce stade de notre recension, de soulever un problème de nature fondamentale que nous formulerions volontiers ainsi : pourquoi, alors que sont parfaitement perçus, et admis, les larges emprunts effectués par Maistre aux thèses de l’illuminisme mystique, s’en tenir dans la présentation générale de cette réédition, puisque chacune des oeuvres fait l’objet d’un exposé préliminaire sous la forme d’une introduction, à un discours si peu attentif aux données significatives qui permettraient véritablement, à notre avis, d’en expliquer l’origine et le sens  ?

 

Cette absence d’examen approfondi des sources est si problématique, que l’on relève même des approximations vraiment inacceptables pour ce type d’édition, principalement au sein de certaines entrées du Dictionnaire traitant des différents aspects de l’illuminisme [Franc-maçonnerie, Illuminés, Saint-Marttin, Willermoz, etc.]. Nous en voulons pour preuve, outre l’absence parfois regrettable d’harmonisation des patronymes [Martinez de Pasqally (p. 1279) ; Martinès de Pasqually (p.1309) ], cette phrase extraite de l’article consacré à Louis-Claude de Saint-Martin (1743-1803), dont il était effectivement judicieux de mettre en évidence l’énorme influence qu’il exerça sur Maistre : « Son entrée dans la maçonnerie mystique du Rite Ecossais Rectifié, en 1778, initia Maistre à la doctrine ésotérique de Martinez de Pasqually et de son principal disciple, celui que, dans les Soirées de Saint-Pétersbourg, Maistre appelle, ‘‘le plus instruit, le plus sage et le plus élégant des théosophes modernes’’, Louis-Claude de Saint-Martin. » (p. 1279). Or il convient de rappeler que loin « d’entrer » dans la franc-maçonnerie dite « mystique » en 1778, alors qu’il était déjà initié depuis peut-être 1770 ou 1772 à Turin, et sûrement 1774 année de sa réception au sein de la maîtresse loge chambérienne Saint-Jean des Trois Mortiers, loge créée en 1749 par Joseph de Bellegarde marquis des Marches, rattachée à la Grande Loge de Londres, dont il ne tarda pas à devenir l’Orateur, c’est dès 1776, et non pas en 1778, ce qui, entre parenthèses, montre le caractère extrêmement précoce de sa démarche, le 6 novembre exactement, qu’il se rendit à Lyon accompagné de Jean-Baptiste Salteur, et d’Hippolyte Deville de la Mulatière, pour y rencontrer Jean-Baptiste Willermoz (1730-1824), le chef de file de la Réforme écossaise lyonnaise et le dirigeant de la IIe Province d’Auvergne de la « Stricte Observance Templière » [2]. Ce type d’erreur est d’autant plus inexcusable, que lorsque sont plus loin cités à l’intérieur d’une autre entrée, Jean Rebotton, et surtout Antoine Faivre fin connaisseur en ces sujets, on retrouve alors des renseignements exacts : « En 1776, il [Maistre] se rendit à Lyon pour se faire initier aux hauts grades et ‘‘s’instruire à la source, de cet illuminisme dont il espérait de profondes révélations religieuses’’.» (p. 1310).

 

Bien sûr nous ne pouvons que souscrire à l’effort que représente l’écriture de ce Dictionnaire, et louer sans réserve l’effective valeur des nombreux renseignements qu’il comporte qui seront d’une aide précieuse pour le lecteur contemporain et le chercheur éclairé, mais que signifie, par exemple, cette idée exprimée par Jean-Louis Darcel dans l’entrée [Franc-maçonnerie], c’est-à-dire qu’il existerait une « surévaluation » par les « initiés » de l’œuvre maistrienne, « au point que celle-ci a pu faire l’objet d’une lecture ésotérique concurrente de la lecture exotérique du non-initié » (p. 1183), alors même que, bien que ne nous ne comprenions pas très bien ce que peut concrètement signifier et représenter une « lecture ésotérique » de Maistre « concurrente » de l’exotérique,  l’essentiel de son œuvre, comme il apparaît aisément à l’étude attentive, qu’on en accepte ou non l’évidence, est néanmoins, de façon indiscutable, une traduction ingénieuse, certes en mode littéraire mais cependant positivement perceptible, des principaux thèmes de la doctrine glissée par Jean-Baptiste Willermoz, dite de la « Réintégration » et énoncée par Martinès de Pasqually,  doctrine éminemment présente au sein des structures maçonniques dans lesquelles Maistre bénéficia, dès l’âge de 23 ans, d’un enseignement inattendu d’une nature exceptionnelle qui transforma radicalement sa vision des choses, ouvrit son intelligence sur bien des sujets dont il n’avait jamais eu  l’idée auparavant et qui deviendront, à terme, le canevas principal de sa réflexion future, tout en formant profondément et durablement son jeune esprit.   

 

 L’imminence des « grands événements »

 

Cela est si vrai d’ailleurs, que dans ses lignes introductives aux Soirées, Pierre Glaudes reconnaît : «  Maistre n’a manifestement rien oublié du style maçonnique (…) la conversation procédant à la façon d’une maïeutique, pousse dans la voie de l’accomplissement spirituel (…). La conversation dans les Soirées, a donc valeur d’initiation, et il faut sans doute en conclure que le livre lui-même est pour le lecteur l’occasion d’un parcours initiatique, à condition qu’il sache déchiffrer les ‘‘hiéroglyphes’’ dont le texte est parsemé. » (pp. 436-437). On est donc singulièrement surpris de voir Pierre Glaudes déclarer en conclusion de son Introduction générale : « Cette édition, n’a finalement d’autre objet que de prolonger l’intuition aurevilienne. La gloire de Maistre n’est pas dans son ‘‘système’’ de pensée : elle est dans les tensions paradoxales de son entreprise intellectuelle » (p. 18). Cette intention n’est pas blâmable, bien au contraire, mais cependant passablement limitée et « périphérique » pensons-nous, par rapport à ce qu’offre comme possibilités réelles les richesse de ce fameux « système » de pensée, qui n’a d’ailleurs de « système » que le nom, puisqu’il n’est, en fait, que la traduction, en un style splendide, des thèmes les plus importants et des vérités centrales de la doctrine de l’illuminisme mystique du XVIIIe siècle [3].

 

Conclusion

 

Pour nous résumer, nous pouvons considérer que le lecteur tirera donc grand profit de l’approche directe et immédiate des textes qui figurent dans cet ouvrage (on pourra à ce sujet s’étonner, à bon droit, du choix ayant consisté à publier dans cette anthologie, même pour un motif d’ordre chronologique, un texte de circonstance, à savoir les Six paradoxes à Mme la marquise de Nav,  (1795) alors que n’y figurent pas, fussent en de courts extraits, les Lettres d’un royaliste savoisien à ses compatriotes, (1793), ou un écrit évidemment plus tardif, comme les Lettres à un gentilhomme russe sur l’Inquisition espagnole, (1816), qui possèdent un nombre de pages à peu près équivalent à celui des Six paradoxes, mais étaient, en revanche, d’un intérêt autrement supérieur), de manière à ce qu’il puisse par lui-même, après les avoir longuement médités et patiemment mûris, bâtir son propre jugement et, nous l’espérons du moins, ressortir, pour peu d’ailleurs qu’il soit vraiment envisageable d’imaginer une indifférente distance d’avec la pensée maistrienne, avec la certitude que l’auteur de ces pages à l’extraordinaire profondeur , souhaite apparaître, « par personnage interposés », « celui qui proclamera, pour les temps modernes, l’imminence de ‘‘ces grands événements’’ que ‘‘l’esprit prophétique’’ a prédits depuis longtemps à l’humanité » (p. 437), ce dont le comte Joseph de Maistre ne doutait pas un seul instant, écrivant dans le 5e Entretien des Soirées : « je suis persuadé que les véritables intentions d’un écrivain sont toujours senties, et que tout le monde leur rend justice ».

 

Formulons donc le vœux que cette édition, qui regroupe pour la première fois en un seul ouvrage les principaux textes de Maistre, contribue à faire entendre, en rendant justice à ses « véritables intentions », la voix prophétique de celui qui déclarait  : « Il faut nous tenir prêts pour un événement immense dans l'ordre divin, vers lequel nous marchons avec une vitesse accélérée qui doit frapper tous les observateurs. Il n'y a plus de religion sur terre: le genre humain ne peut demeurer dans cet état. Des oracles redoutables annoncent d'ailleurs que les temps sont arrivés. » (Soirées, 11e Entretien).

 

 

Notes

 

 

[1] Citons, parmi les récentes parutions :

 

-          Joseph de Maistre, « Les Dossiers H », sous la direction de Philippe Barthelet, l’Age d’Homme, 2005.

-          Compagnon, A., Les Antimodernes, de Joseph de Maistre à Roland Barthes, Gallimard, 2005.

-          Boncompain, C. et Vermale, F., Joseph de Maistre, Le Félin, 2004.

-          Pranchère, J.-Y., L’Autorité contre les Lumières, la philosophie de Joseph de Maistre, Droz, 2004.

-          Vivenza, J.-M., « Qui suis-je ? » Maistre, Pardès, 2003.

-          Matyaszewski, P., La Philosophie de la société, ou l’Idée de l’unité humaine selon Joseph de Maistre, Redakcja Wydawnictw Katolockiego Uniwersytetu Lubelskiego, 2002.

-          Lafarge, F., Le Comte Joseph de Maistre, Itinéraire intellectuel d’un théologien de la politique, L’Harmattan, 1998.

 

[2] Si l’on veut être vraiment précis en ces domaines qui exigent un minimum de sérieux en raison de la place et du rôle important qu’y occupa Joseph de Maistre, 1778 correspond à la création, par Maistre et ses « amis », le 4 septembre, de la loge La Sincérité qui tiendra sa première tenue le 24 septembre. A ce sujet, on ignore si Willermoz est venu en personne consacrer cette nouvelle loge, mais ce qui est certain c’est que son frère, Jacques-Antoine, était présent et fera part aux lyonnais du désir de connaissance qu’il a rencontré chez les frères chambériens : « avides de précisions sur les textes de la Réforme, le pressant de questions souvent embarrassantes. »

 

[3] Dans une lettre du 11 décembre 1820 à Guy-Marie Deplace, donc bien des années après sa prétendue « erreur de jeunesse » qui l’amena à côtoyer les principales figures de l’illuminisme maçonnique de son époque, faisant ainsi la démonstration d’une remarquable fidélité à ses sources initiatiques, Maistre disait, s’agissant du textes des Soirées, qu’il était : « un cours complet d’illuminisme moderne ».